Le héros de Franquin tient une bonne place au panthéon du cyclisme en BD
C’est le même rituel chaque mois de juillet, et chaque mois de juillet je me réjouis de retrouver paysages verdoyants, traits tirés et casaques chamarrées dans la petite lucarne : le Tour de France bat son plein ! Pendant trois semaines, c’est la grande communion au bord des routes de l’hexagone, les exploits et les désillusions, les arrivées triomphales et les chutes vertigineuses, se succèdent. Et les gendarmes viennent ajouter une touche de dramaturgie supplémentaire en arrêtant de temps en temps un coureur suspecté de dopage. Le Tour de France, c’est la vie, et même un peu plus que ça.
Quoi de plus naturel que la bande-dessinée, avec un tel vivier d’histoires à raconter, se soit très tôt penchée sur le cyclisme? A l’instar d’autres sports comme le football (sur lequel je m’étais penchée ici) ou les sports automobiles avec un Michel Vaillant, le cyclisme compte lui aussi ses bandes-dessinées épiques et un peu premier degré (comme La Prodigieuse Épopée du Tour de France). A fortiori parce que le vélo est un sport très populaire, la BD ne pouvait pas manquer son rendez-vous avec le cyclisme. Les Pieds-Nickelés au Tour de France, sorti en 1956, peut apparaître comme l’exemple parfait de ce rapprochement entre deux cultures immensément populaires, à tous les sens du terme, qu’étaient le cyclisme et la bande-dessinée dans les années 1950. C’est aussi un exemple typique de BD à gags, genre privilégié quand le neuvième art s’intéresse au cyclisme (les séries Les Cyclistes, Vélo Maniacs, ou la BD officielle du Tour co-scénarisée par Laurent Jalabert).
Gaston a-t-il inspiré Cancellara?
Mais une fois de plus, c’est à Franquin que l’on doit probablement les meilleurs gags sur le Tour de France. Avec son héros Gaston Lagaffe, c’est sans doute le dessinateur qui a le mieux saisi l’âme du Tour de France: c’est à dire un éloge commercial à la France profonde. Pour une publicité pour une marque de piles (rebaptisée ensuite “Bidule” dans le dix-neuvième album, la dernière parution autorisée par la famille de planches inédites), il met en scène Gaston dans plusieurs situations, dont plusieurs planches où notre héros aux espadrilles est sur un vélo. Là, évidemment, Gaston, sans effort, bat tous ses adversaires. Son secret: des petites piles dans le cadre du vélo, tellement puissantes qu’il n’a même plus besoin de pédaler.
On ne saura jamais si ce stratagème a inspiré le coureur suisse Cancellara, qui fut un temps soupçonné d’utiliser un vélo électrique (ce qui est évidemment interdit, rappelons le à nos amis béotiens).
Dans ces quelques planches Franquin saisit toute l’âme du tour, entre foule le long de la route qui acclame, surprésence de la “réclame” – ah la caravane du tour qui file derrière pendant des kilomètres et des kilomètres – et petits coureurs filous qui dépassent tout le monde.
Mais Franquin sait aussi se faire bien plus sombre quand il évoque le cyclisme. Parmi ses fameuses Idées Noires, l’auteur a consacré une de ses meilleures saynètes sordides au vélo. Dans un critérium quelconque, un coureur de queue de peloton lâche ses dernières forces dans une bataille qu’il sait d’ores-et-déjà perdue. La langue pendante, la sueur qui perle à grosses gouttes, il continue de pousser mécaniquement sur ses pédales alors que le peloton est déjà loin. Don Quichotte de la petite-reine contre les moulins-à-vent de la route.
Heureusement semble arriver le salut avec la voiture-balais, ce fameux véhicule qui récupère les coureurs qui se retrouvent hors-délais. Et tant pis si elle a des allures de corbillard…
Le coureur finira, on s’en doute, dévoré par les terrifiants extra-terrestres mangeurs de cyclistes. Ironie suprême, ils critiquent eux-aussi le dopage parce qu’il nuit aux qualités gustatives de leurs proies à pédales. C’est peut-être pour cela qu’ils s’attaquent à la queue de course, où l’on retrouve plus probablement les coureurs “propres“. En tous cas si j’étais lâchée dans une ascension sur la route du Tour, j’y regarderai à deux fois avant de monter dans la voiture balais…
Laureline Karaboudjan
Illustration : l’un des nombreux objets dérivés Gaston, DR.
Certes, vous avez mis en avant Gaston Lagaffe, le personnage mythique de Franquin, mais merci d’avoir mis en avant ces chefs d’oeuvres graphiques que sont les “Idées Noires” ! ^^
Bonjour
d’accord avec jo. c’est sans doute la meilleure bd que j’ai jamais lue. c’est çà le problème quand on commence par Franquin et le meilleur : le reste, c’est du peloton de seconds couteaux
petit détail : le n°61 a plusieurs fois été par des coureurs qui gagnaient leur premier tour de France : merckx, thevenet (m’enfin, je crois)
n’oubliez pas les “idées noires”.
bye
@ acteur : non, c’est le 51, mais à un boyau près c’était bon! 🙂