Une super-héroïne contre la Camorra

Violet

Violet, une super-héroïne italienne défie la mafia napolitaine. Mais galère (du coup?) à trouver un éditeur.

On ne parle que d’elle, depuis quelques jours, dans le petit monde de la BD italienne. Elle, c’est Violet, une super-héroïne blonde, masquée, aux accoutrements violets (qui lui donnent son nom, bah oui) et dont le passe-temps favori est de combattre le crime organisé (ce qui est le boulot récurrent d’un super-héros, même en Italie). Elle n’officie pas à Florence, comme pourrait le laisser penser la couleur de sa tenue, mais à Naples, le repaire de la Camorra, l’une des mafias les plus puissantes au monde (il y a plus de boulot là-bas).

Âgée de 23 ans, la super-héroïne traîne déjà une histoire bien lourde derrière elle. Orpheline depuis que ses parents se sont fait tuer parce que son père a voulu raccrocher du trafic de drogue, elle a été enlevée et prostituée par le parrain local. Puis, elle est utilisée comme cobaye pour une nouvelle drogue. Mais, alors que la substance tue les autres “testeurs“, il donne au contraire des super-pouvoirs à Violet, qui réussit à s’enfuir. Depuis, elle en veut un tantinet à la mafia…

Violet est la création de Marius, de son vrai nom Mario Lucio Falcone, un auteur italien de 28 ans originaire d’Aversa, une ville proche de Naples. “Le personnage est né presque par accident, confie-t-il à l’Espresso. Je pensais depuis longtemps créer un super-héros local. Les auteurs américains utilisent comme toile de fond pour leur travail  New York ou d’autres villes, les Japonais Tokyo. Mon choix s’est porté sur Naples: si ce n’était pas là, où d’autre?

La capitale de la Campanie est aisément reconnaissable dans les planches de Marius, donc Violet est, en quelque sorte, la sainte-patronne. J’ai pensé à un personnage réaliste, meurtri par la vie, avec toutes les difficultés que peuvent rencontrer les filles de son âge aujourd’hui, reprend Marius. J’ai voulu me concentrer sur un personnage féminin, parce que la femme à Naples a une place centrale, plus forte: celle de femme, mère, épouse. Elle est la plus à même de lutter contre la Camorra“.

La mafia,capable de l’empêcher de paraître?

Si elle fait tomber des mafieux à la pelle, Violet mène un autre combat, bien plus dur: trouver un éditeur. Le personnage est en compétition pour un concours de la Stan Lee Fondation (où concourt aussi un certain Slate!), ce qui pourrait lui assurer du succès outre-Atlantique. Car ,pour l’instant, Violet n’a pas réussi à percer en Italie. Le dessinateur explique qu’il y a bien eu un éditeur intéressé, mais qu’il s‘est retiré sans donner de raisons. Le journaliste de l’Espresso y entrevoit la main de la Camorra et interroge le dessinateur sur le sujet. Je ne sais pas. Mais plus plus on parle du mal, plus on le combat et plus il y a de chances de gagner la guerre.

La Camorra, gênée par l’éventuelle publication d’un comic? Il ne faut peut-être pas exagérer. Violet, ce n’est pas Gomorra de Roberto Saviano, qui pour le coup est une vraie enquête, sourcée et où figurent surtout des noms précis. De quoi valoir des menaces de mort à son auteur. Pour la BD de Marius, la réalité est probablement plus triviale: elle n’a pas le niveau.

Sur son blog, le scénariste de BD Stefano Ascari note ainsi : “Il y avait un éditeur qui a reculé. Son des violons. Peut-être parce effrayé par les menaces de la criminalité organisée? Nous pouvons sortir de la métaphore? “Violet” n’est pas une bande dessinée publiable. Le niveau technique est celui d’un produit moyen de fanzine, la conception est incertaine… […] Il y a des projets beaucoup plus professionnels qui sont sans éditeur sans qu’il n’y ait d’ingérence de la criminalité organisée“. Stefano Ascari explique ne pas vouloir éreinter l’auteur mais plutôt le journaliste de l’Espresso. Et de saluer en introduction de son billet le courage de la BD, en dépit de ses maladresses : “Le plus grand respect pour Marius, le jeune dessinateur d’Aversa. Héroïque. dIl m’est arrivé de visiter brièvement la région et pour avoir pu un peu respirer l’air du lieu, cette initiative est effectivement importante. Et courageuse“.

Laureline Karaboudjan

Illustration : Violet, DR.

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Super-héros, nouveaux saints patrons des villes

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Spiderman se balance de gratte-ciel en gratte-ciel à New-York tandis que la Ligue des Gentlemens Extraordinaires s’enfonce en sous-marin dans la Tamise. Improbables guides urbains, les super-héros de bande-dessinée incarnent l’esprit des villes où ils évoluent. Zoom sur New-York, Tokyo, Paris et Londres.

(Aparté: Mes camarades de Megalopolis s’apprêtent à sortir leur troisième numéro, j’ai d’ailleurs réadapté pour eux ma chronique sur la banlieue en BD. Megalopolis, c’est un excellent magazine sur la région parisienne, avec de l’enquête et du grand reportage, qui envisage Paris et sa banlieue non pas comme des espaces cloisonnés mais comme une seule métropole. Si vous êtes francilien, vous pouvez l’acheter en kiosques et si vous êtes un provincial curieux, en pdf sur leur site internet.)

Quand on me parle de métropole, je pense tout de suite à Metropolis de Superman, évidemment. Si on réfléchit un instant, qu’est-ce qui symbolise le mieux une métropole que ses super-héros? Les villes du Moyen-Âge avaient leurs saints-patrons, censés protéger la cité contre les épidémies, les guerres, la fatalité. Dans notre imaginaire contemporain, l’office est rempli par les vengeurs masqués. Dotés de pouvoirs plus ou moins extraordinaires, ils veillent sur la cité. La plupart du temps, ils sont attachés à une ville en particulier, voire à un quartier. Qu’ils soient policiers, justiciers en slip, détectives ou scientifiques, ils sont souvent bien plus que des personnages lâchés dans la ville. Ils sont la ville. Du coup, qu’est-ce que ces personnages nous disent des cités modernes? Tentative de réponse à travers quatre cités protégées, à leur façon, par des héros de bande-dessinées.

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