Sur-représentés en BD, les roux y sont également plus valorisés que dans la vraie vie.
Le saviez-vous? Paul Scholes, le joueur de Manchester United, a décidé de prendre sa retraite. Bon, moi je ne le savais pas, mais je l’ai appris grâce à un article de Plat du Pied Sécurité , le blog de foot de Slate. Et, voyez-vous, bien que je ne suive pas spécialement le foot, ça m’a touchée. Car tout l’article se concentre moins sur les crampons de l’anglais que… sur la couleur de ses cheveux. Avec cette assertion pour le moins rapide : “les roux ne sont pas sexys“. Le hasard de la vie faisant que je suis moi-même rousse, cette phrase m’a fait rire tellement elle est fausse. Mais dans les commentaires, des gens bien plus furieux que moi ont animé le débat. Je vous passe tous les développements mais à un moment, l’auteur de l’article finit par en appeler à mes lumières (?) concernant les roux en bande-dessinée. Dont acte.
Si dans la vraie vie, nous ne sommes pas très bien servis en tant que roux, il en va tout autrement en BD. A commencer par les effectifs. Alors que les roux et rousses ne représenteraient qu’entre 1 et 2% de la population mondiale, on en trouve une tripotée dans les aventures dessinées. Une rafale d’exemples ? Obélix, Spirou, Boule (le copain de Bill), le sergent Chesterfield (des Tuniques Bleues), Jérôme K Bloche, Shanks le Roux (du manga One Piece), Lanfeust, Soda, Mortimer… Et chez les filles, citons par exemple Mélusine, Nadia (la copine de Titeuf) et, bien sûr, Laureline (la compagne de Valérian). Il est évidemment impossible de faire un décompte précis de la proportion de roux comparés aux blonds et aux bruns (sans parler des héros aux cheveux bleux ou verts) dans l’univers de la bande dessinée, mais ils semble bien qu’ils soient bien plus visibles que dans le monde réel.
La fascination du orange
Il ne faut pas chercher bien loin pour comprendre cette invasion de cheveux de feu en BD. La teinte rousse des cheveux, couleur chaude par excellence, est très graphique. Couché sur le papier, un héros roux aura une présence souvent plus forte qu’un équivalent blond ou brun, parce que le orange de ses cheveux attirera plus le regard. Un roux en BD, ça pète, tout simplement. Il est par ailleurs intéressant de noter la largeur de la palette chromatique à disposition des dessinateurs de BD pour représenter la rousseur. Comme le roux est la couleur de transition entre les deux pôles que sont le brun et le blond, de nombreuses déclinaisons sont possibles : depuis les cheveux cuivrés, limite violets, d’un Soda jusqu’au quasi-blond vénitien de Nadia, en passant par le orange carotte de Chesterfield ou de Spirou. Le blond et le brun offrent une gamme de possibilités nettement moins étendue.
Notons pour l’anecdote que cette fascination du roux dépasse les frontières de la BD et peut s’appliquer aux arts graphiques en général. Est-ce pour cela que la photo la plus chère du monde, un cliché de Cindy Sherman vendu aux enchères le 11 mai dernier à New York pour la bagatelle de 2,76 millions d’euros, est un hommage à la rousseur, avec son orange omniprésent ?
Sexy-rouquins
Non seulement les roux sont sur-représentés en bande-dessinée, mais ils ont également très souvent un rôle valorisant. Quand très peu de méchants de BD sont roux (peut-être que j’occulte inconsciemment, auquel cas vous me rafraîchirez la mémoire dans les commentaires), on ne compte plus ceux qui tiennent la tête d’affiche des séries dans des rôles positifs et variés. Mortimer est un scientifique de génie, Matt Murdoch (alias Daredevil) un avocat de talent doublé d’un super-héros redoutable en dépit de sa cécité.
Et, contrairement aux clichés qui collent aux roux, certains sont plus que craquants en BD. Prenons Spirou, Shanks le Roux, Lanfeust ou Soda par exemple, soit, dans l’ordre d’apparition, un aventurier, un pirate, un héro, et un flic qui fait croire à sa mère que c’est un gentil prêtre. Difficile de faire plus sexy pour gagner sa croûte non? De tous, c’est sans doute Spirou qui est le plus célèbre. Il a en quelque sorte légitimé l’idée qu’un héros puisse être roux. Après lui, le boulevard était ouvert. Shanks est une réincarnation de Barbe Rousse dans One Piece. Beau gosse, toutes les filles (dont moi) ont un peu le béguin pour lui. Lanfeust est un peu niais, mais il sauve le monde, puis la galaxie. C’est important, il ne faut pas l’oublier. Quant à Soda, il aime sa maman et porte les Ray-Ban comme personne. Chez les filles, je pourrais déblatérer longtemps sur Laureline, mon homonyme qui parcourt l’espace-temps avec Valérian. Mais une recherche Google images sera bien plus éloquente qu’un inutile paragraphe.
Tout ceci ne doit pas faire oublier que dans la vraie vie, être roux peut tout de même être mal vécu. C’est ce que veut nous raconter Fabrice Erre dans Le Roux, une des seules BD à ma connaissance à aborder cette question frontalement. A travers le personnage de Pierre Leroux, qui comme son nom l’indique a les cheveux oranges, c’est tout le sujet du droit à la différence qui est évoqué. Le héros rouquin, lassé des moqueries, décide de se faire le porte-parole des roux et de revendiquer fièrement sa couleur de cheveux. Quitte à blâmer ses semblables qui s’éloignent du droit chemin. Ou comment on peut devenir intolérant à vouloir trop combattre l’intolérance au point de tomber dans l’affirmation identitaire.
Laureline Karaboudjan
PS: Tintin est-il roux?
Tout tintinophile s’est déjà posé la question: le reporter belge est-il blond ou roux? Selon le site Rousseur.org, notre journaliste préféré est roux. «Des doutes ? Dans plusieurs BD, il apparaît clairement roux même si ce n’est pas flagrant», y explique-t-on de façon un peu nébuleuse. En tous cas, la question est sujette à de grands débats sur YahooAnswer.
Effectivement, selon les albums il est plutôt roux ou blond, question de rendus d’impression sans doute. Mais pour les adaptations en dessin animé, les auteurs avaient plutôt choisi le roux. Ce qui semble d’ailleurs être le cas également pour le film de Jackson et Spielberg (dont la bande-annonce est sortie récemment et m’inquiète grandement). Du coup, je suis perturbée. Je l’avoue, pour moi, il avait toujours été blond. Cela correspondait plus à son profil idéologique et les conséquences néfastes que cela a pu impliquer aux époques les plus sombres de notre histoire. Je termine ma chronique sur les roux avec un point Godwin. Et oui.
Illustration : DR.
Bonus track (trouvée ici) :
La justice a interdit à des parents d’appeler leur enfant Titeuf parce que ce prénom semblait au juge «contraire à l’intérêt de l’enfant». Mais Titeuf n’est pas le seul personnage de bande dessinée dont les parents s’inspirent pour nommer leur progéniture, et la justice ne les en empêche pas toujours, comme l’expliquait cet article en mars 2010.
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De Laureline à Jolan en passant par Astérix, comme le cinéma ou la littérature, la bande dessinée inspire certains parents au moment de nommer leur progéniture.
On connaît tous la blague des parents qui appellent leur fils “Kintis” pour rendre hommage au célèbre acteur américain “Kintis Wood”. Et celle des parents qui appellent leurs jumeaux “Astérix et Obélix”, vous la connaissez? A en croire (sic) ce qu’on peut lire sur le (par ailleurs terrifiant) forum Doctissimo consacré à la natalité, ce n’est pas une blague. Ce n’est même pas étonnant. La bande dessinée devenue un genre culturel dominant peut, à l’instar du cinéma ou de la littérature, servir de réservoir à prénoms pour jeunes parents. Pour le meilleur comme pour le pire.
Bien entendu, là où ça se voit le plus, c’est quand la bande dessinée qui sert de source d’inspiration est très connue et que les prénoms n’existent pas ailleurs que dans cette BD. Ainsi, nos jumeaux Astérix et Obélix auront du mal à cacher à leurs petits camarades de classe que le neuvième art n’est pas à l’origine de leurs noms. Reste à espérer qu’il n’y ait pas un petit blond et un gros roux… Dans une moindre mesure, c’est le cas de Jolan B. Il y a 18 ans, ses parents ont choisi de puiser dans Thorgal pour prénommer leur enfant comme le fils du héros éponyme. Mais à en croire le principal intéressé, l’hommage à la BD n’est pas ce qui frappe les gens : “A vrai dire je connais très peu de personnes qui connaissent Thorgal et ceux qui le connaissent ne font très rarement le rapprochement avec “Jolan” qui n’est au départ que le fils de Thorgal donc peu mis en avant dans les 30 premières BD, ce qui n’est plus le cas après avec le titre Moi, Jolan.” Même s’il confie ne pas ressembler à l’archer blondinet, Jolan B. aime bien son prénom.Le seul truc qui le dérange un peu avec le prénom Jolan, ce sont ses profs qui prononcent pas le J à la scandinave (à prononcer comme un Y, Yolan).
Jolan est l’exemple typique du prénom inventé de toutes pièces par la bande dessinée. D’après Prenoms.com, qui se base sur le répertoire national d’identification des personnes physiques, nulle trace de garçons prénommés Jolan avant 1988. D’ailleurs, Jolan B., né en 1991, fait un peu partie des précurseurs puisque le prénom “Jolan” a connu une explosion au début des années 2000. Autre exemple de prénom inventé stricto sensu par la bande dessinée… le mien! Laureline sonne traditionnel, parce qu’il est issu de la contraction de deux vieux prénoms, Laure et Line. Mais il n’a été inventé qu’en 1967 par Pierre Christin, le scénariste de l’épopée Valérian et Laureline. D’ailleurs, les premiers bambins à s’être fait appeler Laureline l’ont été au tout début des années 1970 Mais la grosse vague date de la fin des années 1980. C’est justement à cette période qu’est née Laureline M., ainsi prénommée par des parents qui ont tous les albums de Valérian et Laureline chez eux. De Laureline, Laureline ne partage finalement que le prénom, car elle se souvient d’un personnage “avec de l’assurance et de la confiance en elle, téméraire, aventurière, séductrice aussi et consciente de ses charmes. Moi c’est tout le contraire!” (je trouve personnellement que pour moi cette description me correspond assez bien). Aujourd’hui, il y aurait près de 2000 Laureline en France, dont la dessinatrice de BD Laurel.
Corentin comme… Corentin
Et puis, il y a aussi les prénoms “normaux”, mais qu’on donne en référence à une oeuvre littéraire. J’ai une amie que ses parents ont appelé “Scarlett” (bon, ok, ce n’est pas si normal que ça comme prénom) en référence à Scarlett O’Hara, l’héroïne d’Autant en emporte le vent. En BD, l’exemple serait d’appeler son fils Jérôme en référence à Jérôme K Jérôme Bloche. Ou Corentin en référence à… Corentin. Les parents de Corentin B., informaticien, ne l’ont, entre autres, prénommé ainsi car “ils ont tous les tomes du Corentin de Cuvelier“. Mais là aussi, le prénom ne prédestine pas le caractère puisque, d’après Corentin B., le Corentin de bande dessinée “a un aspect explorateur qui m’est complétement étranger“. C’est d’ailleurs pour ça qu’il a “toujours préféré la dernière aventure de Corentin, Le Royaume des Eaux Noires, aux autres. Il y est plus sédentaire que dans les autres, il se frotte à la science et en même temps au fantastique sur fond de flirt romantico-tragi-fataliste (Zaïla, quelle femme !) … Tout ceci me correspond plus que le Corentin qui traverse un huitième du monde dans chaque aventure, qui ne faillit sur rien : allant jusqu’à sauver une princesse dans une apparente indifférence vis-à-vis d’elle …“.
Toujours sur Prenoms.com, on peut s’amuser à mesurer l’influence de la bande dessinée sur certains prénoms “traditionnels”. Ou du moins, à le supposer. Est-ce Jacques Martin qui a fait décoller les “Alix” masculins à partir des années 1980? Est-ce la série de science fiction Travis qui a fait doubler le nombre d’enfants à qui on attribue ce prénom depuis 2000? Et la poignée d’Archibald qui vivent en France, ont-ils été nommés ainsi en référence à Archibald Haddock? Autant de questions sans réponses, mais pour lesquelles ont peut tout imaginer… Et vous, si vous deviez donner un nom issu d’une BD à un enfant, lequel choisiriez-vous?
Laureline Karaboudjan
Illustration : Le Fils d’Astérix, par Uderzo
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