Certains font tout pour ressembler à leurs personnages favoris, jusqu’à la chirurgie esthétique ou patrouiller dans les rues. La preuve que l’homme ordinaire et le surhomme ne sont pas si éloignés.
Si Superman s’est souvent demandé s’il voulait être lui-même, d’autres rêveraient de le remplacer. Et comme le costume ne fait pas tout, certains sont prêts à utiliser les grands moyens. Un Philippin de 35 ans, Herbert Chavez, a ainsi annoncé avoir subi plusieurs opérations de chirurgie esthétique pour ressembler le plus possible à Clark Kent, l’alter-égo de Superman. Avec un certain succès si l’on se réfère aux photos de la page Facebook de ce doux dingue dont les traits se rapprochent, effectivement, de plus en plus de ceux du justicier à la cape rouge.
“Je veux être comme lui et je sais que lui ressembler me rendra heureux et satisfait du moment que je ne fais de mal à personne”, écrit notamment Herbert Chavez. Selon l’AFP, “il dit espérer servir d’exemple et montrer que l’on peut réaliser ses rêves, si l’on s’en donne la peine“.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul à aller aussi loin. Plus encore que la fameuse Zahia, une jeune russe ressemble ainsi à s’y méprendre à Barbie. A grands coups de scalpels, la jeune fille singe quasiment parfaitement la célèbre poupée, quitte à faire franchement peur avec son 50 de tour de taille.
Phoenix Jones, lui, n’a pas eu recours à la chirurgie esthétique. Mais cet habitant de Seattle va peut-être encore plus loin que les deux précédents exemples. Costumé comme il se doit, il patrouille en effet dans les rues de sa ville pour combattre le crime. Une démarche qui fait les choux gras des médias locaux et qui amuse les passants, mais qui agace aussi la police, qui craint pour sa sécurité. D’ailleurs, à trop faire le mariole, Phoenix Jones a récemment été arrêté pour avoir aspergé des gens de spray au poivre. Il y a quelques mois, il s’est aussi retrouvé sous la menace d’un revolver…
Il existe en fait des dizaines de ces super-héros de la vraie-vie et chaque grande ville américaine semble avoir son illuminé en costume. Ils ont même un média dédié, Real Life Superheroes, un site Internet qui rassemble leurs faits d’armes et qui regorge de conseils pour créer son propre costume, s’équiper en conséquence, recueillir des preuves ou encore réaliser des acrobaties diverses et variées.
FoxNews a interviewé l’un d’entre-eux qui se fait appeler Razor Hawk. Derrière son masque, il explique que l’essentiel de son activité ne consiste pas à combattre le crime mais à organiser des actions de charité, par exemple auprès d’enfants malades. Toutefois, il patrouille lui aussi dans son quartier, et s’il ne “cherche pas à affronter des criminels”, il est “prêt à le faire si l’occasion se présente”. Concernant l’importance du costume, Razor Hawk explique que c’est avant tout pour marquer les esprits, pour que les enfants puissent s’identifier plus facilement à lui et retiennent ainsi mieux ses conseils.
Du surhomme à madame Michu
Ces exemples d’hommes ordinaires qui se prennent pour des super-héros nous renvoient à la notion philosophique du surhomme. Mais puisque Nietzsche ne connaissait pas Superman, c‘est sans doute Umberto Eco qu’il faut citer pour évoquer ce rapport particulier à la puissance qu’on ne peut avoir. Dans son ouvrage “De Superman au surhomme“, l’érudit italien écrit: “Dans une société nivelée où les complexes d’infériorité sont à l’ordre du jour, dans une société industrielle où l’homme devient un numéro dans le cadre d’une organisation sociale qui décide pour lui, le héros positif doit incarner, au-delà de toute limite, les exigences de puissance que le citadin ordinaire nourrit sans pouvoir les satisfaire“. Et comme la fable, au final, ne devient jamais la réalité, l’homme ordinaire est obligé de se substituer à elle.
Les comics américains ont mis très longtemps à prendre cette dimension en compte. Du super-héros sans peur et sans reproches des débuts on est passé, à partir des années 1960, à des personnages psychologiquement plus complexes. Des faiblesses diverses qui viennent trancher avec l’omnipotence des héros et dont on retrouve peut-être le point culminant dans “Watchmen“, sorti au milieu des années 1980. La BD scénarisée par Alan Moore présente des super-héros déchus et déchirés, qui ne veulent plus sauver le monde car ils ne sont pas parvenus à se sauver eux-mêmes de leur condition.
Mais il a fallu attendre “Kick Ass” en 2008 pour avoir une série à grand succès qui mette en avant des gens ordinaires qui tentent de devenir des super-héros. Dave Lizewski, le geek de dix-sept ans, personnage principal, est extrèmement révélateur de la manière dont la figure du super-héros a évolué. Il n’est plus de sauveur suprême, c’est monsieur et madame Michu qui tentent de sauver le monde. Le tout avec une bonne dose de recul faite d’auto-dérision et de parodie. Paradoxalement, c’est quand le super-héros ne se prend plus trop au sérieux qu’il est le plus adulte.
Kick Ass, Prométhée des temps modernes
Pour Superman, Umberto Eco parle de mythologie et il a bien raison. On retrouve dans l’évolution narrative des comics, une cosmogonie assez semblable à celle des Grecs. Les Dieux arrivent et créent le monde, supérieurs en tout, comme le sont les super-héros. Ils s’affrontent entre eux, et on ne compte plus les déchirures qui traversent les super-héros, et à la fin, ils laissent les humains seuls ou presque. Dave Lizewski est un Prométhée qui doit prendre son courage à deux mains. Dans les deux cas, le mythe, la fiction et la réalité historique se mélangent.
Sur ce point là, les auteurs français ont peut-être eu beaucoup plus d’avance. Comme je le signalais dans un article précédent, le genre du super-héros-Dieu n’a jamais vraiment pris dans l’hexagone. Dieu étant mort chez nous depuis bien longtemps. Nous sommes directement passés à l’humain ordinaire un peu ridicule mais terriblement attachant et à la parodie. Si Superman est l’Amérique, la France est elle Superdupont. A chacun ses mythes…
Laureline Karaboudjan
Illustration de une: extrait de l’album photo public d’Herbert Chavez sur Facebook, DR.
Pierre Elie de Pibrac photographe s’est intéressé a ces vrais super héros américains
http://Www.pierreeliedepibrac.com
J’aime bien la petite référence chauvine en guise de conclusion. Camembert et baguette fraîche !
Ah oui, ses photos sont très jolies en plus. Merci beaucoup pour cette recommandation 🙂
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