La BD n’a pas attendu le drame de Nantes pour regorger d’idées (noires) sur la question.
Le quintuple homicide de la famille nantaise fascine de manière morbide – forcément morbide – la France entière. Le tueur, peut-être le père en fuite qui est toujours présumé innocent rappelons-le, pensait sans doute se donner un délai de fuite plus important en cachant les cadavres sous la terrasse de la maison. Las, ils ont été découverts. La grande question de savoir quel est le meilleur endroit pour cacher un cadavre et, ainsi, réaliser le crime parfait, se pose donc à nouveau. Pistes de réponses avec quelques albums:
– Dans un lac.
Quand la mer est un peu loin, comme c’est le cas à Chicago, le plus simple reste le grand lac tout proche. Si les gangsters ont balancé autant de corps que les films et les BD le suggèrent, depuis le début du XXème siècle c’est un véritable cimetière sous-marin qui doit exister. Quand Tintin va en Amérique, Hergé ne déroge pas au cliché et son héros est jeté dans le lac sans ménagement, et manque d’y rester.
Règle de base: toujours bien attacher et lester la victime, sinon elle risque de se réveiller ou, si elle est bien morte, de remonter très vite – trop vite – à la surface, comme dans l’album Skins Party de Timothé, récit déjanté d’une fête pour ados qui tourne mal, publié par Manolosanctis.
– Dans un trou en forêt.
C’est encore ce qu’il y a de plus classique : pour faire disparaître un corps, rien de mieux que de creuser un trou dans un coin isolé d’une forêt de la grande banlieue parisienne. Dans Brako, une BD du dessinateur Hippolyte adaptée d’un roman d’Hamid Jemaï, des braqueurs doivent se débarrasser des trois employés d’un fourgon de la Brinks qu’ils viennent d’attaquer. Le machiavélique organisateur du hold-up a prévu son coup et creusé un grand trou au fin fond de la forêt de Sénart (Seine-et-Marne), là où le guet-apens a été tendu. Ce que le chef du commando n’avait pas prévu, c’est qu’il finirait lui aussi dans le trou, en compagnie des trois corps, après avoir été trahi par un de ses partenaires.
– A manger aux animaux.
La technique a été popularisée au cinéma par le Père Noël est une ordure, dans lequel les lions du zoo de Vincennes finissent par se régaler d’un cadavre découpé en plusieurs morceaux. On retrouve à peu près la même chose dans la BD de Tardi et de Pennac La Débauche. A la fin de l’album, le tigre du Jardin des Plantes, à Paris, n’a toujours pas retrouvé l’appétit. Jusqu’à ce que son dompteur l’utilise pour accomplir une vengeance bien méritée et lui offre tout crus sur un plateau le couple diabolique de l’histoire. L’album se finit d’ailleurs sur la scène marquante du tigre en train de recracher une alliance.
Autre fin mémorable, celle de cet épisode d’Alix, la Tour de Babel, où des serpents dévorent la tête coupée d’Oribal, un roi parthe ami du jeune gaullois. Comme si c’étaient les serpents de Racine qui étaient passés à l’acte.
Et puis bien-sûr, je ne peux pas oublier Sin City, dans lequel Kevin, un tueur psychopathe, donne le restes de ses victimes à son chien-loup après en avoir mangé lui-même une bonne partie. Evidemment, il finira lui-même par être dévoré par son animal de compagnie.
-Dans une cave.
Dans Mathias, le dernier Jérôme K. Jérôme Bloche, le roux détective se retrouve kidnappé par erreur et enfermé dans une cave où il tombe nez à nez sur le corps d’un truand tout ce qu’il y a de plus refroidi. La cave, ou de manière plus élargie la pièce souterraine emmurée, est un grand classique, notamment des BDs ésotériques. Combien d’albums commencent par la découverte d’un squelette, «le templier qu’on avait jamais retrouvé qui va nous mener au Christ et au trésor perdu mais attention ouhlàlà des anciens nazis sont à nos trousses» ?
– Dans les murs d’un bâtiment.
Plus aboutie, la technique se rapproche de celle utilisée par le tueur de Nantes et son enfouissement de corps sous la terrasse. Bon, bien-sûr, c’est plus facile quand on est doté de pouvoirs surnaturels. A la fin de La Brigade Chimérique, l’excellente série de comics made in France, qui traite métaphoriquement de la montée du nazisme, on découvre comment le Dr Mabuse, le grand méchant de l’histoire, édifie sa gigantesque cité de Metropolis. Les murs des bâtiments sont tout simplement créés à partir des corps de Juifs déportés, qui forment des gargouilles hurlant à la mort. La vision est saisissante et l’évocation particulièrement réussie.
– Dans le désert.
Quoi de mieux qu’une vaste étendue pour abandonner un cadavre? Il n’y a sans-doute pas une série de western sans la découverte, un jour, d’un squelette au milieu des roches et des vautours. Dans l’épisode de Blueberry, La Mine de l’Allemand Perdu, l’ami du héros, Jimmy, est à la recherche d’or embarqué par ce fieffé menteur de Prosit Luckner. Mais sur la route, ils tombent sur un squelette rougi par le soleil, une balle dans l’omoplate. Le crime parfait sans doute. Sauf que dans le plus pur style “Omar m’a tuer”, avant de mourir, la victime a eu le temps de tracer un nom avec son sang sur un rocher… Luckner!
Après quelques rebondissements que je vous épargne, Jimmy se retrouve attaché en plein soleil, vile torture qui vise à le brûler vif. Chez Lucky Luke, on est plus amateur des fourmis et du miel.
– Dans des corned-beef.
Décidément, Tintin en Amérique est un album particulièrement périlleux pour le héros à la houppette. Avant de menacer de finir dans le Michigan, Tintin est invité à visiter l’usine de conserves Slift. Des vaches entières entrent sur des tapis roulants et ressortent en saucisses ou en corned-beef après être passées dans d’énormes broyeurs. Des broyeurs que Tintin va aller voir de plus près…
Heureusement, une grève subite arrête les machines et Tintin s’en sort indemne. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer du mouvement social…
– Dans une oeuvre d’art.
Mais le meilleur moyen de cacher un corps est peut-être de l’exposer aux yeux de tous en le faisant devenir… une oeuvre d’art. Un procédé qu’a expérimenté Han Solo et que Tintin a failli connaître. Car c’est ce que propose Enddadine Akass, un mystérieux artiste gourou, dans l’oeuvre inachevée Tintin et l’Alph-Art. Dans les dernières cases croquées par Hergé avant sa mort, Tintin est menacé de finir compressé façon César. L’album s’achevant à ce moment là, on ne saura jamais ce qui est vraiment arrivé à notre héros, et nous sommes condamnés à rester dans l’incertitude. En quelque sorte, c’est la mort de l’Art… ou l’art de la Mort.
Laureline Karaboudjan
illustration de Une, la Couverture de La Débauche de Tardi et Pennac
«le templier qu’on avait jamais retrouvé qui va nous mener au Christ et au trésor perdu mais attention ouhlàlà des anciens nazis sont à nos trousses» ?
Ou comment résumer la plus grande partie des histoire médiévalo-ésotérico-SF des dernières années…
Sinon c’est marrant que Tintin soit sauvé par une grève, après la critique sociale de Tintin au pays des Soviets. Mais bon, c’est des ouvriers US alors c’est mieux que les cocos.
Niveau bestiole vous oubliez aussi quelques trucs cultes dans le cinéma, du style nourriture aux gorets (Snatch, Hannibal,…)
Salut romain,
Je t’envoie cette page qui devrait te faire sourire.
Je t’écris depuis le sud.
A bientôt,
Jérôme.
En l’empaillant (Psychose)
En le passant au four (Landru)
En le traitant a la chaux vive (Dr Petiot)
En le transformant en pates (Sweemey Todd)
En le maquillant en accidente de la route,
etc,…
Han Solo (dans Star Wars) n’etait pas un “cadavre”
Et pourquoi pas simplement l’incinérer morceaux par morceaux dans le four de la cuisine, et balayer les cendres sous le tapis du salon ? C’est toujours plus original que la terrasse…
Merci Val pour la reference au Christ
“L’ascension” est un moyen tres efficace pour faire disparaitre un cadavre.
On n’a jamais retrouve celui du Christ..
Arthur… Où t’as mis le corps
Qu’on s’est écriés-z-en chœur
– Ben… j’sais pus où j’l’ai foutu, les mecs
– Arthur? Réfléchis, nom de d’là… ça une certaine importance
C’que j’sais, c’est qu’il est mort
Ça, les gars, j’vous l’garantis
Mais, bon sang, c’est trop fort
J’me rappelle pus où j’l’ai mis
– Oh…