Nous célébrons actuellement les 50 ans d’Astérix. A cette occasion, Uderzo, qui ne fait même plus semblant d’avoir des idées, publie un recueil d’histoires courtes sur Astérix et Obélix. Je dois avouer que je n’ai que feuilleté rapidement ce nouvel opus, atterrée par l’absence d’intérêt. Quand j’ai appris que cela faisait cinq ans que le dernier album, “Le ciel lui tombe sur la tête” était sorti, j’ai été également très surprise. Ma blessure devant ce scandale de papier est encore tellement vivace que j’ai l’impression que sa parution date de l’année dernière, ou de deux ans tout au plus.
Mais assez de critiques. Je ne suis pas comme Eric Le Boucher, qui me donne l’impression de connaître très mal la bande dessinée. J’aime beaucoup Astérix. Outre ses histoires, son humour et son côté récréatif, c’est l’une des séries qui dresse l’un des portraits les plus justes de notre société moderne.
Astérix et l’identité nationale
Dans chaque album, Astérix relève avec amour les défauts de nos amis les Français. En cette semaine où nous débattons de l’identité nationale, tout le monde devrait relire Astérix. A ce titre, “Le Tour de Gaule d’Astérix” est une référence absolue. On y constate que les Parisiens… heu, les Lutéciens sont râleurs, particulièrement quand ça bouchonne en centre-ville ou sur la route des vacances. A Nicae, on peut déjà croiser des cagoles sur la promenade des Bretons et à Massilia, on ne refuse pas la tournée du patron, “même quand on est un estranger de Lugdunum”. Invitons aussi Brice Hortefeux, notre ministre de l’Intérieur, à relire “Le Bouclier arverne“, lui qui est si friand d’humour auvergnat. Le peuple des volcans est invariablement bougnat, c’est à dire marchand de vins et charbons et surtout très près de ses chous… heu, ses sous. Quant à “Astérix en Corse“, c’est un florilège. Le Corse est fier et il a le regard perçant. Il a aussi une conception toute particulière du travail – un “gros mot” comme on l’apprend dans l’album. Par exemple, pour cueillir le gui, les druides s’allongent sous les arbres en attendant qu’il tombe. Et, évidemment, il y a dix mille clans différents avec des rivalités ancestrales que plus personne ne maîtrise.
Et puis, il y a toutes sortes de traits qu’on associe volontiers aux Français, synthétisés dans le petit village gaulois. On y mange bien, on y fait la fête et on se castagne pour n’importe quelle raison. Et le village qui résiste encore et toujours contre l’envahisseur, n’est-ce pas cette fameuse “exception culturelle française” ? Ou cet esprit rebelle qui nous fait faire des révolutions à intervalles réguliers ? Chaque personnage du village est un archétype : Ordralphabétix et Cétautomatix sont les petits commerçants idéaux, Abraracourcix l’autorité mégalo mais perpétuellement raillée, Falbala l’élégance française… Et Agecanonix, c’est le symbole du racisme ordinaire quand il déclare dans “Le Cadeau de César” : “je n’ai rien contre les étrangers mais je préfère quand ils restent chez eux”.
lire le billetCe mois d’octobre, c’est un peu la folie des anniversaires dans le monde de la BD. Il y a bien sûr celui d’Astérix, sur lequel je vais revenir dans une prochaine chronique. Mais il y a aussi celui du journal Pilote, où officiait René Goscinny, qui est né il ya pile 50 ans aujourd’hui. C’est donc le 29 octobre 1959 qu’est paru le premier numéro de ce journal qui fut longtemps hebdomadaire, avant de passer en mensuel jusqu’en 1989. A l’occasion de ces 50 ans, la galerie Slomka, à Paris, présente une exposition temporaire consacrée aux artistes ayant publié dans Pilote et évidemment, j’y ai traîné mes guêtres.
Une cinquantaine d’oeuvres sont visibles, originaux de planches, de couvertures ou simples dédicaces d’auteur. C’est proprement foisonnant : Gotlib, Tabary, Uderzo, Morris, Gibrat, Pétillon, Godard, Moebius ou Franquin, tout le monde est là! Et on est frappé par la diversité de styles qui a pu s’exprimer dans Pilote, certains grotesques, d’autres plus réalistes. Logique: bien plus que Tintin ou Spirou, “Pilote était un journal qui parlait aux enfants comme des adultes, et qui parlait aux adultes tout court. Une vraie révolution” selon Sarah Topolanski, gérante de la galerie. “C’est un journal mythique, tout les plus grands y sont passés et quand on voit l’exposition, on reconnaît, qu’on soit petit ou grand, des personnages de bande dessinée“. Ici c’est Iznogoud, là c’est Astérix, plus loin l’inspecteur Palmer…
Comme on est dans une galerie, la plupart des oeuvres présentées sont à vendre. Ca va de 500€ pour une planche en noir et blanc de Tabary à 18 000€ pour un Blueberry en couleurs par Moebius. C’est hélas bien au-delà de ma pauvre bourse, reste le “plaisir des yeux”, comme on dit dans les souks marocains. Par contre j’ai de quoi m’acheter Pilote car le journal n’est pas complètement mort puisqu’il sort maintenant en one-shot. L’an dernier c’était un numéro spécial Mai 68 qui avait été édité et cette année, le journal a rendu hommage à l’érotisme en BD pour un numéro spécial 69. Avant, qui-saît, de connaître de nouveau un publication régulière…
Laureline Karaboudjan
lire le billetJ’inaugure une nouvelle rubrique: “Vu dans la rue”. Je tombe souvent, dans la rue ou en boutiques, sur des coups de cœurs improbables. Je ne parlerai jamais évidemment du dernier ZEP sorti (à moins de l’avoir trouvé dans la rue justement!), c’est plus pour les vieilleries rigolotes. Et justement, en voici une première.
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Dimanche dernier, brocante le long du Bassin de la Villette, à Paris. Vraiment rien d’intéressant sauf sous un tas de livres foutraques, le “Who’s who in Star Trek?” Publié par DC Comics en 1986, il recense tous les principaux personnages de la série, avec un dessin et des notes explicatives, un peu rébarbative. C’est surtout son parcours qui m’intéresse. Comment ce titre en anglais, sans doute jamais diffusé en France à l’époque, est arrivé sur cet étal pourri ? Combien de mains avec la grippe A l’ont-il manipulé ?
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Pourquoi il ne faut pas attendre grand chose du film Lucky Luke
Autant le dire tout de suite : je n’ai pas vu le nouveau Lucky Luke et j’ai au moins une chance sur deux de me planter avec un titre pareil. Parce que Lucky Luke sera peut-être vraiment bien, parce que Jean Dujardin, parce que teasing péchu, belle affiche, tout ça, tout ça. N’empêche, si on regarde empiriquement les adaptations de bandes dessinées, a fortiori francophones, au cinéma, il y a de bonnes raisons d’avoir peur. De “Blueberry” à “Michel Vaillant” en passant par… “les Dalton”, justement, nombreux sont les films tirés de BD que l’on a bien vite oubliés. Peut-être pour mieux rouvrir les albums originaux. De fait, que la qualité soit là ou pas, la bande dessinée est depuis longtemps adaptée au cinéma. C’est le cas depuis longtemps, dès les années 1930 avec “Bécassine”, beaucoup dans les années 1960 avec par exemple “Tintin et le Mystère de la Toison d’Or” (encore un bon navet, d’ailleurs), mais depuis une décennie, le nombre d’adaptations s’est considérablement accru, qu’il s’agisse des comics américains ou des bandes dessinées européennes. Pourquoi fait-on autant de films tirés de bandes dessinées, surtout s’ils sont souvent mauvais ?
Par essence, et on ne le répètera jamais assez, la bande dessinée c’est traditionnellement de l’action, de l’aventure, des personnages hauts en couleurs et tout ce qui s’en suit. Autant d’ingrédients qu’exploite aussi le cinéma et qui permet donc des passerelles évidentes. Surtout, le cinéma et la bande dessinée sont deux arts de figuration narrative séquentielle. Leur mode de construction est très similaire et les correspondances sont nombreuses. Les deux sont circonscrits à un cadre, avec un notion de plan, de composition, de photographie (on parlera plutôt de couleur en BD, mais l’idée est la même). La proximité entre la bande dessinée est le cinéma tient d’ailleurs dans un seul objet : le storyboard. D’ailleurs on en a vu certains sortir en librairie au rayon BD. Yves Alion, rédacteur en chef du magazine “Storyboard”, dans un entretien à ActuaBD, nuançait à peine : “S’il s’approche de la bande dessinée, le storyboard ne s’y confond pas. Parce qu’il ne s’embarrasse pas de phylactères et qu’il admet une certaine discontinuité dans la narration. Et pourtant… “.
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Molex, New Fabris, Continental… De la Vienne à l’Oise en passant par la Haute-Garonne, en temps de crise la France redécouvre ses ouvriers. Comme au cinéma ou en littérature, l’univers ouvrier est un matériel prolixe pour les auteurs de bande dessinée. En replongeant mes petites mains délicates qui n’ont pas connu le travail à la chaîne dans tous mes albums qui évoquent le monde ouvrier, j’ai été frappée par la prédominance des histoires “réelles” par rapport à la fiction. Lorsque le neuvième art parle d’usines, c’est souvent pour témoigner, du présent ou du passé. Voire parfois du futur, tragique évidemment. Bédé à la première personne écrite par un ouvrier, évocation de témoignages de proches ayant appartenu à la classe ouvrière ou même ouvrages qui s’apparentent à de la recherche historique sont les histoires les plus courantes.
Le travail aliénant, thème incontournable
Généralement, lorsqu’une bande dessinée prend pour cadre de son histoire une usine, elle évoque les dures conditions de travail de la classe ouvrière. Les gestes répétitifs, la machinisation de l’homme sur sa chaîne de travail : autant de thèmes déjà grandement évoqués, là encore, par la littérature et le cinéma (les dix premières minutes des Temps Modernes de Chaplin, modèle du genre) mais à côté desquels la bande dessinée ne peut pas passer. Les dessinateurs et scénaristes de bédés évoquent toutefois les conditions de travail difficiles de l’usine de différentes manières. L’auteur de Putain d’Usine, Jean-Pierre Levaray, ouvrier dans une usine chimique normande, est acteur de la bande dessinée qu’il scénarise (adaptée, avec Efix au dessin, d’un livre éponyme qu’il a écrit). Il y raconte son quotidien, ses doutes, ses peines et ses espoirs. L’auteur se met par exemple en scène, sur deux pages, dans les douches de son usine. Commentaire : “La douche, comme pour se débarrasser du travail qui nous a collé à la peau pendant 8 heures. Se débarrasser des scories du salariat… avant de revenir à la vie”. Ou quand Jean-Pierre Levaray raconte les rondes de nuit dans “l’atelier” qui a alors “des allures de vaisseau spatial hollywoodien”. Il y croise de terrifiants aliens imaginaires. Loin d’être émancipateur comme le proclament parfois les discours, le travail est ici dur, dangereux (l’usine est classée Seveso) et aliénant. L’auteur ne cache pas ses opinions politiques, très à gauche (il est l’auteur d’une chronique mensuelle sur son usine dans le mensuel de critique sociale CQFD) mais n’exalte pas non plus le monde ouvrier. Il dépeint plutôt le portrait de collègues usés par le travail, souvent résignés et qui se réfugient volontiers dans l’alcool.
lire le billetSous l’article Mickey ne mangera pas Wolwerine, jyve nous indique qu’il a regroupé sur son blog une bonne partie des images d’internautes qui se sont amusés à fusionner les personnages de Marvel et de Disney. Merci !
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