Une sélection d’albums sortis le mois dernier et que je vous recommande.
Deuxième rendez-vous pour vous signaler des BD qui m’ont plu et qui sont parues ces mois-ci. Un mois riche d’ailleurs (forcément, Noël approche) avec quelques coups de cœur et «le coin du soupir», la BD que j’aime bien mais qui m’énerve un peu tout de même.
C’était une des BD les plus attendues de la fin d’année et à raison: le nouveau pavé de Davodeau est une réussite complète. L’auteur se met en scène dans une initiation croisée avec un ami vigneron. L’un ignore tout du vin, l’autre ignore tout de la bande-dessinée et chacun va éduquer l’autre. Les bouteilles s’échangent contre des albums, les visites à l’imprimerie ou au (chouette) festival Quai des Bulles de Saint-Malo se troquent contre des balades dans les vignes ou entre les cuves. Au-delà des enseignements dans les deux domaines que le lecteur peut retirer de l’album, c’est surtout une très belle ode à l’échange et au partage que signe Etienne Davodeau. Une oeuvre profondément humaine, drôle et tendre.
Prenez un des scénaristes grand public français les plus en vue, Fabien Nury, auteur de La mort de Staline ou de la série à succès Il était une fois en France (voir ci-dessous). Ajoutez y un de mes dessinateurs actuels préférés, Brüno, qui a prêté son trait à la fois simple et dynamique à Commando Colonial ou à Biotope. Donnez leur un roman du plus grand feuilletoniste français du XIXème siécle, Eugène Sue, à adapter et vous obtenez une très bonne BD. Les élans romanesques sont conjugués à une grande exigence dans la construction des planches et dans le rythme du récit, pour faire de cette vendetta sur fond de champs de cotons un album réjouissant.
On ne présente plus Il était une fois en France. La série primée cette année à Angoulême, qui raconte la trajectoire trouble d’un homme d’affaires juif, mafieux, à la fois collabo et résistant pendant la Seconde guerre mondiale, se poursuit avec son avant-dernier tome Le petit juge de Melun. Les ingrédients qui font le succès de la saga sont toujours présents : rythme soutenu, dialogues précis et rebondissements incessants. Et cette réflexion, toujours présente lorsqu’on referme un album de la série: «Dire que c’est tiré d’une histoire vraie…»
L’année dernière, Christin et Mézières ont apporté une touche finale (et avouons-le, un peu décevante) à la série Valérian et Laureline, qui m’est particulièrement chère puisque je lui dois mon patronyme. Lorsque j’ai appris que Larcenet allait reprendre la série pour un one shot, je fus donc très heureuse. Le résultat est bon, mais sans surprise. L’auteur reprend tous les codes de la BD et les personnages et le mixte avec son univers parodique habituel, un mélange des Cosmonautes du futur, d’Une aventure rocambolesque de... et de Chez Francisque. On sourit, on prend du plaisir et Larcenet mène parfaitement sa barque. Après, je me suis souvent demandé lors de la lecture ce qu’il aurait pu faire s’il avait fait une reprise «sérieuse». Une prochaine fois, peut-être.
Prenez un personnage qui ressemble à celui de la Linéa d’Osvaldo Cavandoli. Mettez le dans un monde en formation avec des bulldozers qui arrivent et une ville qui se crée. Un procès, des femmes qui ont disparu, des gens qui ne réfléchissent plus et le show qui a été créé de toutes pièces mais qui surtout ne doit pas s’arrêter. L’auteur, Yoann Constantin, nous propose une BD un peu absurde, mélange de Beckett et du procès de Kafka, un vrai petit objet agréable.
Comme l’album précédent, il est plus paru en septembre qu’octobre, mais bon, on s’en fout. Rupture tranquille, c’est simple, une fois la Bd refermée, on se demande si ce n’est pas le meilleur album de l’année. Une petite maison d’édition marseillaise et un jeune auteur au doux nom de Terreur Graphique nous propose une œuvre trash, violente et dérangeante. C’est amorale, sexuel, graveleux et zoophile. C’est bon parce lorsqu’on le lit en terrasse de café, on n’ose pas l’ouvrir trop en grand, de peur des regards suspicieux des jeunes parents à côté de nous. A ne sans doute pas mettre entre toutes les mains. Pour les autres, précipitez-vous.
La jeune maison d’édition Manolosanctis qui proposait un modèle original d’interaction entre lecteurs sur le web et édition a annoncé récemment qu’elle arrêtait l’expérience de la diffusion papier après une trentaine de publications, faute de succès. Super Rabbit est donc l’un des derniers opus publiés. Dans mon papier récent Je est un Super Héros, j’expliquais cette veine actuelle de l’homme ordinaire qui tente de devenir un super héros. Le personnage principal est ici déguisé en lapin et il essaye à tout pris de récupérer une gloire qui n’a sans doute jamais vraiment existé. Le dessin délavé et la narration plutôt efficace mettent bien dans l’ambiance du monde dans lequel on vit, un monde où l’on doit apprendre à oublier nos rêves. Ou pas… Sans doute l’un des albums les plus intéressants publiés par Manolosanctis, avec Le Grand Rouge d’Ivan Barnave (même si cet album était très fortement inspiré du magnifique livre pour enfants, Les derniers géants de François Place).
Le coin du soupir :
Alors que le tonitruant Tintin en 3D de Spielberg court, bondit, et explose dans tous le sens au cinéma, l’idée était bonne de sortir un album tout en contrepoint. Des “aventures d’Hergé” en hommage au créateur du héros à la houpette, dessinées dans une ligne-claire proche du trait original du maître par Stanislas. D’autant que la vie d’Hergé, aussi bien d’un point de vue historique, psychologique qu’artistique est assez riche pour servir de prétexte à un biopic dessiné. Le problème, c’est que la BD ne dit pas grand chose et ne constitue, pour ainsi dire, qu’une succession de scènes plus ou moins réussies et de clins d’oeils multiples à l’oeuvre d’Hergé. Dommage. Si vous êtes en manque de Tintin, préférez le Perroquet des Batignoles, sorti cet été, avec le même Stanislas au dessin, et dont l’univers rappelle beaucoup celui du reporter belge.
Très belle sélection.
La critique de la Rupture tranquille m’a donné envie. Livraison en cours.
Merci
Il y a un bon choix, je pense faire le tour, de quoi m’occuper et me faire plaisir.