Enfin le mois de juillet et les chaleurs qui font fondre toute la journée. J’espère que vous allez tous partir bientôt en vacances, moi je reste sur le pont encore quelques temps. Pour vos loisirs, voilà une liste d’une dizaine de BD (sans ordre de préférence) parues en 2010 et que vous pouvez emmener dans votre valise en toute confiance!
La parenthèse, Durand, Delcourt.
Depuis quelques années, la BD francophone aime l’autobiographie, le moi s’affirme. Parfois, trop de moi tue la vérité. Ce n’est pas le cas de “La Parenthèse“, BD autobiographique particulièrement réussie. L’histoire d’Elodie Durand, à peine 20 ans, qui raconte comment, du jour au lendemain, elle a appris qu’elle avait une tumeur au cerveau. Elle perd la mémoire. De plus en plus souvent. Jusqu’à ne plus se souvenir de rien. Elle raconte les opérations qui s’enchaînent, les longues journées au lit chez soi, le soutien de sa famille, les crises d’épilepsies. Et l’oubli, toujours, contre lequel, il faut lutter. Toujours. Un récit aux dessins simples, épurés, très émouvant, parfois un peu poétique, sans tomber dans le pathos. Dans les dernières plages, j’avais les larmes aux yeux.
A lire dans le train avant de rejoindre quelqu’un que l’on peut serrer fort dans ses bras.
Quai d’Orsay, Blain, Lanzac, Dargaud.
D’ordinaire, je chronique plutôt des thématiques, rarement sur une seule BD. Et pourtant Quai d’Orsay a eu le droit à ce privilège suprême (sic!) en mai dernier. Donc pour une critique approfondie, cliquez sur ce lien. Le plus simple est de courir l’acheter, c’est sans aucun doute l’une des BDs de l’année par la dextérité avec lesquelles Lanzac et Blain ont réussi à faire de De Villepin un héros de fiction. L’histoire est simple: celle d’un jeune thésard qui se retrouve à écrire des discours au Quai d’Orsay pour un homme qui ressemble à deux gouttes d’eau à l’ancien ministre des Affaires Etrangères. Et en album, les deux auteurs donnent des leçons de biopic à l’ensemble de la production artistique française, souvent moins bonne que l’américaine pour ce genre-là.
A lire à la terrasse d’un café, c’est aussi chic que Le Monde.
La Comtesse, Picault, Les Requins Marteaux.
L’érotisme est à la mode et c’est très bien. Chez les Requins Marteaux, dans la collection baptisée sobrement BD Cul, La Comtesse est un bijou Ancien Régime. Petit format, sans dialogue, la vie de tous les jours d’une noble nous est racontée à hauteur d’un dessin par page. Le vieux mari qui dégoute au départ, les valets, les amants, les bains, la fellation, la sodomie. Simple et sans fausse pudeur, c’est une réussite. Et puisqu’on est dans l’érotisme, à relire également Le Parfum de l’invisible de Manara, album culte, qui vient d’être réédité en couleur.
A lire sur la plage ou autour de la piscine, entouré de personnes qui ne se doutent pas que vous feuilletez une BD pleine de cochonneries.
Les Russes sur la Lune !, Duval, Pécaud, Buchet, Delcourt.
Je vous en parlais très récemment, moi qui suis assez férue d’uchronie. Pour l’instant, la série “Jour J” qui se propose, dans des albums indépendants, de revisiter l’Histoire du XXème siècle, est réussie. Le premier opus est mon préféré. Les Américains y sont battus dans la conquête spatiale par les Soviétiques qui posent les premiers le pied sur la Lune. L’Oncle Sam suit tout de même de peu. En pleine guerre froide, chaque camp se construit une base sur le satellite de la Terre, des bases qui vont devenir de plus en plus indépendantes des affaires terrestres, au point de fraterniser entre spationautes et cosmonautes. Jusqu’à ce qu’un commissaire politique russe un peu borné débarque… Le dessin est classique mais maîtrisé et le scénario très efficace.
Parfait pour lire dans un hamac, la tête dans les étoiles.
Incognito, Brubaker, Philips, Delcourt.
L’histoire d’un ex super-héros criminel qui s’est rangé dans un programme de protection gouvernementale pour changer de vie. Mais il s’emmerde, ses anciens amis et nouveaux ennemis ne l’ont pas oublié, le monde va mal, le gouvernement a besoin de lui et sa collègue de bureau est une perverse méprisante. Ed Brubaker, c’est du lourd, un scénariste qui a participé à de nombreux Batman, Daredevil, Vertigo, X-men. Disons qu’il maitrise le sujet des super-héros. Incognito, plutôt sombre, ne révolutionne pas le genre mais procure un redoutable plaisir de lecture. Et il faut bien sauver les Etats-Unis de temps en temps. Même s’ils ne le méritent pas toujours.
A lire aux States.
Smoke City tome 2, Mariolle, Carré, Delcourt.
J’avais acheté le premier tome de Smoke City, pour les qualités stylistiques de Benjamin Carré, et j’avais été un peu déçue. Pas par les dessins, réussis et traduisant parfaitement l’imaginaire de leur auteur, mais pas un scénario un peu attendu, tissant sur le thème bien connu du gang de malfrats qui se reforme pour un dernier casse. Mais bon, le tome 1 se terminait sur un rebondissement de fin d’épisode façon Lost et la curiosité l’a emporté sur la déception pour me faire acquérir le tome 2. Grand bien m’en a pris: outre l’illustration, le scénario est devenu plus vivant et plus (sur)prenant.
A lire la nuit ou un jour de pluie pour apprécier les sombres paysages urbains de la BD.
Hélas !, Bourthis, Spiessert, Aire Libre.
En 1910, Paris se retrouvait sous les eaux pour la crue la plus importante de son histoire récente. Profitant de ce centenaire, Bourthis et Spiessert imaginent un Paris début 20ème où ce sont les animaux qui ont le pouvoir et qui sont civilisés et où les humains ont quasiment disparu. Étant des bêtes traquées, vivant comme des hommes de Cro-magnon, beaucoup d’animaux ne croient plus à leur existence. Jusqu’au jour où la capture de deux enfants par des braconniers suscite la convoitise de tous. Et dans un Paris littéralement sous Seine vont s’enchainer meurtres et courses poursuites, jusqu’à ce rendre compte que n’est pas forcément barbare celui qu’on croit.
A lire sur une péniche.
Panique en Atlantique, Parme, Trondheim, Dupuis.
Je sais que je suis incorrigible, mais je ne me lasse pas des one shot de Spirou. Après les deux albums qui exploraient la Seconde guerre mondiale, on revient à une aventure plus classique de Spirou, quoiqu’assez particulière. D’ailleurs, Panique en Atlantique n’a pas plu à tout le monde. Pour ma part, je trouve la patine sixties des dessins de Fabrice Parme très réussie et le scénario de Lewis Trondheim assez rocambolesque pour en faire un bon Spirou. Au final, on ne s’ennuie pas une seconde en lisant cet album qui, s’il ne restera pas forcément une référence, est un excellent divertissement.
Se déguste en croisière sur un paquebot, évidemment.
Pour l’Empire, tome 1 L’honneur, Merwan, Vivès, Poisson Pilote.
A priori, en BD, sur la Rome Antique, on a à peu près tout lu. Du péplum, de l’érotique, de l’enquête… Et bien oubliez Alix et consorts, avec Pour l’Empire. Merwan et Vivès repoussent les limites du genre pour entamer une œuvre singulière, à la fois épique et poétique, entre le comic et la BD d’introspection. Dans les légions romaines, des individus se distinguent par leurs qualités physiques. On les réunit pour former une équipe de super-légionnaires. Pillages, viols, meurtres… la routine quoi. Jusqu’à ce qu’on les envoie aux confins de l’Empire… C’est très beau (mention spéciale pour les couleurs) et ça se dévore tout seul.
A lire dans les ruines romaines que vous trouverez à proximité de votre lieu de vacances.
La Zone, Eric Stalner, Glénat.
Nous sommes en Angleterre, en 2067. Le pays est en friche. 48 ans auparavant, une conjonction de catastrophes écologiques a décimé 95% de sa population et depuis, plus rien n’est comme avant. La plupart des gens vivent en petites communautés et se sont réfugiés dans la religion en dénigrant tout le “faux savoir” d’avant-déluge. Lawrence est un cas à part: il a conservé des tonnes de bouquins et une carte de l’Angleterre. Un précieux trésor avec lequel s’enfuit sa jeune disciple Keira après qui il se met en chasse. Le bon moyen d’explorer le pays pour Lawrence… et le lecteur. Le premier album de cette série post-apo promet beaucoup, tant par son esthétique que sa bonne construction.
A lire sous un arbre.
Et vous, qu’allez-vous emporter en vacances?
Laureline Karaboudjan (qui ne part pas en vacances encore)
Illustration principale tirée de Panique en Atlantique.
[…] Ce billet était mentionné sur Twitter par Laureline K, Cyrz. Cyrz a dit: Je lis https://blog.slate.fr/des-bulles-carrees/2010/07/13/les-dix-bd-a-emmener-en-vacances/ […]
Pour les vacances, je vais me relire Demo de Brian Wood
Les BD ne “s’emmènent”, mais s’emportent comme tout objet.
Cosmonaute = soviétique, astronaute = américain. Spationaute est un terme franco-français
Perso je conseille chaudement la BD “De cape et de crocs”. Une histoire d’aventure très drôle, très joliment écrite, de superbes décors, le tout dans un univers de cape et d’épées superbement mis en image (les décors sont fouillés, et c’est magnifiquement colorisé). Pour l’instant il y a 9 tomes, et l’aventure se poursuit encore.