H1N1 tue (peu) les jeunes, H3N2 tuait (beaucoup) les vieux

On commence à tirer de nombreuses leçons de cette pandémie 2009, y compris à travers le dynamisme de ce blog (et de nos blogueurs que nous remercions, même si parfois la technicité de certains de leurs débats ne se met pas à la portée de tous), mais aussi dans les polémiques actuelles qui émergent en France et à l’Etranger. Si elle mêlent sans doute beaucoup de désinformation, elles sont aussi chargées de sens et d’enseignements qu’il faudra bien prendre à bras le corps et analyser en profondeur.

A propos de la mortalité, beaucoup continuent à confondre la mortalité directe de la grippe (les SDRA et les surinfections) et l’indirecte (celle qui fauche les personnes âgées et très malades, pas simplement porteuses d’un facteur de risque comme l’asthme, le diabète ou l’obésité). Il semble acquis et reconnu aujourd’hui que cette souche H1N1pdm est associée à une mortalité directe fortement supérieure à celle des souches saisonnières des années précédentes (j’avais dit 100 fois supérieure en août 2009, mais ce fut peut-être davantage encore). En cela, il est probablement faux de penser que cette souche pandémique est si voisine des souches H1N1 saisonnières, qui elles, n’étaient pas associées à une forte virulence (pas de SDRA ou presque dans les annales des saisons récentes de grippe). Qu’il puisse y avoir une vague immunité croisée plus ou moins efficace ne signe pas l’analogie des souches, loin de là. Elles semblent bien phylogénétiquement différentes.

A propos de morbidité, certains ont – j’ai personnellement – trop rapidement mis dans le même sac les différents sous-types de virus de la grippe, alors qu’une analyse historique plus élaborée aurait sans doute permis de mieux distinguer les sous-types H1N1 des sous-types H3N2. Ainsi, un papier de Lone Simonsen et coll.  (Am J Pub Health, 1997, abstract gratuit en anglais en ligne) fut le premier à en parler : il indique que le virus H1N1 (saisonnier) est associé à une faible mortalité chez les personnes âgées (mortalité indirecte donc) et Xavier de Lamballerie (Université de la Méditerranée et EHESP) a présenté au Congrès Mékong Santé (Vientiane, Laos, 27 janvier 2010) la distribution d’âge des cas de grippe pandémique qui est quasi-homothétique de la distribution d’âge des cas de grippe H1N1 saisonnière (très peu de cas après 60 ans, beaucoup de cas chez l’enfant jeune), mais différente des cas de grippe H3N2 saisonnière (certes une distribution jeune aussi, mais moins, avec notamment des cas en plus grande proportion chez les plus de 60 ans). Les données que j’avais l’habitude d’analyser étaient celles du réseau Sentinelles qui mélangent l’ensemble des syndromes grippaux quelle qu’en soit l’origine, puisqu’aucune analyse virologique n’y est pratiquée (et cela, il faudrait y remédier). Je n’avais pas intégré cette notion qui aujourd’hui apparaît clairement. Même s’il est toujours plus facile de dire cela après que sur le moment même, si nous avions pris en compte ces données, nous aurions probablement pu proposer assez tôt un scénario à mortalité faible, en suggérant que si cette souche H1N1pdm se comportait comme les H1N1 saisonniers, alors la distribution d’âge des cas, mais aussi celle des décès devrait être plus jeune, et peu impactée par la mortalité indirecte, à la différence des grippes H3N2. Il se trouve que les 6000 décès en excès attribués à la grippe retrouvés en France (ou 36 000 aux USA) sur les statistiques de mortalité sont une moyenne annuelle estimée sur les 20 dernières années, avec certaines années sans mortalité en excès (celles où la circulation de H3N2 n’était pas intense et H1N1 prédominait), certaines années avec plus de 6000 décès (forte activité et prédominance de H3N2). Il aurait peut-être paru audacieux (voire trop optimiste en avril 2009) de tabler sur une analogie de cette souche nouvelle H1N1pdm avec les souches H1N1 saisonnières, surtout en raison de l’histoire (la pandémie de 1918 fut H1N1 et très meurtrière, mais sans doute par mortalité directe, et probablement largement par surinfection bactérienne comme nous l’avons relevé dans d’autres billets).

Quand au brave Serfling, je ne vois pas de quoi fouetter un chat à son propos. Il a proposé dans les années 1960 un modèle de regression périodique qui tente d’éliminer le bruit de fond des séries chronologiques de grippe dont nous disposons (tout syndrome grippal n’est pas dû au virus de la grippe, toute mortalité par “pneumonie et grippe” n’est pas due au virus de la grippe). Il nous propose ainsi une robuste analyse du signal pour calculer un seuil d’alerte opérationnel (qui fonctionne très bien en routine) et une morbi-mortalité en excès (aire sous la courbe au-dessus du seuil de Serfling). Depuis de nombreux statisticiens ont passé ces séries chronologiques au crible d’autres méthodes disponibles et les résultats se sont révélés peu différents : la mortalité en excès est bien au rendez-vous de chaque hiver où le H3N2 circule, parfois en décembre, parfois en janvier, février ou mars. Ce ne semble ni le froid, ni d’autres facteurs qui sont en cause, mais bien la grippe (depuis L. Simonsen on devrait dire le sous-type H3N2), et de façon consistante, répétée, dans plusieurs pays de niveau sanitaire semblable, avec des méthodes différentes. Ce n’est pas loin de signer la causalité du virus de la grippe dans cette mortalité indirecte en excès observée.

Une leçon importante se profile : si désormais la grippe saisonnière qui nous attend (2010-11 et suivantes jusqu’à l’émergence de la prochaine pandémie) devenait due à cette souche H1N1 2009 et à sa filiation, peut-être bénéficiera-t-on d’une moindre mortalité hivernale liée à la grippe à l’avenir ? Une grippe certes plus sévère par sa mortalité directe mais considérablement moins faucheuse chez les personnes âgées et très malades ? Cela aurait des répercussions possiblement importantes en termes de stratégies vaccinales qu’il faudrait complètement revisiter à l’aune des résultats des recherches en cours sur les formes sévères de grippe. L’hiver n’est cependant pas terminé, et il est peut-être un peu tôt pour dire un adieu définitif aux virus saisonniers H3N2. Affaire à suivre de près…

Antoine Flahault

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Tamiflop

Vaccin, Tamiflu et peurs françaises

Nous sommes déjà à la mi-décembre de l’année 2009. La France grelotte et tremble encore pour Hallyday (Johnny). L’icône nationale a été hospitalisée en  Californie. Elle est victime d’une complication infectieuse survenue après une nouvelle intervention, chirurgicale et parisienne, sur une hernie discale. Comas artificiels, règlements de compte et médiatisation à haute dose. Comme toujours  les mythes qui souffrent réclament la compassion.

Mi-décembre. Dans le grand froid (et inquiets des possibles manquements hexagonaux de la fée Electricité) nous nous rapprochons de la Noël. Huit mois déjà que la pandémie grippale a émergé sous le soleil du Mexique ou du sud de la Californie. Huit mois qui, face à cette nouvelle menace, ont vu progresser les réponses à la fois collectives et éclatées, coordonnées et disparates, planétaires et nationales. Et puis (est-ce ou non une spécificité française ?) ces serpents de mer récurrents que sont la vaccination d’une part, le Tamiflu de l’autre ; soit les deux axes  de la réponse scientifique (raisonnée et raisonnante) face à l’agression virale.

Vaccination. Deux dernières nouvelles en provenance du front. Tout d’abord celle, comme toujours militaire, formulée le 15 décembre par Roselyne Bachelot. Face à la représentation nationale la ministre de la Santé a affirmé qu’avec 3,5 millions de personnes  vaccinées, la France avait « l’un des meilleurs taux de vaccination des pays qui ont lancé des campagnes ». Certitudes ministérielles : 35% des personnels soignants des hôpitaux sont vaccinés tout comme 60% des médecins et 270.000 élèves des établissements du secondaire. « Il faut forcer le pas » affirme, martiale, Mme Bachelot. Elle sera auditionnée mardi le 22 décembre par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée sur l’évolution de la pandémie et la campagne de vaccination.

Peut-être évoquera-t-on alors les troublants résultats d’une « enquête on line » réalisée (1)  les 10 et 11 décembre 2009 auprès d’un échantillon de plus de 14 000 personnes âgées de 18 ans et plus, issu de la base de données de 12 millions d’internautes acceptant de participer au programme d’enquêtes EmailetVous. Bien évidemment il ne s’agit que d’un sondage, avec tous les aléas toutes les limites de ce genre d’entreprises. Faudrait-il pour autant en taire les conclusions ? Résumons-les ici en quelques points.

Tout d’abord (et cela ne surprendra personne tant le phénomène est aisément perceptible) la pandémie grippale est bel et bien devenue une préoccupation majeure des Français : 95% d’entre eux déclarent en parler régulièrement avec leur entourage. Mais une préoccupation

Que l’on pourrait, au choix, qualifier d’ambiguë ou de schizophrénique:  64% des répondants estiment que le H1N1pan n’est pas ou peu dangereux tandis que 62% estiment qu’il peut provoquer le décès de personnes ne présentant pas de pathologie, ni de fragilité particulière. Mais de quel droit parler ici d’ambiguïté ou de dédoublement de personnalité puisque toutes les informations rationnelles (que nous ne cessons, Antoine Flahault et moi, de rapporter sur ce Blog) converge pour dessiner une épidémie au double visage.

« Cette ambiguïté exacerbe le sentiment des Français concernant l’information autour de la grippe, croit pouvoir commenter l’entreprise sondagière. Ils se disent plutôt mal informés : 59% d’entre eux se considèrent mal informés par le gouvernement et 56% mal informés par le corps médical. Par réaction à ce phénomène, 69% pensent que les médias ne relaient pas correctement l’information. La confusion ambiante, la méconnaissance et le sentiment d’être mal informé conduisent à un véritable paradoxe puisque les Français ont plus peur du vaccin que de la grippe. » De fait les résultats confirme avec des chiffres le palpable ambiant concernant le grand scepticisme à l’égard du geste vaccinal : 90% des Français ne se sont pas (encore) fait vacciner et 78% d’entre eux n’envisagent pas de le faire ; 84% des parents n’ont pas fait vacciner leurs enfants et 79% d’entre eux n’ont pas l’intention de le faire.

Pourquoi une telle allergie collective ?  Essentiellement, semble-t-il, du fait de la peur des effets secondaires à long terme que redoutent 73% des répondants ; une proportion équivalente à celle de ceux qui estiment que le dispositif de vaccination est mal organisé. Au total plus de trois répondants sur quatre  estiment que le gouvernement français a « sur-réagi » face à la menace pandémique. Et ils sont -cruel constat pour celle qui en fait tant et tant- deux sur trois a juger que “Roselyne Bachelot ne fait pas du bon travail et qu’elle communique mal”.

Tamiflu. Le serpent de mer est ici d’une longueur nettement supérieure à celui de la vaccination. Nous l’avions découvert avec l’émergence de la grippe aviaire et des premiers cas de contamination humaine par le A(H5N1). Il émerge lui aussi – depuis plus de cinq ans et à échéances régulières dans des eaux pas toujours très claires –  montrant différentes facettes, plumes ou écailles. De qui parlons-nous ? D’un produit élaboré et commercialisé par une seule multinationale pharmaceutique (Roche), vendu à prix d’or pour une efficacité toute relative et qui plus est dans une indication tenue pour marginale.

Nous croyions, depuis des années, l’affaire entendue. Nous avions tort ; mal éteint le feu peut toujours courir sous la cendre, parfois même sous la neige.  Ainsi des représentants des médecins généralistes français viennent-ils de critiquer les nouvelles recommandations des autorités sanitaires concernant cet antiviral antigrippal.  Il ya quelques jours la Direction générale de la santé (DGS) annonçait que les traitements antiviraux (jusqu’alors uniquement recommandés dans les formes sévères et chez les personnes à risque) pouvaient désormais être prescrits  chez toutes les personnes présentant les symptômes de la grippe.

Révolte dans les rangs : le Collège national des généralistes enseignants (ou CNGE) qui réunit  les médecins généralistes chargés d’enseignement dans les facultés de médecine vient de prendre position : il «ne recommande pas l’utilisation systématique de médicaments antiviraux en cas de suspicion de grippe A(H1N1)». Selon lui «les données actuelles sont trop fragmentaires et de très faible niveau de preuve» et dans un geste sans précédent il ose –fait sans précédent- demander  à la DGS «d’indiquer les arguments scientifiques et les niveaux de preuve sur lesquels s’appuie ce changement soudain de recommandation».

En arrière-plan une toute récente publication du British Medical Journal (BMJ) qui, après analyse détaillée d’une vingtaine d’analyses spécifiques, conclut (ce qui était amplement connu) que cet antiviral réduit d’environ une journée la durée des symptômes cliniques et que ses bénéfices sur les complications de l’infection sont, tout bien pesé, bien peu convaincants.  Prescrire ou pas prescrire ?

(1) Cette enquête a été menée à  l’initiative de « MediaprismGroup » qui se présente comme ‘’ le 1er groupe intégré de marketing services en France’’.  Cette société explique être « nourrie par une base de plus de 34 millions de consommateurs français dont 12 millions d’internautes ». Elle explique aussi que (sic) ses données sont « déclinables en marketing relationnel, opérationnel, interactif, publicité commerciale, enquêtes d’opinion et sondages, data consulting et location d’adresses on et off line… et dans des secteurs aussi différents que la Distribution, la Banque-Assurance ou le Caritatif »

Jean-Yves Nau

Tamiflu : la polémique émergente

Une nouvelle fois cette pandémie est donc, à bien des égards, hautement  instructive. Nous  avons souvent rappelé tout au long de nos précédents billets à quel point nous ne nous étions pas si bien préparés que cela à une pandémie H1N1, en nous préparant à la grippe aviaire H5N1.

Aujourd’hui la polémique sur le Tamiflu  émerge simultanément dans le British Medical Journal (article de Tom Jefferson et coll. du 8 décembre 2009, en anglais, gratuit en ligne) et chez les médecins français (par exemple, éditorial du 8 décembre 2009 et une lettre ouverte au DGS du 15 décembre sur le site de formation et d’information médicales, Formindep). Un nouvel  argument  pour dire que notre système de santé et nos politiques sanitaires  ne sont  pas encore véritablement « fondés sur des preuves » ;  ou alors de manière très partielle. Nous dépensons des énergies considérables pour disposer de médicaments et des vaccins répondant à des exigences réglementaires  concernant l’efficacité et la tolérance individuelles ; exigences fondées sur des niveaux de preuve les plus élevés possibles. En revanche, une fois ces médicaments et vaccins mis sur le marché, les stratégies d’utilisation collective ne reposent généralement que sur une démarche empirique, sans aucune expérimentation clinique préalable et sans évaluation subséquente. Nous avons été capables  de mettre en  œuvre, pendant plusieurs décennies consécutives, une politique vaccinale coûteuse contre la grippe saisonnière sans pour autant disposer d’essais cliniques montrant que cette vaccination était de nature à réduire (ne serait-ce qu’un peu), la mortalité ou la morbidité par grippe.

Nous n’avons jamais non plus évalué de stratégies de vaccination de masse concernant les  populations adultes jeunes et les professionnels de santé (à part en maisons de retraite). Nous n’avons pas davantage d’expérience sur l’utilisation de masse du Tamiflu, à part quelques données empiriques japonaises. Continuons : rien sur les masques ni sur le lavage des mains, et des données fragmentaires sur l’impact des vacances scolaires de février en France sur la morbi-mortalité attribuable à la grippe.

Cette grippe est un révélateur. Elle met en lumière le fait que dans le domaine de la santé (où désormais s’impose théoriquement une culture « evidence-based »  fondée sur les preuves)  on n’a fait qu’un bout du chemin. Plus précisément on impose aux industriels de faire ce bout de chemin ; à prix d’or d’ailleurs,  la mise sur le marché d’un nouveau produit coûtant au bas mot désormais un milliard d’euro.  Or  la puissance publique se refuse encore ou presque à  goudronner  le dernier tronçon qui reste à peine carrossable.

Pour ce qui est de la grippe on ne peut même pas dire que l’on applique une recette éprouvée pour d’autres maladies infectieuses. La vaccination contre la polio ou la variole était obligatoire, le plan d’éradication partagé au niveau international et appliqué de manière systématique et l’évaluation conduite exhaustivement. Durant cette pandémie de grippe, l’absence d’expérience, la variabilité des décisions des différents Etats, même à l’échelle de l’Europe, et la forte réticence des populations – pas seulement française – semblent avoir eu raison de toute stratégie coordonnée de politique sanitaire. Nous devrons  sans doute nous  contenter d’une couverture vaccinale à peine supérieure à celle de la grippe saisonnière, voire inférieure, et sans s’assurer de la protection satisfaisante des groupes à risque ; il nous faudra constater des stocks de Tamiflu sous-utilisés, des stocks de masques de protection (un milliard en France attendent la fin de la péremption) non utilisés, et les écoles auront été sporadiquement fermées de-ci, de-là, puis à nouveau ouvertes. A l’image des lumières de Noël dans nos villes.

Antoine Flahault

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Cachez ce Sein que je ne saurais voir

L’affaire exemplaire de l’île de Sein

En ce début de décembre voici une solide vague de fraîcheur océane en provenance de l’Atlantique ; un vague qui fouette et (re)vivifie.  Dans l’Hexagone on continue la couse-poursuite sans fin sinon sans espoir : adapter au plus vite les capacités vaccinales des gymnases-dispensaires. Toujours dans l’Hexagone  la polémique continue concernant l’interdiction faite aux généralistes et aux pédiatres libéraux de vacciner à leur cabinet. Et la puissance publique préfectorale de réquisitionner des médecins libéraux pour qu’ils aillent, santé publique oblige, officier dans les isoloirs installés sous les panneaux de basket-ball. Tout ceci donne lieu à des situations quelque peu ubuesques comme le rapporte fidèlement le  Quotidien du médecin qui parle ici de « réquisition à l’emporte-pièce ».

« A Suresnes, dans le département des Hauts-de-Seine, le Dr François G. indique au « Quotidien » que deux de ses confrères libéraux, un dermatologue et un cardiologue, ont été réquisitionnés « au dernier moment » par le préfet du département, peut-on lire sur le site de ce journal. Le dermatologue a reçu le 2 décembre au matin un ordre de réquisition pour l’après-midi même, et le cardiologue a reçu le sien le 1er décembre, pour être présent au centre de vaccination le 3 décembre. De tels délais rendent évidemment très délicate la gestion de la patientèle, à telle enseigne que le dermatologue n’a pas été en mesure de déférer à la réquisition. Si bien que le Dr G. s’est porté lui-même volontaire pour des tranches horaires de la soirée, « afin, dit-il, de ne pas risquer d’être réquisitionné à tout moment » (…) Enfin, à l’Ordre des médecins, le Dr André D. a eu également connaissance d’un médecin libéral parisien réquisitionné une demi-heure seulement à l’avance, et d’un autre en région parisienne, réquisitionné dans un centre où les médecins étaient finalement trop nombreux. Pour le Dr André D. tout ceci constitue « un vaste cafouillage », il dénonce « les déficiences d’organisation » et prévient : « On peut craindre des réactions épidermiques des médecins réquisitionnés au dernier moment ». ». Le conseiller ordinal ne nous dit pas encore comment se manifestent de telles réactions épidermiques.

Quelles que soient les immenses vertus de l’organisation jacobine ici mise en place par les autorités sanitaires de tels cafouillages sont sans doute immanquables ;  on pourrait même soutenir qu’ils pourraient être plus nombreux. Il faut en effet compter avec l’effet de loupe médiatique qui recense et grossit le moindre incident observé dans l’organisation vaccinale. Et attendons-nous à savoir que ces incidents (si l’attention médiatique ne se relâche pas…) risquent fort de se multiplier avec la montée en puissance du dispositif.

Désormais (et c’est Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur qui vient de l’annoncer) tous les centres de vaccination « sans exception » sont  désormais ouverts du lundi au samedi et ils seront même ouvert sept jours sur sept dès le dimanche 6 décembre dans les grandes zone surbaines : Ile-de-France, Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Nantes, Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Lille et Rennes. Seules fermetures prévues : le jour du 25 décembre et celui du 1er janvier. Le nombre des personnels devra bientôt atteindre (pour 1080 centres) 8.000 médecins ou internes, 30.000 personnels paramédicaux et 30.000 personnels administratifs.

Si les volontaires et l’intendance suivent, et au rythme de 250.000 à 300.000 vaccinations par  jour, 30 millions de personnes pourront être vaccinées d’ici fin février en France vient de faire savoir  Roselyne Bachelot. La ministre de la santé  qualifié d’ « inadmissible » le fait que certaines personnes doivent, ici ou là,  attendre quatre heures  avant de pouvoir être vaccinées. Pour l’heure on estime officiellement en France à quatre millions le nombre de personnes ayant été infectées par le H1N1pdm et à plus d’un million le nombre de celles qui ont été vaccinées.

Et puis, loin de ce grossissant et lassant tumulte : l’île de Sein (Enez Sun). Un paradis breton croisant avec l’enfer  omniprésent du grand large. La mort, on le sait, toujours en vue. Au large de la péninsule, à 3 miles de la pointe du Raz, une superficie de 0,5 km2, une altitude moyenne de 1,5 m, des vents qu’un euphémisme qualifie de violents, environ 200 personnes l’hiver et 1500 l’été. Où installer le dispensaire pour la vaccination ? La question ne se pose pas ; ne se pose plus. Une précieuse dépêche de l’AFP mandée de Brest nous apprend que dans son infinie sagesse l’autorité préfectorale du Finistère vient de confier la vaccination des habitants  à l’unique médecin insulaire. « La Ddass m’a appelé pour me demander si j’étais disponible et me dire que j’allais être fourni en vaccins » explique le Dr Ambroise Menou, 62 ans, le médecin généraliste de l’île.

Pragmatisme oblige la préfecture du Finistère, s’éloignant du modèle hexagonal  a –donc, enfin- choisi de recruter des médecins volontaires locaux pour pratiquer les vaccinations sur les îles de Sein, Molène et Ouessant. Les médecins concernés doivent recenser les volontaires parmi les populations insulaires. On leur fournira ensuite le matériel nécessaire.

Osons l’écrire : on  revient de loin. « Dans un premier temps, l’administration avait opté pour l’envoi à Sein d’une équipe mobile en hélicoptère mais pas avant une quinzaine de jours, au grand dam des insulaires, précise la dépêche de l’AFP.  Dépendants des centres de vaccination du continent, populations et élus insulaires finistériens avaient protesté contre le coût d’un aller-retour en bateau, des courses en taxi et parfois d’une nuit d’hôtel ;  avant que la préfecture n’envisage la venue d’équipes mobiles sur les îles. » Et puis l’autorité préfectorale a réfléchi (combien de réunions, de communications téléphoniques avec Paris, avec l’entourage de M. Hortefeux, de Mme Bachelot…. ?) et la France du Finistère et de ses îles aura au total su raison garder : le Dr Ambroise Menou a d’ores et déjà recensé une vingtaine de candidats. Que le Dr Ambroise Menou se rassure : nous ferons tout, sur ce Blog, pour qu’il nous en dise bientôt plus ; s’il l’accepte, bien évidemment, et en promettant de respecter tous les secrets, médicaux et insulaires.

Jean-Yves Nau

Iles et archipels, paradis des épidémiologistes

Le préfet du Finistère a donc réalisé en ce début décembre  ce que nous appelions de nos vœux : une « expérimentation » (voir notre récent billet à ce sujet) ! Certes, la prise de risque par la préfecture était minimale ;  et l’absence de respect de l’égalité des citoyens ne peut être invoquée devant les impératifs de continuité territoriale sous-tendus par la décision. Toujours est-il, qu’en France, 200 personnes ont pu se voir proposer une vaccination par leur médecin de famille.

L’épidémiologiste (l’observateur, le citoyen)  reste néanmoins un peu sur sa faim (mais qui voit Sein…) : il  aimerait bien savoir le pourcentage de volontaires pour cette vaccination. Il voudra ensuite connaître le taux d’attaque de la grippe H1N1pdm sur la bellement  sauvage île de Sein où l’on se déplace encore sans voiture (seconde expérimentation… ).

Les îles se prêtent évidemment bien à ce genre de tests grandeur nature. Encore faut-il s’en donner les moyens : construire des questionnaires, les distribuer, relever les données, confier au médecin des moyens diagnostiques permettant de confirmer d’éventuels cas ultérieurs. Il faudrait mesurer aussi le niveau de satisfaction des populations. On pourrait comparer ensuite les situations entre Sein et Ouessant, sa voisine un peu plus peuplée, où circulent quelques véhicules, mais qui pour l’essentiel ressemble à sa petite sœur de raz.

Si les pouvoirs publics jugent que  l’essai porterait ici sur  des échantillons de population de taille insuffisante, aucun problème : qu’ils proposent l’expérimentation à Belle-Ile, à  Noirmoutier ou sur  l’ïle d’Yeu. A pareille échelle, ils peuvent même décider d’utiliser l’hélicoptère initialement envisagé dans le Finistère ; et une évaluation médico-économique sérieuse sera probablement le juge de paix.

Poursuivons : s’ils veulent des territoires de la taille de départements ou de région, la Corse, pour peu que l’on ne la brusque pas, pourrait bien se porter volontaire. Ou encore, l’ été prochain, les départements et territoires d’outre-mer. Il suffit, pour que la chose soit utile, de faire preuve d’un peu d’organisation, de travailler en collaboration ; alors la décision publique pourrait être rapidement éclairée par les résultats – mêmes partiels et encore provisoires-  de telles recherches en santé publique.

Antoine Flahault

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H1N1pdm : Mutatis mutandis

Cette information que nous livre Jean-Yves Nau dans son billet du 21 novembre 2009 fait clairement partie des sujets difficiles à traiter lorsque l’on a le nez dans le guidon comme nous acceptons de le faire en tenant ce blog. Les virus de la grippe, dont le matériel génétique est constitué de segments d’ARN, sont enclins à muter fréquemment. C’est la raison pour laquelle le vaccin contre la grippe change chaque année ou presque : les virus saisonniers de la grippe mutent en permanence. Il y a deux rendez-vous annuels à l’OMS qui réunissent à Genève les quatre centres collaborateurs mondiaux pour la grippe, et qui fixent les recommandations pour la composition du vaccin saisonnier. Elles ont lieu pour l’une en février, et vise à la préparation vaccinale concernant l’hémisphère nord pour le mois de septembre suivant, et l’autre en septembre pour le vaccin de l’hémisphère nord destiné à l’hiver austral suivant. Ces réunions permettent de faire le point sur l’ensemble des mutations du virus de la grippe détectées durant la saison passée, et de faire le choix du prochain vaccin sur la base des souches qui semblent aux experts avoir la plus grande probabilité de circuler l’année suivante. Comme quoi les virologues et les épidémiologistes de la grippe sont habitués à faire des recommandations basées sur des prévisions. Comme quoi surtout, les mutations, sont-elles le lot quotidien des spécialistes des virus de la grippe. On n’en fait pas tout un fromage, lorsque trois mutations sont détectées pour un virus de grippe saisonnier. Mais, là la noblesse et peut-être l’inquiétude suscitées par ce virus pandémique encore mal connu donne un coup de projecteur inattendu sur ce phénomène somme toute qui n’est pas pour nous surprendre. Que ces mutations soient associées à des conséquences significatives est une question d’une autre difficulté. Il y a trois impacts potentiellement préoccupants de ces mutations qui sont aujourd’hui envisageables. Le premier, c’est la mutation qui permettrait au virus de devenir résistant aux antiviraux (Tamiflu ou Relenza, voire contre les deux, ce qui ne s’est pas encore produit avec le H1N1pdm). Le second impact serait une mutation qui s’associerait à un regain de virulence de la souche. On redoute souvent cela, mais ce n’est pas l’expérience que l’on a habituellement des mutations observées pour les souches saisonnières. Mais cela a déjà été observé dans le passé. Ainsi, une souche de sous-type H3N2, identifiée en juin 1997 à Sydney avait causé des épidémies particulièrement meurtrières à la fois dans l’hémisphère sud puis dans l’hémisphère nord. Ce ne fut pas l’hécatombe non plus. La troisième conséquence serait l’absence de protection vis-à-vis de la souche mutée apportée par le vaccin en cours de distribution. On parle alors de « mismatch » (discordance). La souche saisonnière de 1997 que je viens de citer cumulait les deux derniers impacts possibles qu’une mutation peut générer. Cette souche australienne était plus virulente, et de plus avait émergé – en juin 1997 – c’est-à-dire après la reccommandation émise par l’OMS en février pour la fabrication du vaccin saisonnier de l’année en cours dans l’hémisphère nord (et totalement hors de portée d’une adaptation du vaccin de l’hiver austral qui débutait alors). Le vaccin 1997 s’est révélé ne pas conférer une immunité protectrice satisfaisante cette année là, sans que ce fut à l’époque fortement médiatisé, Internet en était à ses début et ce n’était qu’une grippe saisonnière… Dans les cas récents de mutations décrits par Jean-Yves Nau à la suite des dépêches reçues ces derniers jours, il est encore trop tôt pour savoir si les mutations s’accompagneront ou non d’un regain de virulence. Il semble dores et déjà acquis que le vaccin actuellement fabriqué resterait protecteur contre ces souches mutantes, même si cela mérite probablement d’être confirmé avec le temps et l’expérience (il n’y a pas un corrélat très clairement établi entre les taux d’anticorps détectés et la protection clinique effective). Si ces souches mutées circulaient en grand nombre et que l’on se mettait à constater des formes sévères hospitalisées chez des patients vaccinés mais infectés par ces souches mutées, alors on aurait des doutes sur la protection conférée par le vaccin sur ces souches. Il semble par ailleurs acquis que les mutations (observées au Royaume Uni) concernent l’acquisition de résistance au Tamiflu. Ces résistances sont d’autant plus préoccupantes que nous ne disposons malheureusement pas d’études publiées sur l’efficacité et la sécurité de l’utilisation de combinaison entre le Tamiflu avec d’autres antiviraux, et de peu de recherche en cours sur ce sujet. Nous ne disposons pas d’un arsenal thérapeutique très étendu contre le virus de la grippe, nous n’avons pas d’expérience de bi ou tri-thérapie comme dans le cas du traitement du Sida. On pourrait rapidement se retrouver devant des impasses thérapeutiques si les antiviraux traditionnels de la grippe se révélaient inéfficaces en raison de l’émergence de souches résistantes.

Antoine Flahault

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Vaccin contre la grippe : brouillard en novembre

Effets secondaires ou effet de loupe ?

On avait annoncé la mis en place d’un dispositif sans précédent de surveillance de la campagne nationale de vaccination. Et force est bien aujourd’hui de constater que ce dispositif fonctionne ; avec toutes les conséquences que l’on peut désormais imaginer sur la poursuite de la campagne. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, bulletin n°2 du 13 novembre 2009, accessible en ligne, pdf gratuit) vient ainsi de publier son dernier bilan. Nous apprenons ainsi qu’entre le 21 octobre et le 10 novembre 2009, environ 100 000 doses du vaccin antigrippal administré sous la marque Pandremix. Cette vaccination a concerné les personnes volontaires membres des personnels de santé, médico-sociaux et de secours des établissements hospitaliers.

L’’Afssaps explique avoir eu connaissance de 91 signalements d’ « effets indésirables » adressés par les professionnels de santé. Cette agence prend soin de rappeler  que tout événement indésirable observé après l’administration du vaccin peut être lié à une autre cause (comme certaines affections de la personne vaccinée…). « Par conséquent, l’analyse de la causalité nécessite d’avoir toutes les informations disponibles afin de permettre d’évaluer le rôle propre du vaccin lui-même » ajoute-t-elle.

Détaillons. La majorité des cas rapportés (91.0%) a été « d’intensité bénigne à modérée ». Toutefois quatre d’entre eux ont nécessité une hospitalisation. Les cinq cas restants jugés médicalement significatifs n’ont nécessité qu’une simple surveillance, et leur évolution a été rapidement favorable (3 cas de malaise associé à une augmentation de la pression sanguine, 1 cas de sensation vertigineuse et 1 cas de douleur intense au site d’injection)

Au total l’Afssaps a recensé 82 signalements d’effets indésirables « non graves », correspondant à un total de 230 réactions indésirables survenues dans les heures suivant la vaccination. Elles sont classées en trois groupes. Tout d’abord les

« réactions au site d’injection » (douleur, induration, œdème). Ensuite les « réactions allergiques » (érythème, urticaire général ou urticaire localisé). Enfin les « réactions générales » (fièvre, maux de tête, fatigue, syndrome grippal). Signalons encore un cas de conjonctivite bilatérale, un cas d’hématome au niveau de la cheville et un cas de saignement du nez, tous d’évolution favorable, ont été signalés. « L’imputabilité de ces cas au vaccin est douteuse » souligne l’Afssaps.

Les quatre notifications d’effets « graves » 1 concernent : deux affections neurologiques, une réaction allergique et une affection respiratoire. Citons l’Afssaps.

Il s’agit :

.  d’un homme de 34 ans avec des antécédents de troubles neurologiques à type de paresthésies notamment engourdissement des membres inférieurs ; douze années avant la vaccination par Pandemrix, a présenté des signes cliniques comparables trois jours après l’injection du vaccin. Les résultats préliminaires issus des examens neurologiques suggèrent une deuxième poussée de démyélinisation centrale. Cependant, les résultats des examens en cours sont nécessaires pour établir la cause. A l’heure actuelle, l’état du patient toujours hospitalisé s’améliore.

.  d’une  femme de 37 ans sans antécédents médicaux particuliers a présenté des paresthésies (fourmillements, troubles de sensibilité), ascendantes des pieds jusqu’au cou et irradiant vers les membres supérieurs, 6 jours après la vaccination par Pandemrix. Une régression des signes cliniques après échanges plasmatiques en hôpital de jour a permis son retour à domicile. Un diagnostic de syndrome de Guillain-Barré de forme modérée est suspecté. Cependant, les résultats des examens en cours sont nécessaires pour établir la cause. Il s’agit d’une maladie rare dont l’incidence annuelle est d’environ 2,8 cas pour 100 000 habitants par an. On estime qu’en France 1 700 patients sont hospitalisés chaque année pour un syndrome de Guillain-Barré. Ce risque augmente lorsqu’on est atteint de la grippe.

. d’une réaction allergique à type d’oedème de Quincke est survenue dans les minutes suivant la vaccination chez une femme de 26 ans sans aucun antécédent personnel ou familial d’allergie. Son état s’améliore sans aucune séquelle sous traitement adapté.

. d’une femme de 30 ans, avec des antécédents médicaux d’allergie aux poils de chat, a présenté un tableau clinique associant bronchospasme (spasme des bronches), dyspnée (essoufflement), fièvre et urticaire le soir même de la vaccination par Pandemrix. Son état s’améliore sous traitement adapté.

Pour l’Afssaps la plupart des cas déclarés au système de pharmacovigilance correspondent à des effets attendus de ce vaccin. « Deux des quatre cas graves, concernant des affections neurologiques, font partie des catégories d’effets indésirables identifiés dans le plan de gestion des risques européen et national des vaccins H1N1. Aussi, les effets  indésirables portés à la connaissance de l’Afssaps à la date du 10 novembre 2009 ne remettent pas en cause la balance bénéfice-risque du Pandemrix ».

Que conclure ? Que c’est sans aucun doute ici un remarquable travail de transparence en matière de politique sanitaire ; un travail qui, s’il avait été mené en son temps aurait peut-être permis de prévenir la bien triste affaire du vaccin contre l’hépatite virale B (en France ou celle de la vaccination contre la rougeole en Grande Bretagne). Mais comment ne pas penser que cette même transparence aura immanquablement des effets potentiellement négatifs en termes d’ « adhésion » de la population au dispositif d’immunisation gratuit et non obligatoire qu’on lui propose ? Et on a parfois le sentiment que cette même transparence peut prendre une sorte de dimension contagieuse, s’apparenter à une forme de puits sans fond. De ce point de vue le traitement de l’affaire, désormais célèbre du premier cas observé ici de syndrome de Guillain et Barré (qui nous aidera à faire un jour l’historique et le descriptif de ce syndrome entré en quelques jours dans le langage commun ? ) est exemplaire. Les autorités sanitaires annoncent dans la soirée du jeudi 12 novembre l’existence de ce cas. Le lendemain plusieurs médias radiophoniques reprochent à Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de « sembler faire marche arrière » en indiquant au Sénat que le lien de causalité n’est pas établi, que la relation entre vaccin et syndrome était même contestée et que ce syndrome était sans doute dû à un état grippal que la personne avait avant la vaccination. Ainsi ce vaccin protègerait même contre le syndrome de Guillain et Barré. Où est donc la « marche arrière » ? Et les autorités sanitaires d’être cette fois accusée d’avoir annoncé beaucoup trop vite l’existence de ce syndrome avant d’avoir fait la pleine lumière… Et les mêmes autorités d’être accusées de se tirer une balle dans le pied en péchant par excès de transparence…

Interrogé sur le grill des ondes, le Pr Didier Houssin directeur général de la santé : « Il est très important dans ce domaine de dire tout ce que l’on sait en sachant que bien souvent on a pas mal d’ignorance. Un cas de ce type était déjà public puisqu’il est survenu dans un établissement de santé. L’information était déjà connue et il était bien préférable de dire ce que l’on savait plutôt que de donner le sentiment que l’on cachait quelque chose. Le lien avec la vaccination n’est pas démontré mais il était important de donner connaissance de cet événement à l’ensemble des Français. Survenir « après » cela ne veut pas dire survenir « à cause de ». Vous allez avoir bientôt des gens qui vont mourir brutalement de mort subite, des femmes qui vont avorter, des grossesses qui ne vont pas aller à terme …. Et un certain nombre de ces personnes auront eu quelques jours ou quelques semaines avant une vaccination. La question bien évidemment ne manquera pas de se poser d’un possible lien. C’est tout le travail de l’Afssaps que d’analyser tous ces cas. »

Oui mais revenons sur le cas du syndrome de Guillain et Barré. La journaliste : « Oui mais si ce syndrome est dû au fait que la personne avait un syndrome grippal pourquoi l’a-t-on vaccinée alors que l’on ne doit pas vacciner les personnes présentant les symptômes d’un syndrome grippal ? » Le Pr Didier Houssin : « Oui vous avez raison, c’est un point qui mérite d’être souligné. Mais il peut y avoir parfois des syndromes grippaux qui débutent sans manifestations cliniques très importantes et que la vaccination soit faite alors que les signes ne se sont pas manifestés. Mais là encore ce n’est qu’une explication car la grippe n’est pas la seule en cause. » Pout finir le directeur général de la santé dira que l’on estime, avec le recul, que probablement « un cas de ce type de syndrome sur un million » peut être dû à la vaccination.

Jean-Yves Nau

(1) D’une manière générale le suivi national de pharmacovigilance renforcé repose sur la notification des événements indésirables médicamenteux par les professionnels de santé au réseau national des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et aux laboratoires pharmaceutiques. Ainsi tout médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien ou sage-femme ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû à un médicament, qu’il l’ait ou non prescrit, doit en faire la déclaration immédiate au CRPV. Tout autre professionnel de santé (personnel soignant) peut aussi signaler de tels événements. Dans le contexte particulier de la pandémie, l’Afssaps a également prévu que les patients, s’ils le souhaitaient, puissent déclarer eux-mêmes des événements indésirables qu’ils suspectent d’être liés à la vaccination H1N1 au moyen d’un formulaire de déclaration téléchargeable, disponible sur son site (pdf en ligne).

Doutes sur le bénéfice et Bénéfices du doute

Les dispositifs de vigilance sanitaires ont toujours été mis en place à la suite de crises sanitaires. Et c’est après la survenue de phocomélies (absence ou raccourcissement de la racine des membres) chez les nouveaux nés de femmes ayant pris de la thalidomide que le concept de pharmacovigilance s’est progressivement mis en place dans les différents pays développés (recommandation de l’OMS, dès 1962, un an après l’identification du drame). Ajoutons ici que c’est après l’affaire dite des syndromes de Guillain et Barré (en 1976 aux Etats-Unis) que le concept de vaccinovigilance a complété le dispositif de sécurité sanitaire ; ou encore que c’est après l’affaire du sang contaminé que les dispositifs d’hémovigilance ont été installés en France. De la même manière en 2003 la crise de canicule en France a contribué à renforcer la veille sanitaire.

Tous  ces dispositifs de vigilance reposent principalement sur la déclaration spontanée d’événements indésirables. La première difficulté est de déterminer la relation causale entre l’événement et la prise du produit de santé (médicaments, vaccins, produits dérivés du sang, etc…). Nous y reviendrons plus bas.

La deuxième  difficulté est de déterminer la fréquence de survenue de ces événements, car le degré de sous-notification n’est jamais connu avec précision. Un exemple (réel) : je me suis fait vacciner récemment contre la grippe H1N1pdm au sein de l’hôpital qui m’emploie. La vérité est qu’au bout de quelques heures j’ai eu sacrément mal au point d’injection (le muscle deltoïde de l’épaule gauche) ; au point que la douleur m’a empêché de bien dormir deux nuits de suite. Mais je ne l’ai déclaré à personne. On ne peut donc pas mesurer la fréquence des phénomènes sur les registres de déclarations d’effets indésirables, notamment les phénomènes bénins. On peut en revanche penser qu’on sait mieux approcher la réalité pour les phénomènes plus graves et plus rares comme les bronchospasmes, les œdèmes de Quincke ou les syndromes de Guillain et Barré.

La troisième difficulté, la plus importante, est la réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques du vaccin. En effet, ce rapport n’en est pas un, au sens mathématique du terme (notre co-auteur-blogueur, Jean Rabat en sera fort marri). On ne sait pas dire par exemple « lorsque ce rapport est supérieur à 2,5 alors le produit mérite sa place dans la pharmacopée ». On ne sait seulement même pas calculer ce « rapport ». D’une part on ignore ce qui est au numérateur (comment quantifier les bénéfices de la vaccination pour le patient ?), et d’autre part comment décider du dénominateur (comment additionner les douleurs au point d’injection avec les bronchospasmes et les syndromes de Guillain et Barré ?).

Le plus simple que l’on pourrait tenter de faire serait de mettre dans les deux termes du rapport des fréquences de décès (décès évités par la vaccination versus décès suspectés d’être dus à la vaccination). Encore faudrait-il les connaître, et ce n’est pas le cas (aujourd’hui), ni pour le numérateur, ni pour le dénominateur.  Et puis, nous ne fonctionnons pas avec un rationnel purement mathématique ou épidémiologique. Fort heureusement peut-être, d’ailleurs. Ainsi, quand bien même nous expliquerait-on avec précision que l’on a 100 fois moins de risque de mourir en se faisant vacciner que sans vaccin, le seul fait de savoir que l’on risque, avec le vaccin, une maladie neurologique inconnue et un peu mythique comme le syndrome de Guillain et Barré peut suffire à nous en détourner.

Il faut en outre  compter ici avec de nombreux autres paramètres : peur de la piqûre (cela n’a rien d’insultant de dire que certains de nos concitoyens ont peur de la piqûre ; on m’a reproché un jour d’avoir dit que bon nombre de personnels soignants avaient peur de la piqûre : or c’est un fait, ce n’est pas un jugement) ; refus quasi « militant » d’un vaccin dont on nous aurait trop rabattu les oreilles ; ou encore je ne sais quels motifs conscients ou inconscients (qui ne sont pas moins ou plus nobles, mais qui sont). La mathématique fournit un éclairage. Elle n’est pas la Lumière de toutes nos actions, loin de là. D’autres déterminants entrent en jeu dans notre processus complexe de décision. Ils mériteraient d’ailleurs d’être davantage explorés par les sciences sociales.

Revenons un instant à la détermination du lien causal. Lorsqu’une réaction allergique (urticaire, bronchospasme, œdème de Quincke, crise d’asthme, choc anaphylactique) survient dans les heures après l’injection vaccinale, la relation causale prête peu à discussion. S’il n’y a pas eu absorption concurrente d’une substance allergisante connue, on peut dire avec une forte probabilité de certitude que le vaccin est en « cause ». Lorsqu’il s’agit d’une douleur au point d’injection, d’une réaction locale, si aucune piqûre de moustique ne vient interférer dans l’histoire, sous nos latitudes et à pareille époque de l’année, on peut aussi signer la relation de « cause à effet ». Pour toutes les autres notifications d’effets indésirables on entre dans les brouillards de la causalité incertaine. Un cancer du poumon qui serait détecté le lendemain de l’injection verrait bien sûr rejeter le lien de causalité par tous les cancérologues qui diraient qu’il faut du temps pour une tumeur de se développer et qu’une nuit n’y suffit pas. Que dire d’une maladie neurologique survenant trois jours après l’injection vaccinale ? Une maladie dont on ignore tout des mécanismes de survenue, de l’origine, y compris en dehors de toute vaccination ? Une maladie qui n’a rien de spécifique de la vaccination, car aucune maladie n’est « spécifique » de la vaccination anti-grippale. C’est alors formidablement difficile.

Attention cependant. Dire qu’il est difficile de déterminer le lien de cause à effet, ne doit pas laisser sous-entendre, d’un revers de main, que toutes ces réactions ne sont pas d’origine vaccinale. Elles peuvent l’être.  Ce sont des médecins français qui les premiers ont signalé des tendinites liées à un antibiotique (de la famille des fluoroquinolones). Qui aurait pu croire qu’un antibiotique aurait pu causer des dommages à l’un des endroits les moins vascularisé du corps humain (les tendons), et selon un processus qui s’apparente davantage aux traumatismes des sportifs qu’à une réaction indésirable médicamenteuse ? Eh bien, aujourd’hui, plus personne ne doute, dans la communauté médicale internationale que les fluoroquinolones sont des antibiotiques qui peuvent entraîner des tendinites ; voire mêmes des ruptures du tendon d’Achille, tout à fait spectaculaires et invalidantes. Donc, si le plus souvent les dispositifs de  pharmacovigilance, ou de vaccinovigilance ne permettent pas à coup sûr de déterminer que tel événement est lié à tel produit, ce sont néanmoins des éléments concourant à la sécurité sanitaire destinés le cas échéant à tirer précocemment la sonnette d’alarme. Ils permettent la détection de cas graves et inattendus. Lorsque les effets rapportés sont graves mais attendus, ils permettent éventuellement la détection de leur augmentation, bien que ce soit là un exercice plus difficile encore. Ils contribuent à un meilleur pilotage de la politique vaccinale à l’échelon national et  international.

Antoine Flahault

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“Heureux ceux qui croient sans avoir vu”, ils seront vaccinés

C’est extraordinaire ce que la santé publique est empreinte de moralisme quasi catéchétique. Lisez à ce propos, dans son billet d’aujourd’hui, le sévère jugement que porte Jean-Yves Nau sur nos contemporains qui refusent aujourd’hui la vaccination et tiennent à le faire savoir. Le rapport à la santé est certes culturellement connoté par l’influence des grandes religions. Les hôpitaux étaient – et sont encore parfois – des Hôtel-Dieu dans nos villes. A Berlin aussi, capitale européenne que nous fêtons particulièrement ces jours-ci, l’Assistance publique s’appelle « Charité », en Français dans le texte. Les legs laissés par le dévouement infirmier des sœurs soignantes des siècles passés sont bien sûr considérables et ont façonné nos métiers, nos esprits et nos cœurs, à n’en point douter. Les métiers de la médecine, très certainement. Ceux de la santé publique, ce pouvait être moins attendu. Ce sont plutôt les Lumières qui ont apporté le discours sur la médecine préventive et collective, avec Condorcet par exemple, puis plus récemment, au début du XXème siècle, avec de grandes figures (un peu oubliées malheureusement) comme celles de Jacques Parisot, véritable père de l’école de Nancy (lire le livre d’Etienne Thévenin, paru en 2002 aux Presses Universitaires de Nancy, résumé en ligne gratuit) . Malgré cet apport profondément laïc, il subsiste dans l’approche de la santé publique de profonds reliquats moralisants. On voudrait que les experts soient des saints comme le rappelle Jean-Yves Nau. Mais il y a les conflits d’intérêts. Ils existent. Il faut déclarer publiquement ses conflits d’intérêt dit-on aujourd’hui, comme on demandait autrefois de reconnaître ses fautes (mais cela restait dans le confessionnal, c’était avant l’ère Internet). Derrière les intérêts, il y a le fantasme sous-tendu d’un grand marionnettiste qui tirerait,  derrière le rideau, les ficelles : encore une scorie des interférences religieuses du passé ? On voudrait que les ministres soient des Mère Thérésa. On reproche aux responsables de ne pas « donner l’exemple ». Mais de quoi parle-t-on ? Que souhaitons-nous comme société ? Souhaitons-nous vraiment remplacer la morale religieuse par une morale sanitaire, certes laïque, mais qui vous ferait expier vos kilos en trop par une activité physique pénible et imposée ? Le fumeur a-t-il besoin que son médecin ne fume pas pour savoir que la fumée de cigarette est dangereuse pour sa santé ? La vaccination de Nicolas Sarkozy doit-elle être scénarisée pour que les foules se dirigent vers les centres municipaux ?

Permettez-moi de reprendre ici la réflexion d’une de nos blogueuses-lectrices de ce week-end, qui sous le pseudonyme de Cathy a écrit le commentaire suivant qui éclaire à mon sens le débat d’aujourd’hui :  « C’est curieux, en vous lisant j’ai l’impression de comprendre (je suis prudente…) que pour bcp le problème du vaccin c’est la peur des effets secondaires éventuellement dangereux. Je ne suis pas sociologue, hein, mais autour de moi j’observe tout autre chose. Il s’agit surtout d’opposition, d’opposition ferme avec plus ou moins de colère. La phrase que j’entends le plus c’est “on nous prend pour des c…”. Je ne connais personne qui ait peur du vaccin en tout cas qui l’exprime… Il s’agirait plutôt d’un moyen de s’opposer à un système qui semble avoir perdu toute crédibilité. Le danger n’étant pas -encore- visible, (voire totalement nié par bcp) le petit peuple fait de la résistance autrement que dans la rue. En tout cas, dans nos campagnes, c’est le discours ambiant, “notables” compris ».  Je ne sais pas si Cathy a raison, il est un peu tôt pour le dire. Mais, elle a sa raison, et elle l’exprime. On sent bien en effet, que l’expertise est un peu prise au dépourvu dans cette aventure. D’abord parce que cette expertise peine à cerner avec acuité le phénomène, dont on n’arrive toujours pas à savoir le degré de gravité – comme le rappelle avec des mots très justes Jean Rabat, un autre fidèle commentateur de notre blog, co-auteurs avec Cathy et les autres devrait-on bientôt dire, tant leur production est intense.

On ne sait pas en particulier si la pandémie sera beaucoup plus grave qu’on ne la ressent aujourd’hui, ou au contraire particulièrement anodine, au regard des véritables fléaux auxquels sont confrontés toute l’humanité, tous les jours que Dieu fait. Ensuite, nos contemporains éprouvent sans doute des difficultés – des limites ? – à croire ce qu’ils ne voient pas (c’est évangélique pourtant : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu », Jean 20, 19-31), et donc sans doute à donner crédit à l’anticipation des experts. Dans cette pandémie du XXIème siècle, on est pourtant en plein dans l’anticipation. On l’attend même depuis 2003 ! Elle a changé de nom entre temps, ce n’est plus H5N1, mais c’est bien une pandémie, et c’est bien la grippe. Mais on ne voit pas grand-chose. Pas encore ? Peut-être. Et l’on ne verra probablement jamais quoi que ce soit de bien grave, pour plus de 99% d’entre-nous. Alors, face à ces incertitudes, face à ce « rien à voir », il n’est pas étonnant que certains d’entre nous aient envie de dire « circulez », et ceux, les moins moralistes : « laissez-moi circuler, et me retirer de tout se brouhaha ».

Antoine Flahault

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Vaccin contre H1N1 : bientôt l’armistice ?

Quel spectacle ! Et osons les qualificatifs : quel triste et pitoyable,  quel désespérant et régressif spectacle ! Pas un jour sans qu’un médecin parisien de renom (mandarin « émérite », mandarin définitivement à la retraite ou mandarin mort-né), sur les ondes ou sur les écrans, ne nous parle de son cas. Les différentes formes séculaires de la danse du ventre ont sans aucun doute leurs raisons et leur vertu. Il reste à démontrer ce qu’il en est, ce qu’il en sera, de cette nouveauté parisienne qu’est la danse du ventre médicale et vaccinale.

Le journaliste : « allez-vous ou non faire vacciner, docteur ? » Et le docteur au salon de dire oui, de dire non, de dire peut-être, de dire je vous attends. Comment raisonnablement comprendre ? Il  fallait, sur ce thème, entendre (dans l’aube du lundi 9 novembre) un célèbre syndicaliste français de l’urgence réanimatrice invité  à s’exprimer sur les ondes d’une station qui ne renie pas ses racines luxembourgeoises. Ce praticien est célèbre depuis l’été 2003 pour avoir (fort justement) trouvé (par le plus grand des hasards) les moyens d’attirer l’attention du plus grand nombre sur les premières conséquences sanitaires d’une canicule.

Hier il expliquait publiquement les raisons profondes qui le poussaient à refuser l’immunisation. Aujourd’hui il bredouille pourquoi, en définitive « il s’est fait piquer ». On croit comprendre qu’il a voulu de la sorte protéger des « malades immunodéprimés ». Dont acte. Puis il ajoute en substance que la politique gouvernementale du « tout vaccinal » est une erreur, sinon une faute. Il ajoute que pour ce qui est des personnes âgées mourir prématurément de la grippe ou d’autre chose…. Aussitôt le journaliste de faire remarquer au médecin qu’il y a six ans il développait une argumentation inverse. Et le médecin de rétorquer que cela n’a rien à voir. Et les auditeurs d’être conviés à passer à un autre sujet ; par exemple le XXème anniversaire du début de la chute du Mur de Berlin.

Au même instant ou presque, soit trois jours de l’ouverture des 1 000 centres de vaccination Roselyne Bachelot, ministre française de la Santé  présentait à la presse la campagne et le dispositif de pharmacovigilance « activé autour des effets secondaires du vaccin ». Pour la ministre de la Santé, qui se fera vacciner –publiquement- au lendemain de l’anniversaire de l’armistice ce dispositif va fonctionner « dans une transparence totalement inédite dans l’histoire sanitaire de notre pays  ».

Un premier rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) mis en ligne le 9 novembre (et qui devrait être actualisé chaque semaine, tous les mercredis) concerne les 50 000 premiers professionnels de santé qui se sont fait inoculer le vaccin commercialisé sous la marque Pandemrix. Ce rapport fait état d’une trentaine de cas d’effets indésirables, d’intensité bénigne à modérée, survenus dans les heures suivant l’injection : des réactions au site d’injection parmi lesquelles prédomine la douleur (24 cas), 1 cas d’urticaire localisé et 25 cas de réactions générales, essentiellement maux de tête, fièvre et fatigue. Trois cas de malaise associés à une poussée hypertensive ont été relevés, avec retour rapide à la normale.

On ajoutera (pourquoi ?) un cas de conjonctivite bilatérale, un cas d’hématome au niveau de la cheville et un cas de saignement nasal. Tous ont connu des évolutions favorables et rapides. « À ce jour, selon Mme Bachelot, rien ne distingue ce bilan de celui observé pour d’autres vaccins contre la grippe, des vaccins très largement utilisés. ». « Dans tous les cas, chronologie n’est pas causalité, souligne pour sa part Jean Marimbert, directeur général de l’Afssaps. Chaque cas a été notifié à l’un des 31 centres régionaux de pharmacovigilance) soit par les professionnels de santé ayant constaté un effet indésirable grave ou inattendu susceptible d’être dû au vaccin, soit par les patients eux-mêmes, au moyen d’un formulaire téléchargeable, fera l’objet d’une analyse de la causalité avec toutes les informations disponibles, afin de permettre d’évaluer le rôle propre du vaccin lui-même. Ce n’est qu’au terme de cette démarche que l’imputabilité pourra être établie. »

S’agissant du désormais célèbre syndrome de Guillain-Barré, régulièrement évoqué par les adversaires de la vaccination, le Pr Didier Houssin, directeur général de la santé,  a annoncé la création imminente d’un observatoire qui réunira les plus importants centres neurologiques français, pour assurer un suivi en temps réel. Le Pr Houssin a tenu a rappeler que l’on recensait en moyenne chaque année en France entre 1 700 et 1 800 cas de ce syndrome ; soit trois à cinq par jour. Il s’agit donc de vérifier si l’incidence des cas dépasse ce « bruit de fond ». Il ajoute que la cause principale de ce syndrome étant une infection virale, il y a tout lieu de considérer que la vaccination devrait réduire le nombre des cas. A suivre.

Dans l’attente, et jusqu’au 6 décembre, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé va lancer une nouvelle campagne d’information destinée à convaincre les quelque 6 millions de personnes concernées par la première vague à se rendre à leur centre de vaccination (personnels de santé, femmes enceintes, entourage des nourrissons de moins de six mois, asthmatiques ou personnes atteintes de bronchite chronique obstructive). Un spot va être diffusé sur les chaînes nationales (hertziennes, câbles, TNT) pour mettre en valeur l’importance individuelle et collective que revêt la vaccination, avec une voix off qui précise : « On peut tous faire quelque chose pour limiter la propagation de l’épidémie. Contre la grippe, la meilleure protection, c’est la vaccination. » Depuis le début de la vaccination réalisée au sein des hôpitaux, seuls 80 000 praticiens hospitaliers, ou médecins et infirmiers de ville se sont fait vacciner. Pour le Pr Houssin il s’agit là d’un « pourcentage faible ». La proposition de vaccination des quelque 12 millions d’enfants scolarisés  (de la maternelle au lycée) commencera à partir du 25 novembre. On devrait ainsi, avant la fin de l’année, voir ce qu’il en sera du pourcentage.

Jean-Yves Nau

11 novembre 2009 : veillée d’armes vaccinales

Bénéfices versus risques. La question des effets indésirables du vaccin se pose aujourd’hui notamment au regard des bénéfices attendus, durant cette période qui précède le véritable démarrage de la campagne vaccinale. Cette question sera peut-être au centre des débats dans quelques mois, lorsque seront rapportées des suspicions de réactions imputées (à tort ou à raison) au nouveau vaccin antigrippal. Et il ne suffit pas de mettre en ligne un système de recueil d’effets indésirables pour que la question soit résolue ; loin de là.

Comme le souligne le directeur général de l’Afssaps dans les propos que rapporte Jean-Yves Nau ci-dessus, la seule séquence chronologique ne suffit pas : le fait qu’un syndrome de Guillain et Barré surviennent quelques semaines après l’injection vaccinale ne signe pas la responsabilité du vaccin. Car comme le rappelle le directeur général de la santé, on dénombre quotidiennement en France entre trois et cinq syndrome de ce type (indépendamment de tout vaccin) dont, qui plus est, on connaît mal l’origine. Nous pouvons donc d’ores et déjà imaginer que bon nombre des cas qui surviendront (par le « simple » fait du hasard) dans la fenêtre de temps qui suivra l’injection vaccinale seront attribués à tort à la vaccination.

Dans ce contexte  il faudrait arriver à faire le tri entre ceux qui surviennent par le fait du hasard et ceux qui pourraient être dus au vaccin. Est-ce possible ? On peut en douter. Nous sommes là dans une problématique hautement délicate, un écheveau pathologique pratiquement indémêlable. Car les évènements indésirables pouvant être imputés au geste vaccinal sont toujours des événements très rares et pour lesquels on ne connaît ni les mécanismes physiopathologiques ni l’origine précise. Et ce sont précisément ces « événements » qui alimentent les polémiques vis-à-vis des vaccins : la sclérose en plaque  pour le vaccin contre l’hépatite virale de type B (en France), les syndromes autistiques  pour le vaccin contre la rougeole (en Grande Bretagne), l’invagination intestinale du nourrisson pour le vaccin contre le rotavirus (aux USA), le syndrome de Guillain et Barré pour la vaccination anti-grippale (un peu partout).

Les études épidémiologiques qui sont lancées une fois que la suspicion est là ne permettent pas, bien souvent, de conclure. Certaines études semblent a priori convaincantes dans un sens. D’autres le sont dans l’autre. Et l’on sort de toute cette littérature « avec la tête comme une citrouille » comme l’évoquait l’une de nos lectrice-blogueuse à propos des multiples controverses scientifiques autour de ce vaccin.

Résumons-nous. Ces questions ne sont pas simples, et elles le sont d’autant moins que les « événements » auxquels nous faisons référence sont rarissimes : de l’ordre de 1 cas pour 100 000, voire par million d’injections. Ce ne sont pas, pour la plupart, des cas mortels ; et en l’occurrence de très loin moins mortels que le syndrome de détresse respiratoire aiguë qui, lui, peut sans difficulté être associé au virus de la grippe, et qui peut tuer une fois toutes les 10 000 infections. Pour autant, et quelques soient les incertitudes qui demeurent dans ce domaine, personne ne souhaite voir augmenter le nombre de ces événements indésirables dans les semaines à venir.

Mais plutôt que de nourrir des oppositions sans issue comment ne pas nous réjouir de voir que, d’une certaine façon, nous changeons d’époque. L’ensemble de la communauté scientifique mondiale spécialiste du sujet va enfin pouvoir se mobiliser au même moment sur ces sujets. C’est à la fois heureux : plus les chercheurs  sont nombreux à se pencher sur une question, plus la chance d’en trouver des solutions est élevée. A l’inverse, aucun utopisme : nous avons la quasi-certitude que la profusion des études ajoutera (au moins de manière momentanée) à la confusion et aux controverses (et donc la citrouille n’a pas fini de désenfler…). Me reviennent ici en mémoire les propos d’un éditorialiste de la revue Science qui traitait des nombreuses études épidémiologiques foisonnant de-ci, de-là, en quête d’associations controversées et souvent peu reproductibles. L’éditorial était titré : « Epidemiology faces its limits » (large extrait gratuit en ligne, en anglais). Et bien oui : l’épidémiologie, les épidémiologistes se heurtent à des verrous technologiques. Cette discipline  rencontre ses propres limites dès lors lorsqu’elle va s’intéresser à des risques très rares, peu connus, à des associations de faible force.

Désespérer ? Certainement pas ! Cette situation délicate ne doit en rien s’opposer à une vigilance accrue, à une véritable veillée d’armes : déploiement d’études en cas de doute, coopération internationale sur ces sujets avec les puissants moyens dont, fort heureusement, nous disposons aujourd’hui. Signalons déjà, avant la bataille, l’article paru dans le Lancet, le 31 octobre dernier par Steven Black et coll.  (seul le résumé en anglais est gratuit en ligne). Ce travail préoccupé par le risque de rumeur dévastatrice dans ce domaine dans les mois à venir, tente de chiffrer à l’avance, comme pour prendre date, les taux de base, sorte de bruit de fond, des principaux événements indésirables généralement attribués aux vaccins à tort ou à raison, mais ici avant même que le vaccin H1N1 ait été seulement mis sur le marché. Les auteurs de ce papier expliquent, un peu comme l’a fait le directeur général de la santé en France vis-à-vis du syndrome de Guillain et Barré, qu’il faut s’attendre à voir survenir durant les semaines qui suivront la vaccination, à tout le moins, les événements qui seraient survenus en l’absence de vaccination.

Antoine Flahault

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Vaccinations : sauvera-t-on le soldat Ryan ?

Grippe: Vaccination et panique à bord

Un groupe de spécialistes lance un appel planétaire pour que l’on fasse au mieux la lumière sur la réalité des effets secondaires des vaccins anti-pandémiques

Avec cette première pandémie grippale du XXIème siècle nous voguons décidément collectivement vers des horizons bien incertains. Avec, au centre d’une boussole perdant le nord, les questions en cascades soulevées par la vaccination. Cela vaut pour la France comme nous venons, une nouvelle fois, de l’observer ces derniers jours au travers des embarras croissants de Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé perdant progressivement pied pour justifier sa politique du « tout vaccinal » ; ou plus précisément –et c’est bien là que blesse le bât – du « tout vaccinal proposé ».

Mais changeons un instant de jumelles et l’on découvre bien vite que des problématiques voisines émergent ici ou là tant dans la communauté internationale des « experts » (en virologie, immunologie, épidémiologie, veille sanitaire, santé publique, économie, calculs bénéfices-risques, éthique etc.) que dans celle, souvent plus ou moins consanguine,  des responsables sanitaires politiques. C’est, d’une certaine manière, l’objet d’un vibrant et assez étonnant appel que vient de diffuser sur son site la célèbre revue médicale britannique The Lancet (pdf gratuit en ligne, en anglais).

Résumons ici au plus serré le propos. Une pandémie émerge et, par définition, se propage (et s’installe dans le temps) à des rythmes variables dans les deux hémisphères. Des vaccins sont élaborés dans l’urgence ; ils sont acquis, dans des conditions plus ou moins transparentes, par les pays les plus riches de la planète. Ces derniers expliquent, air connu, qu’ils aideront les plus pauvres à ne pas être totalement démunis lorsque la bise pandémique sera venue. Dans tous les cas de figure on proposera cette vaccination à de très larges fractions de la population le plus souvent des hommes et des femmes jeunes, très jeunes ou, plus tard, plus âgés. Le scénario n’est pas sans reproduire celui que la France a connu avec la vaccination contre l’hépatite virale de type B sur laquelle il faudra bien, un jour, revenir pour, entre panique et déni, dire la réalité.

The Lancet, donc, sur le site duquel un groupe de chercheurs et d’institutions sanitaires tente de prévenir les possibles (et redoutables) erreurs d’interprétations qui pourraient, demain, résulter des campagnes vaccinales massives anti-pandémiques. Ils tentent en quelque sorte de déminer un terrain qu’ils savent –que nous savons – miné. Mais laissons-donc ici pleinement la parole à l’expert, au pédagogue, au citoyen.

Jean-Yves Nau

Sauvera-t-on le soldat Ryan ?

Comme Jean-Yves Nau le suggère cette vaccination de masse entreprise au niveau mondial pourrait-elle se solder par une suspicion généralisée vis-à-vis du vaccin ? Et ce en raison d’effets secondaires vaccinaux plus ou moins hypothétiques, en tout cas difficiles à interpréter, comme nous en avons eu l’expérience douloureuse en France avec la campagne d’incitation à la vaccination généralisée contre l’hépatite B ? Cet appel des chercheurs dans le Lancet est à la fois louable et bien sûr utopique.

On peut bien évidemment le qualifier de« scientiste », au sens propre du terme (et surtout pas sectaire). Il voudrait répondre par la science (la raison et les faits) à ce que nous voyons depuis quelques semaines déferler sur la blogosphère. Des vagues irrationnelles (je présente d’emblée mes excuses à ceux que je sais irriter en écrivant cela ; mais n’est-ce pas aux scientifiques de le dénoncer ?) concernant le risque vaccinal, les adjuvants, les squalènes et autres mythes présentés comme terrifiants. J’use du terme  « irrationnel », sans mépris ni manque de respect,  mais parce que les seuls faits scientifiques et les seules données épidémiologiques avancés ne parviennent pas à contrer un argumentaire construit pour l’essentiel sur des convictions inébranlables.

Après la description d’une épidémie de syndrome de Guillain et Barré (j’écris bien « consécutive » et non pas « due à ») consécutive à l’administration d’un vaccin contre la grippe en 1976 aux USA, il y a eu autant d’articles dans la presse scientifique, pour évoquer un lien probable avec la vaccination que d’articles de même qualité pour réfuter un tel lien. Après la suspicion de la survenue de cas de sclérose en plaque après la vaccination contre l’hépatite B en France, la situation est également demeurée inextricable, le lien causal indémêlable.

J’ai personnellement revu en détail l’ensemble de cette littérature. Ce sont deux études de cas que j’ai enseignées largement à la Faculté ces dernières années. On est à chaque fois successivement troublés, convaincus, par les arguments des uns, puis… par les arguments des autres. Ainsi, la survenue d’un syndrome de Guillain et Barré 13 jours après une injection vaccinale, en étant en pleine santé préalablement pose question à toute personne concernée, à tout médecin aussi. Le fait qu’il n’y ait aucune augmentation de ces cas de Guillain et Barré durant la période où l’on vaccine massivement contre la grippe saisonnière (entre septembre et novembre) trouble profondément l’épidémiologiste (voir un billet récent à ce sujet). Le débat est ensuite éventuellement pollué par les conflits d’intérêts de ceux qui mènent ces recherches ou s’expriment à leur sujet.

De tels  conflits surviennent dans tous les domaines scientifiques. Ils ne sont nullement réservés aux liens avec le secteur industriel pharmaceutique. Pour autant restons un instant sur ces liens. Les experts ne relèvent pas « du domaine public » exclusif. Ils peuvent aussi être appelés à donner leurs conseils aux industriels, dans le cadre de conventions réglementées. Il faut bien des experts pour mener les essais cliniques et pour développer de nouveaux médicaments. Dès lors qu’il a collaboré avec le privé, l’expert serait-il ipso facto « démonétisé » ? Ce qu’il dit devient-il nul et non avenu ? Nécessairement tendancieux ?  En toute bonne foi, le raisonnement y compris scientifique est toujours influencé par l’expérience. Et même si cette expérience peut être utile à l’expertise, il est important de savoir quels sont ces conflits d’intérêts potentiels et quelle est leur nature.

On a étendu la notion de conflits d’intérêt à la vie privée des experts, à leurs liens familiaux et matrimoniaux officiels. Rien à redire. On ne demande pas (encore) ce qu’il en est des liens informels, mais qui sait un jour et pourquoi pas ? Jusqu’où pousser la suspicion de conflits d’intérêts ? Ce sont des questions débattues dans le monde de la recherche et il est normal de les poser sans tabou. Les agences publiques, en France, l’Afssaps, l’Afssa, l’Afsset, l’InVS et la Haute Autorité de Santé (il en va de même dans toute l’Europe ou aux USA) demandent ces déclarations de conflits d’intérêts potentiels avant de solliciter on non l’expertise des enseignants-chercheurs qui publient dans le domaine. Les revues médicales et scientifiques font de même avant d’autoriser toute publication, et les liens déclarés figurent alors sur les publications. Ces déclarations ne gomment pas l’influence qu’ont ces liens sur l’expertise, mais permettent – on l’espère – de mieux la tempérer, l’interpréter, la moduler éventuellement.

Revenons à notre sujet. Malgré tous ces efforts vers la clarté, il semble illusoire de penser que seuls les arguments scientifiques viendront contrecarrer les attaques qui surgiront contre le vaccin du fait de la suspicion d’effets indésirables. Les épidémiologistes feront ce qu’ils pourront. Des débats contradictoires au sein même de leur communauté les agiteront, et ajouteront peut-être à la confusion, voire à la suspicion comme l’ont montré les récents débats évoqués ci-dessus. Et une fois de plus il pourrait en résulter que … l’on ne pourra pas conclure définitivement sur le lien de causalité entre tel effet rare et la vaccination.

Il s’agira bien entendu d’effets dont on ne saura ni la cause, ni le mécanisme de survenue, ni la physiopathologie ni l’évolution, comme le syndrome de Guillain et Barré, la sclérose en plaques, ou l’autisme. De ce débat inextricable, qu’en sortira-t-il ? Une suspicion accrue vis-à-vis des vaccins pour ceux – nombreux aujourd’hui – qui n’avaient pas confiance au départ ?  Un doute émergeant chez ceux qui n’avaient pas d’idées préconçues sur le sujet. Et peut-être même une « contamination » de l’ensemble de la société sur les autres stratégies vaccinales ? De cela, une large majorité de la communauté médicale est consciente. Il en va de même des producteurs de vaccins aussi.

Avait-t-on raisonnablement d’autre choix ?  Ce n’est pas la fleur au fusil que l’on aborde ces questions, qui sont et seront difficiles à traiter. Derrière l’appel de nos collègues dans le Lancet, il faut me semble-t-il percevoir l’expression de la conscience aiguisée qu’il faut « sauver le soldat Ryan », sauver le soldat vaccinal qui à l’aube de ce vingt-et-unième siècle pourrait rapidement rendre l’âme face aux résurgences récurrentes des craintes ancestrales nées des avancées du progrès de la science et de la raison. Cela posé, nous avons la chance, infinie, d’en découdre sur les prés démocratiques et citoyens.

Antoine Flahault

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Arnaques, grippe et polémiques

Etrange période sur les fronts de la pandémie. Quand Barak Obama décrète l’état d’urgence aux Etats-Unis, l’Hexagone se prend de passion pour un match de football (Olympique de Marseille –Paris Saint-Germain) annulé en catastrophe au motif que trois joueurs parisiens étaient infectés par le nouveau virus. Etrange réglementation sportive née avec le A(H1N1), qui impose le diagnostic virologique spécifique, et met les supporters en fureur. Que se serait-il passé si les trois joueurs avaient été victimes de la grippe saisonnière ? Interrogés avec véhémence les responsables du football professionnel français cachent bien mal leur embarras. Comme les responsables politiques ils se réfugient derrière les « experts », évoquent le principe de précaution, se drapent dans le nécessaire respect de la santé publique  et y ajoute, c’est nouveau, celui de l’équité sportive. Quant aux responsables politiques il a fallu que ce soit Le Premier ministre lui-même qui  monte en première ligne. Et François Fillon d’intervenir ainsi publiquement  pour réclamer désormais « un préavis de 24 heures » avant une annulation de match pour cause de grippe pandémique. On imagine d’ores et déjà la suite des évènements.

Dans un tel contexte deux questions méritent d’être posées. La première est de savoir pourquoi personne n’a songé à pouvoir vacciner en priorité les joueurs de football professionnels. La seconde est de savoir s’ils auraient accepté.

Car parallèlement à celle du virus les étranges rumeurs anti-vaccinales ne cessent de circuler. La dernière en date vise le groupe pharmaceutique suisse qui vient de démentir que l’un de ses vaccins pourrait ne pas recevoir le feu vert des autorités sanitaires helvétiques en raison de mystérieuses contaminations bactériennes. Dénommé Celtura, ce vaccin est produit à partir de cultures cellulaires à la différence des autres vaccins anti-grippaux qui sont presque tous produits à partir d’œufs de poules embryonnés.

Citant une même source à la fois qualifiée d’ « anonyme » et de « proche du dossier » le quotidien Tages-Anzeiger affirmait samedi 24 octobre que des contaminations bactériennes avaient été relevées dans les lots vaccinaux testés par Swissmedic, l’autorité sanitaire suisse chargée d’accorder ou pas le feu vert au vaccin. Contactée par différents médias, dont l’Agence France Presse Swissmedic  a indiqué qu’elle ne pouvait « ni confirmer, ni infirmer »  les informations publiées par le Tages-Anzeiger.
La réponse de l’autorité de régulation sera connue dans quelques jours. « Il n’y a pas de contamination pour le Celtura, le procédé de production est bien plus propre que  par des  oeufs de poules » a déclaré depuis Bâle un porte-parole du géant pharmaceutique suisse oubliant que ce dernier commercialise déjà Focetria, vaccin adjuvanté produit …. sur œufs de poules.

Peu avant cette nouvelle controverse Roselyne Bachelot, ministre française de la Santé s’était une nouvelle fois mise en colère à propos des oppositions persistantes à la vaccination dans la population française et dans la sous-population des professionnels de santé.  La ministre était, jeudi 22 octobre l’invitée du LEEM (Les Entreprises du Médicament) dans le cadre de  la soirée de clôture de la « semaine de dialogue sur le médicament ». La ministre a profité de cette occasion pour rappeler fermement à l’ordre tous ceux, patients et professionnels de santé, qui ont « un réflexe d’enfant gâté » en refusant de se faire vacciner contre le virus H1N1, et qui risquent ainsi, selon elle, «de se contaminer eux-mêmes, de contaminer leurs proches, ou de contaminer leurs patients s’ils sont professionnels de santé».

Selon Le Quotidien du Médecin Roselyne Bachelot a trouvé des « accents lyriques » pour tenter de les convaincre de se rendre dans les centres de vaccination : « Je demande aux Français de ne pas avoir la mémoire courte. Je vois se développer des campagnes qui dénigrent globalement la vaccination. Est-il si loin le temps où notre pays était émaillé de sanatoriums, est-il si loin le temps où des dizaines de milliers de Français restaient handicapés, parfois lourdement, après une poliomyélite, est-il si loin le temps où l’on mourrait du tétanos en faisant son jardin (on en meurt encore un peu quand on n’a pas fait les rappels de vaccination), est-il si loin le temps où les enfants mourraient dans les bras de leur mère de la diphtérie, de la coqueluche ou de la rougeole ? Réfléchissez un peu à ce que demandent les mères africaines qui voient mourir leurs enfants dans leurs bras : elles veulent des vaccins ! Réfléchissez à ce que nous demandons, nous les militants de la lutte contre le sida: ce que nous attendons, c’est un vaccin ». Pour la ministre de la Santé, il convient d’aborder la question d’une manière « rationnelle et citoyenne », et de reconnaître « les bénéfices tirés de la politique vaccinale ». Nous sommes ici dans un registre argumentaire connu. Le propos n’est en effet pas sans rappeler les exhortations rituelles à participer aux élections au motif que des citoyens se sont battus pour que nous puissions avoir la chance de pouvoir voter dans un espace démocratique; où à finir son assiette au motif que des enfants meurent de faim.

Etrange période sur les fronts de la pandémie. Le lendemain, depuis Grenoble, on apprenait que neuf personnes habitant en Isère venaient de porter plainte en dénonçant cette campagne de vaccination contre la grippe H1N1 comme « une véritable tentative d’empoisonnement » de la population. Cette plainte avec constitution de partie civile a également déposée pour « tentative d’administration de substances (…) de nature à entraîner la mort », a été déposée auprès du tribunal de grande instance de Grenoble. Les plaignants sont neuf habitants de la vallée du Grésivaudan (dont une professionnelle de santé, une animatrice de radio et une enseignante) qui, précise l’AFP, se sont rencontrés dans des réunions publiques consacrées notamment aux risques supposés du vaccin contre la grippe.

«Le but est d’arrêter ce que nous considérons comme un empoisonnement, a expliqué leur avocat. L’intérêt de cette action est que des gens en France aient une attitude citoyenne et disent publiquement: ‘’nous avons compris que la campagne de vaccination est une arnaque’’. » Selon lui des plaintes similaires seront déposées prochainement en Isère, ainsi qu’à Paris, Pau et Nantes. Il précise encore que quelques centaines de personnes, opposées au vaccin, habitant différentes régions de France et se contactant via l’internet, ont l’intention de se regrouper en collectif.

Etrange période sur les fronts de la pandémie. Aux Etats-Unis, le Dr Thomas Frieden, directeur des Centres de contrôle et de prévention des maladies vient de s’alarmer publiquement  de la trop lente livraison des vaccins : 16,1 millions de doses étaient prêtes il y a quelques jours à être livrées, mais à la fin du mois d’octobre  30 millions de doses seulement seront disponibles au lieu des 40 millions prévues initialement. Cette pénurie coïncide avec la décision de l’État de New York de ne plus imposer la vaccination à ses professionnels de santé. Les autorités sanitaires de l’État avaient fixé comme date limite le 30 novembre pour que ces derniers se fassent vacciner faute quoi ils pourraient perdre leur emploi. Confrontées à une contestation qu’ils n’avaient sans doute pas prévue ces mêmes autorités ont décidé de suspendre l’obligation. Raison invoquée : privilégier  en priorité les catégories à risque : « Les vaccins, disponibles en quantités limités, seront réservés prioritairement aux femmes enceintes, aux enfants et aux jeunes », a ainsi indiqué un communiqué du département de la Santé de l’État.

En proclamant  l’état d’urgence sanitaire face à la pandémie  Barack Obama a expliqué, dans une note adressée au Congrès, que les Etats-Unis devaient  « être prêts dans l’éventualité d’une rapide augmentation des cas qui pourrait submerger le pays ». La pandémie a aujourd’hui touché 46 États sur 50. L’état d’urgence renforce les capacités des centres médicaux face à l’afflux de malades en leur permettant notamment de prendre des initiatives  sans se conformer à certaines exigences fédérales.

Jean-Yves Nau

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Etes-vous trypanophobe ?

fluQui, il y a quelques mois, savait ce qu’était un «adjuvant»? Qui avait entendu parler du «squalène»? L’émergence et la diffusion du A(H1N1) sur la planète aura eu pour effet de réactiver les angoisses de tous ceux qui voient dans la vaccination une pratique dangereuse, sinon maléfique. L’affaire n’est certes pas nouvelle. Elle a même un nom: la «trypanophobie» ou «peur panique des vaccins». Trypanophobie; mot forgé à partir du grec dont le Wiktionnaire nous dit qu’il est présent dans l’«Abrégé du dictionnaire grec-français». Lire la suite…

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