Bim, bam, boum, crac, ouille. Un carnage, cette cinquième étape du Tour de France entre Carhaix-Plouguer et le Cap Fréhel. Les victimes du jour n’étaient pas les premiers venus. Janez Brajkovic, le Slovène de RadioShack, vainqueur du Critérium du Dauphiné l’an passé? Traumatisme crânien, fracture de la clavicule droite, abandon. Tom Boonen, le Belge ancien champion du monde? Déchiré à l’épaule droite, perdu dans la pampa, arrivée dans les délais pour une poignée de minutes. Parmi les autres coureurs pris dans les chutes, beaucoup de leaders: Alberto Contador, Robert Gesink, Sylvain Chavanel, Bradley Wiggins notamment. Ils sont arrivés dans le peloton mais les blessures nuisent à la récupération et tout finit par se payer dans le Tour.
Pourquoi toutes ces chutes aujourd’hui? Hormis la fameuse gamelle du premier jour, celle qui a coûté plus d’une minute à Contador, ce Tour 2011 n’avait pas eu droit à sa journée de chutes à répétition. Bizarrement, aucun des coureurs (et anciens coureurs) interrogés n’a la même explication.
Jens Voigt (Leopard-Trek),14e Tour de France:
«Trop de coureurs sur une trop petite route. Voilà, c’est très simple. Les petites routes comme ça, tu peux les choisir dans la dernière semaine. En première semaine, les coureurs sont encore frais, il y a de la tension, tu essayes de protéger le sprinteur, le leader, et là, la route est trop petite. Il y a beaucoup de trucs sur les routes en France (des îlots directionnels partout, notamment) mais malheureusement c’est comme ça. »
Plus tôt, sur RMC, le professeur Cyrille Guimard (sept Tours de France remportés en tant que directeur sportif) disait une toute autre chose:
«Les chutes ont eu lieu sur des routes larges et de longues lignes droites. Les étapes comme aujourd’hui, sans grand enjeu, on parle plus dans le peloton, il y a un relâchement général. Hier, la consigne était de faire attention, il pleuvait, ça glissait donc il fallait rester concentré et il y a eu moins de chute. »
Le fait qu’il n’y ait pas eu de chute dans le sprint, malgré un parcours tortueux, tend à accréditer la thèse de Guimard.
Mais Jérémy Galland (Saur-Sojasun), qui dispute son premier Tour de France, n’a pas vu les choses comme ça au sein du peloton:
«C’était très nerveux, une route très sinueuse. Il y a eu du vent dès le départ, tout le monde voulait rester placé et voilà. Il y avait toujours autant de concentration dans le peloton mais tout le monde a peur du vent. Les équipes ne veulent pas se faire piéger comme le premier jour. Beaucoup de leaders ont perdu du temps donc tout le monde est vigilant, tout le monde veut frotter et ça provoque des chutes. »
Frotter ? Placer son leader ? Pierre-Henri Menthéour, ancien équipier de Laurent Fignon et vainqueur d’étape sur le Tour 1984, explique:
«Dès qu’il y a du vent, c’est une lutte de tous les instants pour protéger son leader. Il y a 22 équipes, donc 22 fois quatre coureurs qui jouent des coudes pour remonter dans le peloton. Un équipier qui veut remonter avec son coureur, il joue des coudes, il lâche le guidon pour pousser un type et ouvrir la voie. »
Je vous rappelle que tout cela se fait entre 45 et 65 km/h.
Pourquoi remonter ? Dans la deuxième moitié du peloton, un leader peut être piégé si le peloton se scinde en plusieurs parties et perdre du temps. Il a aussi plus de chances d’être retardé par une chute, comme le sait Contador. Le travail des équipiers est d’aller le chercher, parfois par la peau du cul car le leader n’aime pas toujours frotter, et de le replacer devant. C’est d’autant plus vrai par jour de grand vent, comme aujourd’hui sur la côte bretonne.
La parole à Menthéour, régional de l’étape:
«Le vent a une grosse importance car tout le monde veut s’abriter. Quand on est dans les 30 premiers, c’est très organisé, le leader est protégé par ses équipiers. Derrière, il n’y a plus de bordure, on est dans la caillasse.»
«Dès que t’es obligé de freiner, tu perds 30 places que t’avais gagnées en frottant grave», poursuit Pierrot:
«Au moindre trou que tu vois, tu sprintes pour t’y engouffrer. Au bout d’un moment, tu ne freines plus parce que tu veux pas reculer. Et quand plus personne ne veut freiner et aller au même endroit, ça tombe ou ça fait un écart. Et le moindre écart pour ne pas tomber, mettons de 30 cm, est multiplié par deux pour le mec derrière toi. Le cinquième, il va faire un mètre cinquante de côté et tomber.»
Evidemment, il y a des coureurs qui ne connaissent pas ces ennuis. Philippe Gilbert, deuxième sur la ligne, à nouveau maillot vert, parle comme le numéro un mondial qu’il est : «Vous savez, les chutes, ça se passe à l’arrière donc ça me concerne pas trop.»
Brajkovic et Contador? «Ils n’étaient pas bien placés au moment où (l’équipe) Garmin a accéléré et voilà, on connaît le résultat.» Prenez ça les grimpeurs.
PS : Au fait, Cavendish a gagné et a dédié la victoire à son chien, piqué il y a deux jours.
[…] Jens Voigt, le bitume et l’étroitesse du tracé sont fautifs « Trop de coureurs sur une trop petite route. Voilà, c’est très simple ». Alors que pour Cyrille Guimard (ancien directeur sportif du Tour de France), les joueurs ne sont […]
Très bon article pour un néophyte du cyclisme comme moi ! Merci
[…] plus d’arranger les relations entre le peloton et les organisateurs, déjà mises à mal par les très nombreuses chutes qui ont émaillé le début de course. Après Brajkovic, Wiggins et Horner, c’est Jürgen Van […]