Le contre-la-montre par équipe, l’art du collectif

Dimanche, c’est contre-la-montre par équipes. J’en connais qui on dû mal dormir. Pas grand chose à gagner, beaucoup à perdre, par exemple faire tomber son leader en prenant mal un virage, ou perdre la roue de ses coéquipiers au bout de cinq kilomètres. L’humiliation.

Le contre-la-montre par équipes est sans doute l’épreuve la plus télégénique du cyclisme. Disputée sur 23 kilomètres plats et à l’abri du vent, elle sera d’ailleurs davantage l’occasion de regarder le ballet des coureurs et de découvrir les maillots que de creuser des écarts importants. Hormis Samuel Sanchez et peut-être Ivan Basso, tous les leaders seront d’ailleurs bien entourés sur cette épreuve.

Parmi les coureurs qui courront le contre-la-montre par équipes, il est probable que certains n’en aient jamais disputé. Le calendrier en compte une demi-douzaines par an au maximum, essentiellement sur les Grands Tours.

Cette épreuve nécessite préparation, cohésion et solidarité au sein de l’équipe. Les directeurs sportifs ont parfois organisé des stages et fait leur sélection de coureurs en fonction de cet effort de moins d’une demi-heure. L’équipe Garmin-Cervélo, qui sera favorite – avec deux autres équipes américaines, RadioShack et HTC-Highroad – a ainsi sélectionné au dernier moment le champion de Lituanie Ramunas Navardauskas (comme ça se prononce) au détriment de Johan Van Summeren, le vainqueur de Paris-Roubaix, parce qu’il était plus efficace lors des derniers tests. Pour celles qui ne l’avaient pas fait avant, toutes les équipes ont reconnu le parcours jeudi ou vendredi.

Un contre-la-montre par équipe, explications technico-tactiques

Pour comprendre le contre-la-montre par équipes, il faut comprendre un principe de base de la course cycliste : celui qui roule en tête d’un groupe fournit plus d’effort que ceux qui sont derrière lui. C’est de la simple physique. Dans la roue d’un autre, voire, encore mieux, encadré par plusieurs autres coureurs, on subit moins de résistance de l’air. Sans vent et à vitesse moyenne pour un peloton (40-45 km/h), l’économie d’énergie lorsqu’on reste dans la roue est d’environ 30%. Avec du vent, c’est encore plus. Dans les deux cas, c’est énorme.

Une fois que l’on a digéré ça, on comprend déjà mieux le Tour de France, mais ça ne suffit pas pour le contre-la-montre par équipes.

Les neuf coureurs vont donc se relayer en tête de groupe, en tentant de maintenir l’allure du relayeur précédent pour ne pas produire d’à-coups qui font perdre du temps et des forces à tout le monde. On peut le faire en file indienne ou en deux files parallèles, s’il y a un vent de côté ou si l’on veut raccourcir les relais.

L’idée est d’utiliser au mieux les forces de chacun, puisque tous les coureurs ne se ressemblent pas. Un grimpeur d’1m68 roule moins vite sur le plat qu’une bête à rouler d’1m98. Accessoirement, il abrite moins ses coéquipiers du vent. Faites le test en roulant derrière votre petit cousin, vent de face.

Ce contre-la-montre est court, 23 kilomètres. Pourquoi ne pas laisser les trois meilleurs rouleurs de l’équipe partir avec le leader et laisser les boulets derrière ? Parce que le temps est pris sur le cinquième coureur à l’arrivée. Et que même si vous n’êtes plus que cinq dans les derniers kilomètres, vous prenez le risque de perdre beaucoup de temps avec une chute ou un incident mécanique.

Ces bases posées, cinq conseils si vous voulez organiser un contre-la-montre par équipes avec vos voisins :

  • Connaître le parcours Un chrono par équipes, ça se prépare. On reconnaît le parcours pour connaître les virages piégeux et ne pas y arriver trop vite, car les vélos utilisés ne sont pas du tout adaptés pour tourner. Et que si le meneur tombe, c’est tout le monde dans le décor, comme Bouygues Télécom et Lampre il y a deux ans.
  • Ne pas penser qu’à sa gueule Ce n’est pas parce qu’un coureur va vite que toute l’équipe ira vite. Il faut au contraire aller à un rythme qui convienne à tous, sous peine d’épuiser les plus faibles d’entrée. Après un virage, une relance trop énergique créera un écart entre les coureurs et désorganisera l’équipe. Une file de cyclistes se comporte comme un accordéon (sans passer dans la rame de métro après l’effort).
    • L’équité, pas l’égalité En demandant à chacun de rouler autant, on court à la catastrophe. Un mauvais rouleur tiendra deux relais avant d’exploser en vol. Mieux vaut laisser les moins forts prendre des relais d’une dizaine de secondes et les plus résistants prendront des relais plus long, parfois jusqu’à 30 secondes.
    • On ne part pas par ordre alphabétique « Dans l’idéal, explique le rouleur Jimmy Engoulvent dans Vélo Magazine, l’ordre des coureurs se fait en fonction des qualités physiques de chacun. On va avoir tendance à regrouper les sprinteurs entre eux, puis les rouleurs et les grimpeurs. Ensuite, la taille entre en compte et il est aisé de comprendre qu’on va plutôt placer les coureurs de grand gabarit pour proéger ceux qui suivent. » Pour le départ, on privilégiera un coureur puissant, qui puisse passer de 0 à 50 km/h sans à-coups. Au fil des kilomètres, la file doit être réorganisée à mesure que des coureurs lâchent.
    • Ne pas regarder le paysage L’écart entre les coureurs est de moins d’un mètre. Le moindre écart, la moindre faute d’inattention peut provoquer la chute. N’est-ce pas Van den Broeck…
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