Carnage

Johnny Hoogerland, le 10 juillet 2011. REUTERS

 

(Edité après précision des organisateurs sur les circonstances de l’accident.)

Difficile de dégager un évènement de l’étape du jour. Dans l’instant, on retient évidemment l’hallucinante image d’une voiture renversant dans un fossé deux des cinq échappés, l’Espagnol Juan Antonio Flecha et le Néerlandais Johnny Hoogerland. Une image que France 2 a remontré avec beaucoup de parcimonie, et pour cause: un joli logo France Télévisions trônait sur le capot.

Il ne s’agissait pas, ont dit les organisateurs, d’une voiture d’invités, mais de celle d’un prestataire technique travaillant pour France télévisions. Les voitures circulant dans la course sont souvent conduites par d’anciens coureurs cyclistes et ne peuvent doubler un groupe de coureurs que lorsque la voiture de direction de course les y autorise. Ce n’était pas le cas ici selon le directeur de l’épreuve Christian Prudhomme, qui dit avoir demandé aux voitures suiveuses de s’effacer – et non d’effacer la moitié de l’échappée. Le peloton du Tour de France est précédé et suivi par de très nombreux véhicules, voitures ou motos, qui sont souvent conduits de manière kamikaze, bien que le code de la route s’applique aussi sur la course. Il y a quatre jours, un coureur danois, Nicki Sörensen, a été renversé par une moto de photographe. Ces deux accidents ne resteront probablement pas sans conséquence sur le nombre de ces véhicules et leurs règles de circulation.

Cet épisode ne risque pas non plus d’arranger les relations entre le peloton et les organisateurs, déjà mises à mal par les très nombreuses chutes qui ont émaillé le début de course. Après Brajkovic, Wiggins et Horner, c’est Jürgen Van den Broeck, cinquième l’an dernier, et Alexandre Vinokourov – entre autres – qui ont été contraints à l’abandon sur chute dans le Cantal, sur des routes de qualité inégale, tantôt sèches, tantôt humides, ce qui rend les descentes très dangereuses. Brutale fin de carrière pour le Kazakh. Bref, ce Tour de France est un jeu de massacre et la liste des outsiders a rétréci comme un jour d’opération Puerto.

Tout cela éclipse le maillot jaune conquis par Thomas Voeckler, qui a eu le mérite de ne jamais être retardé par les chutes depuis le début du Tour et de prendre la bonne échappée de cette première moitié de course. Cela lui a permis d’être le mieux placé des cinq échappés au classement général et donc de revêtir ce maillot, comme il y a sept ans. Compte tenu de son avance (deux minutes et demie sur les favoris) et de sa forme du moment, il peut espérer le garder jusqu’au Plateau de Beille.

 

 

14 commentaires pour “Carnage”

  1. L’exclusion de cette voiture s’impose. Et sur le Tour on sait ce que celà signifie. La voiture, du balai !

  2. Et de fait, il a été exclu ! Mais cela pourrait lui valoir plus cher si une plainte est déposée. Trente-trois points de suture pour Hoogerland, quand même…

  3. Tout le monde a encore à l’esprit ces fortes images et fortes paroles avec Gérard Holtz qui invitant la gendarmerie au départ de l’étape, rappelait les spectateurs à la plus grande prudence sur la route de la grande boucle.

    En particulier pour ramasser les ” goodies” de la caravane….

    John Hoogerland, on vous espère parfaitement rétabli pour les pentes à venir comme votre collègue Juan Antonio Flecha . Et chapeau.pour votre courage de géant de la route.

  4. Carnage – suite –

    Cet accident regrettable s’inscrivant dans le cadre d’un accident de travail – trajet, des prolongements procéduraux ne sont pas à exclure.

    En particulier devant le Prud’homme…..

  5. Je ne me prononcerais pas sur le fond, mais reprocher aux organisateurs que les routes soient tantôt sèches, tantôt mouillées, franchement…

    et statistiquement, est-ce qu’il y a vraiment plus de chutes que les années précédentes, ou est-ce que simplement, elles impliquent plus de favoris, les rendant plus visibles ? (je pose sincèrement la question, sans mauvais esprit…)

  6. Bonjour GM,
    il ne me semblait pas reprocher aux organisateurs que la route soit en train de sécher quand la chute est arrivée mais peut-être me suis-je mal exprimé. Le fait est que les routes en train de sécher sont le pire ennemi du cycliste car la qualité de freinage n’est pas la même partout et les coureurs sont moins concentrés et plus rapides sur une descente sèche qu’humide. Ce qu’une grande partie du peloton reproche aux organisateurs sur cette première semaine de Tour, c’est d’avoir choisi des petites routes, parfois mal entretenues, mal adaptées à un gros peloton de près de 200 coureurs sur la plus nerveuse des courses. Fabian Cancellara, l’un des leaders du peloton, a dit ce lundi qu’il s’agissait “du parcours le plus spécial” qu’il ait connu sur le Tour, qu’il avait l’impression que les organisateurs avaient cherché les routes les plus dangereuses.
    Jean-François Pescheux, directeur technique de la course, s’est défendu en disant qu’il fallait bien aller d’un point A et d’un point B et que si le Tour passait sur des autoroutes, ce ne serait plus le Tour : il a raison.
    Ce qui est en question, c’est davantage la taille du peloton. Le taux d’abandon après neuf étapes lorsque le peloton est de 180 coureurs est bien moins important, comme le montre le site Cyclocosm dans ce billet .
    Il faudrait un sacré travail de recherche pour établir s’il y a plus de chutes. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup moins de chutes dans les derniers kilomètres (notamment grâce à la règle qui veut que les temps soient pris à trois kilomètres de l’arrivée en plaine) mais davantage durant l’étape, et pas toujours sur des terrains dangereux (rond-points, descente tortueuse). Le fait est, vous avez raison, qu’on en parle plus que d’habitude car beaucoup de favoris sont tombés. Si ça contribue à sécuriser les courses, ce sera un mal pour un bien.

  7. Bonjour et merci de me répondre !

    ma première remarque tenait plus de la boutade en vérité !

    Par contre, le travail statistique mériterait probablement d’être mené mais je me rend bien compte du travail titanesque que ça représenterai… (je n’ai sincèrement aucune idée du résultat auquel on arriverait).

    C’est vrai qu’il y a beaucoup moins de chutes à l’arrivée (me souviens, encore horrifié, des chutes d’Abdoujaparov ou de Jalabert…)

    Peut-être qu’il serait déjà plus facile de regarder le nombre d’abandons et leurs causes au cours de la course (ce qui permettrait de mesurer l’évolution des effets des chutes, en gros, plus que les chutes elles mêmes ?… je ne sais pas)

    Maintenant, si on y pense, concernant les chocs coureurs / véhicules motorisés, le vrai miracle, c’est qu’il n’y en ai si peu, tant tout le monde semble tout le temps être au bord de la rupture (et j’ai une vraie admiration pour ces pilotes, moi qui peine souvent à terminer mes créneaux en une fois !) – ce qui ne rend pas ces accidents moins scandaleux, ni moins impressionnants, par ailleurs.

  8. Comme vous le dites, c’est un miracle qu’il n’y ait pas plus souvent de chocs entre les coureurs et les véhicules qui les doublent. Flecha a souligné que le chauffeur n’avait pas klaxonné avant de doubler. D’ordinaire tout le monde klaxonne ce qui doit être hautement énervant pour les coureurs mais leur sauve la peau.
    Sur le sujet des véhicules en course, vous trouverez ici une série de billets (en anglais) pleins de bon sens de Gerard Vroomen, co-fondateur de la marque Cervelo et de feu l’équipe Cervelo Test Team de Thor Hushovd.

  9. Bonjour,

    Je ne suis normalement pas dans le registre gaucho de la remise en perspective constante de chaque micri événement avec la faim dans le monde, mais appeler votre article “carnage”…… sérieux? C’est un pas un peu beaucoup d’appeler cet accident qui relève du fait divers de “carnage”, malgré toute notre compassion pour le coureur?

  10. Bonjour Jean-Daniel,
    je viens de regarder la définition de “carnage” dans mon dico et vous avez raison, cette série de chutes n’était pas un “massacre sanglant causant de nombreuses victimes”. Même si nombreuses victimes il y a eu, ainsi qu’un peu de sang et d’os brisés. “Cascades et chutes d’os”, de Libération, était mieux vu, mais je n’ai pas le talent pour la titraille des éditeurs de Libé 😉

  11. Oui choquant de voir qu’il n’y a aucune pénalité pour cela. Les responsables de l’accident devraient au moins se prendre une amende de l’organisation assez conséquente ou un dédommagement des cyclistes en question.
    Heureusement plus de peur que de mal… cela aurait pu aussi se passer dans des endroits tres dangereux pour les cyclistes où la chute peut se réveler fatal.

  12. Il n’est pas dit qu’il n’y ait aucune suite judiciaire pour les responsables. L’AFP nous a appris hier que le parquet d’Aurillac avait ouvert une enquête préliminaire pour “accident de la circulation avec des préjudices corporels”, façon de rappeler que le code de la route et la loi s’appliquent aussi sur le Tour. Selon les déclarations faites hier, l’équipe Sky n’envisage pas de porter plainte mais Vacansoleil, de Hoogerland, y pense sérieusement.

  13. En tout cas, Vroomen paraît le nom adapté pour traiter des véhicules vrombissants !

  14. Thanks!

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