Dans les Alpes, Schleck et Contador ont touché leurs limites

Alberto Contador et Andy Schleck. REUTERS/Denis Balibouse

Avec Frédéric Portoleau

La traversée des Pyrénées avait été marquée par des performances en baisse par rapport aux dernières années. On attendait une confirmation dans les Alpes, tant la course avait semblé tactique à Luz-Ardiden et au Plateau de Beille. Ce fut tout l’inverse dans les étapes du Galibier et de l’Alpe d’Huez, menées tambour battant, et où les favoris ne pouvaient pas, de toute évidence, aller plus vite.

Les calculs de l’ingénieur Frédéric Portoleau, dont il a déjà expliqué la méthode sur ce blog, montrent des performances légèrement supérieures dans l’ensemble. Frédéric Portoleau juge que la régularité d’Evans et ses performances passées en font le vainqueur du Tour le plus crédible depuis le début de l’ère Indurain, si l’on excepte Oscar Pereiro en 2006.

Les deux étapes des Alpes sont parties très vite avec les attaques d’Andy Schleck dans l’Izoard jeudi puis d’Alberto Contador dans le Télégraphe vendredi. Dans ces deux cols, des performances très élevées ont été réalisées, comparables avec celles des dernières années. Mais tout le peloton l’a payé par la suite, dans le Galibier jeudi et dans l’Alpe d’Huez vendredi.

La performance la plus notable est celle de Contador et Andy Schleck qui ont développé 443 watts en puissance étalon lors de leur montée du Télégraphe, au début de la courte étape de l’Alpe d’Huez. Derrière eux, dans ce col, Thomas Voeckler a dépassé son record historique et l’a payé dans la suite de l’étape.

Note: toutes les puissances évoquées ci-dessus sont des puissances théoriques, calculées pour un poids du coureur + équipement de 78 kilos. Il ne s’agit pas de la puissance réelle développée par les coureurs. Celle-ci dépend entre autre de la masse à élever pour vaincre la pente, or le poids des coureurs n’est pas toujours connu avec précision le jour de la mesure. Ils peuvent se déshydrater en cours d’étape et perdre quelques kilogrammes. Le nombre de bidons portés est variable. Cette valeur étalon est utilisée pour faire nos comparaisons. (1)

  • L’échappée d’Andy Schleck

Le col d’Agnel a été gravi à une vitesse modérée. Peu après Brunissard dans la montée de l’Izoard, Andy Schleck se dresse sur les pédales et démarre. Il grimpe le col d’Izoard (14,7km) depuis le bas du col en 40min40s. Depuis l’église d’Arvieux, à 1543m, il a pédalé 31min02s et, depuis La Chalp, 25min20s.

Depuis Arvieux, Andy Schleck a été plus rapide que Lance Armstrong qui avait gravi l’Izoard en 32min17s depuis Arvieux en 2000. Mieux aussi que Di Luca au Giro 2007, en 32 minutes. Depuis La Chalp, il a aussi été plus rapide que Miguel Indurain (25min30s) lorsqu’il avait remporté l’étape de Briançon du Dauphiné en 1996.

Le Luxembourgeois développe 400 watts de moyenne en puissance étalon sur la dernière portion du col (6,95km à 7,2 % effectué en 19min10s). Au sommet du col, les autres favoris ont 2min15s de retard. Ils ont développé 50 watts de moins.
La performance est d’un haut calibre car, comme tout le monde, les athlètes de haut niveau souffrent d’hypoxie au dessus de 1600m en moyenne. Au dessus de 1600m, on perd 3% de consommation maximale d’oxygène tout les 300 mètres (cf ce livre de Véronique Billat, chercheuse spécialisée dans la physiologie de l’effort). Tous les coureurs ne réagissent pas de la même manière à l’altitude.
Avec toutes les précautions requises, on peut dire que l’équivalent de cette puissance pour un col en-dessous de 1600m serait de 420 watts sur moins de 20 minutes (on ajoute 5% à la puissance réelle, l’altitude moyenne de la fin de l’Izoard étant de 2100m).

Vient ensuite le col du Galibier, où Schleck va payer ses efforts. En raison du vent fort souvent défavorable, je ne peux que calculer une limite inférieure de puissance sur l’ensemble du col. La puissance étalon minimum d’Andy Schleck sur les 8,7 km a été de 360 watts durant 25min03s. Il faut ensuite tenir compte de l’altitude (2300m de moyenne depuis le Lautaret): pour l’équivalent d’un col en-dessous de 1600m, Andy Schleck aurait développé 387 watts. On constate donc qu’Andy Schleck a payé le prix de ses efforts de l’Izoard, de la vallée puis du Lautaret, et perdu une trentaine de watts dans le Galibier.

Derrière lui, les autres favoris du Tour, qui avaient fourni moins d’efforts, ont été quatre à dépasser les 410 watts (valeurs corrigées) : Frank Schleck, Evans, Basso et Voeckler.

Frank Schleck (387 watts, 416 watts corrigés) a établi à l’occasion un nouveau record d’ascension pour le versant sud du Galibier. Un record attendu puisqu’il y avait pour la première fois une arrivée au sommet. Il s’agit pour tous ces coureurs de performances comparables à celles observés à Luz-Ardiden et au Plateau de Beille, sur des durées qui étaient un peu plus longues. Mais rappelons qu’il s’agit de puissances minimales compte tenu du vent de face qui soufflait sur la montée.

Sur le haut du Galibier, à partir de 2346 mètres après un virage à gauche, la mesure est plus exacte car le vent souffle de côté. Sur cette portion de 4,4 km, Cadel Evans, qui a semblé être le coureur le plus à l’aise en altitude, a fait une grande performance en tirant des favoris, comme le lendemain sur l’autre versant du Galibier. Il a fini le Galibier sud en moins de 12 minutes, à 423 watts en puissance étalon corrigée de l’altitude – 2500m de moyenne – (387 watts sans tenir compte de l’altitude).

  • Festival Contador dans le Télégraphe (2)

Sur une pente de 12 km à 7,09%, Contador attaque en bas du col et dynamite le peloton après sa défaillance de la veille, en haut du Galibier. Seul Andy Schleck peut le suivre jusqu’en haut du Télégraphe. Ensemble, ils vont établir un nouveau record en 30min26s. Ils développent 444 watts en puissance étalon. Cela constitue la plus grande performance de ce Tour en chiffres bruts. Les deux hommes ont ici approché leurs records sur le Tour de France pour une demie-heure d’ascension, mais notons qu’il s’agit du début d’une étape courte (109 km).

Le précédent record du Télégraphe avait été établi par Evans, Christophe Moreau et Leonardo Piepoli sur le Critérium du Dauphiné en 2007, en 31min13s. Thomas Voeckler fait mieux aussi en 31 minutes tout rond. Avec 433 watts en puissance étalon, il retrouve son meilleur niveau atteint lors du dernier Critérium du Dauphiné, dans le Collet d’Allevard.

Vient ensuite le Galibier, sur le versant nord. Depuis Plan Lachat (6,8lm à 8,37%), Evans est enregistré à 388 watts (417 watts corrigés) durant 21min32s, lorsqu’il tente de revenir sur le groupe Contador/Schleck. Evans développe 14 watts de moins qu’en 2007 sur le même col.
Contador et Schleck faiblissent après leur très rapide montée du Télégraphe. En 22min48s, ils réalisent 364 watts (391 watts corrigés) en puissance étalon. Pour l”Espagnol, c’est près de 50 watts de moins que sa montée de 2007, qui était réalisée en fin d’étape et dans laquelle il avait attaqué.

Sur l’enchaînement Télégraphe-Galibier, jusqu’au tunnel du Galibier, Andy Schleck et Contador ont grimpé en 1h22min08s. Il s’agit d’une performance légèrement supérieure à celle du Colombien Juan Mauricio Soler, en 2007, réalisée presque intégralement en solitaire.

Sur le seul Galibier, depuis Valloire (16,7 km), les deux hommes ont grimpé un peu moins vite que Marco Pantani en 1998 et Soler en 2007.

  • Un peloton fatigué à l’Alpe d’Huez

Après ce début d’étape très rapide, les meilleurs ont logiquement faibli en fin d’étape, sur l’Alpe d’Huez, où Pierre Rolland s’est imposé. Le meilleur temps a été réalisé par Samuel Sanchez en 41min27s. C’est quatre minutes et demie de plus que le record établi par Pantani en 1995 (36min50s), et près de deux minutes de plus que Gianni Bugno, Miguel Indurain et Luc Leblanc en 1991. Le groupe Schleck/Evans a escaladé l’Alpe d’Huez dans un temps similaire à celui du Suisse Beat Breu en…1982.
L’ascension a pourtant été menée tambour battant dès le pied, avec une attaque de Contador. Après le Télégraphe à 443 watts, Contador a développé 424 watts en puissance étalon durant 23 minutes, jusqu’au lacet baptisé « virage des Hollandais ». L’Espagnol a fléchi sur la fin.

Seul Sanchez et Contador ont dépassé les 400 watts sur l’Alpe d’Huez (respectivement 405 et 403 watts). Le vainqueur, Pierre Rolland, a réalisé 398 watts.

  • Cadel Evans, un coureur constant depuis 2005

Pour des longs cols en fin d’étape, j’ai enregistré pour Evans les performances suivantes:

2005: moyenne 390 watts, maximum à Courchevel avec 407 watts
2006: moyenne 405 watts, maximum à l’Alpe d’Huez 420 watts
2007: moyenne 410 watts, maximum au col de Peyresourde avec 421 watts
2008: moyenne 407 watts, maximum au col d’Aspin 414 watts
2009: une seule performance à Verbier avec 452 watts (sur 22 minutes seulement)
2010: une seule performance à Avoriaz avec 415 watts
2011: moyenne 407 watts, maximum au Galibier 421 watts

Evans n’a jamais dépassé les 6 watts/kg pour des longues ascensions en fin d’étape. Au niveau des performances et de son parcours, il apparaît comme un vainqueur un peu plus crédible que ses prédécesseurs. (Contador, Sastre, Armstrong, Pantani, Ullrich, Riis et Indurain)

Cependant, la puissance moyenne sur les derniers cols des étapes est moins représentative du niveau cette année. En effet, dans les Alpes, la course a été très intense en début d’étape avec les attaques de Schleck à l’Izoard et de Contador au Télégraphe. Les coureurs ont dépensé de l’énergie avant le dernier col. Avec des débuts d’étape plus calmes, la moyenne de Cadel Evans aurait pu facilement dépasser les 410 watts sur le dernier col. Evans est donc sûrement un peu meilleur aujourd’hui qu’en 2007 ou 2008, quand il avait terminé 2ème du Tour.

(1) Comment faire pour développer 400 watts ?

Alignez des sacs de ciment de 40 kg au pied d’un mur de 1 m de haut.
Le but du jeu est de soulever un sac par seconde et de le poser sur le mur.
Si vous arrivez à enchaîner 10 sacs, vous aurez développé 400 watts pendant 10 secondes.

Petite explication:
Pour soulever le sac, vous devez exercer une force de 40X10 (9,81 exactement)=400 Newtons
La puissance est le produit de la force par la vitesse. La puissance sera égale à 400X1 (1m/s)= 400 watts.

Comparaison avec un cheval…
La puissance moyenne des chevaux de trait a été évaluée à 736 watts par James Watts. Ses chevaux étaient capables de soulever des charges de 75 kg à une vitesse de 1m/s. Mais je pense qu’ils étaient capables de le faire pendant plusieurs heures.
Je connais pas la puissance d’un cheval de course, mais elle doit être bien supérieure à celle des chevaux de trait mais pour une durée d’effort plus courte.

… et un scooter

Un scooter par exemple peut développer 3 ch soit environ 2200 watts.

La différence entre une machine et l’homme, c’est que l’être humain se fatigue beaucoup plus vite!

(2) : Validation de la méthode avec la puissance réelle de Jérémy Roy sur cette étape, grâce à son capteur de puissance SRM:

Télégraphe : 408 watts réels, 413 watts estimés

Haut du Galibier: 340 watts réels, 335 watts estimés

Alpe d’Huez: 350 watts réels, 349 estimés

 

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Puissances en berne

Détail du vélo de Samuel Sanchez, le 17 juillet 2011. REUTERS/Stefano Rellandini avec Frédéric Portoleau

Les deux grandes étapes des Pyrénées ont fait parler. Les fesses sur le canapé ou sur une chaise de salle de presse, on fronce les sourcils. Comment Thomas Voeckler, tout maillot jaune qu’il est, peut-il donner le change à Andy Schleck à l’issue d’une grande étape de montagne? Pourquoi Contador grimace-t-il dans un col? Pourquoi le carré Schleck(s)-Evans-Contador n’arrive-t-il pas à distancer des coureurs comme Pierre Rolland, Jean-Christophe Péraud ou Jelle Vanendert? Pour résumer: beaucoup se demandent ce qui se passe cette année dans le peloton du Tour de France.

Les travaux de Frédéric Portoleau, dont il a déjà expliqué la méthode sur ce blog, donnent de premiers éléments d’explication. Ils ne suffisent pas à tirer des conclusions sur la santé du peloton. Les ascensions finales ont été moins rapides, soit. Mais on s’est beaucoup observé entre leaders, à Luz-Ardiden comme au plateau de Beille. Parce que personne ne s’en sent capable ou parce que ce n’était pas le moment?

Les Schleck, Evans, Basso et Contador ont-ils grimpé à leur seuil, c’est-à-dire à la limite acceptable par leurs jambes, ou en ont-ils gardé sous la pédale par peur d’un contre adverse? La baisse de puissance étalon des meilleurs est en tout cas éloquente, et aucun des premiers du classement général n’a approché sur ce Tour ses records de puissance. Aucun, sauf le maillot jaune Thomas Voeckler.

Note: toutes les puissances évoquées ci-dessus sont des puissances théoriques, calculées pour un poids du coureur + équipement de 78 kilos. Il ne s’agit pas de la puissance réelle développée par les coureurs. Celle-ci dépend entre autre de la masse à élever pour vaincre la pente, or le poids des coureurs n’est pas toujours connu avec précision le jour de la mesure. Ils peuvent se déshydrater en cours d’étape et perdre quelques kilogrammes. Le nombre de bidons portés est variable. Cette valeur étalon est utilisée pour faire nos comparaisons. (1)

Le Tourmalet grimpé comme en 2008

Dans le Tourmalet , la mesure est faite à partir de Gripp, après les premiers contreforts du col et dans les premiers pourcentages supérieurs à 6%. Cette partie du col fait 12,6 km à 8,75% de pente moyenne. Le Tourmalet intervenait après l’ascension de la Hourquette d’Ancizan, col de première catégorie, et avant l’ascension de Luz Ardiden.
Laurens Ten Dam (Rabobank) a été le plus rapide sur cette partie, en
40min34s soit 400 watts en puissance étalon. Le Néerlandais a gravi le Tourmalet 44 secondes moins vite que Marco Pantani en 1994, alors lancé à la poursuite de Richard Virenque.
Le col du Tourmalet a été gravi sur un rythme soutenu par les leaders (40min45s) qui sont passés au sommet quelques secondes après Ten Dam.
Le record est toujours détenu par Jan Ullrich et Lance Armstrong en 38min43s, lors du Tour 2003. Ullrich avait alors attaqué dans cette montée, lors d’une étape également conclue à Luz-Ardiden.

Plus près de nous, en 2008, le peloton avait grimpé le Tourmalet dans le temps de Ten Dam, à une seconde près. Emmenés la plupart du temps par Jens Voigt, ils étaient encore 14 dans le peloton au sommet.

Cette année, ils étaient une petite trentaine, encore emmenés par Voigt. Philippe Gilbert, qui avait annoncé qu’il voulait lors de cette première étape voir jusqu’où sa forme pouvait l’emmener en montagne, s’est découvert bon grimpeur puisqu’il a gravi le Tourmalet en 41min06s (393 watts).

Frank Schleck, plus rapide à Luz Ardiden, moins fort qu’avant

C’est lors des dernières ascensions d’une étape que les leaders donnent, en théorie, la pleine mesure de leur force.

Frank Schleck a réalisé la meilleure montée de Luz Ardiden, puisque Samuel Sanchez et Jelle Vanendert, respectivement premier et deuxième au sommet, étaient sortis dans la descente du Tourmalet.

Schleck a gravi cette montée hors-catégorie en 37min26s, soit 417 watts en puissance étalon. C’est deux minutes de plus que le record de Lance Armstrong, qui date de 2003 (35min33s). Par comparaison, Greg Lemond avait escaladé Luz Ardiden en 1990 en 39min50s, Miguel Indurain en 37min40s en 1994, à chaque fois à l’issue de longues étapes de haute montagne comme jeudi dernier.

Les autres favoris ne sont pas loin: 413 watts pour le groupe Evans, 410 pour Contador, 408 pour Voeckler et 402 pour Arnold Jeannesson, grimpeur de la FDJ qui prend le maillot blanc de meilleur jeune ce jour-là.

La quasi-intégralité de l’ascension a été très tactique. Frank Schleck a attaqué à un peu moins de trois kilomètres de l’arrivée et produit un effort intense. Il a réalisé la meilleure performance de la traversée des Pyrénées durant cette attaque avec dix minutes à 433 watts en puissance étalon.
Comparons cette performance avec ses références dans le Tour, en puissance étalon:

  • En 2006, Frank Schleck remporte l’étape Gap-Alpe d’Huez après avoir passé la journée en tête, dans une échappée, par delà l’Izoard et le Lautaret. Dans l’Alpe, il part seul avec Cunego et s’impose après 40 minutes d’effort à 415 watts.
  • En 2008, il franchit la ligne en troisième position à Hautacam derrière deux fusées de l’équipe Saunier Duval (Leonardo Piepoli, vainqueur, sera disqualifié après un contrôle positif à l’EPO-Cera). Il produit alors 432 watts durant 38 minutes environ.
  • En 2009, il remporte l’étape du Grand-Bornand après s’être envolé avec son frère, Contador et Klöden dans l’avant-dernière ascension, le col de Romme. Dans Romme puis le col de la Colombière, il développe respectivement 440 watts sur 27 minutes puis 430 watts sur 23 minutes.

Ces trois performances clés de Frank Schleck sont supérieures à celles qu’il a accomplies dans Luz-Ardiden. Nul ne sait s’il aurait pas pu poursuivre son effort plus longtemps mais il a semblé coincer au moment de rejoindre Sanchez et Vanendert dans le dernier kilomètre. Notons également que Frank Schleck a réalisé sur le Critérium international, fin mars, une montée impressionnante avec 445 watts pendant 33min30s.

Vanendert à trois minutes de Pantani

Samedi, les favoris étaient attendus pour une première grande explication au plateau de Beille, dont le vainqueur a toujours fini en jaune à Paris. Cet affrontement entre leaders n’a pas eu lieu et la montée a été la plus lente de la jeune histoire de ce col ariégeois, escaladé depuis 1998.

Le Belge Vanendert a été le plus rapide en 46min26s. Les leaders ont grimpé en 47min15s. Le record de Pantani est de 43min30s, établi en 1998 sur un parcours moins long de 50 mètres. Contador est lui grimpé trois minutes moins vite que lors de sa victoire en 2007.
La puissance a été évaluée dans la zone abritée du vent (forêt et route en lacets) entre le pied de la montée et l’altitude de 1420m, soit sur 10,6 km à 8,4% de pente moyenne.

En effet, sur le haut du col, la route devient rectiligne et plus exposée au vent en raison de l’absence de végétation. La mesure risque alors d’être plus imprécise.

Sur ces deux premiers tiers du col, les leaders ont grimpé à 405 watts durant 32min45s. Il y a à ce niveau 12 coureurs: Vanendert (qui venait d’attaquer), les frères Schleck, Sanchez, Contador, Evans, Basso, Cunego, Rolland, Voeckler, Péraud et Uran. Le rythme a baissé sur la fin du col.

Contador au niveau de son Tour d’Italie 2008

Certes Luz Ardiden et le Plateau de Beille ont été gravis à des vitesses éloignées des records des ascensions. Cependant, il faut attendre les Alpes pour se prononcer sur une baisse éventuelle des performances, tant les deux montées ont eu des allures de rounds d’observation.

Les meilleurs de ce Tour de France à Luz Ardiden et au plateau de Beille sont les frères Schleck, Basso, Evans, Vanendert et Sanchez. Il atteignent environ 410 watts de moyenne.
Contador et Cunego arrivent juste derrière. Contador, qui se remet d’une blessure à un genou et a disputé un Tour d’Italie très difficile, apparaît environ 5% moins fort qu’en 2010 et qu’au Giro de cette année. Il semble à peu près au même niveau que lors de sa première victoire au Tour d’Italie 2008.

La surprise du lot, jamais vu à ce niveau de puissance en haute montagne, est le Belge Vanendert.

Les performances de Pierre Rolland et Jean-Christophe Péraud les placent à un niveau jamais vu dans le Tour mais ne sont pas inédites pour eux.

A 22 ans, sur Paris-Nice 2008, course sur laquelle il s’est révélée, Rolland grimpait déjà le Mont Serein à 405 watts de moyenne.  Sur le Tour de France, sa meilleure référence est l’ascension de Verbier en 2009. Pour terminer 29e de l’étape, il avait dû développer une puissance similaire sur une vingtaine de minutes. A chaque fois, il s’agissait cependant d’étapes moins difficiles.

Péraud, vice-champion olympique de VTT en 2008, ne pratique le cyclisme sur route professionnel que depuis un an et demi. Il figure sur les deux premières étapes de montagne à 390 watts de moyenne. Dans l’étape du Collet d’Allevard sur le Dauphiné Libéré, il avait atteint 439 watts durant une grosse demie-heure, après ses 423 watts du Critérium international (montée de l’Ospedale) et 405 watts de Paris-Nice (col de la Mure), là encore à l’issue d’étapes moins difficiles.

Voeckler, trois minutes de mieux qu’en 2004

En revanche, avant cette année, Thomas Voeckler n’avait jamais dépassé les 400 watts sur un long col. Sur les derniers Tour de France, sa seule performance notable fut sa montée du Port de Balès en 2010, qui lui a permis de remporter l’étape à Bagnères-de-Luchon avec 37 minutes à 390 watts après une longue échappée. Il s’agissait déjà d’une performance élevée.

Plus tôt dans la saison, la meilleure de sa carrière, il a déjà laissé entrevoir ses progrès en montagne au Dauphiné en ayant développé 426 watts au cours de la montée du Collet d’Allevard. Hormis dans les échappées, Voeckler n’a jamais été en position de donner sa pleine mesure dans les cols du Tour. A la seule exception de ses journées en jaune en 2004, alors qu’il n’avait que 25 ans.

Voeckler avait justement sauvé son maillot jaune au plateau de Beille, escaladé en 50min22s, soit 3minutes07s de plus que cette année. Il a progressé de 30 watts en puissance étalon (7,5%) pour accomplir son ascension 2011. Thomas Voeckler indiquait au printemps dans Vélo magazine qu’il faisait six kilos de plus que sur le Tour 2004, avec un taux de masse grasse passé de 10% à 6%.

Sa façon de courir a également été différente : il a répondu à de nombreuses accélérations de ses adversaires, alors qu’il avait escaladé le plateau de Beille à un rythme beaucoup plus régulier en 2004, bien que Voeckler aime grimper par à-coups.

Les calculs comparés au capteur de Jérémy Roy

Pour valider les calculs, j’ai comparé les courbes du capteur de puissance de Jérémy Roy avec mes calculs indirects.
Cela permet de calibrer au mieux les calculs avec la puissance étalon 78 kg avec vélo.

69 kg plus 9 kg (vélo plus équipement), scx (coefficient de pénétration dans l’air) 0.36,
Hourquette d’Ancizan: 365 watts estimés, 369 watts srm
Tourmalet: 364 watts estimés, 366 watts srm
Luz Ardiden: 304 watts estimés, 306 watts srm

Aubisque depuis les Eaux Bonnes: 381 watts estimés, 374 watts srm
Plateau de Beille: 296 watts estimés, 298 watts srm

Ces écarts inférieurs à 1% montrent que les conditions de course étaient bonnes pour évaluer les puissances dans les Pyrénées.
Jérémy Roy a escaladé les cols sur un rythme assez régulier au contraire des coureurs luttant pour le classement général. Cet aspect ne peux pas être pris en compte dans le calcul indirect.

Au passage, relevons que Roy a accompli sur le col d’Aubisque sa meilleure performance personnelle sur ce Tour de France avec sur l’ensemble du col 5,5 watts/kg pendant 47min45s. Cela ne lui a pas suffi pour remporter l’étape arrivant à Lourdes (3e).

(1) Comment faire pour développer 400 watts ?

Alignez des sacs de ciment de 40 kg au pied d’un mur de 1 m de haut.
Le but du jeu est de soulever un sac par seconde et de le poser sur le mur.
Si vous arrivez à enchaîner 10 sacs, vous aurez développé 400 watts pendant 10 secondes.

Petite explication:
Pour soulever le sac, vous devez exercer une force de 40X10 (9,81 exactement)=400 Newtons
La puissance est le produit de la force par la vitesse. La puissance sera égale à 400X1 (1m/s)= 400 watts.

Comparaison avec un cheval…
La puissance moyenne des chevaux de trait a été évaluée à 736 watts par James Watts. Ses chevaux étaient capables de soulever des charges de 75 kg à une vitesse de 1m/s. Mais je pense qu’ils étaient capables de le faire pendant plusieurs heures.
Je connais pas la puissance d’un cheval de course, mais elle doit être bien supérieure à celle des chevaux de trait mais pour une durée d’effort plus courte.

… et un scooter

Un scooter par exemple peut développer 3 ch soit environ 2200 watts.

La différence entre une machine et l’homme, c’est que l’être humain se fatigue beaucoup plus vite!

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