Dopage : à la recherche de la nouvelle star

Test tubes and other recipients in chemistry lab / Horia Varlan via FlickrCC License by

Le pot belge est démodé. Le Cera est détectable. L‘EPO a toujours du succès, mais par microdoses, et là où il y a de la gène… Les hormones de croissance, corticoïdes et autotransfusions sont éternelles, mais nous sommes là dans la banalité la plus totale. Ce qu’on aime, ce sont les termes barbares, ces molécules qui feront un jour leur entrée dans le Larousse, celles qui font fantasmer certains champions mais qui ne sont pas encore mises sur le marché.

Le professeur Michel Rieu, conseiller scientifique auprès de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), connaît ces nouvelles molécules. Il s’agit d’un dopage d’élite, qui ne peut être utilisé, compte tenu de son prix, que par les très gros poissons. On soupçonne l’utilisation de ces molécules depuis au moins trois ans. Avec elles, on se rapproche du dopage génétique, qui demeure un fantasme. On est là, explique le professeur Rieu, dans le détournement de la pharmacologie intelligente. Il s’agit de de modifier l’expression de gènes par l’injection de molécules. Revue de détail.

“Le GW1516 a d’ores et déjà été utilisé ou essayé”, dit Michel Rieu.

“Il est utilisé dans le traitement du diabète. Ce produit était très cher mais il est en train de se démocratiser.

Cette molécule va activer indirectement les PPAR-s, une famille de gênes qui vont modifier le métabolisme de la cellule musculaire en l’orientant vers l’oxydation des lipides, de la matière grasse. C’est bon pour les sports d’endurance parce que ça utilise les graisses et ça économise d’autant les glucides.

Il y a deux fournisseurs d’énergie au niveau de la cellule musculaire, les lipides et les glucides. Un peu de glucides stockés sous forme de glycogène, et une grosse quantité de lipides. Le GW1516 permet d’utiliser les lipides et d’économiser le glycogène. Quand on fait son marathon, on va plus facilement métaboliser les lipides qu’on ne le fait d’ordinaire.”

Le professeur Rieu embraye sur l’Aicar, indissociable de son copain GW1516.

“C’est un simulateur de la protéine kinase qui va mettre en jeu les PPAR-s, surtout si ceux là sont activés en même temps par le GW1516. Là, ça va quasiment vous permettre d’orienter le métabolisme de la cellule de la même manière, mais sans exercice. C’est pour cela qu’on dit de ce produit qu’il permet de s’entraîner dans son lit.”

Depuis 2009 circule également l’Hématide, une molécule intelligente qui n’est autre qu’une nouvelle forme d’EPO. Sa structure est différente des autres formes d’EPO, mais l’objectif est le même: stimuler la production de globules rouges

“Elle va agir comme l’EPO, sur le même récepteur, pour permettre la production d’érythropoïétine.”

Le S107 est un redoutable antifatigue. Les souris sur lesquelles il a été testé n’en finissaient plus de courir, sans jamais avoir mal aux pattes. Le professeur Rieu explique pourquoi.

“A l’intérieur de la fibre musculaire, il y a un réservoir à calcium et un mécanisme d’engrenage qui permet à la fibre de se contracter. L’activation de la fibre musculaire est liée au va et vient du calcium. Quand la fibre musculaire est excitée, cela déclenche ce va et vient mais avec la fatigue, le récepteur qui permet la sortie du calcium se déstabilise. Le S107 permet de stabiliser ce récepteur. C’est donc un antifatigue, extrêmement puissant semble-t-il.

On sait que ce produit est déjà utilisé depuis environ deux ans. Certains laboratoires le commercialisent sur internet alors qu’il n’y a même pas d’Autorisation de mise sur le marché.”

Ces quatre produits miracles sont autant de mauvaises nouvelles pour le sport. Mais la bonne nouvelle, c’est que les autorités antidopage pensent pouvoir les détecter facilement.

“La recherche de la détection de l’hématide a commencé il y a seulement quelques mois. Elle n’est pas encore opérationnelle. En ce qui concerne le GW1516 et le S107, le laboratoire de Cologne a déjà mis au point les méthodes mais elles ne sont pas encore validées.

L’hématide peut à la limite être détectée par le passeport biologique si elle provoque une forte variation des paramètres sanguins.

Heureusement ce sont des molécules exogènes, c’est leur faiblesse. La difficulté de l’EPO, qui ne sera pas celle de l’hématide, c’est qu’il y a de l’EPO naturelle, comme l’hormone de croissance, et que donc il faut distinguer ce qui est naturel et ce qui vient de l’extérieur. Par contre une molécule qui n’existe pas dans le corps humain, quand on la trouve, pas de problème, c’est forcément qu’elle a été volontairement mise là.”

Pour affirmer qu’un sportif a triché, il faut en être sûr à 100%. C’est là que le décalage se crée entre les tricheurs et les chercheurs, explique Michel Rieu.

“Il y a toute une série de processus qui doivent être menés avant la validation d’un test. On est toujours piégé dans la mesure où on est face à des gens qui n’obéissent à aucune règle. Le décalage est là, pas dans le domaine de la connaissance. Ils sont toujours en arrière de la connaissance, puisqu’ils ils utilisent des systèmes que les chercheurs ont déjà mis en évidence, destinés à la recherche thérapeutique.

Eux détournent. Nous, on doit déjà savoir ce qui a été détourné et après on est empêtré dans des règles, et c’est normal, qui font qu’on met plus de temps pour pouvoir avec certitude démontrer leur utilisation.

C’est le problème du passeport biologique. C’est pour ça qu’il y a et qu’il y aura si peu de condamnations sur la base du passeport, parce qu’on est obligé de prendre de telles précautions qu’il faut vraiment que ce soit caricatural pour qu’on puisse prouver les manipulations. C’est pour cela qu’à mon avis il y en aura de moins en moins, car maintenant ils lissent leur manipulations avec toute une série de méthodologie, notamment les microdoses.”

Sans surprise, Michel Rieu affirme qu’il a connaissance de l’utilisation de ces produits dans deux sports, l’athlétisme et le cyclisme. Mais pour une raison bien précise.

“Ce sont les sports dans lesquels on a le plus d’informateurs. Mais il y a des fédérations sur lesquelles nous n’avons jamais aucune information. Le foot par exemple, là, c’est l’omerta totale, absolue et complète. Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas de dopage dans ce sport. La technique, et c’est vrai pour tous les sports techniques, ne vaut qu’en fonction de la condition physique.”

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