Un Tramway nommé Jasmine

ATTENTION, CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS

Par E.C

A la fin de Manhattan, Ike/Woody Allen fait la liste des choses qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. Il parle des films suédois, de Marlon Brando et des natures mortes de Cézanne… Façon, pour le cinéaste, d’avouer combien l’art occupe une place centrale dans sa vie. Au fil des films, les citations se sont faites de plus en plus nombreuses. Match Point reprenait, par exemple, la  trame dramatique d’Une Place au soleil de George Stevens. Le Sortilège du scorpion de Jade empruntait copieusement à La Garçonnière de Billy Wilder. Scoop se référait précisément aux Enchaînés d’Hitchcock et au Péché Mortel de John M. Stahl. Et un segment de To Rome With Love ( la jeune innocente séduite par une star) était quasiment un remake du Cheikh Blanc de Fellini… Et voici qu’arrive Blue Jasmine… Et que l’on regrette que le générique ne précise pas, en-dessous du fameux « Written and Directed by Woody Allen » : « librement inspiré de Un Tramway nommé Désir ».

Car le film suit de si près la pièce de Tennessee Williams qu’on a du mal à se détacher de l’original. Les noms ont changé, certes, et certains personnages se retrouvent divisés en deux dans le film d’Allen. Le (seul) ajout ingénieux de cinéaste – tant félicité par la critique – a été de moderniser le passé de son héroïne, en faisant d’elle la femme d’un homme à la Madoff. Passons en revue ces points communs si nombreux qu’ils en deviennent gênants.

JASMINE / BLANCHE DUBOIS

 

 

 

 

 

 

 

 

Jasmine, de son vrai prénom Jeannette (notez la connotation française, pour se rapprocher de la Blanche de Williams) a un passé sulfureux. Mariée à un riche homme d’affaires, cette femme qui n’est plus une jeune fille se conduit en aristocrate, s’estimant supérieure au commun des mortels. Observez ses manières, qui renvoient à la préciosité des gestes et de l’expression de Blanche DuBois. Comme Blanche après avoir perdu Belle-Rêve, Jasmine perd toute sa fortune et se voit obligée d’emménager chez sa petite sœur. Comme Blanche toujours, Jasmine se répète, se plaint, parle toute seule, devient folle. Séductrice, elle a un soupirant, mais elle lui ment au sujet de son passé  pour paraître plus estimable. Blanche elle aussi mentait à Mitch, et prétendait être bien plus jeune et pure qu’elle n’était. Ces mensonges auront raison des deux héroïnes. Blanche DuBois tente de cacher un terrible secret : son attrait pour de très jeunes hommes. Jasmine en possède également un, révélé à la fin du film.

GINGER / STELLA

Ginger est l’opposée de Jasmine. Brune autant que l’autre est blonde, petite autant que l’autre est grande, sensuelle et langoureuse alors que son aînée est nerveuse, souvent au bord de l’hystérie. On retrouve entre Sally Hawkins et Cate Blanchett toutes les différences qui séparent les sœurs DuBois. Comme Stella, Ginger est généreuse : elle défend sa sœur malgré les remarques insultantes de cette dernière. Elle prend son parti contre les attaques de des hommes qui partagent sa vie, Augie et Chili. A cette relation fraternelle, Woody Allen superpose une autre histoire : celle de l’adoption. Car Jasmine et Ginger ont toutes les deux été adoptées et sont donc nées de parents biologiques différents. Ce qui explique pour Woody Allen, toutes leurs différences. Il y aurait ici à traiter un autre vaste sujet, à savoir l’adoption chez Woody Allen. Sujet épineux dans la vie du cinéaste, matière à de nombreuses allusions hostiles dans ses films.

 

AUGIE & CHILI / STANLEY

 

Pour faire oublier Marlon Brando et son Stanley Kowalski, Woody Allen divise le personnage en deux, et décide de le rendre comique, même ridicule. Augie donc est l’ex-mari de Ginger : un macho en marcel qui n’est pas dupe des grands airs que se donne Jasmine. Chili en est la réplique, en plus jeune. Le compagnon actuel de Ginger, Chili (notez l’ingéniosité du nom – alors que Kowalski était un « Polack ») a du piquant ! Il est colérique, violent, déborde de désir pour sa compagne. Souvenez vous de cette scène flamboyante dans laquelle Stanley hurle « Stella » pour faire revenir auprès de lui la femme qu’il aime… Ici, la scène se situe dans un supermarché, où Chili vient pleurnicher sur des tomates, concombres et autres fruits et légumes afin de récupérer Ginger, caissière dans un supermarché.

DWIGHT & Dr. FLICKER / MITCH

 

Venons-en aux soupirants de Jasmine. La lourdeur de Mitch – prétendant de Blanche – échoue au Docteur Flicker, un dentiste qui emploie Jasmine comme secrétaire, et tente de la séduire de manière assez brutale. Dwight partage avec Mitch une profonde naïveté : il croit aveuglément aux affabulations de Jasmine. Dwight rejettera Jasmine tout comme Mitch désavoue Blanche lorsque l’âge de cette dernière et son passé sulfureux ressurgiront.

Viddy Well !

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