Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, et Pierre Lescure, son président, annoncent le 16 avril 2015 les films en compétition pour sa 68e édition | REUTERS/Benoit Tessier
Soixante-dix-sept longs métrages sont présentés par les différentes sélections cannoises, c’est-à-dire dans la sélection officielle divisée entre «Compétition», «Un certain regard», «Hors Compétition», la «Quinzaine de réalisateurs» et la «Semaine de la critique» –on exclut de ce calcul la sixième sélection, l’Acid (l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), qui présente cette année 9 films, dont 6 français. En effet, les choix de l’Acid répondent à des critères particuliers, militant plus particulièrement aux côtés des films français sans distributeurs, même si année après année elle confirme l’excellence de ses choix sur le plan artistique.
Sur les 77 films sélectionnés, le quart –exactement 19– sont français. Soulignons qu’on parle ici de films signés de réalisateurs français et qui apparaissent comme des films français aux yeux de leurs spectateurs, et non de la qualification juridique, fondée sur la part française dans la production, susceptible de comprendre des réalisations qui sont, quel que soit leur financement, perçues comme d’une autre origine. De manière particulièrement visible, la compétition officielle présente, en plus de son film d’ouverture, pas moins de 6 films français sur 19 titres en lice, soit quasiment le tiers de programme. Du jamais-vu à Cannes, où l’usage était d’avoir 3, exceptionnellement 4, films de cette origine.
La France –c’est-à-dire solidairement ses dispositifs publics de soutien au cinéma et ses acteurs économiques et artistiques– est présente dans de nombreuses autres réalisations du monde entier. C’est tout à son honneur: elle est un facteur de créativité dans des régions du monde fragiles ou aux choix de productions restrictifs, même si là aussi le danger existe de dérives orientant les choix vers certains types de films –l’idée qu’on se fait, en France, de ce que devrait être un film africain, chinois ou latino-américain. Malgré ce risque, il reste globalement souhaitable que des réalisateurs du monde entier trouvent en France des partenaires et des soutiens –et tout à fait légitime que Cannes, festival international installé en France, en porte témoignage.
Mais il est ici question d’un autre phénomène, récent, et qui tend à s’aggraver: le poids croissant de la présence de films franco-français dans les sélections. L’an dernier, on avait noté cette étrangeté que tous les films d’ouverture («Compétition», «Un certain regard», «Quinzaine» et «Semaine») soient français. Cette omniprésence est esquivée de justesse cette année grâce à Naomi Kawase en ouverture d’«Un certain regard» –mais il reste les trois autres, c’est encore beaucoup.
Surtout, jamais au grand jamais le nombre de film français n’avait été aussi élevé. Assurément, le cinéma français est un des plus créatifs du monde, et il mérite une place de choix. Mais qu’un festival français lui taille une telle part du lion est à la fois un symptôme et une menace.
Le phénomène est le symptôme d’une trop grande proximité des sélectionneurs avec l’industrie française du cinéma, industrie qui déploie toute sa puissance d’influence pour que ses produits soient sélectionnés, ce qui est tout à fait naturel. La menace est que les créateurs et producteurs du reste du monde en viennent à se détourner de ce rendez-vous cannois, aujourd’hui encore le plus prometteur en matière de reconnaissance artistique et de dynamique commerciale. (…)
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Jour 1: A quoi sert un film d’ouverture? (Grace de Monaco d’Olivier Dahan)
La Chambre bleue de Mathieu Amalric
Jour 2: Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, Eau argentée d’Ossama Mohammad et Wiam Simav Bedirxan
Jour 3: Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, Bande de filles de Céline Sciamma, FLA (Faire : l’amour) de Djinn Carrénard et Salomé Blechmans
Jour 4: Saint Laurent de Bertrand Bonello
Jour 5: La sélection de l’ACID
The Homesman de Tommy Lee Jones, Jauja de Lisandro Alonso
Jour 6: Le cinéma français à Cannes
Jour 7: Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Deux jours une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Still the Water de Naomi Kawase
Jour 8: Adieu au langage de Jean-Luc Godard
Jour 9: Mommy de Xavier Dolan, Jimmy’s Hall de Ken Loach, Coming Home de Zhang Yi-mou
Jour 10: Sils Maria d’Olivier Assayas
Jour 11: Un Palmarès bancal
lire le billetMoonrise Kingdom de Wes Anderson ouvrira le Festival, et la compétition (Focus Feature)
OK, on attendait Terrence Malick, Manoel de Oliveira et Olivier Assayas… chaque année la sélection cannoise réserve ce genre de surprise. Annoncée ce 19 avril, celle de 2012 se distingue surtout par une organisation plus claire du contenu des sections qui composent le programme officiel.
Pour autant qu’on puisse en juger avant d’avoir vu les films, et alors que le délégué général Thierry Fremaux a averti que conformément à son habitude il procèderait à quelques «fignolages» dans les semaines qui viennent, l’offre pour le 65e Festival, qui se tiendra du 16 au 27 mai, s’organise comme suit:
La sélection officielle du 64e Festival de Cannes était confrontée à un effet d’annonce fragilisant: réputée d’emblée comme un «bon cru», elle risquait d’apparaître inévitablement comme en deçà d’un top niveau idéal, tout en courant le risque symétrique d’être accusée de se conforter avec des «valeurs sûres» si la sélection se concentrait sur les grands noms du cinéma mondial.
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Du 12 au 22 mai, j’ai eu le bonheur de suivre le Festival de Cannes pour slate. Voici ce qu’il en reste.
Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul
12/05: Il faut voir les films (A propos de quelques polémiques)
13/05: Mouillé et affamé, bien fait pour moi (La soirée d’ouverture, hélas)
L’Etrange Affaire Angelica de Manoel de Oliveira
14/05: Que du bonheur! (L’Etrange Affaire Angelica de Manoel de Oliveira et Tournée de Mathieu Amalric)
15/05: L’autre sélection cannoise (Le beau travail de l’ACID)
Un homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun
16/05: Splendeur du plan (Un homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun)
17/05: Maîtres asiatiques (I Wish I Knew de Jia Zhang-ke et Outrage de Takeshi Kitano)
Film socialisme de Jean-Luc Godard
18/05: Lama Godard vient nous servir à voir (Film socialisme de Jean-Luc Godard)
Copie conforme d’Abbas Kiarostami
19/05: Le jour le plus beau (Copie conforme d’Abbas Kiarostami, Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois)
Carlos d’Olivier Assayas
20/05: Le débat stupide (Carlos d’Olivier Assayas)
Irish Route de Ken Loach
21/05: Bad Guys (Fair Game de Doug Liman et Irish Route de Ken Loach)
22/05: Les films qu’il faut avoir faits (Hors la loi de Rachid Bouchareb)
Apichatpong Weerasethakul
23/05: Le Palmarès du bonheur (La Palme pour Oncle Boonmee d’Apichatpong Weerasethakul)
lire le billetL’annonce d’un programme incomplet mais prometteur par les dirigeants du Festival de Cannes dessine une carte inédite du cinéma mondial, où la Corée occupe plus de place que les Etats-Unis.
La conférence de presse du 15 avril
Chaque année un peu plus, les responsables du Festival de Cannes sont obligés de se livrer à un exercice acrobatique lors de la présentation de la sélection de l’année : procéder au lancement d’une manifestation dont
ils ne connaissent pas tout le programme. Gilles Jacob et Thierry Fremaux en ont donné une des principales raisons, l’accélération dans la fabrication des films, jusqu’aux finitions, du fait des technologies numériques. Bien sûr il serait possible de fixer une date limite d’airain au matin de la conférence de presse : ce serait privilégier les impératifs de la communication sur la recherche du meilleur programme possible, même avec des retardataires, ce qui est tout de même l’essentiel. Cette fois-ci, en avançant d’une semaine la date d’annonce de la sélection et en revendiquant bien haut que celle-ci n’est pas complète, le choix est fait d’afficher clairement cette ouverture, cette malléabilité qui relativise donc le commentaire d’ores et déjà possible. Puisque, outre les futurs ajouts de la sélection officielle, il manque bien sûr la liste des autres sélections – la Quinzaine des réalisateurs, la Semaine de la critique, l’Acid. Le Festival de Cannes est en effet la résultante de la présence durant 12 jours de l’ensemble de ces films sur la Croisette. Auxquels il faut ajouter les courts métrages, même pas mentionnés par le dossier de presse, la sélection « Cannes classique », et sans doute un ou deux hommages traditionnellement organisés durant le festival. Motus, aussi, sur le film de clôture.
En revanche, le Festival a annoncé avoir invité comme membre d’un jury Jafar Panahi, aujourd’hui emprisonné à Téhéran. Gilles Jacob a déclaré avoir bon espoir que cette invitation ne soit pas « purement formelle », ce qui supposerait que l’auteur du Cercle et de Sang et or soit non seulement élargi de la geôle d’Evin où il croupit depuis bientôt deux mois, mais autorisé à quitter le pays. Acceptons-en l’augure.
Au vu de ce dont on dispose pour l’instant (listes ci-dessous), au moins deux constats s’imposent. D’une part l’absence, ou la faible présence, des « grosses pointures ». Il en est de diverses natures. Aucun produit phare des studios américains (hormis le film d’ouverture), et très peu des membres de cette short list des ténors du cinéma d’auteur international qu’on reproche d’ordinaire à Cannes d’inviter trop systématiquement. En compétition, seuls Abbas Kiarostami et Nikita Mikhalkov relèvent de cette catégorie, encore Kiarostami revient-il avec un projet très singulier, puisque tourné en Italie, avec une star féminine française, Juliette Binoche. Et même en élargissant à l’ensemble des noms annoncés, la liste demeure brève – elle n’en est que plus prestigieuse, avec Jean-Luc Godard, Manoel de Oliveira et Woody Allen. Comme disait un célèbre cinéphile, mieux vaut moins mais mieux. Le seul « grand nom » américain attendu pour l’instant est celui de Terrence Malick, dont le Tree of Life pourrait faire partie des futures annonces.
Juliette Binoche sur le tournage de Copie conforme d’Abbas Kiarostami
Très logiquement, cette relative discrétion des ténors ouvre de l’espace à des auteurs pour la plupart déjà bien connus, mais encore en phase ascendante. De ce point de vue, il faut saluer la diversité d’origine et de style des artistes invités : parmi les plus attrayant, le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, le Tchadien Mahmat Saleh Haroun, le Coréen Im Sang-soo (et, à Un certain regard, son compatriote Hong Sang-soo). Une curiosité, Fair Game, qui réunit Sean Penn et Naomi Watts pour évoquer l’histoire de l’agent de la CIA Valérie Plame Wilson grillée par l’administration Bush pour avoir mis à jour les trucages sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, réalisé par Doug Liman connu jusque là pour La Mémoire dans la peau (le moins bon des trois « Bourne ») ou Mr & Mrs Smith. Très différent, un nom sur lequel je me permets d’attirer l’attention, celui de l’Ukrainien Serguei Losnitza, auteur de magnifiques films de montage.
Naomi Watts et Sean Penn sur le tournage de Fair Games de Doug Liman
Il reste, bien sûr et comme toujours, l’épineuse question des films français, pomme de discorde éternelle à Cannes (et ailleurs). En compétition, deux noms très prometteurs. D’abord celui de Mathieu Amalric, qui n’est pas seulement un acteur génial mais un des meilleurs cinéastes de sa génération, avec un film loin de tous les repères connus, errance nocturne dans le sports français en compagnies de dames qu’on brûle de mieux connaître. Ensuite Xavier Beauvois, autre figure majeure du cinma français contemporain, dont Le Petit Lieutenant a montré combien il pouvait diversifier la palette intense découverte avec Nord, et qui s’intéresse cette fois à un drame particulièrement suggestif, celui de l’assassinat des moines de Tibhirine. Avec sa Princesse de Montpensier, Bertrand tavernier laisse augurer un cinéma plus convenu, mais il aura été si étonnamment créatif lors de son précédent film qu’il y a lieu d’espérer quand même une bonne surprise.
Mathieu Amalric tourne Tournée, dont il est aussi l’interprète principal
Il reste de curieuses absences, dont il faudra voir si l’avenir proche des annonces de complément ou de celles des autres sélection vient les combler. C’est notamment le cas du très attendu Carlos d’Olivier Assayas, la fresque consacrée au terroriste le plus célèbre des années 70 et 80, Les Mains en l’air de Romain Goupil à propos des enfants de sans-papiers, ou encore le nouveau film de Benoît Jacquot.
En l’état, ce qui se dessine de Cannes – encore une esquisse – est plus que prometteur. Thierry Fremaux a clairement choisi la cohérence en termes de partis pris artistiques, et c’est une heureuse promesse.
Jury de La COMPETITION longs métrages
Tim BURTON, Réalisateur, USA, Président, Kate BECKINSALE – Actrice / Grande-Bretagne, Giovanna MEZZOGIORNO – Actrice / Italie, Alberto BARBERA – Directeur du Musée National du Cinéma / Italie, Emmanuel CARRERE – Ecrivain – Scénariste – Réalisateur / France, Benicio DEL TORO – Acteur / Porto Rico, Victor ERICE – Réalisateur / Espagne, Shekhar KAPUR – Réalisateur – Acteur – Producteur / Inde.
COMPETITION :
Film d’Ouverture : Ridley SCOTT ROBIN HOOD Hors compétition
Mathieu AMALRIC TOURNÉE
Xavier BEAUVOIS DES HOMMES ET DES DIEUX
Rachid BOUCHAREB HORS LA LOI
Alejandro GONZÁLEZ IÑÁRRITU BIUTIFUL
Mahamat-Saleh HAROUN UN HOMME QUI CRIE
IM Sangsoo HOUSEMAID
Abbas KIAROSTAMI COPIE CONFORME
Takeshi KITANO OUTRAGE
LEE Chang-dong POETRY
Mike LEIGH ANOTHER YEAR
Doug LIMAN FAIR GAME
Sergei LOZNITSA YOU. MY JOY
Daniele LUCHETTI LA NOSTRA VITA
Nikita MIKHALKOV UTOMLYONNYE SOLNTSEM 2
Bertrand TAVERNIER LA PRINCESSE DE MONTPENSIER
Apichatpong WEERASETHAKUL LOONG BOONMEE RALEUK CHAAT
UN CERTAIN REGARD
Derek CIANFRANCE BLUE VALENTINE
Manoel DE OLIVEIRA O ESTRANHO CASO DE ANGÉLICA (Angelica)
Xavier DOLAN LES AMOURS IMAGINAIRES
Ivan FUND, Santiago LOZA LOS LABIOS
Fabrice GOBERT SIMON WERNER A DISPARU…
Jean-Luc GODARD FILM SOCIALISME
Christoph HOCHHÄUSLER UNTER DIR DIE STADT (The City Below)
Lodge KERRIGAN REBECCA H. (RETURN TO THE DOGS)
Ágnes KOCSIS PÁL ADRIENN (Adrienn Pál)
Vikramaditya MOTWANE UDAAN
Radu MUNTEAN MARTI, DUPA CRACIUN (Mardi, après Noël)
Hideo NAKATA CHATROOM
Photo de une: l’affiche du 63e festival, réalisée par Annick Durban d’après une photographie de Juliette Binoche par Brigitte Lacombe.
Cristi PUIU AURORA (Aurore)
HONG Sangsoo HA HA HA
Oliver SCHMITZ LIFE ABOVE ALL (La Vie avant tout)
Daniel VEGA OCTUBRE (Octobre)
David VERBEEK R U THERE
Xiaoshuai WANG RIZHAO CHONGQING (Chongqing Blues)
SEANCES SPECIALES
Woody ALLEN YOU WILL MEET A TALL DARK STRANGER
Stephen FREARS TAMARA DREWE
Oliver STONE WALL STREET – MONEY NEVER SLEEPS (Wall Street – l’argent ne dort jamais)
Gregg ARAKI KABOOM
Gilles MARCHAND L’AUTRE MONDE
Carlos DIEGUES 5 X FAVELA POR NOS MESMOS
Charles FERGUSON INSIDE JOB
Sophie FIENNES OVER YOUR CITIES GRASS WILL GROW
Patricio GUZMAN NOSTALGIA DE LA LUZ (Nostalgie de la lumière)
Sabina GUZZANTI DRAQUILA – L’ITALIA CHE TREMA
Otar IOSSELIANI CHANTRAPAS
Diego LUNA ABEL
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