Réalisateurs et producteurs, Tony Scott et son frère Ridley Scott ont fondé la prolifique maison de production Scott Free Productions. Celui qui est présenté partout comme «le réalisateur de Top Gun», s’était plutôt dédié à la production télévisuelle ces dernières années, avec un grand nombre de projets actuellement en cours de post-production.
Ceci n’est pas tant un hommage à Tony Scott qu’à un de ses films postérieur à Top Gun (1989) et généralement moins connu du public : True Romance, sorti en 1993. Film hybride qui mélange les genres ; à la fois road trip movie, film d’action, romantique, dramatique, drôle, au casting hallucinant, True Romance a tout pour plaire, et pourtant, il n’est pas rare d’entendre suite à «Tu connais pas True Romance ?», la désolante réponse : «Non… C’est quoi ce film ?»
L’histoire
Clarence (Christian Slater) travaille dans un magasin de B.D. dans la ville industriellement déprimente de Detroit. Il rencontre Alabama (Patricia Arquette), une call-girl débutante. Les deux se marient et prennent la fuite vers Hollywood pour revendre une malette de drogue appartenant au mac d’Alabama (l’excellent Gary Oldman).
Casting
Difficile de réunir un casting plus complet avec le budget de l’époque : on y retrouve Christian Slater en arnaqueur amateur, Patricia Arquette en call-girl, Brad Pitt à ses débuts en Big Lebowski ou fumeur de cannabis invétéré glué au canapé, Gary Oldman en mac avec des dreadlocks (un look étrangement précurseur de celui de Johnny Depp dans Pirates des Caraïbes), Christopher Walken en Sicilien Scorsesien, Michael Rapaport en acteur raté et bien d’autres dont Dennis Hopper, Val Kilmer et Samuel L. Jackson…
Le scénario
Alors employé dans un vidéoclub de L.A.., Roger Avary écrit la trame initiale du scénario, une première base qui a besoin d’être retravaillée. Il demande à un ami et collègue dans le même vidéoclub, un certain Quentin Tarantino alors inconnu du public, de ré-écrire le projet. Tarantino s’éxécute et signe son premier scénario de long-métrage en lui donnant une fin tragique à la Bonnie & Clyde, avec l’intention de réaliser le film. Le scénario est vendu au plus bas du marché, Tarantino se retire du projet pour se consacrer à la réalisation de Reservoir Dogs qu’il a écrit entre-temps, mais insiste pour que sa fin soit gardée.
Tony Scott prend connaissance du projet et souhaite le réaliser ; il demande à Avary de transformer la fin en happy end et de ré-écrire le film de manière linéaire ; Tarantino lui avait donné une forme non-chronologique à la Pulp Fiction. Les deux fins sont tournées, mais Tony Scott hésite encore. Trop attaché aux personnages, il finit par choisir le happy end. Si nous avons souvent l’habitude de défendre le point de vue initial de l’auteur au détriment des enjeux commerciaux, cette fois, il faut l’avouer, nous sommes bien heureux de voir Clarence et Alabama réunis, s’éloignant à bord d’une cadillac violette sur fond de couché de soleil… Cette voiture, Tony Scott l’offre à Patricia Arquette à la fin du tournage.
Du scénariste au réalisateur
Tarantino étant devenu le réalisateur que l’on connait, il est intéressant de voir le seul film qu’il ait écrit et non réalisé. Où s’arrête la marque de Tarantino et où commence celle de Tony Scott ?
Un employé dans un magasin spécialisé, lecteur invétéré de BDs rares, un peu geek de cinéma et de films de kung-fu sur les bords… L’ouverture du film semble légèrement auto-biographique lorsqu’on connait les débuts des deux scénaristes.
Si l’on reconnait déjà les thèmes, les dialogues et l’usage de la musique qui ont par la suite fait le succès des films de Tarantino, Tony Scott s’approprie clairement le scénario et s’en démarque, surtout lorsque le film bifurque dans les scènes d’action, genre favori du réalisateur, à l’esthétique télévisuelle des années 90. On ne peut tout de même s’empêcher d’imaginer ce que seraient devenues les scènes de tueries filmées par Tarantino…
La scène de quasi-torture, lorsque Christopher Walken interroge Dennis Hopper, qui joue le rôle d’un policier, rappelle fortement la scène culte de Reservoir Dogs où Michael Madsen, «Mr. Blonde», interroge un autre policier sur fond de musique des années 70 «Stuck in the middle» de Stealers Wheel. Un film précurseur de l’oeuvre de Tarantino à bien des égards : à voir !
Viddy Well,
E.D.
Laissez un commentaire