Venise 70-5 (2/09) Une petite fille dans un camion rouge

Lou-Lelia Demarliac dans Je m’appelle Hmmm…

Maigre moisson dominicale à la Mostra, avec nombre de films sur lesquels on préfère laisser planer le silence. Et puis, inattendue et inclassable, une découverte, une émotion.

Il y aurait un grand camion rouge sur des petites routes du côté des Landes. Il y aurait cette maison bizarre, à Orléans, avec le père chômeur dépressif qui végète entouré de ses trois enfants, et puis des fois, il demande à la grande, qui a 12 ans, de monter avec lui à l’étage. Il y aurait la fatigue de la mère, et la gamine qui un jour part en classe nature, et puis quitte la place nature, et monte se cacher dans le camion rouge. L’Anglais tatoué, Pete, démarre. Il ne la voit pas, et puis il la voit. Ça va rouler.

Présenté dans la section Orizzonti, Je m’appelle Hmmm…, premier long métrage d’une réalisatrice connue pour d’autres raisons sous le non d’agnès b., se met en place entre sombre chronique familiale et rêve fantastique, possibles éléments autobiographiques et road movie dans le Sud-Ouest de la France. C’est un film qui est comme porté par plusieurs élans à la fois, et qui, loin de chercher à les domestiquer ou à les coordonner, leur donne libre cours, et parie sur ce qui  émanera finalement de leur enchevêtrement, de leur luxuriance. Un film linéaire comme un voyage et accidenté comme une aventure.

Un film qui ne recule ni devant la stylisation ni devant le naturalisme, ni devant le deuxième degré – écriture à même l’écran, énoncé à plat de situations atroces et qu’il est plus digne de dire ouvertement, irruption de figures imaginaires, sorties de contes ou de songes, un couple de danseurs de Buto, un loup garou qui sert au bistrot, un facétieux voyageur grimaçant, un errant aussi éternel que le juif, mais qui est peut-être tsigane, ou révolutionnaire exilé, qu’on reconnaisse en lui ou pas le visage de Toni Negri.

Je m’appelle Hmmm… raconte son histoire, celle de la petite fille qui ne livrera de son identité que ce qu’en dit le titre ; Et en même temps, il fait de cette histoire, de ce trajet, l’aimant d’autres échos, d’autres récits, tandis que ses images parfois changent de matière et de cadre. Agnès b. fait son film comme on a vu la petite fille fabriquer un univers pour sa poupée, seul sur une plage, en glanant des objets perdus, jetés, ignorés. Le camion roule, il est beau. Celui qui le conduit, est, lui, admirable. Premier rôle au cinéma du très grand artiste qu’est Douglas Gordon, celui-ci donne à Pete une présence à la fois émouvante et opaque, au diapason de cet objet bizarre et juste qu’est le film lui-même.

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