Les particules diesel flashées par un laser

Les rayons du soleil révèlent le nuage émis par une locomotive à bio-diesel

Comme les milliards de particules qui peuplent l’air que nous respirons, surtout en ville, les suies émises par les moteurs diesel font particulièrement débat depuis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) les a classées comme cancérogènes certains pour l’homme (lire l’article de Gilles Bridier à ce sujet). L’une des difficultés pour appréhender ce type de pollution atmosphérique réside dans son caractère invisible et souvent inodore. Or, on le sait bien, ce que l’on ne voit pas est moins inquiétant que ce que l’on voit. Pourtant, ces particules, dangereuses pour la santé, jouent également un rôle dans le changement climatique. D’où l’intérêt de pouvoir mieux les observer. C’est justement le but des travaux publiés par le Centre pour le laser à électrons libres (CFEL) de Hambourg dans la revue Nature de cette semaine.

Laser à rayon X

“Pour la première fois, nous pouvons réellement voir la structure de particules individuelles flottant dans l’air, leur habitat naturel”, déclare Henry Chapman, un chercheur de l’Électron-synchrotron allemand (DESY), membre du CFEL. Pour y parvenir, les scientifiques ont dû trouver un moyen plus efficace que la lumière visible  ou les rayons X. Finalement, la solution a été apporté par le plus puissant laser à rayon X actuel, le LCLS, issu de l’accélérateur SLAC fondé par le ministère de l’énergie américain (DOE) à Stanford. De tels lasers utilisent les électrons libres, c’est à dire non liés à un atome, produits par un accélérateur de particules. Au LCLS, ces électrons émettent ensuite des photons ayant la longueur d’onde des rayons X. A Hambourg, un système similaire est en cours de construction, le XFEL, qui doit entrer en service en 2015. Il existe également un projet de ce type en France en collaboration avec le Synchrotron Soleil.

Le principe du laser à électrons libres

Particules de moins de 2,5 microns

La partie dans laquelle les électrons ondulent mesure de 3 à 4 km, ce qui fait du laser à électrons libres un instrument qui n’est pas vraiment portatif… Néanmoins, les chercheurs du CFEL sont parvenus à une première sur les particules de moins de 2,5 microns (millièmes de mm) qui correspondent à celles qui pénètrent dans nos poumons et qui arrivent en seconde position, après le CO2, parmi les acteurs du réchauffement climatique. Pour l’expérience, les chercheurs ont fabriqué eux-mêmes des particules de suie à partir d’un morceau de graphite et ils les ont dispersées, mélangées à du sel, dans un flux d’air. C’est cet aérosol qui a été intercepté par le rayon laser à électrons libres. L’interaction entre les pulsations du laser et les particules ont produit une diffraction de la lumière que les scientifiques ont enregistrée. A partir de ces motifs de diffraction, ils sont capables de reconstituer la structure de la particule qui les a engendrés.

Les figures de diffraction rendent visible la structure de particules de suie

“La structure des particules détermine comment elle disperse la lumière”, explique Andrew Martin, un autre signataire de l’étude travaillant au DESY. “Et ce phénomène explique comment l’énergie solaire est absorbée par l’atmosphère terrestre et joue ainsi un rôle majeur dans les modèles climatiques. De même, il existe de nombreux liens entre ces particules d’environ 2 microns et les effets négatifs sur la santé”, note le chercheur. Grâce au laser à électrons libres, la forme et la composition de particules individuelles ont pu être analysées. Cela pourrait permettre de mieux comprendre comment elles interfèrent avec les fonctions des cellules dans les poumons.

Dimension fractale importante

L’équipe du CFEL a ainsi analysé 174 particules dont elle a également mesuré la compacité en utilisant une propriété appelée “dimension fractale” et qui décrit comment un objet rempli l’espace. Les chercheurs ont été surpris par les valeurs obtenues, supérieures à ce qu’ils attendaient. La preuve d’une compacité importante. De même, la structure des particules s’est révélée étonnamment variable ce qui révèle un nombre important de déformations dans l’air.

Réchauffement climatique et suies de moteurs diesel

Ces travaux laissent entrevoir la possibilité de mieux visualiser l’évolution de la formation des suies dans un moteur diesel, par exemple, et même d’analyser les premières étapes de la formation des cristaux de glace dans les nuages. Ils pourraient affiner les modèles climatiques qui en ont besoin en matière d’interaction entre l’énergie solaire et l’atmosphère terrestre. Pour les constructeurs automobiles, de précieuses informations sur les fameuses suies émises par les moteurs diesel pourraient permettre d’en réduire la quantité ou d’en atténuer la dangerosité pour la santé humaine.

Michel Alberganti

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Lonesome George : la fin de la solitude

Une ligne de plus sur la liste du dodo et de la rhytine de Steller, une encoche de plus pour marquer l’empreinte humaine sur la biodiversité.
Dimanche dernier, très précisément, l’espèce de tortues géantes des Galapagos Chelonoidis abingdonii s’est éteinte avec son ultime représentant.

Lonesome George © Mark Putney

L’impressionnant Lonesome George était centenaire et méritait bien son surnom de « Georges le solitaire » : il vivait en captivité depuis une quarantaine d’années, sans camarade de son espèce car son île (Pinta) avait vu son l’écosystème bouleversé par l’introduction de chèvres par l’homme.

Malgré un enthousiasme assez limité pour le jeu de la bête à deux carapaces, Lonesome George a prêté sa participation à de nombreuses tentatives de reproduction avec des femelles de sous-espèces proches, et après des années d’échec la fortune a semblé enfin lui sourire avec des œufs hybrides pondus en 2008. Mais l’espoir fut de courte durée, et aucun de ces œufs n’a éclos.

 

 

Son autopsie a conclu à une mort naturelle, et son imposante dépouille va être confiée à un taxidermiste, et continuera à attirer les touristes.

Le temps est révolu où le dernier représentant d’une espèce de vertébrés pouvait être abattu des années avant qu’on en comprenne la portée, comme ce fut le cas pour le zèbre quagga ou le loup de Tasmanie. La prise de conscience de la fin de l’espèce a ici largement précédé le décès de son dernier représentant, et en quelques heures, la nouvelle de la mort de Lonesome George a fait le tour de la planète.

C’est sans doute une bonne nouvelle en terme de sensibilisation à la biodiversité (et pas seulement  celle des grands vertébrés charismatiques), mais il est difficile de ne pas rester songeur devant cette rencontre de l’instantanéité des nouvelles avec les échelles de temps immenses qui accompagnent l’évolution et la disparition irrévocable d’une espèce.

Fabienne Gallaire

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