En fait, l’homme descendrait du rat…

Ceux qui ont eu du mal à accepter que l’homme descende du singe vont encore passer un mauvais moment. Non seulement, cette origine n’est pas remise en question mais les chercheurs, en remontant beaucoup plus loin, ont abouti à un autre ancêtre: une sorte de rat… Publiée dans Science du 8 février 2013, l’article qui nous ôte tout espoir d’avoir été créé à l’image de Dieu. A moins de croire, comme les Indiens, à la réincarnation et de dédier certains temples aux… rats (voir la vidéo ci-dessous).

L’ancêtre commun des mammifères placentaires

L’équipe de 22 chercheurs américains, plus un Canadien, dirigée par Maureen O’Leary, du département de sciences anatomiques de l’école de médecine de l’université Stony Brook, a reconstruit l’arbre généalogique des mammifères placentaires. C’est-à-dire ceux qui se reproduisent à l’aide d’un véritable placenta qui alimente l’embryon et le fœtus. Dans ce groupe, on trouve les chats, les chiens, les chevaux, les musaraignes, les éléphants, les chauve-souris, les baleines  et… les hommes. Il s’agit du plus important groupe de mammifères avec plus de 5000 espèces dans une centaine de familles.

Juste après les dinosaures

En remontant aux origines de ce groupe, les chercheurs sont presque parvenus jusqu’aux dinosaures. Du moins jusqu’à leur extinction à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années. Il semble que notre ancêtre rongeur soit apparu entre 200 000 et 400 00 ans après cette extinction. Deux à trois millions d’années plus tard, le groupe des mammifères placentaires modernes se mit à proliférer. Ces résultats bouleversent la chronologie admise auparavant puisque qu’elle fait reculer l’apparition du premier ancêtre commun aux mammifères placentaires de… 36 millions d’années.

Le plus remarquable, dans ce travail, est qu’il ne repose pas sur de nouveaux fossiles mais sur l’analyse des caractères anatomiques, morphologiques et moléculaires des animaux. Les chercheurs ont exploité les informations rassemblées dans la plus grande base de données mondiale sur les caractères morphologiques, la MorphoBank, soutenue par la National Science Foundation (NSF). Ils ont utilisé de nouveaux logiciels pour analyser les caractéristiques d’espèces de mammifères vivantes et éteintes. Pas moins 4541 phénotypes de 86 fossiles et espèces vivantes ont été associés à des séquences moléculaires. Au final, ce sont les traits morphologiques qui ont pris le dessus et conduit les chercheurs dans leur reconstruction de l’arbre de la vie des mammifères. Ce travail fait partie du projet Assembling the Tree of Life financé par la NFS. L’approche morphologique des chercheurs présente l’avantage d’aboutir à une image, certes reconstruite, de l’ancêtre commun. Elle ne pouvait que chatouiller les spécialistes de biologie moléculaire et de génétique.

Fossiles contre horloges

Ainsi, le jour même de la parution de l’article dans Science, une réponse a été publiée par Anne Yoder, biologiste spécialiste de l’évolution de l’université Duke ( Caroline du nord). Sous le titre : “Les fossiles contre les horloges”, Anne Yoder commence par rendre hommage au travail de ses collègues avant de lancer sa flèche. Selon elle, les chercheurs de l’équipe de Maureen O’Leary, en se focalisant sur les caractéristiques morphologiques s’est plus attachée à décrire la forme de l’arbre que la longueur des branches. D’où la non prise en compte des conséquences de cette longueur des branches déterminée par les horloges moléculaires de la génétique. On peut espérer que les deux approches s’associent et permettent affiner les résultats.

Michel Alberganti

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Dahlia : le secret du rouge et du noir

Il existe pas moins de 40 000 espèces hybrides cultivées de dahlia. Et plus de 20 000 variétés de cette fleur appréciée des Aztèques. Ses couleurs peuvent ainsi couvrir une vaste gamme de nuances du blanc, au jaune et à l’orange ainsi toutes les teintes imaginables de rouge et de violet. Hormis le bleu. Néanmoins, il n’existe qu’un petit nombre d’espèces cultivées baptisées “dahlias noirs” pour leur double teinte noire et rouge. Si cette fleur a inspiré l’écrivain James Ellroy et le cinéaste Brian de Palma, elle fascine aussi une équipe de chercheurs de l’université technique de Vienne (Autriche) dirigée par Heidi Halbwirth. Leur étude a été publiée par la revue BMC Plant Biology le 23 novembre 2012. Bien entendu, tout est question de molécules.

Pour la première fois, les chercheurs estiment avoir percé le secret du dahlia noir. La fleur doit sa couleur double à une accumulation massive de pigments naturels, les anthocyanes. Ensuite, cela se complique car les scientifiques ont réalisé une analyse en profondeur de l’expression des gènes du dahlia. Ils ont découvert une augmentation de l’acheminement des flavonones vers les anthocyanes au détriment des flavones. Ainsi, tout s’explique… En dehors de leurs effets sur les dahlias, les flavones intéressent aussi le monde médical pour leur effets thérapeutiques (athérosclérose, ostéoporose, diabète et certains cancers). Leur présence dans les plantes nous permet d’en consommer de 20 à 50 mg par jour.

Pour ce qui concerne la couleur du dahlia noir, les chercheurs autrichiens semblent avoir buté sur le cas de la variété Black Barbara. Même si cette dernière montre une forte expression des gènes de l’anthocyanine qui pourrait expliquer les quantités importantes d’anthocyanines mais pas la formation élevée de flavones. Nous ne discuterons pas ce point… Les scientifiques appellent à de nouvelles études pour aller encore plus loin. Ils estiment néanmoins que la découverte du mécanisme de suppression de la formation de flavones dans la majorité des Dahlias noirs présente un intérêt pour les spécialistes. En effet, le Dahlia étant une plante octoploïde (8 jeux complets de chromosomes dans chaque cellule) et la présence de plusieurs allèles étant probable, les mécanismes découverts pourraient rendre possible la production de plantes disposant d’une quantité voulue de flavones. Là encore, nous les  croyons sur parole. Et nous ne regarderons plus les dahlias noirs de la même façon désormais…

Michel Alberganti

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OGM : de l’impossible débat à un embryon de consensus

Même sans illusion, il fallait essayer… Après l’embrasement médiatique provoqué par la publication de l’expérience de Gilles-Eric Séralini, le 19 septembre 2012, les avis donnés par les agences de sécurité sanitaire et les prises de position des académies, comme celles de multiples pétitionnaires, comment ne pas tenter une confrontation ? Rassembler les protagonistes sur un même plateau pour un débat sur France Culture, ce n’était que la suite logique de deux mois d’affrontements indirects.

Le résultat, vendredi 16 novembre entre 14 et 15 heures dans Science Publique, n’a pas dérogé à la règle qui prédomine, en France, depuis la conférence de citoyens sur “l’utilisation des OGM dans l’agriculture et l’alimentation”, précédée par le rapport de Jean-Yves Le Déaut, qui date de… juin 1998. Ni le “débat public sur les OGM” de l’an 2000, ni le débat public sur “les OGM et les essais en champ” de 2002, n’ont changé la donne. Un dialogue dépassionné reste impossible. Pourtant, et l’émission d’aujourd’hui le confirme, une porte de sortie par le haut existe. Mais aucun des deux camps n’est prêt à faire les concessions nécessaires pour la franchir sereinement. Pour cela, il faudrait réunir trois conditions.

1°/ Tirer des leçons positives de l’expérience Séralini

Rationnellement, il est difficile d’admettre que les tumeurs révélées par l’expérience sur des rats pendant 2 ans menée par Gilles-Eric Séralini soient une preuve scientifiquement indiscutable de la dangerosité pour la santé humaine de l’OGM NK603 et du Roundup de Monsanto. Néanmoins, l’opération médiatique réalisée par le biologiste, malgré le regrettable dérapage du Nouvel Observateur titrant “Oui, les OGM sont des poisons”, est une réussite. Incontestable elle. Avec le CRIIGEN et un budget de 3,2 millions d’euros, Gilles-Eric Séralini a atteint ce qui, à l’évidence, était son principal objectif : révéler les failles des procédures actuelles d’évaluation des OGM. Celles-ci sont, au moins, au nombre de trois :
–  Pas d’essais à long terme (2 ans, soit la vie entière des rats)
–  Pas d’indépendance des laboratoires réalisant les essais limités à 90 jours
–  Pas de transparence dans la publication des résultats de ces essais

2°/ Admettre les erreurs du passé

Qu’il s’agisse de la Commission du génie biomoléculaire CGB), créée en 1986, de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), créée en 1999, de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) créée en 2002 ou de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement du travail (Anses), créée en 2010 par la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, aucun de ces multiples organismes n’est parvenu à imposer des règles palliant ces trois défauts.

Les acteurs d’aujourd’hui, Gilles-Eric Séralini ou de Gérard Pascal, ancien directeur scientifique de l’INRA, ont contribué aux travaux de ces plusieurs de ces institutions. Des débats houleux s’y sont déroulés. Mais ils n’ont jamais abouti à l’établissement de normes d’essais satisfaisantes. D’un coté, parfois, leurs avis ont été balayés pour des raisons politiques. L’influence des partis écologistes a conduit à des interdictions d’OGM en France contre l’avis de la CGB, par exemple. De l’autre, l’influence des industriels, Monsanto en tête, même si elle est beaucoup moins apparente, n’en est pas moins certaine.

D’où un blocage total qui a conduit à la situation actuelle. Les scientifiques luttent contre le rejet irrationnel des écologistes qui les poussent à avoir tendance à minimiser les risques. Les opposants aux OGM exploitent cette tendance pour démontrer que les experts ne sont pas indépendants et qu’ils agissent pour le compte des industriels. Chacun s’enferme dans une position caricaturale. Les attaques personnelles fusent et bloquent la possibilité d’un débat serein et rationnel. Toute remise en cause des procédures se traduit par une accusation ad hominem.

3°/ Établir de nouvelles procédures d’évaluation des OGM

Dès le 19 septembre, dans la précipitation qui a suivi la publication de l’expérience Séralini, trois ministères (écologie, santé, agriculture) ont fait la déclaration suivante : “ Le Gouvernement demande aux autorités européennes de renforcer dans les meilleurs délais et de façon significative l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux”. Si elle a pu sembler bien prématurée ce jour là et si l’avis de l’ANSES a invalidé, ensuite, l’expérience Séralini, cette réaction apparaît aujourd’hui comme, paradoxalement,  judicieuse mais insuffisante.

Judicieuse parce que les différentes conclusions de l’affaire, dans les deux camps, convergent effectivement vers une remise en cause de l’évaluation des OGM. Insuffisante parce que l’amélioration qui apparaît indispensable doit être nettement plus que significative. Radicale serait un terme plus juste. De plus, les autorités européennes ne sont pas seules concernées. La France l’est aussi. Et elle pourrait même jouer un rôle moteur dans cette révision en profondeur de l’évaluation des OGM.

Un consensus apparaît

Ce n’est pas le moindre des résultats de l”affaire Séralini que de faire poindre un consensus entre les deux camps. Qu’il s’agisse de l’Anses dans son avis sur l’expérience, du HCB ou d’une personnalité comme Gérard Pascal, tout le monde admet que l’absence d’études à long terme probante n’est pas acceptable. Les hommes consomment des OGM pendant toute leur vie. Pourquoi les expériences sur les rats se limiteraient à trois mois, soit le huitième de leur durée de vie ?

Si un accord existe sur ce point,  il reste à établir des procédures permettant d’apporter une réponse à la question, tout en garantissant l’indépendance des études. L’Anses semble l’organisme le mieux placé pour prendre en charge ces études. Il dispose des laboratoires nécessaires. Il ne lui manque que le financement. Or, la règle actuelle veut que ce soient les industriels qui financent ces études. Aujourd’hui, ce sont eux qui pilotent les expériences et choisissent soit de les réaliser dans leurs propres laboratoires, soit de les confier à des laboratoires privés. Il suffit donc que les industriels donnent ce même argent à l’Anses… Cela paraît presque trop simple. En fait, une difficulté subsiste.

Combien d’évaluations sont nécessaires ?

L’étude de Gilles-Eric Séralini a coûté 3,2 millions d’euros. Pour qu’elle soit scientifiquement recevable, il aurait fallu multiplier le nombre de rats par 5, voire par 7 ou 8. Cela porterait le coût de l’étude à environ 10 millions d’euros. Le résultat permettrait d’évaluer l’impact d’une variété de mais transgénique, le NK603, et d’un insecticide, le Roundup. Mais il existe des dizaines de variétés de plantes génétiquement modifiées. Faut-il les évaluer toutes de la même façon ? Certaines études sur une variété donnent-elles des informations valables sur les autres ? Comment réduire le coût de ces études à des sommes acceptables ? C’est la question que posent certains scientifiques plutôt pro-OGM. Et ce sont aux scientifiques d’apporter une réponse.

Cette interrogation sur la viabilité économique des études d’évaluation des OGM ne concerne néanmoins pas la société elle-même. Ce n’est un problème que pour ceux qui devront financer les études, c’est à dire les industriels… Si le financement des études déclarées nécessaires par les scientifiques s’avère trop élevé pour que les OGM restent économiquement rentables, cela signifiera simplement que ces produits sont inadaptés à la commercialisation.

Avons-nous vraiment besoin des OGM ?

Dans les coulisses de Science Publique, après l’émission, l’un des invités admettait que l’intérêt des OGM pour la société n’est pas clairement établi. Les perspectives affichées par les semenciers telles que la culture sous des climats difficiles, avec des quantités d’eau réduite ou de mauvaise qualité (saumâtres) sont restées à l’état de… perspectives et de promesses pour le futur. Idem pour le discours sur le fait de pouvoir nourrir 9 milliards d’habitants. Pour l’instant, les OGM rapportent… de l’argent aux industriels. C’est la seule certitude. Les gains sur les rendements et sur l’économie des exploitations agricoles sont largement contestés.

Ainsi, aujourd’hui, la réponse à la question simple : Avons-nous vraiment besoin des OGM ? est clairement : Non, pas vraiment.  Pour les accepter, le moins que l’on puisse attendre est d’obtenir une raisonnable certitude de leur absence d’effets néfastes sur la santé humaine. Si l’établissement de cette preuve revient trop cher, tant pis. Nous nous passerons des OGM. Et le débat sera, enfin, clôt.

Michel Alberganti

(Ré)écoutez l’émission Science Publique que j’ai animée le 16 novembre 2012 sur France Culture :

Faut-il considérer les OGM comme des poisons ?16.11.2012 – Science publique
Faut-il considérer les OGM comme des poisons ?
57 minutes Écouter l'émissionAjouter à ma liste de lectureRecevoir l'émission sur mon mobilevideo

Après la publication par le Nouvel Observateur d’un titre alarmiste le 19 septembre, l’étude réalisée par Gilles Eric Séralini  sur des rats alimentés avec des OGM et de l’insecticide a fait grand bruit. Finalement, les experts ont invalidé ces résultats. Mais le doute est désormais jeté sur l’ensemble des études réalisées sur les OGM. Comment la science sort de cette manipulation ? …
Invités :
Gérard Pascal
, ancien directeur scientifique à l’INRA et expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS
Jean-Christophe Pagès
, professeur et praticien hospitalier à la Faculté de médecine de Tours et président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies
Gilles-Eric Séralini
, professeur de Biologie Moléculaire Université de Caen – Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire
Joël Spiroux de Vendomois, président du Comité de Recherche et d’Information Indépendant sur le Génie Génétique, le CRIIGEN

 

 

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OGM, la contre-attaque : 140 scientifiques défendent Séralini

Le 22 octobre 2012, le verdict de l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses), faisant suite à ceux de l’Europe (EFSA) et d’autres autorités nationales (BfR allemand entre autres), a fait l’effet d’un KO scientifique. Au final, l’étude publiée le 19 septembre dans une revue à comité de lecture, n’est pas scientifiquement recevable. Ses conclusions ne peuvent, de ce fait, être acceptées. En matière de toxicité des OGM et du Roundup, tout reste à donc à faire.

Tel est, justement, le raisonnement des 140 scientifiques français signataires d’une lettre ouverte publiée, le 14 novembre, sur lemonde.fr. La voici:

Science & Conscience

Devant l’incroyable levée de boucliers suscitée par la publication de Gilles-Éric Séralini et de son équipe dans le journal Food and Chemical Toxicology, nous, membres de la communauté scientifique, tenons à affirmer les points suivants.

– D’une part, les scientifiques qui se sont exprimés sur ce sujet l’ont fait en leur nom propre et ne peuvent prétendre représenter la communauté scientifique dans son ensemble. Le fait qu’un groupe d’une douzaine de personnes prétendant représenter six académies ait décidé d’un communiqué commun sans débat est contraire au fonctionnement normal de ces institutions et interroge sur la vision de la science et de la technologie (et de leur utilité sociale) ayant présidé à une telle décision (au contraire, par exemple, du débat organisé par l’Académie des Sciences dans le cadre de la polémique sur le changement climatique, à l’issue duquel la responsabilité de l’homme a été avérée). Nous saluons sur ce point la réaction salutaire du seul statisticien de l’Académie des Sciences, Paul Deheuvels.

– D’autre part, le protocole suivi dans cette étude présente des défauts qui font débat au sein de la communauté scientifique. Mais en tout état de cause, disqualifier le protocole suivi dans le cadre de cette étude revient à disqualifier du même coup les données ayant fondé les décisions d’acceptation des OGM par les experts. Il est remarquable de voir ces mêmes experts accepter (même s’ils le critiquent parfois) un protocole expérimental quand il donne des résultats qui vont dans le sens de l’acceptation d’une technique et le démolir aussi ardemment quand les résultats vont dans le sens opposé. Ceci est à notre avis totalement contraire à toute déontologie scientifique. Nous affirmons donc que, si les observations en débat méritent d’être confirmées par des expériences de plus grande ampleur, cela s’applique également aux tests qui ont servi à autoriser toutes les plantes transgéniques actuellement sur le marché. Si toute cette histoire aboutit au moins à ce résultat, elle aura été utile.

Nous sommes profondément choqués de l’image de notre communauté que cette polémique donne aux citoyens. L’expertise des risques pour la santé humaine ou l’environnement est une activité difficile qui doit faire face à de nombreuses incertitudes. Beaucoup des menaces qui pèsent sur notre planète ont été révélées par des scientifiques isolés puis confirmées par des études nombreuses venues de la communauté scientifique. En l’occurrence, il serait bien plus efficace de mettre en oeuvre des recherches sur les risques sanitaires et environnementaux des OGM et des pesticides, d’améliorer les protocoles toxicologiques utilisés pour leur mise sur le marché et de financer une diversité de chercheurs dans ce domaine que de créer des affrontements entre deux camps nourris de préjugés et d’idéologies. Nous pensons que notre communauté doit garder le souvenir d’erreurs passées, concernant l’amiante par exemple.Enfin, nous tenons à assurer à nos concitoyens qu’il existe également, dans la communauté scientifique, un nombre important de chercheurs qui sont convaincus qu’il faut prendre au sérieux les risques associés aux technologies et qui estiment que, si les chercheurs d’une part,et les applications sociales de la science d’autre part, sont par construction liés à des idéologies, des croyances et/ou des intérêts, la démarche scientifique doit, elle, s’efforcer de rester aussi indépendante que possible pour jouer pleinement son rôle dans la société.

Signataires :

Andalo Christophe MC UPS Toulouse
Arnaud-Haond Sophie Chercheuse IFREMER
Atlan Anne CR CNRS
Auclair Daniel DR INRA
Austerlitz Frédéric DR CNRS
Barot Sébastien DR IRD
Bancal Marie-Odile MC AgroParisTech
Becker Nathalie MC MNHN
Bellé Robert Pr UPMC
Bérard Sèverine MC U Montpellier 2
Blondel Jacques DR CNRS
Boëte Christophe CR IRD
Boistard Pierre DR INRA
Bonhomme François DR CNRS
Bonhomme Vincent Institut Français de Pondichéry
Bonnet Timothée Doctorant U Zurich
Bonneuil Christophe CR CNRS
Bonnin Isabelle CR INRA
Bosc Pierre-Marie Chercheur CIRAD
Boudouresque Charles Pr U Aix-Marseille
Bourdineaud Jean-Paul Pr U Bordeaux
Boyen Catherine DR CNRS
Brèthes Daniel DR CNRS
Casas Jérôme Pr U Tours
Cézilly Franck Pr U Bourgogne
Chabert Michèle MC EPHE
Champagnon Jocelyn Post Doc
Charpentier Anne MC U Montpellier 2
Charmantier Anne CR CNRS
Chikhi Lounès DR CNRS
Cochard Hervé DR INRA, Correspondant de l’Académie d’Agriculture
Colas Bruno MC U Paris Diderot
Combes Claude Pr U. Perpignan, Membre de l’Académie des Sciences
Da Lage Jean-Luc DR CNRS
David-Benz Hélène Chercheuse CIRAD
Darlu Pierre DR CNRS
De Decker Sophie Post-Doctorante, NOAA, US
de Foresta Hubert CR IRD
de Reviers Bruno Prof MNHN
Dedeine Franck MC U François Rabelais Tours
Delesalle Bruno MC EPHE
Destombe Christophe Prof UPMC
Devaux Céline MC U. Montpellier2
Djikeussi Eléonore CH Niort
Dorin Bruno Chercheur CIRAD
Dufumier Marc Pr AgroParisTech
Dugue Patrick Chercheur CIRAD
Dulcire Michel Chercheur CIRAD
Dutech Cyril CR INRA
Elias Marianne CR CNRS
Enjalbert Jérôme CR INRA
Fabre Pierre Chercheur CIRAD
Fady Bruno DR INRA
Ferdy Jean-Baptiste Pr U Toulouse 3
Ferrière Régis Pr ENS Ulm
Figuié Muriel Chercheuse CIRAD
Frascaria Nathalie Pr AgroParisTech
Fort Philippe DR CNRS
Gautier Christian Pr U Lyon
Gavotte Laurent MC U Montpellier 2
Gerber Sophie CR INRA
Grandcolas Philippe Prof MNHN
Goldringer Isabelle DR INRA
Gouyon Pierre-Henri Pr MNHN
Hautekeete Nina MC U Lille 1
Heams Thomas MC AgroParisTech
Herbette Stéphane MC U Clermont-Ferrand
Henry Claude Pr Columbia University
Heyer Evelyne Pr MNHN
Hospital Frédéric DR INRA
Huet Sylvie DR INRA
Humbert Jean-François DR INRA
Jeandel Catherine DR CNRS
Jarne Philippe DR CNRS
Joron Mathieu CR CNRS
Juffé Michel Pr PontsParisTech
Kjellberg Finn DR CNRS
Lachièze Rey Marc DR CNRS
Lançon Frédéric Chercheur CIRAD
Laurans Marilyne Chercheuse CIRAD
Laurenti Patrick MC U Diderot
Lavigne Claire DR INRA
Lemeilleur Sylvaine Chercheuse CIRAD
Le Gall Line MC MNHN
Le Moguédec Gilles Chercheur CIRAD
Lévy-Leblond Jean-Marc Pr U Nice
Lipinski Marc DR CNRS
Loeuille Nicolas Pr UPMC
Londe Sylvain Doctorant UPMC
Lorand Isabelle Chirurgienne
Louchart Antoine CR CNRS
Machon Nathalie Pr MNHN
Mallefet Jérôme Pr U Catholique de Louvain
Mariojouls Catherine Pr AgroParistech
Maris Virginie CR CNRS
Mignot Agnès Pr Université Montpellier 2
Millier Claude Pr AgroParisTech
Mirleau Pascal MC U Aix-Marseille
Moulia Catherine Pr U Montpellier 2
Morin Edgar DR CNRS
Nabholz Benoit MC U Montpellier 2
Nicolas Valérie IR INSERM
Nieberding Caroline Pr U Catholique de Louvain
Olivieri Isabelle Pr U Montpellier 2
Paillet Yoan IR IRSTEA
Palka Laurent MC MNHN
Pape Moller Anders DR CNRS
Papy François DR INRA
Pasqualini Vanina Pr U Corse
Petit Éric MC U Rennes 1
Poirier Florence IR U Paris 13
Ponsard Sergine Pr U Toulouse
Potin Philippe DR CNRS
Quilichini Angélique MC détachée CNRS
Raymond Michel DR CNRS
Refrégier Guislaine MC UPS Orsay
Reynaud – Yann Post-Doctorant, NOAA, US
Rognon Xavier MC AgroParisTech
Rousseau Denis-Didier DR CNRS Ulm
Rousset François DR CNRS
Saatkamp Arne MC U Aix-Marseille
Saint-James Emmanuel MC UPMC
Salmona Jordi Doctorant U Lisbonne
Sartor Pierre CR CNRS
Selosse Marc-André Pr U Montpellier 2
Sicard Mathieu MC U Poitiers
Shykoff Jacqui DR CNRS
Testart Jacques DR INSERM
Thomas Mathieu PostDoc INRA
Tully Thomas MC U Paris 4 (CNRS)
Valero Myriam DR CNRS
van Vliet Geert Chercheur CIRAD
Vela Errol MC U Montpellier 2
Velot Christian MC U Psud Orsay
Verlaque Marc CR CNRS
Verrier Etienne Pr AgroParisTech
Volovitch Michel Pr ENS Ulm
Vriz Sophie Pr U Paris Diderot
Warlop François CR GRAB
Weill Mylène DR CNRS

Michel Alberganti

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La trisomie 21 corrigée sur des cellules humaines en culture

Des chercheurs du département de médecine de l’université de Washington ont réussi à corriger le défaut génétique correspondant à la trisomie 21. Aussitôt, l’équipe dirigée par Li B. Li précise qu’elle ne prétend en aucune manière apporter un espoir thérapeutique aux personnes atteinte de ce syndrome. Leur réussite constitue néanmoins une avancée remarquable dans le domaine de la thérapie génique. Domaine très prometteur mais dont les succès se font attendre depuis l’exploit qui a permis de soigner des bébés bulles (dépourvus de système immunitaire à la naissance).

La trisomie 21, telle que l’ont décrite en 1959 Jérôme Lejeune, Marthe Gautier et Raymond Turpin, se caractérise par un défaut génétique de naissance.  Au lieu d’une 21ème paire de chromosomes,  les cellules des trisomiques disposent de trois chromosomes 21. L’expérience publiée dans la revue Cell Stem Cell du 2 novembre 2012 a consisté à retirer ce chromosome de trop. Un véritable tour de force qui a permis d’obtenir des cellules humaines cultivées en laboratoire débarrassées de leur chromosome 21 surnuméraire.

Les chercheurs de l’université de Washington ont fait appel à un classique adénovirus comme vecteur d’un gène étranger appelé TKNEO. Toute la difficulté, faible mot, est d’introduire le gène au bon endroit. Dans ce cas, il fallait viser le gène appelé APP qui se trouve sur le bras le plus long du chromosome 21. Là, le gène étranger, le transgène, a pour effet de provoquer, chez la cellule réceptrice, une réaction de sélection. Pour survivre, elle se débarrasse du chromosome 21 sur lequel s’est greffé le gène TKNEO. David Russel, chercheur en hématologie et génétique, explique que l’un des avantages majeurs de cette technique est d’éliminer la totalité du chromosome excédentaire. Une fois supprimé, aucun résidu, aucune trace, ne subsiste dans la cellule. C ‘est important pour les chercheurs qui craignent toujours que la thérapie génique n’introduise une toxicité. “Cela signifie, par exemple, que le retrait d’un chromosome ne doit pas briser ou provoquer un réagencement du reste du code génétique“, indique David Russel.

Impossible de mesurer la difficulté de telles manipulations au cœur des cellules. Bien sûr, les échecs permettraient de mieux la percevoir mais ils sont moins médiatisés que les succès. On se souvient toutefois des cancers survenus chez quelques uns des bébés bulles soignés à l’hôpital Necker, à Paris.Nul doute que la recherche se trouve, là, à l’orée d’un nouvel univers. Avec des promesses thérapeutiques aussi immenses et les questions éthiques qu’elles soulèveront.

Traiter la leucémie

Pour l’instant, les résultats restent modestes. Les chercheurs estiment que leur avancée pourrait être utile pour traiter les cas de leucémie qui peuvent survenir chez les trisomiques. Un jour, on pourra peut-être prélever des cellules souches chez ces patients afin d’en supprimer le caractère trisomique en les traitant et en les cultivant en laboratoire. Ensuite, une transplantation de ces mêmes cellules souches chez le donneur lui-même ou bien de cellules sanguines obtenues à partir des cellules souches réparées pourrait être utilisées comme thérapie du cancer du sang.

Mieux comprendre les effets cognitifs

L’intérêt existe aussi pour la recherche. La possibilité de produire des cellules avec ou sans la trisomie à partir des cellules d’une même personne pourrait permettre de mieux comprendre comment se déclenchent certains problèmes associés à la trisomie 21. Les chercheurs pourront ainsi comparer comment deux lignées de cellules souches forment des cellules nerveuses et analyser ainsi les effets de la trisomie 21 sur le développement des neurones. De quoi donner des informations potentiellement précieuses sur les problèmes cognitifs rencontrés par les trisomiques au long de leur vie.

Michel Alberganti

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L’agriculture intensive alimente… un gaspillage tout aussi intensif

Sans les performances de l’agriculture intensive, pas question de nourrir la planète ! Combien de fois avons-nous entendu cette antienne ? Et la perspective d’une population dépassant les 9 milliards d’habitants sur Terre en 2050 ne peut que renforcer cette certitude. Déjà, la révolution verte se présente auréolée de ses succès passés. N’a-t-elle pas été capable, dans les années 1960-1980, d’accompagner l’explosion démographique de l’après-guerre ?

Les rendements stagnent depuis 1996

Les rendements obtenus servent souvent d’indicateurs pour mesurer les progrès de cette agriculture intensive. Ainsi, pour le blé, ils sont passés de 18 à 69 quintaux par hectare entre 1951 et 1996. Pour 2012, l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) prévoit un rendement moyen de 69 à 70 quintaux par hectare. Et elle s’en félicite en tablant sur une production française de blé tendre de 33,9 millions de tonnes. En fait, ces chiffres confirment la stagnation des rendements et de la production de blé française depuis 1996, comme le note l’INRA. Ainsi, la magie de la révolution verte ne semble plus guère opérer et les gains de rendement de plus d’un quintal/hectare par an semblent bien loin. Désormais, on observe en réalité une baisse de 0,5 quintal par hectare par an…

La révolution verte fait-elle long feu ?

La mécanisation et l’utilisation massive d’intrants (engrais, herbicides et pesticides) n’y peuvent rien, semble-t-il. L’agriculture paie ainsi la facture d’une exploitation si intensive des sols que ces derniers n’en peuvent plus. Les effets du réchauffement climatique semblent, également, se faire sentir depuis la fin des années 1990. D’où un questionnement légitime : la révolution verte fait-elle long feu ?

On peut également s’interroger sur l’utilisation de cette profusion de produits agricoles. Au cours de l’émission Science Publique sur l’agroécologie que j’ai animée sur France Culture le vendredi 2 novembre, l’un des invités, Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement de l’INRA, nous a révélé deux chiffres instructifs. Le premier concerne son estimation de la perte de rendement liée au passage de l’agriculture intensive à l’agroécologie, approche développée dans le documentaire de Marie-Monique Robin dont nous avons parlé il y a quelques semaines.

30% de gaspillage

Pour Jean-François Soussana, cette perte de rendement serait comprise entre 13 et 34%. Peu après, il a indiqué que le taux de perte et de gaspillage de la production agricole atteint, lui, environ 30%… Que déduire du rapprochement de ces deux chiffres ? Tout simplement que les gains apportés par l’agriculture intensive servent à compenser le gaspillage… Étonnant constat… La disparition progressive des agriculteurs, la diminution du nombre des exploitations, la mécanisation à outrance engendrant un très lourd endettement des exploitants, l’utilisation massive d’intrants polluant les nappes phréatiques et les cours d’eau, la destruction des paysages, la standardisation des cultures sacrifiant la biodiversité, la servitude vis à vis des multinationales des semences… Tout cela pour nous permettre de gaspiller 30% de la production agricole ?

Le coût de l’agriculture intensive

Ne serait-ce pas un peu cher payé ? Le coût réel de l’agriculture intensive est, par ailleurs, pointé par Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Dans le rapport qu’il a publié le 3 juin 2012, il écrit ceci :

“Dans les pays de l’OCDE en particulier, où les subventions agricoles se situent toujours à des niveaux élevés, le système fait que les contribuables paient trois fois pour un système qui est une recette pour être en mauvaise santé. Ils paient pour des subventions peu judicieuses qui encouragent l’industrie agroalimentaire à vendre des aliments lourdement transformés au lieu de vendre des fruits et légumes à un prix inférieur; ils paient pour les efforts de commercialisation de cette même industrie, dont les produits de la vente d’aliments dommageables pour la santé sont déduits des bénéfices imposables, et ils paient pour des systèmes de soins de santé dont les budgets sont fortement grevés par les maladies non transmissibles.”

Finalement, cela revient encore plus cher… Ainsi, au delà du débat sur les OGM qui n’a pas fini de secouer les institutions, c’est bien à une question politique que l’on aboutit. Les pratiques alimentaires actuelles ont, certes, été largement induites par la pression publicitaire et l’euphorie consommatrice, véritable drogue assimilable aux antidépresseurs. Mais aujourd’hui, n’est-il pas temps de les revoir… à la baisse ?

Une agriculture tenant compte… de la nature

L’agroécologie permet d’apporter une réponse sans revenir à la charrue à bœufs, ce qui devrait rassurer les décroissancephobes. Il ne s’agit de rien d’autre que de mettre la science au service d’une agriculture qui tienne compte… de la nature. Une nouvelle révolution verte, en somme. Mais tellement plus souriante et, certainement, plus intelligente. Est-elle généralisable ? C’est toute la question.

Jean-François Soussana plaide plutôt pour une transition au cours de laquelle l’agriculture intensive ne nourrirait des connaissances acquises en matière d’écologie de l’exploitation agricole. Gageons que cette transition sera plus longue et aléatoire que la première révolution verte. L’échec de la PAC dans ce domaine ne présage rien de bon. A moins que les consommateurs ne s’en mêlent. Au fond, le système actuel ne tient que grâce, ou à cause, d’eux. Il suffirait qu’ils (nous…) changent leurs pratiques alimentaires pour que tout le système les suive. Car c’est bien l’une des beautés du capitalisme que de s’adapter sans états d’âmes aux demandes du marché. Il suffirait donc de profiter de cette flexibilité…

Michel Alberganti

(Ré)ecoutez l’émission Science Publique que j’ai animée le 2 novembre sur France Culture

Ecologie

02.11.2012 – Science publique
Qu’est ce que l’agroécologie ? 57 minutes Écouter l'émissionAjouter à ma liste de lectureRecevoir l'émission sur mon mobilevideo

Le débat sur les OGM a relancé l’opposition entre agriculture intensive et agroécologie. Mais que recouvre ce terme ? Cette solution peut-elle nourrir 7 à 9 milliards d’habitants sur Terre ? Invités : Jean-François Soussana, Jane Lecomte et Adrien Gazeau.

Agriculture

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L’expérience de Gilles-Eric Séralini est nulle mais pleine d’avenir

Le professeur Gilles-Eric Séralini lors d'une conférence au Parlement européen à Bruxelles, le 20 septembre 2012. REUTERS/Yves Herman.Sollicitée par le gouvernement dans l’affaire des rats et du maïs génétiquement modifié de Monsanto, l’Agence nationale de sécurité alimentaire vient de rendre son avis: l’expérience du Pr Séralini n’a aucune valeur scientifique, mais ce n’est pas une raison pour ne pas en tenir compte. Une manière de conforter la volonté gouvernementale d’améliorer l’expertise toxicologique des OGM alimentaires. 

On n’attendait plus qu’eux pour savoir à quoi s’en tenir sur les spectaculaires conclusions de l’expérience hautement médiatisée menée, sous la direction du Pr Gilles-Eric Séralini, sur des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’herbicide RoundUp de Monsanto.

Le 19 septembre, soit le jour même où cette étude était publiée dans une revue scientifique et relayée par le Nouvel Observateur, le gouvernement avait curieusement saisi en urgence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Avec cette saisine, il s’agissait, en substance, pour les trois ministres directement concernés (Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Delphine Batho), de savoir à quoi s’en tenir sur un sujet hautement controversé. Plus d’un mois plus tard, ce lundi 22 octobre, ces deux institutions ont rendu leurs conclusions.

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Michel Alberganti et Jean-Yves Nau

 

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OGM, le sacrifice des rats

REUTERS/Science/AAAS

L’affaire Séralini semble tirer à sa fin. Les expertises françaises de l’étude scientifique publiée le 19 septembre 2012 risquent fort d’arriver après la bataille.

Certains verront de la sagesse dans cette lenteur. D’autres de l’embarras pour ne pas dire plus. Peu importe.

Les avis sont déjà assez nombreux pour qu’une issue se profile. Un organisme allemand (BfR) et un autre européen (EFSA) ont analysé l’étude en termes sévères. Des scientifiques de tout poil, antis et surtout pros OGM, se sont exprimés et Gilles-Eric Séralini accompagné de Corinne Lepage ont largement répondu. L’heure est donc au bilan.

Trois leçons peuvent d’ores et déjà être tirées de cette affaire qui est passée, alternativement, du statut de scoop du siècle à celui de manipulation militante grossière. Au final, comme souvent, l’impact réel de ce coup médiatique échappe à de telles caricatures.

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Le cerveau peut se soigner tout seul

Lors de l’émission Science Publique du 12 octobre 2012, que j’ai animée sur France Culture, il est arrivé ce qui se produit parfois lors d’une émission de radio. L’un des invités, Denis Le Bihan, directeur de Neurospin, a relaté des expériences qui ont été menées par différents laboratoires et dont les résultats ont été publiés dans des revues scientifiques. Et sa description s’est révélée tout bonnement sidérante. Elle est arrivée à un moment de l’émission où étaient évoquées les limites des thérapies actuelles. Qu’elles soient chimiques, avec les médicaments, ou électriques, avec les électrodes implantées à l’intérieur du cerveau, pour soigner, par exemple, la maladie de Parkinson.

La douleur disparaît

“Mais le cerveau peut aussi se soigner lui-même”, a alors lancé Denis Le Bihan. Pas de quoi être ébouriffé. Nous avions tenté de réaliser une émission sur ce thème. Sans grand succès d’ailleurs… La surprise est venue de l’expérience particulière qu’il nous a racontée. Le patient souffrant de douleurs chroniques est installé dans un appareil d’IRM fonctionnelle (IRMf). Les neurologues règlent l’instrument pour mesurer l’activité du cerveau dans le centre de la douleur. Ils établissent ensuite une liaison entre cette mesure et l’image d’une flamme de bougie qui est projetée sur un écran devant le patient. Les expérimentateurs demandent ensuite à ce dernier de tenter de faire baisser la hauteur de la flamme jusqu’à l’éteindre. Le patient n’a aucune clé, aucune méthode, aucune technique pour y parvenir. En se concentrant, il parvient toutefois à obtenir ce résultat. La hauteur de la flamme baisse. Et la douleur aussi ! Lorsqu’ils sortent de l’IRM, les patients restent capables de contrôler leur niveau de douleur. Mieux, ils expliquent que “leur douleur (a) baissé d’intensité sans qu’ils aient besoin d’y faire expressément attention”, note Denis le Bihan dans l’ouvrage intitulé Le cerveau de cristal qu’il vient de publier chez Odile Jacob.

Biofeedback

Cela s’appelle le biofeedback par IRM. Le résultat est encore plus spectaculaire sur des patients déprimés chroniques. Dans ce cas, la région du cerveau qui est choisie est celle du plaisir. Et les patients doivent, à l’inverse, tenter d’augmenter la hauteur de la flamme sur l’image qui leur est présentée. Il s’agit ainsi de stimuler l’activité de ce centre du plaisir. Et ils y parviennent. “Là encore, le résultat fut remarquable, certains patients sortant complètement de leur dépression après l’examen IRMf, et ne prenant plus aucune médication”, écrit Denis Le Bihan dans son ouvrage. Ainsi, un “simple” appareil de mesure devient un instrument thérapeutique !

Dépression, Parkinson…

Résultats également positifs sur la maladie de Parkinson. Les malades apprennent, de la même façon, à contrôler leur cerveau et ils améliorent leurs performances motrices. Denis Le Bihan ne met guère en valeur ces expériences dans son livre. Lors de l’émission, il n’a pas parlé des résultats obtenus sur la dépression. Cette discrétion n’est pas due au hasard. Le chercheur veut à la fois dévoiler ses avancées et ne pas faire naître des espoirs démesurés ou prématurés. “Il reste encore beaucoup à faire pour mieux cerner cette méthode de biofeedback, (mesurer) son efficacité à long terme, et préciser quels patients peuvent en bénéficier (certainement pas tous)”, écrit-il. “Cette approche n’est pas encore totalement validée, mais on potentiel est énorme”, poursuit-il.

Un divan en forme de miroir

 

Et d’envisager, encore avec prudence, ce que peut être l”avenir de l’IRM: “Il est encore trop tôt cependant pour dire si le lit de l’imageur IRM remplacera un jour le divan des cabinets de psychiatrie”. L’IRMf servirait alors de connecteur direct, sans l’intermédiaire d’un médiateur humain, entre l’individu et son cerveau. Les psychanalystes, déjà passablement mals en point, pourraient alors se faire du souci. Et peut-être se remettre en cause. Ce qui ne fait jamais de mal à personne. Pour les patients que nous sommes, les perspectives sont vertigineuses. Nous nous retrouverions devant une image réelle de l’activité d’une certaine région de notre cerveau. Avec le pouvoir d’agir sur son fonctionnement.

La fatalité des bugs

Comment comprendre qu’une douleur chronique, une dépression ou un tremblement puissent être maîtrisés aussi facilement que Denis Le Bihan le décrit ? On connaît aujourd’hui, et les invités de Science Publique se sont attachés à l’expliquer, la complexité mais également la plasticité des cellules nerveuses du cerveau. Sans cesse, elles se reconfigurent pour “faire le travail”, c’est à dire répondre aux besoins de l’organisme qu’elle contrôlent. 100 milliards de neurones ! Comment imaginer cette population grouillante, ces dizaines de milliards de synapses acheminant des messages électriques et chimiques en permanence ? Que, comme dans un ordinateur, cette complexité engendre des bugs est plus facile à concevoir. Que ces bugs se traduisent pas des états anormaux, comme une douleur chronique ou une dépression persistante, semble également plus que probable. Toute la question est de trouver un moyen de rétablir un fonctionnement normal. Pas question de rebooter… Pas de bouton de reset… Que faire ?

Comme un pli anormal

L’expérience de biofeedback de Neurospin démontre que l’action est possible. Même si le modus operandi reste mystérieux. Tout se passe comme si le bug avait engendré un pli anormal dans le tissu cérébral. Sans fer à repasser, le pli perdure. Et il engendre une douleur, un malaise, un tremblement bien après que la cause première ait disparu. Le plus étrange, c’est que la volonté seule ne puisse pas effacer ce pli. Comme s’il restait inaccessible au fer à repasser. Or, avec l’expérience de la flamme de la bougie, il apparaît que ce fer à repasser existe bien et qu’il est possible de l’appliquer sur le pli. Notre attention a simplement besoin d’être guidée. Sans repère, elles n’est pas capable de se fixer sur le point névralgique. La bougie l’éclaire et, soudain, elle devient capable d’effacer le pli et de restaurer l’état antérieur.

Un potentiel inexploré

Bien sûr, si cette technique permettait de résoudre les problèmes de douleur, de dépression et de maladie de Parkinson, le bénéfice serait déjà considérable. Mais on ne peut s’empêcher d’imaginer ce qui deviendrait possible grâce à ce type d’action directe sur le cerveau. Resterions-nous limités au repassage des plis, c’est à dire à la correction d’anomalies ? Ou bien pourrions-nous accélérer à volonté l’activité de certaines zones du cerveau ? C’est à dire agir volontairement sur des processus qui se produisent inconsciemment. Pourrions-nous, ainsi, décupler notre concentration ? Augmenter à volonté la capacité de notre mémoire à court terme ? Amplifier certains sens ? Serons-nous un jour capables de reconfigurer notre cerveau beaucoup plus rapidement qu’il ne le fait tout seul ? Cette plasticité extraordinaire que nous avons découvert deviendra-t-elle malléable à souhait par notre volonté ? Deviendrions-nous, ainsi, véritablement maîtres des neurones de notre cerveau ? Un tel pouvoir fait rêver ! Mais il conduit aussitôt à une question : que ferions-nous d’un tel pouvoir ?

Michel Alberganti

(Ré)écoutez l’émission Science Publique du 12 octobre 2012 sur France Culture :

Comment fonctionnent nos neurones ? 57 minutes

Avec Jean-Gaël Barbara, Neurobiologiste et historien des sciences au CNRS, Jean-Pierre Changeux , neurobiologiste, membre de l’Académie des sciences, professeur honoraire au Collège de France, Denis Le Bihan, directeur de NeuroSpin, médecin et physicien, et François Lassagne, rédacteur en chef adjoint de Science & Vie.

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Périscope: Nobel de chimie, mur du son et OGM


Un Nobel de chimie au goût de café

Le prix Nobel de chimie 2012 est avant tout un prix Nobel de biochimie: il récompense deux chercheurs qui ont élucidé l’un des principaux mystères de la transmission moléculaire des informations à l’intérieur de chaque cellule des mammifères. A commencer par les corps humains.

Un exemple: lorsque nous buvons une tasse de café, nous percevons et ressentons dans l’instant sa robe, ses fragrances, sa suavité exotique d’arabica. Comment ce miracle matinal peut-il se produire voire se reproduire pluri-quotidiennement? Pour une large part grâce aux précieuses clés moléculaires découvertes par Robert Lefkowitz et Brian Kobilka.

L’analyse (consciente ou non) des milliers d’informations qui nous parviennent de l’extérieur (mais aussi et surtout de l’intérieur) de notre corps réclame des myriades de molécules réceptrices situées à la surface des milliards de cellules qui constituent notre organisme. Ce sont ces récepteurs qui captent les substances moléculaires circulant dans leur environnement immédiat, des hormones ou des médicaments, par exemple.
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US Researcher: Nobel Prize Win a ‘Total Shock’ par AP-Tech


Nobel chemistry winner Kobilka hopes for better… par reuters

Le saut du mur du son encore retardé

Il devait avoir lieu le lundi 8 octobre. Il a été repoussé à mardi 9 octobre. Mais les conditions météorologiques, en particulier le vent trop fort, ont conduit à un nouveau report du saut en chute libre de l’australien Felix Baumgartner d’une altitude de près de 37 km. Le sauteur fou veut franchir le mur du son avec sa seule combinaison comme protection. Après une annonce pour jeudi 11 octobre, le saut a finalement été repoussé au dimanche 14 octobre. Si le ciel est d’accord…


Daredevil Felix Baumgartner ‘disappointed’ par andfinally

Les OGM devant l’Assemblée Nationale

Auditionné par l’Assemblée nationale mardi 9 octobre, Gilles-Eric Séralini, auteur d’une étude controversée sur la toxicité d’un du maïs Monsanto NK603, résistant à l’herbicide Roundup, et du Roundup lui-même, a appelé les députés à instituer une “expertise contradictoire” pour mettre fin à quinze ans de “débat stérile” sur les OGM. Le professeur ne cesse de demander une telle innovation qui ne laisse d’inquiéter sur son réalisme. Pour lui, les études devraient être soumises à deux expertises, chacune étant effectuée par l’un des deux camps.  La “solution” aurait surtout pour résultat de plonger le législateur dans une perplexité encore plus grande qu’aujourd’hui. Comment départager deux expertises ouvertement militantes ? En en commanditant une troisième, indépendante ? Autant aller tout de suite à cette solution, non?


OGM : l’étude qui dérange par LCP

Michel Alberganti

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