Du coton pour irriguer le désert

Le désert se caractérise essentiellement par l’absence de pluie. Pour autant, l’air n’y est pas toujours très sec. Le problème réside dans la captation de l’humidité, de l’eau contenue dans l’air, même lorsqu’elle devient visible sous forme de brouillard ou de rosée. Comment attraper ces fines gouttelettes du matin avant que la brûlure du soleil ne les fasse disparaître de la surface du sol ?

Un chercheur français s’est passionné depuis plus de 10 ans pour la récupération de la rosée.  Daniel Beysens, physicien de l’ESPCI, a créé l’association Opur qui milite pour l’installation de condenseurs de rosée dans les endroits privés de puits. Mais voici qu’une autre solution est proposée par des chercheurs de l’université de Eindhoven associés à une équipe de l’université polytechnique de Hong Kong PolyU). Ensemble, ils ont mis au point un nouveau matériau à base de… coton.

Oui du simple coton. Comme nous l’appelons souvent y prêter attention, du coton hydrophile… C’est à dire qui aime l’eau. Et qui l’absorbe. Installé dans un milieu désertique, il peut donc se gorger de l’eau capturée dans l’atmosphère, dans la brume, la rosée. Très bien. Mais deux problèmes se posent alors : quelle quantité d’eau une certaine masse de coton peut-elle absorber ? Et comment récupérer cette eau prisonnière des fibres de la ouate ?

Ce sont les réponses à ces deux questions que les chercheurs s’apprêtent à publier dans la revue Advanced Material de février 2013. En fait, avec leurs collègues de Hong Kong, ils ont créé un nouveau matériau aux propriétés remarquables. Pour cela, ils ont imprégné les fibres de coton avec un polymère, le PNIPPAAm, qui n’est autre que du Poly(N-isopropylacrylamide). Il s’agit d’un hydrogel (un gel qui aime l’eau) dont la caractéristique est de changer de phase à la température très précise de 34°C. Cette modification physique engendre un comportement radicalement inversé. Hydrophile en dessous de 34°C, le NIPPAAm devient hydrophobe au dessus.

Lorsque le polymère imprègne les fibres de coton, les photos ci-dessus montrent la modification spectaculaire de la structure du matériau résultant. A gauche, toutes alvéoles ouvertes il peut absorber de l’eau. A droite, plus de place pour le liquide. L’association avec le polymère transforme complètement le comportement du coton mais aussi sa capacité d’absorption. Cette dernière passe de 18% de son poids en eau, à l’état pur, à 340% lorsqu’il est imprégné. Autrement dit, 1 kg de coton non traité peut contenir 180 grammes d’eau (0,18 l). Il en contient, après traitement, 3,4 kg, soit 3,4 litres…

Nous voici donc en présence d’une véritable pompe à vapeur d’eau. D’autant que le processus est réversible. Lorsque la température redescend en dessous de 34°C, le coton-polymère redevient hydrophile. Le processus, presque magique tant il est adapté aux usages possibles, ouvre de vastes perspectives. En particulier pour l’agriculture. Imaginez des rigoles d’irrigation dont les bords seraient tapissés de ce coton-polymère.

Arrosage automatique

La nuit, dans le désert encore plus qu’ailleurs, la température chute brutalement. Elle descend largement en dessous de 34°C et met le matériau en position hydrophile. Au matin, moment le plus humide, les bordures blanches se gorgent de l’eau captée dans l’atmosphère. Lorsque le soleil monte et que la température dépasse 34°C, l’eau capturée est relâchée dans la rigole… Mais rien ne l’empêche, alors de s’évaporer, remarquerez-vous ! Exact… Au lieu d’une irrigation par des rigoles d’eau courante, mieux vaudrait sans doute placer le matériau au plus près des plantes cultivées.

La beauté du système réside également dans son fonctionnement automatique. Pas de travail mécanique à effectuer pour le faire fonctionner. Pas de source d’énergie à installer, comme avec les pompes d’irrigation…. Le procédé n’utilise que ce qui est présent dans la nature : le soleil et l’humidité de l’air. Difficile de faire plus écologique. Sauf si la production du polymère se révélait très polluante ou coûteuse. Ce que les chercheurs ne précisent pas, à ce stade.

Vêtements de sport

La température de transition de phase de 34°C, qu’il est peut-être possible d’ajuster, peut aussi donner des idées aux fabricants de vêtements de sport. Déjà, le coton tout seul peut servir au refroidissement du corps. Il suffit de le mouiller pour profiter du froid (chaleur latente de vaporisation) engendré par l’évaporation de l’eau. Avec ce nouveau matériau, l’eau resterait prisonnière du tissu jusqu’à… ce que la température du corps le chauffe à 34°C. C’est alors seulement qu’il relâcherait sa cargaison d’eau réfrigérante. Au moment où l’athlète serait en plein effort…

Michel Alberganti

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2012 : les temps forts de la science

L’année 2012 ira à son terme. Plus vraiment de doute désormais. La fin du monde, promise par certains Cassandre, sera pour plus tard… Et les Mayas, involontaires fauteurs du trouble, sont entrés dans une nouvelle ère avant tout le monde, le 21 décembre dernier, après avoir sans doute bien ri de la panique engendrée par la fausse interprétation de leur antique calendrier. Du coté de la vraie science, la cuvée 2012 restera sans doute dans les annales comme particulièrement riche. Aussi bien en succès qu’en couacs. Pour faire bonne mesure, revenons sur trois grands moments dans ces deux catégories et sur leurs principaux acteurs.

Trois succès :

1°/ Peter Higgs, le père du boson

4 juillet 2012. Un jour peut-être, lorsque les manuels de physique auront intégré un minimum d’histoire des sciences (espérons que cela arrive avant la prochaine nouvelle ère du calendrier Maya), la photo de Peter Higgs ornera cette date du 4 juillet. Dans l’amphithéâtre du CERN, Peter Higgs pleurait. Il racontera ensuite que l’ambiance y était celle d’un stade de foot après la victoire de l’équipe locale. Ce jour là, les résultats des deux expériences menées avec le LHC ont montré qu’ils convergeaient vers la valeur de 125 GeV. Soit la masse du boson dont l’existence avait été prédite par Peter Higgs et ses collègues, parmi lesquels  François Englert et Tom Kibble sont toujours vivants, en… 1964. Fantastique succès, donc, pour ces théoriciens qui voient, 48 ans plus tard, leurs calculs vérifiés par l’expérience. Il faudra néanmoins attendre le mois de mars 2013 pour une confirmation définitive des résultats. Et septembre pour un possible (probable ?) prix Nobel de physique pour Peter Higgs. En 2013, notons donc sur nos tablettes:  “Le boson”, saison 2.

2°/ Curiosity, le rover sur Mars

6 août 2012. 7h32 heure française. Le rover Curiosity se pose en douceur sur Mars après un voyage de 567 millions de km qui a duré 8 mois et demi. Comme au CERN un mois plus tôt, c’est l’explosion de joie dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa à Pasadena (Californie). C’est la première fois qu’un robot de ce calibre (3 x 2,7 m sur 2,2 m de haut, 899 kg) est expédié sur une planète du système solaire. Près de 7000 personnes ont travaillé sur le projet qui a coûté la bagatelle de 2,5 milliards de dollars. On comprend le soulagement apporté par l’atterrissage réussi. Pour autant, la véritable mission de Curiosity a commencé après cet exploit. Et force est de constater qu’elle n’a pas, pour l’instant, été à la hauteur des espoirs mis en elle. Le comble étant que c’est plutôt son petit prédécesseur, Opportunity, qui fait l’actualité avec ses découvertes géologiques. Curiosity, de son coté, doit découvrir des traces de vie passée sur Mars. Pour lui aussi, la saison 2 pourrait être décisive.

3°/ Serge Haroche, prix Nobel de physique

9 octobre 2012. A Stockolm, la nouvelle prend presque tout le monde par surprise. Alors que l’on attendait le Britannique Peter Higgs, c’est le Français Serge Haroche qui décroche le prix Nobel de physique avec l’Américain et David J. Wineland. Après des années où ce prix allait plutôt à des chercheurs en physique appliquée, c’est le grand retour du fondamental.  Avec Serge Haroche, la mécanique quantique et le chat de Schrödinger sont à l’honneur. Le Français, issu du même laboratoire de l’Ecole Nationale Supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, à Paris, que deux précédents Nobel, a réussi à maintenir des particules dans cet état improbable où la matière hésite et se trouve, un bref instant, dans deux situations contradictoires. Comme un chat qui serait à la fois mort et vivant… Seuls les physiciens quantiques peuvent imaginer un tel paradoxe. Serge Haroche a été plus loin et a réussi à maintenir réellement des particules dans cet état assez longtemps pour faire des mesures. La médiatisation de son prix Nobel a révélé l’impact de cette distinction dont la science française avait besoin. Depuis Claude Cohen-Tannoudji en 1997, elle n’avait été primée qu’une fois avec Albert Fert en 2007.

Trois échecs :

1° / Les neutrinos trop rapides

16 mars 2012 : Eh oui ! Einstein a dû en rire dans sa tombe. Les scientifiques du CERN, eux, ont dû rire jaune en devant admettre, en mars 2012, que les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière. Pas moins de 6 mois ont été nécessaires pour débusquer l’erreur de manip. Une vulgaire fibre optique mal branchée. Au CERN de Genève ! Le temple de la physique doté du plus gros instrument, le LHC ! Avec des milliers de scientifiques venus du monde entier… Bien entendu, l’erreur est humaine. Ce qui l’est aussi, sans être aussi défendable, c’est le désir irrépressible de communiquer le résultat d’une expérience avant d’être absolument certain du résultat. Risqué, surtout lorsque ce résultat viole l’une des lois fondamentales de la physique : l’impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière établie par Albert Einstein lui-même. Nul doute que la mésaventure laissera des traces et favorisera, à l’avenir, une plus grande prudence.

2°/ Les OGM trop médiatiques

19 septembre 2012. Gilles-Eric Séralini, biologiste de l’université de Caen, avait préparé son coup de longue date. Plus de deux ans pour mener à terme une étude d’impact des OGM et de l’herbicide Roundup sur une vie entière de rats. Et puis, le 19 septembre, coup de tonnerre médiatique. Le Nouvel Obs titre: “Oui, les OGM sont des poisons”. Si les physiciens du CERN ont manqué de prudence, nos confrères de l’hebdomadaire n’ont pas eu la moindre retenue lorsqu’ils ont conçu cette Une. Les ventes ont sans doute suivi. Le ridicule, aussi, lorsqu’il est apparu que l’étude était très contestable. En déduire que les OGM sont des poisons, en laissant entendre “pour les hommes”, est pour le moins regrettable. En revanche, le coup de Gilles-Eric Séralini a mis en lumière les carences des procédures de test des OGM. Sil en reste là, ce sera une terrible défaite, aussi bien pour la science que pour les médias.

3°/ Voir Doha et bouillir…

8 décembre 2012. Si c ‘était encore possible, la 18e conférence internationale sur le réchauffement climatique qui s’est tenue à Doha, capitale du Qatar, du 26 novembre au 6 décembre 2012 avec prolongation jusqu’au 8 décembre, aura battu tous les records de ridicule. On retiendra deux images : la grossièreté du vice-Premier ministre Abdallah al-Attiya et l’émotion de Naderev Saño, négociateur en chef de la délégation des Philippines, parlant du typhon Bopha qui a fait plus de 500 morts dans son pays. Quelle distance entre ces deux personnages. Aucun dialogue n’a pu s’établir dans ce pays qui est le plus pur symbole de la contribution éhontée au réchauffement climatique (numéro un mondial en émission de CO2 par habitant). La conférence s’est soldée par un échec cuisant. Un de plus. Au point de conduire à s’interroger sur l’utilité de tels rassemblements. Forts coûteux en énergie.

Michel Alberganti

Photo: Vue d’artiste. REUTERS/NASA/JPL-Caltech

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Les changements climatiques ont stimulé l’évolution du genre Homo

Et si les changements climatiques du passé avaient joué un rôle important dans l’évolution de nos ancêtres au cours des deux derniers millions d”années ? Telle est la thèse soutenue par trois chercheurs, Katerine Freeman, professeur de géoscience et Clayton Magill, docteur en géosciences, à l’université de Pennsylvanie et Gail Ashley, professeur de sciences de la Terre à l’université Rutgers. Dans un article publié le 24 décembre 2012 dans la revue PNAS, ils suggèrent qu’une succession de rapides changements environnementaux auraient dirigé l’évolution humaine à cette époque.

Dans les sédiments d’un ancien lac

Les chercheurs ont étudié la matière organique préservée par les sédiments d’un ancien lac dans les gorges d’Olduvai, sur le versant ouest de la vallée du Rift, au nord de la Tanzanie. Ce lieu qui fait l’objet de recherches depuis 1931, est parfois considéré comme le berceau de l’humanité, en raison des nombreux témoignages de la présence de groupes humains préhistoriques dans cette région.

5 ou 6 changements d’environnement en 200 000 ans

“Le paysage dans lesquels les premiers hommes vivaient ont basculé rapidement de la forêt fermée à la prairie ouverte de 5 à 6 fois au cours d’une période de 200 000 ans”, indique Clayton Magill.  “Ces changements se sont produits de façon très brusque avec des transitions ne durant que quelques centaines ou quelques milliers d’années”, précise-t-il. Pour Katherine Freeman, la principale hypothèse suggère que les changements provoqués chez l’homme par l’évolution pendant ces périodes sont liés à cette modification constante de leur environnement et a un important changement climatique. “Alors que certains pensent que l’Afrique a subi un “grand assèchement” progressif et lent pendant 3 millions d”années, les données que nous avons recueillies montrent une absence de progression vers la sécheresse et, au contraire, un environnement extrêmement variable”, déclare-t-elle. Des périodes humides longues auraient alterné avec des périodes plus sèches.

La vie est plus difficile dans les périodes de changement que dans celles de stabilité. Clayton Magill note que de nombreux anthropologues considèrent que ces modifications de l’environnement pourraient avoir déclenché des développements cognitifs. Le bon sens conduit à la même conclusion. Soumis à des situations nouvelles, toutes les espèces vivantes doivent relever le défi : s’adapter ou disparaître. L’homme étant toujours là, il n’est pas incongru de penser… qu’il s’est adapté.

Plusieurs passages de la forêt à la prairie

“Les premiers humains ont dû passer d’une situation où ils ne disposaient que d’arbres à une autre où ils n’avaient plus que de l’herbe en seulement 10 à 100 générations et ils ont donc été conduit à modifier leur régime en conséquence”, indique Clayton Magill. Changement de nourriture disponible, changement de type de nourriture à manger, changement de façon d’obtenir la nourriture, autant de puissants déclencheurs de l’évolution. Seuls les plus malins, comme d’habitude, ont survécu. Sans doute grâce à un cerveau plus gros et, donc, à des capacités cognitives supérieures, ainsi que des modes de locomotion nouveaux et des organisations sociales différentes. “Nos données sont cohérentes avec ces hypothèses. Nous montrons que les variations rapides de l’environnement coïncident avec une période importante de l’évolution humaine lorsque le genre Homo est apparu pour la première fois avec les premières preuves de l’usage d’outils”, explique le chercheur.

Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe de scientifiques a analysé la matière organique, les microbes et les autres organismes piégés dans les sédiments depuis 2 millions d’années dans les gorges d’Olduvai. En particulier, ils se sont intéressés à certains biomarqueurs, des molécules fossiles provenant du revêtement en cire des feuilles qui survit particulièrement bien dans les sédiments. Ensuite, la chromatographie gazeuse et la spectrométrie de masse leur ont permis de mesurer l’abondance relative des types de cires liés à différents isotopes du carbone. Ils ont ainsi pu détecter les transitions entre les environnement riches en arbres et ceux où seule l’herbe subsistait.

Sur une période de deux millions d’années, de nombreux facteurs interviennent. Comme l’évolution de l’orbite de la Terre qui influence les régimes de mousson en Afrique ou les durées d’ensoleillement qui agissent sur la circulation atmosphérique et l’apport en eau. Autant que paramètres dont les chercheurs ont dû tenir compte dans leurs modèles mathématiques.

Cela nous rappelle quelque chose…

Un tel travail nous ramène forcément à la situation que nous sommes en train de vivre aujourd’hui même. Nous aussi sommes confrontés à un changement climatique rapide. De nombreuses espèces vivantes en font et en feront les frais, faute de capacités d’adaptation suffisantes. Et l’homme ? Le réchauffement climatique actuel est le premier dont l’humanité a conscience pendant qu’il se produit. Pour la première fois, l’homme a même la sensation de pouvoir agir sur ce phénomène auquel son activité sur Terre contribue. Mais cela changera-t-il quelque chose ? Pourrons-nous prolonger la période climatique stable qui a prévalu sur la planète pendant la révolution industrielle ? Ou bien faut-il nous préparer à évoluer pour nous adapter ?

Michel Alberganti

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Dahlia : le secret du rouge et du noir

Il existe pas moins de 40 000 espèces hybrides cultivées de dahlia. Et plus de 20 000 variétés de cette fleur appréciée des Aztèques. Ses couleurs peuvent ainsi couvrir une vaste gamme de nuances du blanc, au jaune et à l’orange ainsi toutes les teintes imaginables de rouge et de violet. Hormis le bleu. Néanmoins, il n’existe qu’un petit nombre d’espèces cultivées baptisées “dahlias noirs” pour leur double teinte noire et rouge. Si cette fleur a inspiré l’écrivain James Ellroy et le cinéaste Brian de Palma, elle fascine aussi une équipe de chercheurs de l’université technique de Vienne (Autriche) dirigée par Heidi Halbwirth. Leur étude a été publiée par la revue BMC Plant Biology le 23 novembre 2012. Bien entendu, tout est question de molécules.

Pour la première fois, les chercheurs estiment avoir percé le secret du dahlia noir. La fleur doit sa couleur double à une accumulation massive de pigments naturels, les anthocyanes. Ensuite, cela se complique car les scientifiques ont réalisé une analyse en profondeur de l’expression des gènes du dahlia. Ils ont découvert une augmentation de l’acheminement des flavonones vers les anthocyanes au détriment des flavones. Ainsi, tout s’explique… En dehors de leurs effets sur les dahlias, les flavones intéressent aussi le monde médical pour leur effets thérapeutiques (athérosclérose, ostéoporose, diabète et certains cancers). Leur présence dans les plantes nous permet d’en consommer de 20 à 50 mg par jour.

Pour ce qui concerne la couleur du dahlia noir, les chercheurs autrichiens semblent avoir buté sur le cas de la variété Black Barbara. Même si cette dernière montre une forte expression des gènes de l’anthocyanine qui pourrait expliquer les quantités importantes d’anthocyanines mais pas la formation élevée de flavones. Nous ne discuterons pas ce point… Les scientifiques appellent à de nouvelles études pour aller encore plus loin. Ils estiment néanmoins que la découverte du mécanisme de suppression de la formation de flavones dans la majorité des Dahlias noirs présente un intérêt pour les spécialistes. En effet, le Dahlia étant une plante octoploïde (8 jeux complets de chromosomes dans chaque cellule) et la présence de plusieurs allèles étant probable, les mécanismes découverts pourraient rendre possible la production de plantes disposant d’une quantité voulue de flavones. Là encore, nous les  croyons sur parole. Et nous ne regarderons plus les dahlias noirs de la même façon désormais…

Michel Alberganti

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OGM : de l’impossible débat à un embryon de consensus

Même sans illusion, il fallait essayer… Après l’embrasement médiatique provoqué par la publication de l’expérience de Gilles-Eric Séralini, le 19 septembre 2012, les avis donnés par les agences de sécurité sanitaire et les prises de position des académies, comme celles de multiples pétitionnaires, comment ne pas tenter une confrontation ? Rassembler les protagonistes sur un même plateau pour un débat sur France Culture, ce n’était que la suite logique de deux mois d’affrontements indirects.

Le résultat, vendredi 16 novembre entre 14 et 15 heures dans Science Publique, n’a pas dérogé à la règle qui prédomine, en France, depuis la conférence de citoyens sur “l’utilisation des OGM dans l’agriculture et l’alimentation”, précédée par le rapport de Jean-Yves Le Déaut, qui date de… juin 1998. Ni le “débat public sur les OGM” de l’an 2000, ni le débat public sur “les OGM et les essais en champ” de 2002, n’ont changé la donne. Un dialogue dépassionné reste impossible. Pourtant, et l’émission d’aujourd’hui le confirme, une porte de sortie par le haut existe. Mais aucun des deux camps n’est prêt à faire les concessions nécessaires pour la franchir sereinement. Pour cela, il faudrait réunir trois conditions.

1°/ Tirer des leçons positives de l’expérience Séralini

Rationnellement, il est difficile d’admettre que les tumeurs révélées par l’expérience sur des rats pendant 2 ans menée par Gilles-Eric Séralini soient une preuve scientifiquement indiscutable de la dangerosité pour la santé humaine de l’OGM NK603 et du Roundup de Monsanto. Néanmoins, l’opération médiatique réalisée par le biologiste, malgré le regrettable dérapage du Nouvel Observateur titrant “Oui, les OGM sont des poisons”, est une réussite. Incontestable elle. Avec le CRIIGEN et un budget de 3,2 millions d’euros, Gilles-Eric Séralini a atteint ce qui, à l’évidence, était son principal objectif : révéler les failles des procédures actuelles d’évaluation des OGM. Celles-ci sont, au moins, au nombre de trois :
–  Pas d’essais à long terme (2 ans, soit la vie entière des rats)
–  Pas d’indépendance des laboratoires réalisant les essais limités à 90 jours
–  Pas de transparence dans la publication des résultats de ces essais

2°/ Admettre les erreurs du passé

Qu’il s’agisse de la Commission du génie biomoléculaire CGB), créée en 1986, de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA), créée en 1999, de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) créée en 2002 ou de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement du travail (Anses), créée en 2010 par la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, aucun de ces multiples organismes n’est parvenu à imposer des règles palliant ces trois défauts.

Les acteurs d’aujourd’hui, Gilles-Eric Séralini ou de Gérard Pascal, ancien directeur scientifique de l’INRA, ont contribué aux travaux de ces plusieurs de ces institutions. Des débats houleux s’y sont déroulés. Mais ils n’ont jamais abouti à l’établissement de normes d’essais satisfaisantes. D’un coté, parfois, leurs avis ont été balayés pour des raisons politiques. L’influence des partis écologistes a conduit à des interdictions d’OGM en France contre l’avis de la CGB, par exemple. De l’autre, l’influence des industriels, Monsanto en tête, même si elle est beaucoup moins apparente, n’en est pas moins certaine.

D’où un blocage total qui a conduit à la situation actuelle. Les scientifiques luttent contre le rejet irrationnel des écologistes qui les poussent à avoir tendance à minimiser les risques. Les opposants aux OGM exploitent cette tendance pour démontrer que les experts ne sont pas indépendants et qu’ils agissent pour le compte des industriels. Chacun s’enferme dans une position caricaturale. Les attaques personnelles fusent et bloquent la possibilité d’un débat serein et rationnel. Toute remise en cause des procédures se traduit par une accusation ad hominem.

3°/ Établir de nouvelles procédures d’évaluation des OGM

Dès le 19 septembre, dans la précipitation qui a suivi la publication de l’expérience Séralini, trois ministères (écologie, santé, agriculture) ont fait la déclaration suivante : “ Le Gouvernement demande aux autorités européennes de renforcer dans les meilleurs délais et de façon significative l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux”. Si elle a pu sembler bien prématurée ce jour là et si l’avis de l’ANSES a invalidé, ensuite, l’expérience Séralini, cette réaction apparaît aujourd’hui comme, paradoxalement,  judicieuse mais insuffisante.

Judicieuse parce que les différentes conclusions de l’affaire, dans les deux camps, convergent effectivement vers une remise en cause de l’évaluation des OGM. Insuffisante parce que l’amélioration qui apparaît indispensable doit être nettement plus que significative. Radicale serait un terme plus juste. De plus, les autorités européennes ne sont pas seules concernées. La France l’est aussi. Et elle pourrait même jouer un rôle moteur dans cette révision en profondeur de l’évaluation des OGM.

Un consensus apparaît

Ce n’est pas le moindre des résultats de l”affaire Séralini que de faire poindre un consensus entre les deux camps. Qu’il s’agisse de l’Anses dans son avis sur l’expérience, du HCB ou d’une personnalité comme Gérard Pascal, tout le monde admet que l’absence d’études à long terme probante n’est pas acceptable. Les hommes consomment des OGM pendant toute leur vie. Pourquoi les expériences sur les rats se limiteraient à trois mois, soit le huitième de leur durée de vie ?

Si un accord existe sur ce point,  il reste à établir des procédures permettant d’apporter une réponse à la question, tout en garantissant l’indépendance des études. L’Anses semble l’organisme le mieux placé pour prendre en charge ces études. Il dispose des laboratoires nécessaires. Il ne lui manque que le financement. Or, la règle actuelle veut que ce soient les industriels qui financent ces études. Aujourd’hui, ce sont eux qui pilotent les expériences et choisissent soit de les réaliser dans leurs propres laboratoires, soit de les confier à des laboratoires privés. Il suffit donc que les industriels donnent ce même argent à l’Anses… Cela paraît presque trop simple. En fait, une difficulté subsiste.

Combien d’évaluations sont nécessaires ?

L’étude de Gilles-Eric Séralini a coûté 3,2 millions d’euros. Pour qu’elle soit scientifiquement recevable, il aurait fallu multiplier le nombre de rats par 5, voire par 7 ou 8. Cela porterait le coût de l’étude à environ 10 millions d’euros. Le résultat permettrait d’évaluer l’impact d’une variété de mais transgénique, le NK603, et d’un insecticide, le Roundup. Mais il existe des dizaines de variétés de plantes génétiquement modifiées. Faut-il les évaluer toutes de la même façon ? Certaines études sur une variété donnent-elles des informations valables sur les autres ? Comment réduire le coût de ces études à des sommes acceptables ? C’est la question que posent certains scientifiques plutôt pro-OGM. Et ce sont aux scientifiques d’apporter une réponse.

Cette interrogation sur la viabilité économique des études d’évaluation des OGM ne concerne néanmoins pas la société elle-même. Ce n’est un problème que pour ceux qui devront financer les études, c’est à dire les industriels… Si le financement des études déclarées nécessaires par les scientifiques s’avère trop élevé pour que les OGM restent économiquement rentables, cela signifiera simplement que ces produits sont inadaptés à la commercialisation.

Avons-nous vraiment besoin des OGM ?

Dans les coulisses de Science Publique, après l’émission, l’un des invités admettait que l’intérêt des OGM pour la société n’est pas clairement établi. Les perspectives affichées par les semenciers telles que la culture sous des climats difficiles, avec des quantités d’eau réduite ou de mauvaise qualité (saumâtres) sont restées à l’état de… perspectives et de promesses pour le futur. Idem pour le discours sur le fait de pouvoir nourrir 9 milliards d’habitants. Pour l’instant, les OGM rapportent… de l’argent aux industriels. C’est la seule certitude. Les gains sur les rendements et sur l’économie des exploitations agricoles sont largement contestés.

Ainsi, aujourd’hui, la réponse à la question simple : Avons-nous vraiment besoin des OGM ? est clairement : Non, pas vraiment.  Pour les accepter, le moins que l’on puisse attendre est d’obtenir une raisonnable certitude de leur absence d’effets néfastes sur la santé humaine. Si l’établissement de cette preuve revient trop cher, tant pis. Nous nous passerons des OGM. Et le débat sera, enfin, clôt.

Michel Alberganti

(Ré)écoutez l’émission Science Publique que j’ai animée le 16 novembre 2012 sur France Culture :

Faut-il considérer les OGM comme des poisons ?16.11.2012 – Science publique
Faut-il considérer les OGM comme des poisons ?
57 minutes Écouter l'émissionAjouter à ma liste de lectureRecevoir l'émission sur mon mobilevideo

Après la publication par le Nouvel Observateur d’un titre alarmiste le 19 septembre, l’étude réalisée par Gilles Eric Séralini  sur des rats alimentés avec des OGM et de l’insecticide a fait grand bruit. Finalement, les experts ont invalidé ces résultats. Mais le doute est désormais jeté sur l’ensemble des études réalisées sur les OGM. Comment la science sort de cette manipulation ? …
Invités :
Gérard Pascal
, ancien directeur scientifique à l’INRA et expert en sécurité sanitaire des aliments à l’OMS
Jean-Christophe Pagès
, professeur et praticien hospitalier à la Faculté de médecine de Tours et président du comité scientifique du Haut Conseil des Biotechnologies
Gilles-Eric Séralini
, professeur de Biologie Moléculaire Université de Caen – Laboratoire de Biochimie et Biologie Moléculaire
Joël Spiroux de Vendomois, président du Comité de Recherche et d’Information Indépendant sur le Génie Génétique, le CRIIGEN

 

 

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OGM, la contre-attaque : 140 scientifiques défendent Séralini

Le 22 octobre 2012, le verdict de l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses), faisant suite à ceux de l’Europe (EFSA) et d’autres autorités nationales (BfR allemand entre autres), a fait l’effet d’un KO scientifique. Au final, l’étude publiée le 19 septembre dans une revue à comité de lecture, n’est pas scientifiquement recevable. Ses conclusions ne peuvent, de ce fait, être acceptées. En matière de toxicité des OGM et du Roundup, tout reste à donc à faire.

Tel est, justement, le raisonnement des 140 scientifiques français signataires d’une lettre ouverte publiée, le 14 novembre, sur lemonde.fr. La voici:

Science & Conscience

Devant l’incroyable levée de boucliers suscitée par la publication de Gilles-Éric Séralini et de son équipe dans le journal Food and Chemical Toxicology, nous, membres de la communauté scientifique, tenons à affirmer les points suivants.

– D’une part, les scientifiques qui se sont exprimés sur ce sujet l’ont fait en leur nom propre et ne peuvent prétendre représenter la communauté scientifique dans son ensemble. Le fait qu’un groupe d’une douzaine de personnes prétendant représenter six académies ait décidé d’un communiqué commun sans débat est contraire au fonctionnement normal de ces institutions et interroge sur la vision de la science et de la technologie (et de leur utilité sociale) ayant présidé à une telle décision (au contraire, par exemple, du débat organisé par l’Académie des Sciences dans le cadre de la polémique sur le changement climatique, à l’issue duquel la responsabilité de l’homme a été avérée). Nous saluons sur ce point la réaction salutaire du seul statisticien de l’Académie des Sciences, Paul Deheuvels.

– D’autre part, le protocole suivi dans cette étude présente des défauts qui font débat au sein de la communauté scientifique. Mais en tout état de cause, disqualifier le protocole suivi dans le cadre de cette étude revient à disqualifier du même coup les données ayant fondé les décisions d’acceptation des OGM par les experts. Il est remarquable de voir ces mêmes experts accepter (même s’ils le critiquent parfois) un protocole expérimental quand il donne des résultats qui vont dans le sens de l’acceptation d’une technique et le démolir aussi ardemment quand les résultats vont dans le sens opposé. Ceci est à notre avis totalement contraire à toute déontologie scientifique. Nous affirmons donc que, si les observations en débat méritent d’être confirmées par des expériences de plus grande ampleur, cela s’applique également aux tests qui ont servi à autoriser toutes les plantes transgéniques actuellement sur le marché. Si toute cette histoire aboutit au moins à ce résultat, elle aura été utile.

Nous sommes profondément choqués de l’image de notre communauté que cette polémique donne aux citoyens. L’expertise des risques pour la santé humaine ou l’environnement est une activité difficile qui doit faire face à de nombreuses incertitudes. Beaucoup des menaces qui pèsent sur notre planète ont été révélées par des scientifiques isolés puis confirmées par des études nombreuses venues de la communauté scientifique. En l’occurrence, il serait bien plus efficace de mettre en oeuvre des recherches sur les risques sanitaires et environnementaux des OGM et des pesticides, d’améliorer les protocoles toxicologiques utilisés pour leur mise sur le marché et de financer une diversité de chercheurs dans ce domaine que de créer des affrontements entre deux camps nourris de préjugés et d’idéologies. Nous pensons que notre communauté doit garder le souvenir d’erreurs passées, concernant l’amiante par exemple.Enfin, nous tenons à assurer à nos concitoyens qu’il existe également, dans la communauté scientifique, un nombre important de chercheurs qui sont convaincus qu’il faut prendre au sérieux les risques associés aux technologies et qui estiment que, si les chercheurs d’une part,et les applications sociales de la science d’autre part, sont par construction liés à des idéologies, des croyances et/ou des intérêts, la démarche scientifique doit, elle, s’efforcer de rester aussi indépendante que possible pour jouer pleinement son rôle dans la société.

Signataires :

Andalo Christophe MC UPS Toulouse
Arnaud-Haond Sophie Chercheuse IFREMER
Atlan Anne CR CNRS
Auclair Daniel DR INRA
Austerlitz Frédéric DR CNRS
Barot Sébastien DR IRD
Bancal Marie-Odile MC AgroParisTech
Becker Nathalie MC MNHN
Bellé Robert Pr UPMC
Bérard Sèverine MC U Montpellier 2
Blondel Jacques DR CNRS
Boëte Christophe CR IRD
Boistard Pierre DR INRA
Bonhomme François DR CNRS
Bonhomme Vincent Institut Français de Pondichéry
Bonnet Timothée Doctorant U Zurich
Bonneuil Christophe CR CNRS
Bonnin Isabelle CR INRA
Bosc Pierre-Marie Chercheur CIRAD
Boudouresque Charles Pr U Aix-Marseille
Bourdineaud Jean-Paul Pr U Bordeaux
Boyen Catherine DR CNRS
Brèthes Daniel DR CNRS
Casas Jérôme Pr U Tours
Cézilly Franck Pr U Bourgogne
Chabert Michèle MC EPHE
Champagnon Jocelyn Post Doc
Charpentier Anne MC U Montpellier 2
Charmantier Anne CR CNRS
Chikhi Lounès DR CNRS
Cochard Hervé DR INRA, Correspondant de l’Académie d’Agriculture
Colas Bruno MC U Paris Diderot
Combes Claude Pr U. Perpignan, Membre de l’Académie des Sciences
Da Lage Jean-Luc DR CNRS
David-Benz Hélène Chercheuse CIRAD
Darlu Pierre DR CNRS
De Decker Sophie Post-Doctorante, NOAA, US
de Foresta Hubert CR IRD
de Reviers Bruno Prof MNHN
Dedeine Franck MC U François Rabelais Tours
Delesalle Bruno MC EPHE
Destombe Christophe Prof UPMC
Devaux Céline MC U. Montpellier2
Djikeussi Eléonore CH Niort
Dorin Bruno Chercheur CIRAD
Dufumier Marc Pr AgroParisTech
Dugue Patrick Chercheur CIRAD
Dulcire Michel Chercheur CIRAD
Dutech Cyril CR INRA
Elias Marianne CR CNRS
Enjalbert Jérôme CR INRA
Fabre Pierre Chercheur CIRAD
Fady Bruno DR INRA
Ferdy Jean-Baptiste Pr U Toulouse 3
Ferrière Régis Pr ENS Ulm
Figuié Muriel Chercheuse CIRAD
Frascaria Nathalie Pr AgroParisTech
Fort Philippe DR CNRS
Gautier Christian Pr U Lyon
Gavotte Laurent MC U Montpellier 2
Gerber Sophie CR INRA
Grandcolas Philippe Prof MNHN
Goldringer Isabelle DR INRA
Gouyon Pierre-Henri Pr MNHN
Hautekeete Nina MC U Lille 1
Heams Thomas MC AgroParisTech
Herbette Stéphane MC U Clermont-Ferrand
Henry Claude Pr Columbia University
Heyer Evelyne Pr MNHN
Hospital Frédéric DR INRA
Huet Sylvie DR INRA
Humbert Jean-François DR INRA
Jeandel Catherine DR CNRS
Jarne Philippe DR CNRS
Joron Mathieu CR CNRS
Juffé Michel Pr PontsParisTech
Kjellberg Finn DR CNRS
Lachièze Rey Marc DR CNRS
Lançon Frédéric Chercheur CIRAD
Laurans Marilyne Chercheuse CIRAD
Laurenti Patrick MC U Diderot
Lavigne Claire DR INRA
Lemeilleur Sylvaine Chercheuse CIRAD
Le Gall Line MC MNHN
Le Moguédec Gilles Chercheur CIRAD
Lévy-Leblond Jean-Marc Pr U Nice
Lipinski Marc DR CNRS
Loeuille Nicolas Pr UPMC
Londe Sylvain Doctorant UPMC
Lorand Isabelle Chirurgienne
Louchart Antoine CR CNRS
Machon Nathalie Pr MNHN
Mallefet Jérôme Pr U Catholique de Louvain
Mariojouls Catherine Pr AgroParistech
Maris Virginie CR CNRS
Mignot Agnès Pr Université Montpellier 2
Millier Claude Pr AgroParisTech
Mirleau Pascal MC U Aix-Marseille
Moulia Catherine Pr U Montpellier 2
Morin Edgar DR CNRS
Nabholz Benoit MC U Montpellier 2
Nicolas Valérie IR INSERM
Nieberding Caroline Pr U Catholique de Louvain
Olivieri Isabelle Pr U Montpellier 2
Paillet Yoan IR IRSTEA
Palka Laurent MC MNHN
Pape Moller Anders DR CNRS
Papy François DR INRA
Pasqualini Vanina Pr U Corse
Petit Éric MC U Rennes 1
Poirier Florence IR U Paris 13
Ponsard Sergine Pr U Toulouse
Potin Philippe DR CNRS
Quilichini Angélique MC détachée CNRS
Raymond Michel DR CNRS
Refrégier Guislaine MC UPS Orsay
Reynaud – Yann Post-Doctorant, NOAA, US
Rognon Xavier MC AgroParisTech
Rousseau Denis-Didier DR CNRS Ulm
Rousset François DR CNRS
Saatkamp Arne MC U Aix-Marseille
Saint-James Emmanuel MC UPMC
Salmona Jordi Doctorant U Lisbonne
Sartor Pierre CR CNRS
Selosse Marc-André Pr U Montpellier 2
Sicard Mathieu MC U Poitiers
Shykoff Jacqui DR CNRS
Testart Jacques DR INSERM
Thomas Mathieu PostDoc INRA
Tully Thomas MC U Paris 4 (CNRS)
Valero Myriam DR CNRS
van Vliet Geert Chercheur CIRAD
Vela Errol MC U Montpellier 2
Velot Christian MC U Psud Orsay
Verlaque Marc CR CNRS
Verrier Etienne Pr AgroParisTech
Volovitch Michel Pr ENS Ulm
Vriz Sophie Pr U Paris Diderot
Warlop François CR GRAB
Weill Mylène DR CNRS

Michel Alberganti

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L’agriculture intensive alimente… un gaspillage tout aussi intensif

Sans les performances de l’agriculture intensive, pas question de nourrir la planète ! Combien de fois avons-nous entendu cette antienne ? Et la perspective d’une population dépassant les 9 milliards d’habitants sur Terre en 2050 ne peut que renforcer cette certitude. Déjà, la révolution verte se présente auréolée de ses succès passés. N’a-t-elle pas été capable, dans les années 1960-1980, d’accompagner l’explosion démographique de l’après-guerre ?

Les rendements stagnent depuis 1996

Les rendements obtenus servent souvent d’indicateurs pour mesurer les progrès de cette agriculture intensive. Ainsi, pour le blé, ils sont passés de 18 à 69 quintaux par hectare entre 1951 et 1996. Pour 2012, l’Association générale des producteurs de blé (AGPB) prévoit un rendement moyen de 69 à 70 quintaux par hectare. Et elle s’en félicite en tablant sur une production française de blé tendre de 33,9 millions de tonnes. En fait, ces chiffres confirment la stagnation des rendements et de la production de blé française depuis 1996, comme le note l’INRA. Ainsi, la magie de la révolution verte ne semble plus guère opérer et les gains de rendement de plus d’un quintal/hectare par an semblent bien loin. Désormais, on observe en réalité une baisse de 0,5 quintal par hectare par an…

La révolution verte fait-elle long feu ?

La mécanisation et l’utilisation massive d’intrants (engrais, herbicides et pesticides) n’y peuvent rien, semble-t-il. L’agriculture paie ainsi la facture d’une exploitation si intensive des sols que ces derniers n’en peuvent plus. Les effets du réchauffement climatique semblent, également, se faire sentir depuis la fin des années 1990. D’où un questionnement légitime : la révolution verte fait-elle long feu ?

On peut également s’interroger sur l’utilisation de cette profusion de produits agricoles. Au cours de l’émission Science Publique sur l’agroécologie que j’ai animée sur France Culture le vendredi 2 novembre, l’un des invités, Jean-François Soussana, directeur scientifique Environnement de l’INRA, nous a révélé deux chiffres instructifs. Le premier concerne son estimation de la perte de rendement liée au passage de l’agriculture intensive à l’agroécologie, approche développée dans le documentaire de Marie-Monique Robin dont nous avons parlé il y a quelques semaines.

30% de gaspillage

Pour Jean-François Soussana, cette perte de rendement serait comprise entre 13 et 34%. Peu après, il a indiqué que le taux de perte et de gaspillage de la production agricole atteint, lui, environ 30%… Que déduire du rapprochement de ces deux chiffres ? Tout simplement que les gains apportés par l’agriculture intensive servent à compenser le gaspillage… Étonnant constat… La disparition progressive des agriculteurs, la diminution du nombre des exploitations, la mécanisation à outrance engendrant un très lourd endettement des exploitants, l’utilisation massive d’intrants polluant les nappes phréatiques et les cours d’eau, la destruction des paysages, la standardisation des cultures sacrifiant la biodiversité, la servitude vis à vis des multinationales des semences… Tout cela pour nous permettre de gaspiller 30% de la production agricole ?

Le coût de l’agriculture intensive

Ne serait-ce pas un peu cher payé ? Le coût réel de l’agriculture intensive est, par ailleurs, pointé par Olivier de Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Dans le rapport qu’il a publié le 3 juin 2012, il écrit ceci :

“Dans les pays de l’OCDE en particulier, où les subventions agricoles se situent toujours à des niveaux élevés, le système fait que les contribuables paient trois fois pour un système qui est une recette pour être en mauvaise santé. Ils paient pour des subventions peu judicieuses qui encouragent l’industrie agroalimentaire à vendre des aliments lourdement transformés au lieu de vendre des fruits et légumes à un prix inférieur; ils paient pour les efforts de commercialisation de cette même industrie, dont les produits de la vente d’aliments dommageables pour la santé sont déduits des bénéfices imposables, et ils paient pour des systèmes de soins de santé dont les budgets sont fortement grevés par les maladies non transmissibles.”

Finalement, cela revient encore plus cher… Ainsi, au delà du débat sur les OGM qui n’a pas fini de secouer les institutions, c’est bien à une question politique que l’on aboutit. Les pratiques alimentaires actuelles ont, certes, été largement induites par la pression publicitaire et l’euphorie consommatrice, véritable drogue assimilable aux antidépresseurs. Mais aujourd’hui, n’est-il pas temps de les revoir… à la baisse ?

Une agriculture tenant compte… de la nature

L’agroécologie permet d’apporter une réponse sans revenir à la charrue à bœufs, ce qui devrait rassurer les décroissancephobes. Il ne s’agit de rien d’autre que de mettre la science au service d’une agriculture qui tienne compte… de la nature. Une nouvelle révolution verte, en somme. Mais tellement plus souriante et, certainement, plus intelligente. Est-elle généralisable ? C’est toute la question.

Jean-François Soussana plaide plutôt pour une transition au cours de laquelle l’agriculture intensive ne nourrirait des connaissances acquises en matière d’écologie de l’exploitation agricole. Gageons que cette transition sera plus longue et aléatoire que la première révolution verte. L’échec de la PAC dans ce domaine ne présage rien de bon. A moins que les consommateurs ne s’en mêlent. Au fond, le système actuel ne tient que grâce, ou à cause, d’eux. Il suffirait qu’ils (nous…) changent leurs pratiques alimentaires pour que tout le système les suive. Car c’est bien l’une des beautés du capitalisme que de s’adapter sans états d’âmes aux demandes du marché. Il suffirait donc de profiter de cette flexibilité…

Michel Alberganti

(Ré)ecoutez l’émission Science Publique que j’ai animée le 2 novembre sur France Culture

Ecologie

02.11.2012 – Science publique
Qu’est ce que l’agroécologie ? 57 minutes Écouter l'émissionAjouter à ma liste de lectureRecevoir l'émission sur mon mobilevideo

Le débat sur les OGM a relancé l’opposition entre agriculture intensive et agroécologie. Mais que recouvre ce terme ? Cette solution peut-elle nourrir 7 à 9 milliards d’habitants sur Terre ? Invités : Jean-François Soussana, Jane Lecomte et Adrien Gazeau.

Agriculture

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Endoscope : Coup d’oeil sur l’avis de l’ANSES

Hier, 22 octobre 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a organisé une conférence de presse afin de communiquer son avis sur l’étude du chercheur Gilles Eric Séralini au sujet de la toxicité du maïs transgénique Monsanto NK603 et de l’herbicide Roundup. Cette étude, publiée le 19 septembre 2012 dans la revue Food and Chemical Toxicology, a suscité un tel émoi  que le gouvernement a immédiatement saisi l’Anses pour qu’elle expertise le travail de Gilles-Eric Séralini. Nous en avons rendu compte hier.

De nombreuses questions, dans les commentaires des articles que nous avons écrit sur ce sujet, tournent autour du problème du nombre de rats utilisé pour l’expérience et de l’interprétation statistique des résultats de l’étude.
Justement, la rubrique Endoscope de Globule et Télescope était là pour glisser sa caméra dans la salle de la conférence de presse de l’Anses et y capter les informations intéressantes. Ainsi, voici les explications de Jean-Pierre Cravedi, directeur de recherche à l’INRA de Toulouse et de Marc Mortureux, directeur général de l’Anses :


G&T_22 octobre 2012_Conf de presse ANSES par VideoScopie


Endoscope : Extraits Conférence de presse ANSES… par VideoScopie

Michel Alberganti

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L’expérience de Gilles-Eric Séralini est nulle mais pleine d’avenir

Le professeur Gilles-Eric Séralini lors d'une conférence au Parlement européen à Bruxelles, le 20 septembre 2012. REUTERS/Yves Herman.Sollicitée par le gouvernement dans l’affaire des rats et du maïs génétiquement modifié de Monsanto, l’Agence nationale de sécurité alimentaire vient de rendre son avis: l’expérience du Pr Séralini n’a aucune valeur scientifique, mais ce n’est pas une raison pour ne pas en tenir compte. Une manière de conforter la volonté gouvernementale d’améliorer l’expertise toxicologique des OGM alimentaires. 

On n’attendait plus qu’eux pour savoir à quoi s’en tenir sur les spectaculaires conclusions de l’expérience hautement médiatisée menée, sous la direction du Pr Gilles-Eric Séralini, sur des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’herbicide RoundUp de Monsanto.

Le 19 septembre, soit le jour même où cette étude était publiée dans une revue scientifique et relayée par le Nouvel Observateur, le gouvernement avait curieusement saisi en urgence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Avec cette saisine, il s’agissait, en substance, pour les trois ministres directement concernés (Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Delphine Batho), de savoir à quoi s’en tenir sur un sujet hautement controversé. Plus d’un mois plus tard, ce lundi 22 octobre, ces deux institutions ont rendu leurs conclusions.

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Michel Alberganti et Jean-Yves Nau

 

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OGM, le sacrifice des rats

REUTERS/Science/AAAS

L’affaire Séralini semble tirer à sa fin. Les expertises françaises de l’étude scientifique publiée le 19 septembre 2012 risquent fort d’arriver après la bataille.

Certains verront de la sagesse dans cette lenteur. D’autres de l’embarras pour ne pas dire plus. Peu importe.

Les avis sont déjà assez nombreux pour qu’une issue se profile. Un organisme allemand (BfR) et un autre européen (EFSA) ont analysé l’étude en termes sévères. Des scientifiques de tout poil, antis et surtout pros OGM, se sont exprimés et Gilles-Eric Séralini accompagné de Corinne Lepage ont largement répondu. L’heure est donc au bilan.

Trois leçons peuvent d’ores et déjà être tirées de cette affaire qui est passée, alternativement, du statut de scoop du siècle à celui de manipulation militante grossière. Au final, comme souvent, l’impact réel de ce coup médiatique échappe à de telles caricatures.

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