2012 : les temps forts de la science

L’année 2012 ira à son terme. Plus vraiment de doute désormais. La fin du monde, promise par certains Cassandre, sera pour plus tard… Et les Mayas, involontaires fauteurs du trouble, sont entrés dans une nouvelle ère avant tout le monde, le 21 décembre dernier, après avoir sans doute bien ri de la panique engendrée par la fausse interprétation de leur antique calendrier. Du coté de la vraie science, la cuvée 2012 restera sans doute dans les annales comme particulièrement riche. Aussi bien en succès qu’en couacs. Pour faire bonne mesure, revenons sur trois grands moments dans ces deux catégories et sur leurs principaux acteurs.

Trois succès :

1°/ Peter Higgs, le père du boson

4 juillet 2012. Un jour peut-être, lorsque les manuels de physique auront intégré un minimum d’histoire des sciences (espérons que cela arrive avant la prochaine nouvelle ère du calendrier Maya), la photo de Peter Higgs ornera cette date du 4 juillet. Dans l’amphithéâtre du CERN, Peter Higgs pleurait. Il racontera ensuite que l’ambiance y était celle d’un stade de foot après la victoire de l’équipe locale. Ce jour là, les résultats des deux expériences menées avec le LHC ont montré qu’ils convergeaient vers la valeur de 125 GeV. Soit la masse du boson dont l’existence avait été prédite par Peter Higgs et ses collègues, parmi lesquels  François Englert et Tom Kibble sont toujours vivants, en… 1964. Fantastique succès, donc, pour ces théoriciens qui voient, 48 ans plus tard, leurs calculs vérifiés par l’expérience. Il faudra néanmoins attendre le mois de mars 2013 pour une confirmation définitive des résultats. Et septembre pour un possible (probable ?) prix Nobel de physique pour Peter Higgs. En 2013, notons donc sur nos tablettes:  “Le boson”, saison 2.

2°/ Curiosity, le rover sur Mars

6 août 2012. 7h32 heure française. Le rover Curiosity se pose en douceur sur Mars après un voyage de 567 millions de km qui a duré 8 mois et demi. Comme au CERN un mois plus tôt, c’est l’explosion de joie dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa à Pasadena (Californie). C’est la première fois qu’un robot de ce calibre (3 x 2,7 m sur 2,2 m de haut, 899 kg) est expédié sur une planète du système solaire. Près de 7000 personnes ont travaillé sur le projet qui a coûté la bagatelle de 2,5 milliards de dollars. On comprend le soulagement apporté par l’atterrissage réussi. Pour autant, la véritable mission de Curiosity a commencé après cet exploit. Et force est de constater qu’elle n’a pas, pour l’instant, été à la hauteur des espoirs mis en elle. Le comble étant que c’est plutôt son petit prédécesseur, Opportunity, qui fait l’actualité avec ses découvertes géologiques. Curiosity, de son coté, doit découvrir des traces de vie passée sur Mars. Pour lui aussi, la saison 2 pourrait être décisive.

3°/ Serge Haroche, prix Nobel de physique

9 octobre 2012. A Stockolm, la nouvelle prend presque tout le monde par surprise. Alors que l’on attendait le Britannique Peter Higgs, c’est le Français Serge Haroche qui décroche le prix Nobel de physique avec l’Américain et David J. Wineland. Après des années où ce prix allait plutôt à des chercheurs en physique appliquée, c’est le grand retour du fondamental.  Avec Serge Haroche, la mécanique quantique et le chat de Schrödinger sont à l’honneur. Le Français, issu du même laboratoire de l’Ecole Nationale Supérieure (ENS) de la rue d’Ulm, à Paris, que deux précédents Nobel, a réussi à maintenir des particules dans cet état improbable où la matière hésite et se trouve, un bref instant, dans deux situations contradictoires. Comme un chat qui serait à la fois mort et vivant… Seuls les physiciens quantiques peuvent imaginer un tel paradoxe. Serge Haroche a été plus loin et a réussi à maintenir réellement des particules dans cet état assez longtemps pour faire des mesures. La médiatisation de son prix Nobel a révélé l’impact de cette distinction dont la science française avait besoin. Depuis Claude Cohen-Tannoudji en 1997, elle n’avait été primée qu’une fois avec Albert Fert en 2007.

Trois échecs :

1° / Les neutrinos trop rapides

16 mars 2012 : Eh oui ! Einstein a dû en rire dans sa tombe. Les scientifiques du CERN, eux, ont dû rire jaune en devant admettre, en mars 2012, que les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière. Pas moins de 6 mois ont été nécessaires pour débusquer l’erreur de manip. Une vulgaire fibre optique mal branchée. Au CERN de Genève ! Le temple de la physique doté du plus gros instrument, le LHC ! Avec des milliers de scientifiques venus du monde entier… Bien entendu, l’erreur est humaine. Ce qui l’est aussi, sans être aussi défendable, c’est le désir irrépressible de communiquer le résultat d’une expérience avant d’être absolument certain du résultat. Risqué, surtout lorsque ce résultat viole l’une des lois fondamentales de la physique : l’impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière établie par Albert Einstein lui-même. Nul doute que la mésaventure laissera des traces et favorisera, à l’avenir, une plus grande prudence.

2°/ Les OGM trop médiatiques

19 septembre 2012. Gilles-Eric Séralini, biologiste de l’université de Caen, avait préparé son coup de longue date. Plus de deux ans pour mener à terme une étude d’impact des OGM et de l’herbicide Roundup sur une vie entière de rats. Et puis, le 19 septembre, coup de tonnerre médiatique. Le Nouvel Obs titre: “Oui, les OGM sont des poisons”. Si les physiciens du CERN ont manqué de prudence, nos confrères de l’hebdomadaire n’ont pas eu la moindre retenue lorsqu’ils ont conçu cette Une. Les ventes ont sans doute suivi. Le ridicule, aussi, lorsqu’il est apparu que l’étude était très contestable. En déduire que les OGM sont des poisons, en laissant entendre “pour les hommes”, est pour le moins regrettable. En revanche, le coup de Gilles-Eric Séralini a mis en lumière les carences des procédures de test des OGM. Sil en reste là, ce sera une terrible défaite, aussi bien pour la science que pour les médias.

3°/ Voir Doha et bouillir…

8 décembre 2012. Si c ‘était encore possible, la 18e conférence internationale sur le réchauffement climatique qui s’est tenue à Doha, capitale du Qatar, du 26 novembre au 6 décembre 2012 avec prolongation jusqu’au 8 décembre, aura battu tous les records de ridicule. On retiendra deux images : la grossièreté du vice-Premier ministre Abdallah al-Attiya et l’émotion de Naderev Saño, négociateur en chef de la délégation des Philippines, parlant du typhon Bopha qui a fait plus de 500 morts dans son pays. Quelle distance entre ces deux personnages. Aucun dialogue n’a pu s’établir dans ce pays qui est le plus pur symbole de la contribution éhontée au réchauffement climatique (numéro un mondial en émission de CO2 par habitant). La conférence s’est soldée par un échec cuisant. Un de plus. Au point de conduire à s’interroger sur l’utilité de tels rassemblements. Forts coûteux en énergie.

Michel Alberganti

Photo: Vue d’artiste. REUTERS/NASA/JPL-Caltech

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L’expérience de Gilles-Eric Séralini est nulle mais pleine d’avenir

Le professeur Gilles-Eric Séralini lors d'une conférence au Parlement européen à Bruxelles, le 20 septembre 2012. REUTERS/Yves Herman.Sollicitée par le gouvernement dans l’affaire des rats et du maïs génétiquement modifié de Monsanto, l’Agence nationale de sécurité alimentaire vient de rendre son avis: l’expérience du Pr Séralini n’a aucune valeur scientifique, mais ce n’est pas une raison pour ne pas en tenir compte. Une manière de conforter la volonté gouvernementale d’améliorer l’expertise toxicologique des OGM alimentaires. 

On n’attendait plus qu’eux pour savoir à quoi s’en tenir sur les spectaculaires conclusions de l’expérience hautement médiatisée menée, sous la direction du Pr Gilles-Eric Séralini, sur des rats nourris avec un maïs génétiquement modifié de Monsanto et l’herbicide RoundUp de Monsanto.

Le 19 septembre, soit le jour même où cette étude était publiée dans une revue scientifique et relayée par le Nouvel Observateur, le gouvernement avait curieusement saisi en urgence l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Avec cette saisine, il s’agissait, en substance, pour les trois ministres directement concernés (Stéphane Le Foll, Marisol Touraine, Delphine Batho), de savoir à quoi s’en tenir sur un sujet hautement controversé. Plus d’un mois plus tard, ce lundi 22 octobre, ces deux institutions ont rendu leurs conclusions.

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Michel Alberganti et Jean-Yves Nau

 

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Lévitation supraconductrice: une vidéo truquée attire 2 millions de visiteurs sur Youtube

La référence d’un centre de recherche japonais, sigle à l’appui, une mise en scène soignée montrant des chercheurs gantés manipulant des modèles réduit de voiture de course. le remplissage des réservoirs avec de l’azote liquide, la démonstration spectaculaire d’une course de bolide fumants en sustentation au dessus de la piste d’un circuit de course automobile… A première vue, la vidéo semble préfigurer un jeu de l’avenir exploitant les développements d’une technologie dont le centenaire a été fêté en 2011: la supraconductivité et l’une de ses applications, la lévitation d’objets. Voici le résultat:

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Comment vulgariser la nanoseconde dans un talk show américain?

Courte Focale

Dans cette rubrique du blog Globule et télescope, nous vous proposons régulièrement des images ou des vidéos traitant de sujets scientifiques ou techniques.

Nous commençons par ce petit joyau trouvé sur Youtube à l’occasion du dixième vingtième anniversaire de la mort de Grace Hopper, une figure de l’informatique aux Etats-Unis, auteur du premier compilateur en 1951 et du langage Cobol en 1959. En octobre 1986, invitée au Late Show de David Letterman, l’un des plus fameux talk shows américains sur la chaîne CBS, elle affiche une personnalité hors pair d’amiral de la Navy et de pionnière de l’informatique depuis son engagement dans l’armée, en 1944. A 80 ans, cette dame, décédée en 1992, ne se laisse impressionner ni par la télévision, ni pas son interviewer. Il faut dire qu’elle a bien préparé cet entretien avec une explication de la nanoseconde qui laisse  David Letterman assez pantois… Une leçon de vulgarisation! En anglais…

Michel Alberganti

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La dernière du Globule

Bien. C’est aujourd’hui la dernière du Globule et, tout comme le rideau, je tire ma révérence sur Slate.fr qui m’a fait la gentillesse de m’accueillir il y a presque un an et demi. Ne croyez néanmoins pas que l’aventure s’arrête ici. Non. Elle va simplement se poursuivre ailleurs car j’ai été invité à bloguer sur lemonde.fr. Je continuerai là-bas ce que j’ai commencé ici. Avec toujours ma liberté de ton et de choix des sujets, avec l’envie de traiter tout ce que je trouverai intéressant, important, original mais aussi futile et drôle, car si l’actualité manque d’une chose, c’est bien d’humour.

Avant de partir, je tiens à remercier ceux qui ont rendu possible cette aventure journaliste 2.0, comme on dit quand on est branché, à commencer par toute l’équipe de Slate.fr, et notamment Eric Leser, Cécile Chalancon, Cécile Dehesdin, Johan Hufnagel et Greg Giglietta. Et puis, il y a eu aussi vous, les lecteurs, les internautes, les surfeurs numériques. Merci. Plus de 2 millions de pages vues, plus de 3 000 commentaires laissés, quelques “accros” (quelques trolls aussi !) qui, je l’espère, ne m’en voudront pas de ce transfert. Disons que le mercato d’hiver des blogueurs commence avant celui des footballeurs…

Mon nouveau blog s’appelle “Passeur de sciences” et il parlera des grandes et petites nouvelles du monde de la science et de l’environnement. Dans le prologue, j’y répète une nouvelle fois pourquoi je crois en la nécessité de développer le journalisme scientifique, parce qu’il ne peut être d’honnête homme ni d’honnête femme sans un minimum de culture dans ce domaine. Et le premier billet, j’explique comment une science mal faite peut aboutir à des affirmations loufoques comme “Fumer peut améliorer les performances dans les sports d’endurance”. Voilà, qui m’aime me suive.

Pierre Barthélémy

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Les 2 millions du Globule

Les statistiques de Globule et télescope continuent de m’étonner. La barre des 2 millions de pages vues a ainsi été franchie dimanche dernier. Je ne vais pas bouder mon plaisir et je le dis tout net : ce succès me fait chaud au cœur. Un grand merci à tous ceux qui, par curiosité ou par fidélité, sont venus lire l’un ou l’autre de mes billets. Continuez à parler de ce blog autour de vous car je sais que le bouche à oreille, même s’il a le nom de “buzz” sur les réseaux sociaux, est un des meilleurs moyens de le faire connaître.

Comme je l’écrivais en avril, lorsque le cap du million de pages lues a été franchi, j’espère toujours que l’information scientifique sera un jour “valorisée au même titre que l’information politique, diplomatique, économique ou culturelle” et qu’elle donnera “aux yeux des patrons de presse, une grille de lecture du monde dans lequel nous vivons”. En attendant ce jour, où le journalisme scientifique en France se verra accorder autant de lettres de noblesse que dans le monde anglo-saxon, où il ne sera pas le premier à faire les frais des réductions de pagination ou d’effectifs des journaux, j’apporte, semaine après semaine, ma petite pierre à l’édifice. En arpentant les chemins de traverse de la science, en guettant ces études que les autres n’ont pas vues, en laissant le traitement des principales informations scientifiques aux collègues des grands médias qui le font bien (et en vous y renvoyant chaque week-end dans ma sélection hebdomadaire), en privilégiant ce qui, de mon point de vue, est original ou ce qui a éveillé ma curiosité. Et aussi, bien sûr, en me faisant plaisir.

Avant de taper le point final de ce billet, je vais en remettre une louche au sujet des “trolls” qui ne peuvent s’empêcher de venir, anonymement de préférence, polluer les commentaires avec des remarques aussi désagréables que hors sujet, quand il ne s’agit pas purement et simplement d’insultes, lesquelles passent directement à la trappe. Un petit rappel : chaque commentaire est modéré a priori et si le vôtre s’affiche dès que vous l’avez laissé, n’oubliez jamais qu’il est invisible pour les autres internautes tant qu’il n’a pas été validé. Je sais bien que la critique gratuitement méchante et pas constructive pour deux sous est un sport national, je sais bien que cela ne dissuadera pas les trolls de revenir, les nouveaux crétins remplaçant inexorablement les anciens qui se seront découragés. Je plains simplement ces pauvres gens qui n’ont rien d’autre à faire de leur vie que répandre leur fiel sur le travail des autres. Autant j’admets la critique lorsqu’elle est constructive (quand, par exemple, certains m’ont demandé de limiter le nombre de billets sur des sujets “légers” ou “futiles”), autant j’ai autre chose à faire que de publier des commentaires me crachant dessus. A tous ceux qui trouvent mes billets nuls, je ne dis qu’une chose : ouvrez un blog et tâchez de faire mieux. A les lire, ce ne doit pas être difficile. Donc, à tous, les fans et les trolls, à bientôt sur la Toile, les premiers chez le Globule, les seconds sur leurs futurs blogs géniaux…

Pierre Barthélémy

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Les trois plus grandes erreurs d’Einstein

Puisque l’heure médiatique est à la curée envers ce pauvre Albert Einstein, hurlons avec les loups. Il n’est pas un mystère pour les spécialistes de la vulgarisation scientifique que dénoncer les erreurs du savant a longtemps fait – ou fait toujours ? – vendre du papier. Donc, nous qui avons soif d’audience, crions-le en caractères gras :

Bébert s’est gouré !

Il n’a pas su prévoir que les neutrinos pourraient aller plus vite que la lumière. En me faisant l’avocat du diable et avec toute la mauvaise foi qui me caractérise, je dirai tout de même que la théorie de la relativité restreinte date de 1905, que le neutrino a été postulé en 1930 et découvert en 1956, soit un an après la mort d’Einstein. J’ajouterai, toujours fielleux, qu’il faudrait peut-être attendre de vérifier les résultats annoncés vendredi avant de remiser la relativité à la poubelle. D’une part parce que la vérification est un principe cardinal de la science et d’autre part parce que, depuis les années 1960, des théories plus ou moins exotiques (tachyons, dimensions cachées) peuvent permettre d’expliquer un tel phénomène dans le cadre de la relativité restreinte. Enfin, nous savons tous que la science avance en détricotant ce que les prédécesseurs ont patiemment monté, Einstein n’ayant pas fait autre chose avec Newton. D’ailleurs, pour ce que nous en savons, la relativité ne marche quand même pas trop mal puisque grâce à elle, l’homme a converti la matière en énergie (vive E=mc2 !), envoyé des sondes aux confins du système solaire, des Américains sur la Lune, des satellites un peu partout et fait du GPS avec une précision incroyable. Donc, prudence sur ce coup-là. Mettons entre parenthèses, jusqu’à plus ample informé, l’histoire, juteuse médiatiquement, du neutrino (en nous demandant tout de même pourquoi, si leur vitesse est de 0,002 % plus élevée que celle des photons, ceux qui ont été émis lors de la supernova de 1987, située à 168 000 années-lumière, ne sont pas arrivés avec des années d’avance sur la lumière). Mais que cela ne nous empêche pas de tartiner sur les trois vraies plus grandes âneries d’Einstein qui, je le regrette à l’avance, risque de passer pour un crétin à la fin de ce billet.

Médaille de bronze : avoir été un époux et un père déplorable. Einstein s’est marié deux fois, la première avec Mileva Maric en 1903,  après lui avoir fait, en dehors des liens sacrés du mariage, une petite fille née en 1902, Lieserl, dont on n’a jamais connu le sort : abandon ou mort précoce… Cela commence bien. Avec Mileva, Albert a deux autres enfants, Hans Albert et Eduard, dont il s’occupera au bout du compte très peu car le couple divorce en 1919, après cinq années de séparation. Il faut dire que le savant moustachu a, depuis 1912, une relation avec sa cousine Elsa (qu’il épousera en secondes noces) et qu’il traite Mileva d’une manière que décrit bien ce “contrat” qu’il lui impose par écrit en 1914 :

« A. Vous veillerez à ce que : 1) mon linge et mes draps soient tenus en ordre ; 2) il me soit servi trois repas par jour dans mon bureau ; 3) ma chambre et mon bureau soient toujours bien tenus et ma table de travail ne soit touchée par nul autre que moi.

B. Vous renoncerez à toute relation personnelle avec moi, exceptées celles nécessaires à l’apparence sociale. En particulier, vous ne réclamerez pas : 1) que je m’assoie avec vous à la maison ; 2) que je sorte ou voyage en votre compagnie.

C. Vous promettrez explicitement d’observer les points suivants : 1) vous n’attendrez de moi aucune affection ; et vous ne me le reprocherez pas ; 2) vous me répondrez immédiatement lorsque je vous adresserai la parole ; 3) vous quitterez ma chambre ou mon bureau immédiatement et sans protester lorsque je vous le demanderai ; 4) vous promettrez de ne pas me dénigrer aux yeux de mes enfants, ni par des mots, ni par des actes. » Et là je pose une question : que faisaient les Chiennes de garde ? Il ne traitera pas Elsa beaucoup mieux. Pour compléter le tableau, ajoutons que, de 1933 à sa mort en 1955, Einstein ne verra plus jamais son fils Eduard, atteint de schizophrénie.

Médaille d’argent : avoir pesé de tout son poids pour la fabrication de la bombe atomique. Einstein doit, en 1933, se décider à ne plus vivre dans son pays natal, l’Allemagne, après l’arrivée au pouvoir de Hitler. Etant juif et pacifiste, il risque plus que gros. Il émigre aux Etats-Unis et, le 2 août 1939, sous la pression d’amis physiciens, il signe une lettre adressée au président Franklin D. Roosevelt, l’avertissant que Berlin travaille sur la fission de l’uranium et le pressant (très poliment), d’“accélérer le travail expérimental” réalisé sur le sol américain dans ce domaine. Roosevelt entendra le savant et mettra en route le projet Manhattan, qui conduira, six ans plus tard, aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. Si je range cette lettre dans la catégorie des erreurs d’Einstein, c’est parce qu’il l’a fait lui-même. En 1954, un an avant sa mort, il confiait à son ami, le chimiste et physicien Linus Pauling, son regret d’avoir tourné casaque, d’être passé, si l’on schématise, de pacifiste à pro-nucléaire : “J’ai commis une grande erreur dans ma vie, quand j’ai signé la lettre au président Roosevelt recommandant la fabrication de bombes atomiques ; mais il y avait des raisons, le risque que les Allemands les fassent…” Après la guerre, Einstein se rangera, sans jamais varier, dans le camp de ceux qui exigeaient la fin des essais nucléaires et le démantèlement des arsenaux atomiques.

Médaille d’or : avoir pensé que l’Univers était statique. Une fois mise la dernière main à sa théorie de la relativité générale, qui n’est rien d’autre qu’une théorie de la gravitation, Einstein s’aperçoit assez vite que l’Univers qui en résulte ne peut être statique. Ce qui est contraire à ce qu’il croit profondément, sans doute par fidélité culturelle au vieux modèle d’Aristote d’un Univers immuable et aussi, plus pragmatiquement, parce qu’aucune observation à l’époque n’autorise à penser vraiment autrement. Or ses équations conduisent à un cosmos instable, qui est soit en expansion, soit en contraction. Pour stabiliser son modèle, il va donc, en 1917, introduire une constante ad hoc, censée cadenasser l’Univers sous une forme statique. Tout cela était aussi vain que d’essayer empêcher des enfants jouant dans un bac à sable de mettre du sable partout à côté et d’en emporter dans leurs chaussettes. Quelques années après l’invention de cette “constante cosmologique”, l’astrophysicien américain Edwin Hubble montre que les galaxies s’écartent les unes des autres et que l’Univers est en expansion. Einstein est obligé de reconnaître que cette constante était une rustine pourrie à sa théorie et “la plus grosse gaffe” de sa carrière. L’ironie de l’histoire, c’est que la constante cosmologique a, depuis quelques années, fait son retour en astrophysique par la grande porte, non pas pour justifier un Univers statique mais pour expliquer pourquoi le cosmos est en expansion accélérée ! Erreur d’hier, vérité de demain, tout est relatif…

Pierre Barthélémy

Post-scriptum : j’aurais pu aussi citer la très grande réticence qu’Einstein a manifestée vis-à-vis de la mécanique quantique mais je trouve que la barque est assez chargée comme ça, pour ce pauvre Albert et pour ce deux centième billet de Globule et télescope…

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Le Globule a un an, premier bilan

Il y a un an, le 9 août 2010, Slate.fr lançait officiellement ce blog, Globule et télescope, après quelques semaines de rodage. 365 jours plus tard, il est toujours là et c’est le moment de dresser un bilan. Côté chiffres et fréquentation, plus de 1,7 millions de pages ont été vues (lues, c’est moins sûr…). Etant donné que j’ai publié quelque 170 billets, cela nous fait donc 10 000 pages vues par billet en moyenne. Bien sûr, il ne s’agit que d’une moyenne et certains papiers ont eu beaucoup plus de succès que d’autres. Le podium est le suivant : médaille d’or incontestée pour le moment, “Comment on cartographie la taille du pénis” (bande d’obsédés !) ; médaille d’argent “De quel côté embrassez-vous ?” (décidément, on voit bien ce qui vous intéresse dans la science…) ; médaille de bronze “L’affaire des irradiées du New Jersey”, billet mis en ligne peu après la catastrophe de Fukushima. Pour ce qui est des commentaires, plus de 2 500 ont été publiés.

Ce petit succès d’audience n’aurait pas été possible sans l’aide de toute l’équipe de Slate.fr, que je veux remercier chaleureusement, à la fois pour sa confiance, son écoute et son soutien, qu’il soit technique ou éditorial. Et puis, évidemment, rien de tout cela ne serait arrivé sans vous, mes lecteurs. Certains sont désormais des fidèles qui soit le déclarent en laissant un commentaire à chaque billet, soit viennent en silence, semaine après semaine, lire ce que j’écris. Qu’ils soient tous remerciés ici, ceux qui, comme je l’ai dit ailleurs, “dans l’océan immense et mouvementé qu’est Internet, surfent avec assiduité vers mon petit phare”.

Je ne saurais terminer sans évoquer tous ceux qui, au cours de cette année, m’ont insulté pour ce que j’avais écrit et dont j’ai, pour la plupart, censuré les commentaires injurieux et/ou diffamatoires qui, si l’on s’en tient à la stricte application de la loi, auraient pu les mener devant le tribunal : en vrac, des climatosceptiques, des conspirationnistes en tout genre mais en particulier ceux du 11-Septembre, des ufologues, des amis des médiums, des militants anti-vaccination, des fans du paranormal, des créationnistes, des intégristes religieux et j’en oublie sûrement car je n’ai pas tenu le décompte de ces merveilleux amis de l’information et de la science. A ceux-là également, qui mentent souvent avec un aplomb remarquable, je dis merci. Eux aussi me rappellent tous les jours pourquoi j’écris.

Bon. Et si on repartait pour un an ?

Pierre Barthélémy

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Comment on date un cadavre

C’est une mode macabre qui semble saisir les meurtriers ces temps-ci : découper et cacher les cadavres de leurs victimes, comme dans l’assassinat de Lætitia Perrais ou dans l’affaire, plus récente, de cette famille nantaise disparue, dans le jardin de laquelle au moins un corps démembré a été découvert ce jeudi 21 avril. La première question qui se pose, lorsque l’on retrouve des restes humains est : à qui appartiennent-ils ? Et, tout de suite après, les enquêteurs veulent savoir quand et comment la personne est morte.

Pour le savoir, il faut reconstituer ce que Patricia Cornwell a nommé la séquence des corps, titre de l’un de ses romans : la décomposition d’un cadavre se fait dans un ordre biologique bien précis et prend plus ou moins de temps suivant les conditions dans lesquelles elle se déroule. En découvrant un corps, la police scientifique peut remonter le temps et donner une date voire une heure du décès. Pour y arriver, il a fallu étudier toutes les manières dont un corps mort retourne à la nature. En général, ces travaux de recherche sont effectués sur des cochons, qui sont de bons analogues au corps humain. Mais il existe un endroit unique dans le monde où ces études sont réalisées sur de vrais cadavres humains : l’Anthropological Research Facility (ARF), à Knoxville (Tennessee), plus connue sous le nom de The Body Farm, littéralement “la Ferme des corps”, qui est aussi le titre anglais du livre de Cornwell que j’ai cité plus haut.

En lisant ce roman, j’ai senti que l’endroit dont parlait l’auteur n’était pas un lieu de fiction et j’ai décidé d’y partir en reportage. J’ai donc été le premier journaliste français à mettre les pieds dans ce lieu de science incroyable qu’est la Ferme des corps de l’université du Tennessee, laquelle est avant tout le domaine du chercheur qui l’a créée, le docteur William Bass, Bill pour ses invités. C’était en septembre 2000 et l’article est paru quelques jours après dans Le Monde. Voilà comment il commençait :

« Vous n’avez jamais vu de mort ? Eh bien, dans un instant, vous ne pourrez plus prononcer cette phrase ! » Les cheveux blancs coupés en brosse, jean, polo et tennis comme pour un pique-nique à la campagne, William Bass descend du pick-up climatisé qu’il vient de garer sur le parking étouffant de l’hôpital universitaire de Knoxville. Même en septembre, l’été a de beaux restes au Tennessee, et ce n’est pas la meilleure saison pour franchir la porte que le docteur Bass débarrasse de ses chaînes et cadenas. Un grand papillon jaune folâtre. Le grillage est doublé d’une haute palissade surmontée de rouleaux de fil barbelé.

Trois acres boisées à flanc de colline, surplombant la Tennessee River. La quarantaine de locataires que compte en permanence cet endroit si secret ne se lèvent jamais. A plat ventre, torse nu, la barbe éparse, un homme nous regarde. Arrivé récemment, il se parchemine au soleil. Les autres s’en protègent sous des bâches que le maître des lieux soulève sans répugnance. La cage thoracique de celui-ci (ou peut-être est-ce « celle-là », comment savoir ?) ne soutient plus rien, ne contient plus grand-chose. Chair, muscles et organes ont coulé entre les os, qui barbotent dans une bouillie brunasse. Ici dépasse un pied cramoisi. Là, un squelette blanc, presque poli, touche à la fin du voyage. Ils sont partout. Ailleurs, enfin, ne reste plus qu’un scalp, gisant sur une tache noire en forme de silhouette. Le cadavre a été emporté mais ses fluides ont empoisonné le sol, l’herbe a disparu, les arbustes alentour agonisent d’avoir aspiré la mort par les racines. Bienvenue à la Ferme des corps. « Si vous ne vous sentez pas bien, vous n’avez qu’à marcher un peu », avait conseillé Bill Bass. Marcher, pour aller où ? Ils sont partout, par terre, sous terre, peut-être dans le coffre de la vieille Chevrolet ou de l’Oldsmobile blanches qui rouillent près de l’entrée. Ils sont partout et surtout dans l’air. Car même si l’on réussit à fixer ses yeux sur une zone vierge, on ne peut faire abstraction d’une chose : l’odeur. Une pestilence insoutenable comme celle qui doit régner sur un champ de bataille quelques semaines après les combats. Contrairement aux autres sens, l’odorat n’a pas de transcription directe dans le langage. Il existe autant de référents qu’il y a d’odeurs. Cela fleure bon le jasmin, mais cela ne sent pas rouge, ni grave, ni amer, ni rugueux… Ici, cela sent plus que la charogne, parce que l’on sait qu’il ne s’agit pas d’un simple chien crevé. Une puanteur douceâtre, insidieuse et agressive à la fois, presque insoutenable, qui semble regrouper toutes les odeurs de la vie quotidienne et dont on croit retrouver ensuite un composant dans son eau de toilette, dans le papier d’un livre que l’on feuillette, dans la viande que l’on mange ou dans sa propre sueur.

Bill Bass a créé la première version de l’ARF en 1971 car la littérature scientifique manquait de données pour aider la police scientifique à déterminer la date du décès pour les cadavres en décomposition. Huit ans plus tard, après s’être aperçu qu’il devait multiplier les expériences dans toutes les conditions imaginables, il obtient un grand terrain proche du centre-ville où la véritable aventure scientifique de la Ferme des corps commence, ainsi que je l’écrivais en 2000 :

P OUR analyser les processus post mortem, les facteurs biologiques et environnementaux participant à la décomposition d’un cadavre, plusieurs centaines de corps ont séjourné sur l’ARF. Habillés, nus, enveloppés dans du plastique ou dans un tapis, au soleil, à l’ombre, sous l’eau, sous terre, dans le coffre des deux Américaines blanches, toutes les situations ont été testées et le sont encore. Grâce à ces recherches, la « séquence » des morts est désormais bien établie, explique le docteur Bass : « Cela commence de manière interne. Les enzymes du système digestif commencent par manger les tissus, ce qui engendre la putréfaction. La première chose que vous voyez, c’est la décoloration de la région intestinale. Puis le corps saigne et entame sa décomposition. S’il se trouve à l’air libre, les insectes vont y avoir ac1cès. Ils sont là pour aider à la disparition des tissus morts. Leurs oeufs vont donner naissance à des larves qui mangeront la matière. Au bout de trois semaines, elles seront devenues adultes. C’est pour cela que, en général, si vous découvrez sur un cadavre les cocons vides ayant contenu les pupes de ces mouches, vous pouvez dire qu’il s’est écoulé au moins vingt et un jours depuis la mort. »

Les habitants de la Ferme des corps y séjournent en moyenne une année. Et tels des Attila involontaires, là où ils ont couché, l’herbe ne repousse pas avant deux ans, en raison des acides gras qui l’empoisonnent. Le sol est ainsi analysé de manière à savoir, même en l’absence de cadavre, combien de temps celui-ci y a résidé. Idem pour l’odeur. Directement importés de l’industrie du parfum, des nez artificiels reniflent les arômes pestilentiels et dessinent les courbes de différents marqueurs chimiques au fil du temps. Si l’ordre des événements advenant après la mort ne varie jamais, la vitesse du processus, elle, est sujette à des fluctuations, avant tout en raison de la température. Un corps pourrit moins vite à Chicago qu’à Miami.

William Bass a pris sa retraite en 1998 mais, aux dernières nouvelles, il est toujours actif. Il a raconté ses souvenirs dans un livre co-écrit avec le journaliste Jon Jefferson et intitulé La ferme des corps. Les deux hommes ont poursuivi leur collaboration en publiant plusieurs romans policiers qui parlent beaucoup d’ossements. Après m’avoir montré son “domaine”, Bill Bass m’avait invité à prendre un verre chez lui. J’avais profité de ce moment de détente pour lui demander à quoi il rêvait la nuit. Il m’avait répondu : “C’est curieux, vous êtes le premier à me poser la question. Je ne l’ai jamais dit à personne – y compris à ma troisième épouse, Carol – mais, de temps en temps, je rêve que je tue quelqu’un et que je tente de cacher son cadavre dans la Ferme des corps.”

Pierre Barthélémy

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Le million du Globule

Même en rêve, je n’aurais jamais envisagé que ce blog atteindrait si vite le million de pages lues. C’est pourtant ce qui est arrivé aujourd’hui. Un peu moins de huit mois après son lancement officiel, le 9 août 2010, Globule et télescope a passé ce cap symbolique. Un grand merci donc aux quelque 900 000 visiteurs qui, au total, sont venus me lire. Puisque je suis dans les statistiques, j’ajoute que plus de 150 000 d’entre vous ont fréquenté ce blog au moins deux fois (certains beaucoup plus…). Certains jours, le taux des fidèles qui s’en retournent par chez moi dépasse les 25% et cette fidélité est ma récompense. Je la prends à la fois comme un cadeau et comme un défi, celui de ne pas décevoir les lecteurs qui, dans l’océan immense et mouvementé qu’est Internet, surfent avec assiduité vers mon petit phare. Pour ceux qui aiment les “best-of”, les trois “papiers” qui ont le mieux marché sont, dans l’ordre, le très futile De quel côté embrassez-vous ? (plus de 150000 pages lues !), L’affaire des irradiées du New Jersey et, avec la médaille de bronze, Le plus mystérieux manuscrit du monde.

Ce billet est le 124e et j’ai essayé de diversifier les thématiques le plus possible, même si je suis loin d’avoir abordé tous les pays de ce continent passionnant qu’est la science. Du côté des commentaires, 1 581 sont inscrits au compteur des publiés. Quelques-uns, une minuscule minorité, sont restés sur le carreau, non pas que je me sente une vocation de censeur mais je dois répéter ce que j’ai déjà écrit plusieurs fois, soit à l’occasion de papiers “sensibles”, soit lorsque j’ai émis des remarques qui n’ont pas eu l’heur de plaire, notamment aux climatosceptiques et autres révisionnistes de la science : ce blog est modéré a priori et le restera, même si les commentaires se font toujours plus nombreux et me prennent de plus en plus de temps. La principale raison qui explique ce choix est légale. Je suis co-responsable de ce qui se publie sur ce blog, y compris dans les commentaires dont je ne suis pas l’auteur. Je bannis donc impitoyablement ce qui tombe sous le coup de la loi : insultes, diffamation, allusions racistes, etc. Par ailleurs, je suis ici chez moi et, si j’accepte volontiers le débat contradictoire et la critique, je ne suis pas non plus masochiste et prêt à me laisser cracher au visage par des courageux anonymes, surtout ceux qui pratiquent le mensonge avec la plus éhontée des mauvaises fois… Ils se reconnaîtront.

Un dernier chiffre pour la route. Comme vous pouvez le lire tout en bas de l’article (et en avant-première), en avril, Globule et télescope est deuxième dans le classement Wikio des blogs de sciences, derrière l’excellent blog de mon confrère Sylvestre Huet, de Libération. Autant il est naturel que Sylvestre, qui a commencé à défricher le terrain du blog scientifique il y a plusieurs années, reçoive les dividendes de son labeur, autant je trouve anormal qu’un blog comme le mien, alimenté deux ou trois fois par semaine, soit déjà numéro 2 de sa catégorie quelques mois seulement après son apparition. Ne croyez pas que je boude mon plaisir, mais ce score traduit surtout une chose à mes yeux : que le paysage francophone de l’information et de la vulgarisation scientifiques reste décidément pauvre, surtout si on le compare avec son homologue anglo-saxon.

Je parlais de rêve au début de ce billet. Parfois j’imagine qu’un média généraliste investira ce créneau sur le Web, qu’il comblera enfin la demande dans ce secteur, une demande réelle que j’ai pu mesurer lorsque je travaillais au Monde. J’aime à raconter l’anecdote suivante : c’était le 13 juillet 2006 et, le lendemain, Jacques Chirac allait participer à sa dernière fête nationale en tant que président de la République. Pour mes confrères, il fallait anticiper ce symbole évident, cette annonce de pré-retraite et il a donc été décidé de consacrer une pleine page à cet événement. Dans le même temps, dans la page Sciences et Environnement, il y avait un article sur un tétraplégique qui, à l’aide d’une électrode implantée dans son cerveau, déplaçait un curseur sur un écran par sa seule pensée. Ce n’était pas un scoop mais la simple recension d’une étude publiée dans une revue. Nous avons comptabilisé le nombre de reprises sur Internet des deux articles. Le dernier 14-Juillet de Jacques Chirac, n’en déplaise à ceux qui y voyaient un événement important sur le plan symbolique, n’a été cité qu’une centaine de fois. L’article sur le tétraplégique a dépassé les vingt mille reprises. CQFD, non ? Eh bien, non. On m’a expliqué que cela ne voulait rien dire.

Parfois, donc, je rêve que l’information scientifique est valorisée au même titre que l’information politique, diplomatique, économique ou culturelle. Qu’elle constitue bien, aux yeux des patrons de presse, une grille de lecture du monde dans lequel nous vivons. Qu’elle donne des éléments de compréhension de la société à l’honnête homme du troisième millénaire. Qu’elle l’aide à se positionner sur des débats de société importants comme l’action à entreprendre vis-à-vis du changement climatique, de la perte de biodiversité, de l’impact général de l’homme sur la planète, de l’effet de la mondialisation sur les terres arables, les ressources minérales et les déplacements de population, ou sur des débats plus ciblés comme ceux sur la bioéthique, le nucléaire, les nanotechnologies ou les OGM. Je songe à cela et puis, comme le personnage principal d’Inception incarné par Leonardo DiCaprio, je fais tourner la petite toupie qui est dans ma tête pour vérifier si je suis dans un rêve ou dans la réalité.

Pierre Barthélémy

Classement Wikio des blogs de sciences pour avril 2011 :

1 {sciences²}
2 Globule et télescope
3 Bibliomancienne
4 Technologies du Langage
5 Guy Doyen
6 SCIENCE pour vous et moi
7 En quête de sciences
8 Baptiste Coulmont
9 La Science au XXI Siècle
10 Le blogue de Valérie Borde
11 Une heure de peine…
12 Bibliothèques [reloaded]
13 Planet Techno Science
14 Scriptopolis
15 Pris(m)e de tête
16 Choux romanesco, vache qui rit et intégrales …
17 Knowtex
18 Points de vue sur l’information
19 Science étonnante
20 Polit’bistro : des politiques, du café
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