Pour la satiété, la taille (des portions) ne compte pas

La satisfaction, en matière d’alimentation, comme dans d’autres domaines d’ailleurs, est souvent considérée comme proportionnelle à la quantité de nourriture absorbée. Même si la qualité ne nuit pas, on s’imagine mal repu dès la première bouchée. Et pourtant…

Une étude, publiée dans la revue Food Quality and Preference de janvier 2013,  montre qu’il n’est guère nécessaire de dépasser ce stade, pourvu que l’on soit assez patient. Ellen van Kleef, Mitsuru Shimizu et Brian Wansink de l’université de Cornell ont décidé d’en avoir le coeur net. Armés de chocolat, de tartes aux pommes et de chips, ils ont expérimenté la relation entre la quantité avalée et le sentiment de satiété dans une situation de grignotage considérée comme l’une des plus favorables à la prise de poids.

Deux groupes de volontaires ont été formés.

Le premier a reçu les plus grosses portions: 100 g de chocolat, 200 g de tarte aux pommes et 80 g de chips de pommes de terre. Soit légèrement plus que les portions recommandées. Le second groupe, lui, n’a reçu que, respectivement,  10g, 40g et 10g.

Quand le premier groupe a consommé 1.370 calories, le second a dû se contenter de 195 calories. Chacun a disposé du temps nécessaire pour absorber cette nourriture. Chaque participant a ensuite rempli un questionnaire portant sur l’appréciation de la nourriture et sur le degré de faim estimé avant de la consommer ainsi que 15 minutes après l’avoir absorbée.

Les résultats montrent que petites et grosses portions peuvent apporter des sensations de satiété équivalentes. Ceux qui ont reçu les grosses portions ont consommé 77% de nourriture de plus sans ressentir une satisfaction sensiblement supérieure.

Une leçon intéressante pour ceux qui veulent éviter de prendre du poids sans risquer l’insoutenable frustration. Le secret: la demi-portion! Voire moins… si satiété. Ah la modération! Toujours la modération…

Michel Alberganti

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Les billets neufs se dépensent moins

Le consommateur est, décidément, un être bien plus sensible qu’il n’y paraît. Voilà que deux chercheurs des universités canadiennes de Winnipeg et de Guelph nous révèlent qu’il ne se comporte pas de la même façon suivant que ses billets de banque sont neufs ou usagés. D’après l’article que Fabrizio Di Muro et Theodore Noseworthy (sic) vont publier dans le Journal of Consumer Research de mars 2013, “l’apparence physique de l’argent peut altérer le comportement en matière de dépense”. D’après les chercheurs, les billets usagés donnent au consommateur le sentiment qu’ils sont sales et contaminés. A l’inverse, les billets neufs leur donnent une sensation de fierté…

Pas si interchangeable

Une idée reçue s’écroule. Alors que l’argent est censé n’avoir pas d’odeur et de fournir, par définition, des objets interchangeables, voilà que nous sommes sensibles à son apparence physique. Si nous donnons un billet de 20 $ à quelqu’un, le fait qu’il nous rembourse avec un billet de 20 $ ou un autre ne devrait pas avoir d’importance. C’est la raison pour laquelle les diamants, les maisons ou les tableaux ne peuvent prétendre à servir de monnaie d’échange. Leur valeur est, en effet, rarement identique. En réalité, les chercheurs estiment que l’argent lui-même n’est pas aussi interchangeable qu’il n’y paraît.

Dans plusieurs études, on a donné à des consommateurs des billets neufs ou usagés avant de leur demander d’effectuer différentes tâches en liaison avec le shopping. Résultat, ceux qui ont des billets usagers ont tendance à dépenser plus que ceux qui ont des billets neufs. Ils ont également une préférence pour “casser” un gros billet usagé plutôt que de payer la somme exacte avec des billet neufs de moindre valeur.

L’argent serait un produit en soi

Les chercheurs ont également voulu vérifier la croyance qui veut que l’on dépense plus facilement une somme donnée lorsqu’elle est en petite coupure. Par exemple, 4 billets de 5 dollars comparé à un billet de 20 dollars. Eh bien, là encore, l’apparence physique des billets peut renforcer, réduire ou même inverser cette règle. Fabrizio Di Muro et Theodore Noseworthy en concluent que l’argent est un objet aussi bien social qu’économique. “Nous avons tendance à voir la monnaie comme un moyen de consommation et non comme un produit en elle-même. Mais elle est en fait sujette aux mêmes inférences et influences que les produits qu’elle peut acheter”, affirment-ils.

Moralité, pour faire des économies, rien de tel que de s’approvisionner en billets neufs dans un distributeur. Et de bien faire attention avant de “casser” un gros billet. L’argent sale que nous recevrons en échange ne durera pas longtemps.

Michel Alberganti

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Baclofène : un Mediator à l’envers

Débattre du baclofène n’est pas une sinécure. Même lorsque tout le monde est d’accord sur l’efficacité de ce médicament contre l’alcoolisme. Nous en avons fait l’expérience lors de l’émission Science Publique du vendredi 7 septembre sur France Culture. Parmi les invités, Jean-Yves Nau, bien connu sur Slate.fr où il écrit les articles médicaux dont le dernier sur cette affaire en dénonçait le scandale, nous avait apporté les chiffres inédits établis par la firme Celtipharm, spécialisée dans le recueil et le traitement de l’information sur la commercialisation des médicaments. Révélées sur son blog à l’EHESP, ces données démontrent que le baclofène est largement prescrit en dehors de son indication officielle, c’est à dire le traitement de certaines maladies neurologiques comme la sclérose en plaques. Ainsi, sa consommation aurait augmenté de 30% au cours des 12 derniers mois. Sur les 45 000 patients qui ont pris du baclofène en août 2012, 11 000 l’aurait utilisé pour traiter leur alcoolisme.

Les médecins hors la loi

Le problème : le baclofène n’est pas reconnu par les institutions, l’Assurance maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM, ex Afssaps), pour le traitement de l’alcoolisme. Son autorisation de mise sur le marché (AMM) ne concerne toujours que son indication initiale. Ainsi, en toute rigueur, les médecins qui prescrivent du baclofène contre l’alcoolisme devrait indiquer “hors AMM” sur leur ordonnance ce qui rendrait impossible le remboursement par la sécurité sociale. Beaucoup ne le font pas, ce qui est une faute, afin de ne pas pénaliser leur patient. Un essai en double aveugle est en cours qui pourrait conduire à une révision de l’AMM. En effet, aujourd’hui, l’efficacité du baclofène n’est pas reconnue officiellement. L’information sur ses résultats, si remarquables soient-ils, ne circule que de bouche à oreille et de sites Internet en blogs.

La découverte d’Olivier Ameisen

La situation : le recours au baclofène pour soigner l’alcoolisme a été découvert par un médecin, Olivier Ameisen, qui a fait connaître sa propre expérience de sevrage par ce moyen dans un livre publié en 2008 (Le dernier verre, Denoël). Depuis, Olivier Ameisen mène campagne de façon passionnée pour diffuser cette information et la pratique du sevrage alcoolique à l’aide du baclofène. Le problème réside, de sa part, dans une fougue souvent non maîtrisée et qui a rendu le dialogue difficile pendant l’émission Science Publique. Deux autres participants, Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l’université René Descartes et William Lowenstein, addictologue et directeur général de la clinique Montevideo, ont souvent eu du mal à s’exprimer alors même qu’ils apportaient des témoignages de leurs pratiques médicales allant tout à fait dans le sens de la croisade d’Oliver Ameisen. Ce dernier s’appuie sur le fait que l’alcool provoque, selon lui, 45 000 morts prématurées en France chaque année et qu’il est donc urgent d’agir.

Huit ans après…

Après le scandale du Médiator, nous assistons donc à une affaire similaire mais symétrique. Au lieu de présenter un danger pour les patients, le baclofène pourrait les soigner. Dans les deux cas, toutefois, les institutions restent muettes. Pas plus qu’elles n’ont pris assez tôt (euphémisme) la décision de retirer le Mediator de la vente, elles se révèlent incapables de prendre parti clairement en faveur du baclofène. Olivier Ameisen a publié sa découverte dans un journal international d’alcoologie en 2004 et son livre en 2008. Ainsi, huit ans après la révélation de l’étonnante efficacité du baclofène, personne n’est capable de dire quelle est la dose efficace contre l’acoolisme, ni quel est le taux de patients sur lesquels le traitement est efficace, ni s’il faut prendre ce médicament à vie. Tout repose sur l’empirisme de la pratique médicale.

Le silence des institutions

A une époque où de plus en plus de médicaments sont déremboursés au motif d’une trop faible efficacité découverte des années après leur mise sur le marché, voici donc la situation inverse: un médicament efficace de notoriété publique parmi les médecins mais non remboursé. On en arrive forcément à douter des institutions. D’autant qu’elles ne souhaitent pas s’expliquer. Invitée à Science Publique, l’ANSM n’a pas pu ou voulu y participer. Une attitude qui se répand de plus en plus, peut-être sous l’influence des services de communication. Lorsqu’une situation est embarrassante, les protagonistes s’abstiennent d’en débattre publiquement. C’est pratique. Mais est-ce vraiment démocratique ?

Michel Alberganti

Vous pouvez (ré)écouter l’émission :

France Culture – 07.09.2012 – Science publique :

Alcoolisme: faut-il prescrire du baclofène ?

avec:

Olivier Ameisen,  cardiologue, addictologue, professeur à l’Université de l’Etat de New York
Bernard Granger, professeur de psychiatrie à l’université René Descartes et responsable du service psychiatrie à l’hôpital Tarnier  à Paris
William Lowenstein, addictologue, directeur général de la clinique Montevideo, à Boulogne-Billancourt, spécialisée dans la recherche et le traitement des dépendances,
Jean-Yves Nau, médecin et journaliste à Slate.fr

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Quand on boit de la bière, attention à la forme du verre…

“Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?” assurait Alfred de Musset. En matière de bière, il avait tort. Dans ce domaine, tout dépend… de la forme du verre. C’est, en tous cas, ce qui ressort de la très sérieuse étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’école de psychologie expérimentale de l’université de Bristol dirigée par Angela Attwood. Motivés par la pratique du binge drinking, ou biture express, qui consiste à boire le plus possible d’alcool le plus vite possible et qui est devenue un problème de santé publique en Grande-Bretagne, les scientifiques ont réalisé deux expériences avec le concours de 160 personnes ne buvant qu’en société (social drinkers), âgées de 18 à 40 ans et sans passé alcoolique.

Verre droit ou flûte ?

Dans le premier test, les participants devaient boire de la bière ou une boisson non alcoolisée soit dans un verre de forme droite, soit dans un verre à bord incurvé, de type flûte. Le résultat est, pour le moins, surprenant. En effet, les participants ont bu leur bière près de deux fois plus vite dans le verre flûte que dans le verre droit. Plus étrange encore, ce phénomène ne se produit pas avec une boisson sans alcool…

Ensuite, les participants ont été soumis à un test sur ordinateur. Sur l’écran, leur étaient présentées plusieurs images des deux formes de verre contenant des quantités variées de liquide. Ils devaient alors dire si chacun des verres était rempli à plus ou moins de la moitié de leur contenance. Les chercheurs ont ainsi pu constater que le verre flûte induisait plus d’erreurs que le verre droit. Plus fort encore, le taux d’erreur semble corrélé à la vitesse de boisson. Ceux qui se sont le plus trompés sur l’évaluation du niveau médian de remplissage des verres étaient ceux qui avaient bu leur bière le plus vite…

Excès de vitesse de boisson

Il semble que la vitesse d’absorption d’une boisson alcoolisée influence le degré d’intoxication ressenti. C’est d’ailleurs le principe même du binge drinking. De plus, la vitesse favorise la boisson d’un plus grand nombre de verres pendant une soirée. D’où l’espoir des chercheurs: réduire la vitesse de boisson pourrait avoir un impact positif sur les individus et sur l’ensemble de la population. Il sera néanmoins difficile de trouver un équivalent des radars routiers à installer sur le comptoir des bars pour mesurer les excès de vitesse de boisson…

Carlsberg avait-il deviné ?

Cela n’empêche pas Angela Attwood de garder l’espoir d’avoir fait oeuvre utile en alertant les buveurs sur un danger qu’ils ignoraient: la forme du verre. Son étude, publiée dans la revue PLoS ONE le 31 août 2012, pourrait facilement être prolongée. En effet, il existe autant de verres que de producteurs de bière. Et à chacun sa forme… Celle que les chercheurs de Bristol stigmatisent, la forme en flûte avec coté incurvé, est l’une des plus rares. Elle est néanmoins utilisée par une grande marque, Carlsberg. Même si le verre de la 1664 s’en rapproche. De même que les verres Kwak… En revanche, les fameuses abbayes belges, Leffe et Affligem en tête, sont loin de favoriser les excès de vitesse. Certains brasseurs auraient-il découvert le secret du binge drinking avant Angela Attwood ? Désormais, tout le monde est prévenu. Un verre droit, ça va. Un verre flûte, gare à la chute…

Michel Alberganti

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Moins mentir rend-il moins malade ?

Certaines études, plus que d’autres, donnent le sentiment de trouver ce qu’elles cherchent plutôt que d’apporter une nouvelle connaissance objective. Celle d’Anita Kelly, professeur de psychologie à l’université de Notre-Dame (dans l’Indiana, non loin de Chicago) et son collègue Lijuan Wang, porte tous les stigmates induisant une telle suspicion. Avec le risque, bien entendu, du doute infondé. Enfin, tout de même… Jugez plutôt.

L’étude qui a été présentée lors de la 120ème convention annuelle de l’Association américaine de psychologie (APA), s’intitule “la science de l’honnêteté”. “Nous avons trouvé que les participants ont pu réduire volontairement et considérablement leurs mensonges quotidiens et que cela a été associé avec une amélioration significative de leur santé”, explique Anita Kelly. Pour parvenir à ce troublant résultat, elle a fait appel à 110 personnes dont 35% d’adultes et 65% d’étudiants. Les âges de l’échantillon allaient de 18 à 71 ans avec une moyenne de 31 ans.

11 mensonges par semaine

Environ la moitié des participants ont accepté d’arrêter de dire des mensonges, aussi bien majeurs que mineurs, pendant une période de 10 semaines. L’autre groupe, utilisé comme contrôle, n’a reçu aucune instruction particulière au sujet du mensonge. Les membres de chaque groupe se sont rendus au laboratoire d’Anita Kelly chaque semaine pendant l’expérience pour des tests concernant leur santé et la qualité de leurs relations humaines ainsi que l’épreuve du polygraphe pour évaluer le nombre de mensonges, aussi bien majeurs que pieux, proférés au cours de la semaine écoulée. Anita Kelly note que la moyenne des Américains se situerait autour de 11 mensonges par semaine.

Au cours des 10 semaines, le lien entre la réduction du nombre de mensonges et l’amélioration de la santé s’est révélée plus forte chez les participants du groupe des “non-menteurs”. Par exemple, quand ces derniers disaient 3 pieux mensonges hebdomadaires de moins qu’auparavant, ils ressentaient, en moyenne, 4 problèmes psychologiques de moins, comme la tension ou la mélancolie, et 3 problèmes physiques de moins, comme les maux de gorge ou les maux de tête.

En revanche, lorsque les membres du groupe de contrôle disaient 3 pieux mensonges de moins, ils ne ressentaient que 2 problèmes psychologiques de moins et environ 1 problème physique de moins. Mais les résultats se sont révélés identiques en ce qui concerne les mensonges non pieux.

Le sentiment d’être plus honnête

Anita Kelly note que, en comparaison avec les participants du groupe de contrôle, ceux du groupe faisant des efforts pour moins mentir ont effectivement réussi à dire moins de mensonges aux cours des 10 semaines d’expérience. Vers la cinquième semaine, ils ont commencé à se considérer comme plus honnêtes. Lorsque les participants des deux groupes mentaient moins au cours d’une semaine, ils ressentaient une amélioration significative de leurs problèmes psychologiques et physiques.

Le rôle des interactions sociales

L’étude révèle également un impact positif sur les relations et les interactions sociales qui se révèlent facilitées en l’absence de mensonges. Lijuan Wang, statisticien, note que “l’amélioration des relations a un impact significatif sur l’amélioration de la santé liée à la réduction du nombre de mensonges”.

A la question de savoir s’il est difficile d’arrêter de mentir au cours des interactions quotidiennes, les participants ont répondu avoir réalisé qu’ils étaient capables de simplement dire la vérité sur leurs réalisations plutôt que de les exagérer tandis que d’autres ont déclaré avoir arrêté de donner de fausses excuses à leurs retards ou à leurs échecs. Enfin, Anita Kelly note que certains ont appris à ne pas mentir en répondant à une question délicate par une autre question ayant pour but de distraire l’interlocuteur.

Amen…

Il faut noter que l’université de Notre Dame, classée en 12ème position dans le top 100 des universités américaines par Forbes, a été fondée en 1842 par un prêtre de la congrégation de la Sainte Croix et reste une université catholique. L’étude d’Anita Kelly a été financée par la fondation John Templeton qui distribue environ 60 millions de dollars par an en bourses et financements de programmes de recherche. Cette fondation est souvent critiquée pour son soutien de travaux mêlant science et religion et accusée, malgré ses multiples dénégations, de collaborer au développement de l’Intelligent Design.
L’utilisation du Polygraph comme méthode de détection des mensonges concernant les mensonges peut sembler contestable.

Voici un remarquable court-métrage au sujet de l’utilisation de détecteurs de mensonges lors d’un entretien d’embauche :

L’absence d’un détecteur de mensonges n’est pas une garantie en matière d’entretien d’embauche comme nous le démontrent les incontournables Monty Python (cette vidéo n’a pas grand chose à voir avec le sujet de ce billet mais, bon, ce sont les vacances et l’on peut se permettre quelques libertés, surtout quand elles sont particulièrement drôles et délirantes…).

Michel Alberganti

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Traque des pédophiles sur Facebook

Que les pédophiles soient tentés d’exploiter Facebook pour entrer en relation avec des enfants n’est guère surprenant. On sait que, depuis qu’Internet est utilisé par les plus jeunes, cette pratique existe sur le réseau mondial et que les forces de police spécialisées traquent les suspects en permanence. Mais qu’un site privé comme Facebook, connu pour analyser avec minutie le comportement de ses membres à des fins commerciales, soit également un repère de pédophiles semblait moins probable. D’où la surprise d’une journaliste de la publication en ligne World Net Daily (WND) lorsqu’elle s’est lancée dans une enquête sur le sujet en créant un faux profil sur Facebook. Très vite des pédophiles la contactent, comme elle le raconte dans l’interview vidéo ci-dessus (en anglais) réalisée à la suite de son article publié en mai 2012 sur WND et qui comptabilise plus de 10 000 “likes” des utilisateurs de… Facebook. Echanges de photos explicites, création de groupes d’amis au label sans ambiguïté, propositions de rencontres… Tout y est.

Deux mois plus tard, le 13 juillet 2012, le directeur de la sécurité de Facebook, Joe Sullivan, dans un entretien à Reuteurs repris par ZDNet, explique que “le réseau social a mis en place une méthode de détection automatique des comportements suspects, notamment pédophiles”.  Il s’agit d’un robot qui analyse l’ensemble des conversations sur Facebook et qui signale celles qui sont suspectes. Sur quels critères ? Les relations “lointaines’, indique Joe Sullivan, entre des utilisateurs situés à loin les uns des autres et affichant une grande différence d’âge, mais également le contenu des conversations entre les 900 millions d’utilisateurs de Facebook dans le monde… La tâche est considérable et les garanties quant à l’utilisation de cet espionnage des conversations privées ne sont pas précisées par Joe Sullivan. En effet, si l’on peut se réjouir de la prise de conscience par Facebook, même tardive, du problème de la pédophilie sur son réseau, on peut noter que la solution, comme souvent en matière de surveillance, conduit à espionner tout le monde pour détecter les suspects.

Une autre solution est proposée par l’université Ben Gourion du Negev (BGU) en Israël. Il s’agit d’une approche similaire en matière de détection mais proposée sous la forme d’une application utilisable par les parents d’enfants inscrits sur Facebook. Le Social Privacy Protector, c’est le nom de l’application, promet, en un clic, de prévenir la collecte d’informations personnelles et de protéger les enfants contre les pédophiles. L’application gratuite téléchargeable est décrite dans un article de Phys.org du 6 juillet 2012. Michael Fire, doctorant du département d’ingénierie des systèmes d’information de la BGU, explique que l’algorithme de l’application “détermine scientifiquement qui doit être retiré de la liste des amis”. Sans plus de précisions, là encore, sur les critères utilisés. Il faut dire que la divulgation de ces informations seraient probablement très utile aux pédophiles pour tenter de les contourner.

Ainsi, l’espionnage centralisé ou le filtrage personnel semblent être les deux seuls moyens permettant d’espérer assurer une protection des enfants sur Facebook. Cette réponse technologique à un problème essentiellement humain fait l’impasse, semble-t-il, sur une autre voie. Est-il véritablement impensable d’éduquer les enfants pour qu’ils puissent, d’eux mêmes, détecter les “prédateurs” pédophiles ? Si c’est impossible, est-il raisonnable de laisser ces mêmes enfants voyager librement sur un réseau de 900 millions de personnes, dont 26 millions en France ? Laisserions-nous ces enfants voyager seuls ou se promener au milieu d’une foule d’inconnus sans accompagnement ? La question posée par Facebook rappelle celle des enlèvements d’enfants. Un instant d’inattention peut être fatal. La même prudence et l’exigence d’éducation ne sont-elles pas de mise sur Facebook ?

Michel Alberganti

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Boire du café, bon pour le coeur et la peau, mauvais pour la FIV


Ah! Le café… Sans céder au cliché du petit noir sur le zinc d’un bistrot, il faut bien reconnaître que ce breuvage est un compagnon incontournable, pour beaucoup d’entre nous, des journées de travail tout comme des moments de détente. Wikipédia nous apprend que cette boisson psychoactive, fruit du caféier, ne date pas d’hier. Son introduction en Europe date de 1600 et il séduit tant que le pape Clément VIII le baptise… Aujourd’hui, il est souvent considéré comme un excitant dont on ignore les impacts sur la santé. Depuis des années, les études s’accumulent pour tenter de cerner les multiples effets du café sur l’organisme humain. Au cours des derniers jours, pas moins de trois ont ainsi été publiées dans les revues scientifiques. Ces travaux révèlent deux point positifs et un négatif.

1 – Les risques cardiaques : deux tasses, ça va…

Consommé quotidiennement avec modération, le café pourrait protéger significativement contre les défaillances cardiaques selon l’article publié le 26 juin 2012 dans le journal de l’association américaine du coeur, Circulation Heart Failure. En revanche, une consommation excessive aurait les effets exactement inverses. Attention, l’acception américaine de la modération risque de décevoir vos espoirs… Pour Murray Mittleman, directeur de l’unité de recherche en Épidémiologie cardiovasculaire du centre médical Beth Israel Deaconess de Boston, elle se limite à l’équivalent de deux cafés américains classiques par jour. Dans ce cas, la réduction du risque cardiovasculaire atteindrait les 11%. La frontière de l’excès arrive très vite. “Cinq ou six tasses de café américain par jour n’apportent pas de bénéfices et peuvent même être dangereuses”, indique Murray Mittleman qui souligne la vertu, dans ce cas comme dans tant d’autres, de la mo-dé-ra-tion…

Pour atteindre ce résultat, les chercheurs ont analysé les résultats de 5 études pourtant que 6522 cas de défaillances cardiaques parmi 140 220 personnes (hommes et femmes). Quatre de ces études ont été réalisées en Suède et une en Finlande. L’origine des études complique leur interprétation tant les modes de consommation du café varient en fonction des pays. La consommation modérée dans le Nord de l’Europe correspond à 4 cafés par jour, soit environ 220 g de liquide qui sont l’équivalent de 2 cafés américains servis dans les coffee shops. La consommation excessive commence à 10 cafés au Nord de l’Europe, soit 4 ou 5 cafés américains. Ces doses varient sensiblement d’un établissement à l’autre puisqu’elles peuvent atteindre plus de 500 grammes, soit un demi-litre, par café en Amérique du Nord.

Il n’a pas échappé aux chercheurs que la force du café, au delà de son volume, varie également fortement suivant les pays. En moyenne, elle est plus faible aux Etats-Unis qu’en Europe. Ils n’ont guère pu tenir compte du caractère caféiné ou décaféiné des boissons car les Suédois et les Finlandais semblent adeptes de la caféine. Malgré ces biais multiples, la conclusion de l’étude prend à contre-pied les prescriptions habituelles qui déconseillent la consommation de café aux personnes susceptibles d’avoir des problèmes cardiaques. Ces dernières vont donc pouvoir passer de l’interdiction à la modération. Un indéniable avantage pour celles qui aiment le café. La Fédération américaine du coeur préconise, pour les personnes sensibles, la boisson d’un à deux cafés américains ou autres boissons caféinées par jour.

2 – Le cancer de la peau : le plus serait le mieux…

Pour la peau, le régime est différent. Selon l’étude publiée le 2 juillet 2012 dans le journal américain Cancer Research, plus nous buvons de tasses de café caféiné, plus nous sommes protégés contre les risques de développer un cancer de la peau, un carcinome basocellulaire. Jiali Han, professeur à l’hôpital Brigham and Women à l’école de médecine de Harvard à Boston, reste toutefois aussi prudent qu’ambigu: “Je ne recommanderai pas que vous augmentiez votre consommation de café à partir des seules données de cette étude. Néanmoins, nos résultats  incluent le carcinome basocellulaire à la liste des maladies pour lesquelles le risque décroit avec l’augmentation de la consommation de café. Dans cette liste, on trouve des pathologies telles que le diabète de type 2 et la maladie de Parkinson”.

Le carcinome basocellulaire est le plus fréquent des cancers de la peau au Etats-Unis. Malgré son évolution lente, il provoque une morbidité considérable et met à mal les systèmes de santé. “Etant donné le grand nombre de nouveaux cas, tout changement dans le régime alimentaire quotidien ayant un effet protecteur peut avoir un impact sur la santé publique”, précise Jiali Han.

Avec son équipe, Jiali Han a analysé les données provenant de la surveillance médicale de femmes et d’hommes. Sur les 112 897 personnes suivies, 22 786 ont été victimes d’un carcinome basocellulaire au cours des 20 années de suivi médical. Une corrélation inverse est apparue entre la consommation de café et le risque de développer cette maladie. La même corrélation inverse existe avec la consommation de toutes les boissons caféinées (café, tea, cola et chocolat). En revanche, cette corrélation n’est pas apparue avec la consommation de boissons décaféinées. C’est donc bien la caféine qui apparaît comme le facteur protecteur contre ce type de cancer de la peau. Ce résultat confirme celui d’études réalisées sur des souris qui montrent que la caféine peut bloquer la formation de tumeur de la peau.

Il est notable que l’impact de la caféine sur le carcinome basocellulaire ne se retrouve pas sur les deux autres formes de cancer de la peau: le carcinome spinocellulaire et le mélanome malin, le plus mortel. Sur les 112 897 personnes suivies, ces deux maladies ont affecté, respectivement 1953 et 741 individus. “Il est possible que ces chiffres soient trop faibles pour détecter l’impact de la caféine”, note Jiali Han qui estime qu’il faudra encore 10 années de suivi de la cohorte pour avoir une meilleure appréciation sur ce point.

3 – La fécondation in vitro (FIV) : fort risque au dessus de 5 tasses

La situation se complique encore pour les candidates à la fécondation in vitro. Pour ces femmes, la consommation de 5 tasses ou plus de café par jour pourrait réduire de 50% les chances de succès de leur FIV. L’étude présentée le 3 juillet 2012 par Ulrik Schiøler Kesmodel, de la clinique de la fertilité de l’hôpital universitaire d’Aarhus, au Danemark, à la réunion annuelle de la société européenne pour la reproduction humaine et l’embryologie (ESHRE) qui se tient à Istanbul du 1 au 4 juillet, indique ne pas avoir été surpris que la consommation de café affecte les taux de réussite des FIVs. En revanche, l’importance de cet impact n’était pas attendue. Le lien entre caféine et fertilité avait déjà été étudié mais avec des résultats contradictoires. Certaines indiquaient une augmentation des taux d’avortements spontanés liée à la consommation de café, mais d’autres non.

La dernière étude danoise a porté sur 3959 femmes engagées dans une procédure de fécondation in vitro. Les informations sur la consommation de café ont été recueillies au début du traitement. Les effets statistiques d’autres facteurs comme l’âge, le consommation de tabac ou d’alcool, la cause de l’infertilité, la masse corporelle, la stimulation ovarienne ou le nombre d’embryons fécondés ont été contrôlés. Résultat: une frontière apparaît à 5 tasses de café par jour. Mais, contrairement à l’analyse sur les risques cardiaques, la définition de la tasse ne semble pas précisée dans le résumé de l’étude… Outre un taux de succès réduit de 50%, les chercheurs ont noté une baisse de 40% des chances de naissance d’un bébé viable, bien que la valeur statistique de ce chiffre semble contestable, selon les chercheurs eux-mêmes. Ces derniers estiment que le café a un effet négatif similaire à celui du tabac en matière de FIV.

“Il existe peu de preuves concluantes concernant le café dans la littérature”, note Ulrik Kesmodel. “Aussi, nous ne voulons pas inquiéter outre mesure les parents engagés dans une FIV. Mais il semble raisonnable, d’après nos résultats, que les femmes ne boivent pas plus de 5 tasses de café par jour pendant une FIV.”

Et les expressos ?…

Ces trois études semblent significatives de l’approche actuelle d’une partie de la recherche médicale qui se fonde sur des études statistiques pour tenter de dégager des corrélations entre des causes et des effets. Elles rappellent les suivis de grandes cohortes de patients destinés à détecter les causes du cancer. Cette approche semblent révéler l’incapacité de la médecine actuelle à comprendre les mécanismes à l’oeuvre. Aucune cause biologique n’est évoquée pour expliquer pourquoi le café peut protéger contre les risques cardiaques ou les favoriser, réduire les risques de cancer de la peau ou diviser par deux les chances de succès de la FIV. Pas plus d’informations sur les doses maximales découvertes. Tous ces résultats sont issus de pures observations statistiques. Sans nier leur valeur, qui peut exister, il faut bien admettre, et les chercheurs eux-mêmes le soulignent souvent, qu’elles peuvent être sujettes à caution, tant les facteurs perturbateurs semblent nombreux.

Il est également notable que jamais, dans ces trois études, il n’est fait mention du cas des expressos… Dommage quand on considère la quantité de ce type de café consommée dans le Sud de l’Europe, en particulier. Mais il semble que l’affaire intéresse surtout les pays du Nord et les Etats-Unis, amateurs de cafés américains…

Michel Alberganti

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Un vaccin anti-nicotine prometteur

Pour les souris souffrant d’une dépendance à la nicotine, il va devenir beaucoup plus facile de s’en passer… Pour les hommes, il va falloir attendre un peu mais la piste ouverte par les chercheurs du Weill Cornell Medical College de l’université Cornell à New-York, semble prometteuse. L’idée est simple: pour stopper la dépendance à la nicotine, il suffit de l’empêcher de parvenir au cerveau. L’équipe de Ronald G. Crystal, professeur de médecine génétique, promet même une protection à vie… “Le meilleur moyen de traiter la dépendance chronique à la nicotine des fumeurs est de disposer de patrouilles d’anticorps, style Pac-Man, qui nettoient le sang de la nicotine avant qu’elle ait eu le temps de provoquer le moindre effet biologique”, déclare-t-il au sujet de l’étude dont il est le principal auteur et qui a été publiée dans la revue Science Translational Medicine du 27 juin 2012.

L’échec des vaccins passifs

“Notre vaccin permet au corps de fabriquer ses propres anticorps monoclonaux contre la nicotine et de développer ainsi une immunité qui fonctionne”, explique Ronald Crystal. L’idée est si simple que l’on peut se demander pourquoi les chercheurs n’y ont pas pensé plus tôt. Il suffit en effet de traiter la nicotine comme un virus ou une bactérie infectieuse. Si l’on apprend au système immunitaire à reconnaître cette molécule comme un agresseur, il la détruira. Ainsi, la nicotine ne pourra plus parvenir au cerveau et activer les centres de plaisir qui sont à l’origine de la dépendance. CQFD.

Un vaccin du troisième type

Les essais précédents de vaccin contre la nicotine avaient échoué parce qu’ils apportaient eux-mêmes des anticorps. Leur efficacité était ainsi réduite à une durée de quelques semaines et ils imposaient des injections répétées et coûteuses. De plus, les doses nécessaires étaient variables suivant les patients. Ce type de vaccin est dit passif car il ne fait pas appel au système immunitaire contrairement à ceux, dits actifs, qui eux apportent une faible dose de l’agresseur afin que le système immunitaire apprennent à le reconnaître et à le détruire. Les chercheurs de Cornell ont mis au point un troisième type de vaccin, dit génétique, développé initialement pour traiter certaines maladies des yeux et certains types de tumeurs.

Missile guidé

Pour la nicotine, les scientifiques ont utilisé la séquence génétique d’un anticorps spécialement créé pour attaquer de la nicotine par l’un des co-auteur, Jim D. Janda du Scripps Research Institute, et ils l’ont introduit dans un virus conçu pour être inoffensif. Ils ont également introduit dans ce virus les informations nécessaires pour qu’il se fixe sur les cellules du foie. C’est ainsi que le virus sert de vecteur à la manière d’un missile guidé. Sa charge utile est constituée par la séquence génétique de l’anticorps anti-nicotine. Lorsque la cible est atteinte, la séquence génétique de l’anticorps s’intègre au noyau des cellules du foie. Ainsi reprogrammées, ces dernières se mettent aussitôt à produire en série des molécules d’anticorps anti-nicotine parmi toutes les autres qu’elles fabriquaient auparavant. Le tour est joué.

Forte décontraction

Chez les souris, le vaccin a provoqué la production de taux élevés d’anticorps que les chercheurs ont pu mesurer dans le sang des animaux. Ils ont pu également observer qu’une faible partie de la nicotine injectée dans l’organisme des souris parvenait au cerveau. Il semble que les animaux n’ont pas été affectés par cette double injection et ont poursuivi une activité normale. En revanche, ceux qui n’avaient reçu que l’injection de nicotine ont affiché une attitude de forte décontraction tandis que leur pression sanguine et leur rythme cardiaque baissait, signes révélateurs de l’action de la nicotine sur le cerveau.

De la désintoxication à la prévention

Les chercheurs s’apprêtent maintenant à tester le vaccin sur des rats et des primates avant de passer aux essais sur l’homme. Pour Ronald Crystal, cette solution pourrait aider les personnes qui souhaitent arrêter de fumer à ne pas rechuter car, si elles recommençaient à fumer, elles n’obtiendraient plus le plaisir escompté. Il estime également, étant donné l’absence d’effets nocifs du vaccin, qu’il pourrait être administré à titre préventif, comme les vaccins contre les maladies infectieuses. “Tout comme lorsqu’ils décident de faire vacciner leurs enfants contre les papillomavirus (HPV), les parents pourraient faire appel au vaccin contre la nicotine. Mais il s’agit d’une option théorique pour l’instant”, ajoute avec prudence le chercheur. “Nous devons, bien entendu, évaluer le bénéfice-risque et il faudra des années d’études pour l’établir“.

Une réflexion nécessaire

Les travaux de Ronald Crystal ne peuvent que susciter l’admiration face à l’exploit médical et l’espoir pour ceux qui désirent arrêter de fumer sans y parvenir avec les méthodes actuelles. Ils appellent également quelques remarques. Il est notable que la démarche s’attaque à la nicotine, composant du tabac qui engendre le plaisir de fumer et qui n’est pas à l’origine des maladies provoquées par le tabagisme. Le vaccin a donc l’effet inverse des prises orales de nicotine visant à apporter la satisfaction sans les effets nocifs. La méthode consistant à détruire définitivement une source de plaisir peut également faire débat. Elle s’apparente en effet à une forme de castration… Enfin, il est notable que la puissance de la technique de thérapie génique utilisée, si elle fonctionne sur l’homme, revient à modifier le génome de certains cellules du corps humain. L’action du vecteur virus rappelle la procédure qui a permis de soigner les bébés bulles en France. Il sera sans doute nécessaire de réfléchir à l’extraordinaire potentiel de telles modifications effectuées au plus profond de l’organisme humain. Comme dans d’autres domaines de la médecine, cette réflexion conduira sans doute à tenter d’encadrer ces pratiques afin d’en éviter les dérives. Pour l’heure, réjouissons nous de cette avancée qui laisse poindre la perspective d’une éradication du tabagisme.

Michel Alberganti

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Facebook renforcerait l’estime de soi et MySpace le narcissisme


Le nombre d’utilisateurs actifs de Facebook est passé de 1 million fin 2004 à 900 millions en mars 2012. A la même date, dans le classement des sites les plus visités, Facebook se place en deuxième position derrière Google et devant Youtube. Twitter est huitième, Linkedin douzième. C’est dire l’importance prise par les réseaux sociaux sur Internet. D’où vient un tel succès ? Des chercheurs de l’université de Géorgie, à Athens aux Etats-Unis, se sont penchés sur cette question en essayant de comprendre ce que tant d’internautes “aiment” (like) dans ces réseaux sociaux. La réponse est simple: eux-mêmes…

“En dépit de la dénomination “réseaux sociaux”, la plus grande partie de l’activité des utilisateurs de ces sites est centrée sur eux-mêmes”, note Brittany Gentile, une doctorante qui s’est intéressée à l’impact des réseaux sociaux sur l’estime de soi et le narcissisme dans une étude publiée le 5 juin 2012 dans la revue Computers in Human Behavior. Ainsi, les 526 millions de personnes qui se connectent à Facebook tous les jours pourraient bien rechercher davantage à renforcer leur estime d’eux-mêmes qu’à se faire de nouveaux “amis”. Pour Keith Campbell, professeur de psychologie à l’université de Géorgie et co-auteur de l’article, “il semble que l’utilisation, même pendant un court moment, de ces réseaux sociaux aient un effet sur la façon dont les utilisateurs se voient eux-mêmes. Soit en s’éditant, soit en se construisant. Dans les deux cas, les utilisateurs se sentent mieux avec eux-mêmes mais le premier renvoie au narcissisme et le second à l’estime de soi”.

Pour aboutir à ces conclusions, les chercheurs ont réalisé des expériences avec des étudiants utilisateurs de MySpace (classé 62ème site) et de Facebook. Dans les deux cas, les participants ayant le plus niveau de narcissisme le plus élevé étaient ceux qui déclaraient le plus grand nombre d’amis. Un groupe de 151 étudiants âgés de 18 à 22 ans ont rempli le formulaire d’évaluation du narcissisme qui faisait partie de l’étude. “Le narcissisme est un trait de personnalité stable, indique Brittany Gentile. Pourtant, après 15 minutes passées sur l’édition d’une page de MySpace et sur l’écriture de ce qu’elle signifie, l’auto-évaluation du trait narcissique s’est révélé modifiée. Cela suggère que les sites de networking social peuvent avoir une influence significative sur le développement de la personnalité et de l’identité”.

Des différences entre les pages des deux sites

Plus étonnant encore, les chercheurs ont noté des différences d’impact qui semblent liées, au moins en partie, au format et au type des pages éditées sur les deux sites. Ainsi, MySpace augmenterait le narcissisme alors que Facebook renforcerait l’estime de soi. Brittany Gentile souligne ainsi des différences dans le fonctionnement des deux réseaux sociaux. “Sur MySpace, vous n’interagissez pas vraiment avec les autres et les pages du site ressemblent à des pages personnelles. Ces dernières ont permis à une grand nombre de personnes de devenir célèbres. En revanche, Facebook propose des pages standardisées et le message de l’entreprise est que “le partage rendra le monde meilleur””.

Depuis les années 1980

D’autres études ont constaté une croissance, au fil des dernières générations, à la fois de l’estime de soi et du narcissisme. Les travaux des chercheurs de l’université de Géorgie suggèrent que la popularité croissante des réseaux sociaux peut jouer un rôle dans ces tendances. Néanmoins, les auteurs soulignent que le phénomène est observé depuis les années 1980, bien avant la création de Facebook en 2004. Keith Campbell estime que les réseaux sociaux sont à la fois un produit d’une société de plus en plus absorbée par elle-même, et la cause d’un renforcement des traits de personnalité correspondants. “Dans l’idéal, l’estime de soi nait lorsque l’on a de fortes relations et que l’on atteint des objectifs raisonnables pour l’âge que l’on a. Dans l’idéal, l’estime de soi ne peut pas être atteinte par un raccourci. C’est la conséquence d’une vie réussie, pas quelque chose que l’on peut poursuivre”, note-t-il sagement.

Réseaux égocentriques

Moralité : Les réseaux sociaux semblent avoir plus d’influence sur l’égo de leurs utilisateurs que sur leurs aptitudes relationnelles. Ils conduisent, au mieux, à fabriquer une estime de soi artificielle, plus fondée sur l’apparence que sur la réalité. Au pire, ils développent un fort égo-centrisme en contradiction avec la vocation “sociale” de ces réseaux. Notons, toutefois, que l’architecture du site, tout comme le slogan de l’entreprise qui l’a créé, peuvent influencer fortement ses impacts sur la personnalité des utilisateurs. A choisir, mieux vaut quand même une amélioration de l’estime de soi, même artificielle, qu’une plongée dans le narcissisme exacerbé, non ?

Michel Alberganti

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Parler de soi, c’est bon comme faire l’amour ou manger

Depuis qu’il est facile de s’exprimer grâce à Facebook, Twitter, les blogs et autres moyens électroniques, on peut de demander pourquoi tant de personnes éprouvent le besoin d’utiliser ces outils pour parler d’elles-mêmes. D’où vient ce puissant désir de raconter sa vie, de donner son avis sur tout, de s’exposer au regard de tous ? Comment expliquer le recours permanent au “moi, je…” qui scande également l’expression orale ? Plusieurs études scientifiques se sont penchées sur ces interrogations. Le résultat est concluant: parler de soi excite le système mésolimbique, qui, dans le cerveau, libère de la dopamine.

Shoot de dopamine

Grâce à l’imagerie cérébrale, les chercheurs ont pu mettre en évidence que cette activité actionne le processus de récompense primaire, tout comme le sexe ou la nourriture. On peut noter que ce système mésolimbique est souvent associé aux addictions à différentes drogues. Parler de soi engendre donc rien de moins qu’un shoot de dopamine. De quoi expliquer que certains soient accros. Les autres, sans doute, ignorent encore ce plaisir qui a l’avantage social de ne pouvoir s’exercer en solitaire. Pour parler de soi, il faut l’une, voire les deux oreilles d’un “autre”. Les réseaux sociaux démontrent que cet autre peut être à la fois distant et multiple. Si, dans ce cas, il ne répond pas directement, il doit néanmoins manifester son écoute d’une quelconque manière. D’où les “J’aime” de Facebook ou le nombre de Retweet de Twitter. Les dialogues électroniques se révèlent donc être une succession de discours univoques sur soi adressés à tous. Les réponses sont d’autant plus rares qu’il n’y a pas vraiment de questions…

80% des conversations sur les réseaux sociaux

On comprend mieux pourquoi les êtres humains consacrent de 30 à 40% de leurs conversations quotidiennes à transmettre aux autres des informations sur leurs propres expériences ou leurs relations personnelles. Les études ont montré que ce taux monte à 80% dans les billets de médias sociaux comme Twitter. Il ne s’agit alors, pour l’émetteur, que de relater sa dernière expérience en date. Parfois, souvent, on ne peut plus banale: “Je sors de chez moi”, “J’arrive au bureau”. “Il pleut, je suis trempé”

Dans la dernière étude sur ce phénomène, publiée le 7 mai 2012 dans les Proceedings of the National Academy of Science des Etats-Unis (PNAS), deux chercheurs de l’université d’Harvard, Diana Tamir et Jason Mitchell, ont affiné l’analyse des réactions du cerveau humain dans différentes conditions d’expérience. Ainsi, ils ont découvert une activité supérieure dans le système de récompense chez les participants qui recevaient une petite somme d’argent (2 $). En revanche, les deux groupes (avec ou sans argent à la clé) ont réagi de la même façon lorsque les chercheurs ont comparé l’activité cérébrale des participants exprimant leurs propres opinions ou leurs goûts et lorsqu’ils parlaient des opinions et des goûts des autres. Sans surprise, leur cerveau est nettement plus stimulé dans le premier cas.

Activités du cerveau des participants pendant les tests

Renoncer à de l’argent pour parler de soi

Diana Tamir et Jason Mitchell sont allés encore plus loin. Ils ont mesuré la quantité d’argent à laquelle les participants étaient prêts à renoncer pour avoir le plaisir de révéler des informations sur eux-mêmes. L’étude, semble-t-il, n’est pourtant pas financée par les psychanalystes… Les 37 participants devaient choisir entre trois tâches: parler de leurs opinions et de leurs comportements (“Aimez-vous les sports d’hivers comme le ski?”), juger le comportement d’une autre personne (“Barak Obama aime-t-il faire du ski?”) ou répondre par oui ou par non à un questionnaire factuel (“Léonard de Vinci a peint la Joconde”). A chacun des 195 choix faits par les participants était associée une récompense variable (0.01 $ à 0.04 $), sans qu’il existe de corrélation systématique entre le montant de la récompense et le type de choix. Les chercheurs ont ainsi pu confirmer, une fois de plus, la préférence des participants pour les exercices leur permettant de parler d’eux-mêmes. Lorsque la récompense était équivalente pour les trois types de choix, les participants ont choisi ces tâches dans 66% des cas face aux tâches où ils devaient parler des opinions des autres et dans 69% des cas face aux questions factuelles. Plus probant encore, en moyenne, les participants ont sacrifié 17% de leurs gains en préférant parler d’eux-mêmes face à d’autres choix rapportant plus. “Tout comme des singes prêts à renoncer à leur jus de fruit pour voir le mâle dominant ou des étudiants prêts à donner de l’argent pour voir des personnes séduisantes du sexe opposé, nos participants ont accepté de renoncer à de l’argent pour penser à eux et parler d’eux”, concluent les chercheurs.

Payer pour être lu

Un tel constat pourrait donner des idées à Facebook, entre autres. Si ses utilisateurs sont si accros à la possibilité de parler d’eux, seraient-ils prêts à payer pour cette drogue ? En fait, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook y pense déjà. Comme vous avez pu le lire sur Slate.fr, le site néo-zélandais Stuff a révélé une première tentative. Un test propose une nouvelle fonction, Highlight, qui, pour 2 $ permet  à un billet d’être davantage vu par les “amis”. Même si Facebook s’en défend pour l’instant, la tentation de faire payer le shoot d'”égo-dopamine” risque d’être très forte à l’avenir.

Michel Alberganti

 

 

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