Une micro batterie sous le crâne alimentée par le cerveau

L’un des derniers freins au développement de l’homme bionique réside, à l’évidence, dans l’épineuse question de l’alimentation électrique des implants électroniques, en particulier lorsqu’ils sont situés dans le cerveau. Rien n’est plus disgracieux que des fils sortant du crâne ou des boitiers sans fil glissés sous le cuir chevelu. Au delà de l’aspect esthétique, qui a son importance lorsqu’on imagine un être humain augmenté, ces solutions requièrent un changement régulier des piles qui gâche un peu le rêve de tout Bioman qui se respecte. D’où l’intérêt des travaux d’une équipe du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Cambridge qui font l’objet d’une publication dans la revue PLoS one le 12 juin 2012.

Carburant: le glucose du liquide cérébro-spinal

Rahul Sarpeshkar, informaticien, et ses collègues du MIT et de la Harvard Medical School, annoncent avoir conçu une technologie qui permet de collecter de l’énergie électrique directement dans le cerveau. Il ne s’agit de rien de moins que d’une pile à combustible utilisant comme carburant le glucose du liquide cérébro-spinal. La pile fonctionne en retirant des électrons du glucose, c’est à dire en les oxydant. Cela marche dans une solution saline simulant le liquide cérébro-spinal. Ne nous emballons donc pas… Les scientifiques ignorent, pour l’heure, l’impact de cette puce sur le cerveau lui-même.

Une puce électronique minuscule dans la tête

Car, en fait, il s’agit bien d’une batterie sur puce. De 1 à 2 millimètres carrés, le composant oxyde le glucose avec son anode en platine et convertit l’oxygène en eau à la surface d’un réseau de nanotubes de carbone intégré à la cathode. Les électrons arrachés au glucose fournissent de l’électricité. L’intérêt du système est qu’il peut fonctionner, en théorie, indéfiniment. Du moins, tant qu’il y a du glucose dans le liquide cérébro-spinal. La première crainte qui vient à l’esprit concerne les effets d’une telle exploitation d’un liquide du cerveau… sur le cerveau lui-même.

Pas de perturbation du cerveau

D’après leurs calculs, les chercheurs estiment que la pile consommerait entre 2,8% et 28% du glucose qui est réapprovisionné en permanence. En effet, le cerveau produit de 500 à 1200 millilitres de liquide cérébro-spinal par jour. Soit un renouvellement complet des 150 millilitres qu’il contient toutes les 6 heures. Nous voici donc avec une production permanente du carburant de notre pile à combustible. Les scientifiques ont étalement analysé la consommation d’oxygène de la pile et ils estiment qu’elle ne devrait pas déstabiliser les niveaux nécessaires au cerveau. Mais rien ne vaut un essai sur un vrai cerveau…

Des fractions de microwatts

Pas question, si l’absence d’effets nocifs est confirmée, d’allumer une lampe frontale ou d’alimenter des lunettes de réalité augmentée. Encore moins de se projeter dans un monde virtuel à la Matrix… L’électricité produite ne dépasse pas les micro-watts (3,4 microwatts par centimètre carré en moyenne avec des pointes possibles à 180 microwatts par centimètre carré). Etant donné la taille réduite de la puce, elle ne produira que des fractions de microwatts. Mais cela pourrait être suffisant pour alimenter des implants permettant, par exemple, à des personnes paralysées de commander des systèmes leur permettant de réactiver la mobilité de leurs membres ou des équipements externes. On se souvient des expériences spectaculaires de contrôle d’un bras robotique par la pensée.

Michel Alberganti

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