Gagner plus ne fait pas toujours plaisir… aux névrosés

Voilà qui devrait ravir certains employeurs ! En effet, certains employés vivraient mal une augmentation de salaire… Telle est la conclusion d’un docteur en économie de l’université de  Warwick, Eugenio Proto, dans un article de travail publié en mai. Avec Aldo Rustichini, de l’université du Minnesota, il s’est penché sur la façon dont certains traits de personnalité peuvent affecter notre évaluation de l’impact de notre niveau de revenu sur notre degré de satisfaction dans la vie. Autrement dit, l’argent fait-il le bonheur ? Les deux chercheurs ont revisité cette antique question pour aboutir à une réponse nuancée. En fait, l’argent peut apporter des satisfactions… si l’on n’est pas névrosés. Dans le cas contraire, cela se complique. En effet, les névrosés peuvent considérer une augmentation de salaire ou de revenus comme un échec. Le phénomène se produit si l’augmentation est inférieure à ce qu’ils attendaient.

Mesure de la réussite

De fait, la névrose peut conduire à ressentir des états émotionnels négatifs. Les personnes très névrosées sont ainsi plus sensibles à la colère, l’hostilité ou la dépression. Ainsi, ce sont celles qui ont de hauts salaires et un haut niveau de névrose qui peuvent ressentir une augmentation comme un échec. “Ces personnes interprètent l’augmentation comme une mesure du succès. Si leur salaire est bas, une augmentation les satisfait parce qu’elle la considère comme une récompense. En revanche, si leur salaire est déjà élevé, ils peuvent considérer que l’augmentation n’est pas suffisante. Ils la ressentent alors comme un échec partiel et cela réduit leur degré de satisfaction”, explique Eugenio Proto. Pour lui, ce résultat démontre que nous considérons plus l’argent comme une façon de mesurer notre réussite que comme un moyen de vivre avec plus de confort.

Seuil d’insatisfaction

On peut toutefois noter la différence de réaction entre ceux qui gagnent peu et ceux qui gagnent beaucoup. Il semble que l’insatisfaction n’apparaissent qu’à partir d’un certain niveau, non précisé, de revenus. Il se produirait ainsi un basculement de la signification de l’augmentation de salaire: récompense lorsque le salaire est bas, mesure du succès lorsque le salaire est élevé. On peut imaginer que ce seuil est franchi lorsque le niveau de salaire est déjà suffisant pour assurer le degré de confort souhaité par la personne. Au delà, la satisfaction due à l’augmentation n’est plus assurée par le gain de confort puisque ce dernier n’est plus ressenti comme nécessaire. C’est alors la mesure du succès qui prend le relai. Et, bien entendu, cette évaluation est forcément très subjective. Mais il ne faut pas oublier qu’Eugenio Proto établit d’emblée une relation entre de telles réactions et la névrose…

Moralité

Les employeurs ont tout intérêt à plutôt augmenter les bas salaires. Et à éviter les petites augmentations des hauts salaires. Mais il leur faut, avant tout, identifier les salariés névrosés afin de pouvoir appliquer au mieux ces règles. Sauf à penser qu’ils le sont tous. Ce qui, dans certaines entreprises, a des chances d’être vrai…

Michel Alberganti

 

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