Réapprendre à marcher après une paralysie des jambes

Cette vidéo montre comment les chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ont réussi à restaurer la marche chez des rats dont la moelle épinière avait subi une lésion provoquant la paralysie des membres inférieurs (paraplégie). Publiée dans la revue Science du 1er juin, l’étude menée par le Français Grégoire Courtine montre les résultats spectaculaires obtenus grâce à une injection d’un cocktail de produits chimiques et à la stimulation électrique de la moelle épinière lésée. Cinq années de travail ont été nécessaires pour aboutir à cette restauration des facultés motrices des membres inférieurs. Il s’agit d’une démonstration spectaculaire de la plasticité du système nerveux. «Grâce aux effets combinés des stimulations et d’un entraînement avec un dispositif de soutien vertical, nos rats retrouvent la marche volontaire en quelques semaines. Ils peuvent rapidement se mettre à courir, à monter des marches ou à éviter des obstacles», explique Grégoire Courtine dans un article publié sur le site de l’EPFL.

Stimulation électrochimique

Le traitement commence par l’injection dans la partie de la moelle épinière située en dessous de la lésion d’un cocktail chimique qui stimule les neurones coordonnant les mouvements de la marche. Dix minutes plus tard, les scientifiques appliquent une stimulation électrique de la même région de la moelle épinière. En 2009, des travaux précédents de Gérard Courtine, mais également de Reggie Edgerton, professeur à l’université de Californie Los Angeles (UCLA), avaient montré qu’il est possible de restaurer les mouvements des membres paralysés par des stimulations électrochimiques. Mais cette marche n’était alors pas commandée par le cerveau. Le plus important restait donc à faire: reconnecter les neurones situés sous la lésion avec ceux du cerveau. C’est l’exploit réalisé par l’équipe de Gérard Courtine.

Marche volontaire rétablie

Les scientifiques sont partis du constat que la moelle épinière semblait capable de commander les mouvements des pattes inférieures de façon autonome. C’est à dire sans ordres provenant du cerveau. Cela laissait poindre l’espoir que de très faibles signaux pourraient être suffisants pour rétablir un contrôle volontaire de la marche. Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont remplacé le tapis roulant sous les pattes du rats par un robot qui n’apporte plus qu’un simple maintien de l’équilibre. Un carré de chocolat est alors suffisant pour motiver l’animal. Au bout de quelques temps, avec le maintien de la stimulation électrochimique, la marche volontaire s’est rétablie.

Les fibres nerveuses contournent la lésion

C’est alors que le plus extraordinaire phénomène se produit: des fibres nerveuses ne mettent à repousser pour contourner la lésion ! “Nos rats sont devenus des athlètes, alors même qu’ils étaient complètement paralysés quelques semaines auparavant. Je parle d’une récupération à 100% des capacités de mouvements volontaires», déclare Gérard Courtine. On imagine facilement les espoirs qu’une telle expérience peut susciter pour l’homme. Les essais de phase 2 sur l”être humain devraient commencer d’ici deux ans. Entre temps, les chercheurs de l’EPFL vont coordonner le projet NeuWalk, doté de 9 millions d’euros.

Un espoir immense

Ces travaux apparaissent très prometteurs. Ils confirment les découvertes multiples des scientifiques sur les extraordinaires capacités plastiques du cerveau et du système nerveux. Il n’est donc plus impossible d’imaginer que des personnes paralysées puissent retrouver le contrôle de la motricité de leurs membres. Nul doute que les chercheurs vont susciter de très nombreuses attentes. Il leur reste à confirmer leurs promesses chez l’homme.

Michel Alberganti

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