Par E.C
Avec Effets Secondaires, Steven Soderbergh fait un premier bel adieu au cinéma. On annonce son « Liberace » (Behind the Candelabra) tourné au départ pour la chaîne HBO dans la sélection cannoise 2013… On attendra donc encore un peu, histoire de voir ce biopic autour d’un personnage flamboyant de la télévision américaine, pour faire le bilan d’une œuvre riche de films aussi différents que séduisants. Reste que ce Soderbergh-ci – un thriller magistral – est l’avant-dernier et mérite d’autant plus qu’on s’y arrête. Emily (Rooney Mara) lutte contre la dépression alors que son mari (Channing Tatum) sort tout juste de prison. Après une tentative de suicide, elle rencontre un psychiatre (Jude Law) qui la met sous antidépresseurs, lesquels ont des effets secondaires inattendus et effrayants… L’intérêt du film ne tient pas tellement au scénario, assez basique dans ses retournements incessants, mais bien à la mise en scène. Le film commence par un superbe hommage à Psychose, et par la suite le film d’Hitchcock apparaît comme la matrice de l’histoire. Comme chez Hitchcock en effet, les femmes ont plusieurs visages, les hommes ordinaires se retrouvent pris dans un cercle infernal, et doivent user de toute leur intelligence et leurs ressources pour s’en sortir. Bref, rien n’est comme il y paraît.
Le grand plaisir d’Effets Secondaires réside dans son casting impeccable (si l’on oublie l’interprétation botoxée de Catherine Zeta-Jones) : Jude Law est toujours meilleur quand il ne doit pas jouer les jolis cœurs, et Vinessa Shaw (l’autre femme du Two Lovers de James Gray) est une présence toujours appréciable. Tous sont pourtant éclipsés, écrasés même par la géniale Rooney Mara. On se souvient des premières minutes de The Social Network où la jeune actrice interprétait la petite amie de Mark Zuckerberg. La scène avait un impact considérable sur tout le film, et la découverte de Fincher trouva ensuite dans Millenium un rôle d’exception, celui de Lisbeth Salander, cachée derrière ses piercings et ses sourcils rasés.
Tout le génie de Soderbergh est là : contrairement à Fincher, il ne dissimule pas son actrice derrière des artifices. Bien au contraire : il expose son visage à la lumière, la filme en gros plan comme pour tenter de percer le mystère de ce visage étrange, indéchiffrable. La peau diaphane, de grands yeux bleus, le teint délicat : le visage est celui d’un ange. Au début du film, Rooney Mara est une femme en proie à une dépression terrible, désarmée face aux démons qui l’envahissent. Sereine un instant, le visage est défiguré par les larmes, défiguré par l’angoisse, et cette déconstruction ne dure que quelques secondes. Dans la deuxième partie, en revanche, la jeune fille se fait séductrice, puis féroce et glaciale. C’est le talent des grandes actrices de l’âge d’or hollywoodien qu’on retrouve dans ce visage étonnant : celui des Vivien Leigh, ou des Elizabeth Taylor, de ces femmes qui pouvaient tout jouer, dont l’intelligence et l’instinct de jeu atteignaient les sommets. On pense aussi à Jean Simmons dans Un si doux visage de Preminger… Voilà bien le vrai sujet d’Effets Secondaires : le visage, ou plutôt les visages, d’une actrice hors du commun. Car ce visage fascine, on pourrait le regarder des heures tant chaque expression est embuée de mystère.
Aujourd’hui icône de mode, sujet photographique passionnant pour les magazines (voir les photos splendides du magazine Interview), Rooney Mara n’a pas fini de nous étonner. Elle a déjà fait grand bruit au festival de Sundance, où elle a présenté Ain’t Them Bodies Saints avec Casey Alffleck. Elle sera aussi en tête d’affiche du prochain Terrence Malick aux côtés de Ryan Gosling et Michael Fassbender. On l’attend bien sûr dans la suite de Millenium, pour lequel on espère la voir refaire équipe avec David Fincher. Préparez-vous donc, l’addiction Rooney Mara ne fait que commencer !
Viddy Well !
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