Par E.C
Oubliez vite Scarlett Johansson et Jessica Biel, James D’Arcy et Josh Yeo, les quatre acteurs interprétant les personnages principaux de Psychose dans le médiocre Hitchcock de Sasha Gervasi. Ces interprétations seront vite oubliées lorsque celles des vraies stars de Psychose font à jamais partie de l’Histoire du cinéma. Voici donc quatre portraits des acteurs légendaires qui ont fait de Psychose (1960) le chef-d’œuvre que l’on sait.
JANET LEIGH est Marion Crane
Celle qui fut l’épouse de Tony Curtis est, à tort, aujourd’hui un peu oubliée. Et pourtant, en 1960, lorsque Psychose sort dans les salles, Janet Leigh est une star. Quel choc donc pour les spectateurs de l’époque que de voir la tête d’affiche du film se faire massacrer au bout de 45 minutes de film ! Ce retournement est resté, comme chacun sait, dans l’histoire du cinéma comme une énième marque du génie d’Hitchcock. Et imprima le nom de Janet Leigh dans la mémoire collective.
Le visage doux et romantique de la jeune actrice la fit débuter dans des rôles apparemment peu intéressants. Mais le caractère bien trempé de la jeune femme et son intelligence lui permirent de s’affirmer, de donner du relief à des personnages communs. Voyez-la donc interpréter Meg, l’aînée des Quatre filles du Docteur March (1949), aux côtés d’Elizabeth Taylor. Rôle vaguement ennuyeux et fade que Miss Leigh s’empresse de pimenter avec ses moues boudeuses et sa vivacité. Même lorsqu’elle joue des rôles de princesses délicates, elle se démarque des autres starlettes, masquant derrière son air ingénu des qualités manipulatrices dans le fabuleux Scaramouche (qui fera d’elle une star en 1952) ou dans Les Vikings (1958), aux côtés de son mari de l’époque Tony Curtis.
Admirez aussi l’énergie qu’elle dégage dans des comédies musicales comme dans Ma sœur est du tonnerre (1955). Mais Janet Leigh c’est aussi de grands rôles tragiques, comme dans L’Appât d’Anthony Mann (1953), où elle partage l’affiche avec James Stewart ou La Soif du mal d’Orson Welles (1958), aux côtés de Charlton Heston. En 1960, elle devient une blonde hitchcockienne de plus, mais restera comme la seule à connaître un sort aussi tragique.
ANTHONY PERKINS est Norman Bates
Le problème d’Anthony Perkins est d’être resté à jamais dans l’esprit du grand public comme Norman Bates. Ses qualités extraordinaires auraient pu le mener à faire une grande carrière si Norman Bates n’avait été LE rôle de sa vie. Hanté à jamais par ce schizophrène, tueur de jolies femmes, ayant pour seule compagnie la momie de sa maman, Perkins se perdit dans les suites de Psychose (II, III, IV). Et pourtant, rien ne semblait le destiner à jouer un aussi vilain bonhomme. Car c’est en jeune premier que Perkins débute avec son physique romantique et féminin, comme dans Vertes demeures (1959), aux côtés d’Audrey Hepburn. Là où son corps fin et élancé lui donnait une allure de prince charmant en 1959, ce même corps lui donne un air inquiétant l’année d’après. Quels frissons lors de son monologue intérieur, avec ce sourire figé, la voix transformée en celle de sa mère, dans la dernière scène de Psychose !
Perkins fit bien un autre chef d’œuvre après le film d’Hitchcock, lorsqu’il tourna Le Procès d’Orson Welles (1962). Là aussi, Welles utilise le corps anguleux et torturé de l’acteur pour en faire Joseph K., coupable idéal d’on ne sait quel crime dans cette adaptation magistrale du roman de Franz Kafka. Accompagné d’une ribambelle de grandes actrices (Jeanne Moreau, Romy Schneider, Elsa Martinelli, Suzanne Flon), Anthony Perkins livre une interprétation grandiose. Comme dans Psychose, la fin du Procès vous laissera scotché à votre siège, terrifié par tant de grandeur et de force venant d’une personne à l’aspect si fragile.
VERA MILES est Lila Crane
Sans doute la moins attrayante des quatre stars du film, Vera Miles était pourtant une des petites favorites du grand Hitchcock. Elle tourna avec lui dans Le Faux coupable en 1956, et Hitchcock la voulait pour Sueurs Froides (1958), mais l’actrice, enceinte, ne put tenir (fort heureusement) le rôle. Car Vera Miles ne possédait pas, semble-t-il, le talent ou les atouts nécessaires pour devenir une grande star. Même dans Psychose, elle est cantonnée au rôle un peu ingrat de la sœur de Marion.
Techniquement, c’est elle qui devient l’héroïne du film dans la deuxième partie, car c’est elle qui cherche à découvrir la vérité. Et pourtant, le spectateur restera plus attaché à Norman Bates… Elle sera d’ailleurs souvent cantonnée à des seconds rôles dans des grands westerns, comme dans La Prisonnière du désert (1956), ou L’Homme qui tua Liberty Valance (1962). À l’instar de son rôle dans Psychose, l’actrice resta à jamais dans l’ombre des autres, personnage important mais second, jamais au premier plan. Faites-y pourtant attention, car les seconds rôles sont souvent bien plus difficiles à tenir que les premiers !
JOHN GAVIN est Sam Loomis
Alfred Hitchcock le surnommait « The Stiff » (« le raide »), c’est dire si le réalisateur avait peu d’estime pour son acteur. Il faut dire que le rôle de Sam Loomis, amant de Marion Crane dans Psychose, ne fait pas éclater son talent. Face à Norman Bates, Sam Loomis ne doit être rien d’autre qu’une incarnation de la virilité pure. D’ailleurs, personne ne prête vraiment attention à l’acteur puisque tous les feux sont braqués sur Anthony Perkins.
C’est avec un autre génie, celui du mélodrame, que John Gavin va faire ses preuves. En 1958, quelques années avant Psychose, Gavin tourne dans ce qui sera le plus beau film de Douglas Sirk : Le temps d’aimer et le temps de mourir (1958). Plein de charme, John Gavin y fait preuve d’une sensibilité de jeu étonnante, et forme un couple romantique à souhait avec la jeune Liselotte Pulver. L’année suivante, il tourne à nouveau avec Sirk dans le très beau Mirage de la vie (1959). En 1960, il tourne Spartacus sous la direction de Stanley Kubrick, pour qui il interprète Jules César. En quelques années, John Gavin tourna donc avec les plus grands du cinéma ! Ami de Ronald Reagan, celui-ci le nommera ambassadeur à Mexico en 1981.
Inutile de se déplacer pour voir un faux making-of de Psychose à la piètre mise en scène. Mieux vaut voir et revoir Psychose, afin d’en admirer toutes les subtilités, et de profiter de ces quatre grands acteurs du cinéma !
Viddy Well !
Laissez un commentaire