The Deep Blue Sea, le dernier chef d’oeuvre de Terence Davies, ne connait aucun succès public. Dépêchez-vous !
On se demande bien ce qu’il faut qu’il fasse, Terence Davies, pour devenir connu du grand public. Sorti depuis une quinzaine de jours, The Deep Blue Sea ne se trouve déjà quasiment plus sur les écrans. Et pourtant, le cinéaste anglais signe là un chef d’œuvre.
Portrait d’une femme au bord du gouffre, le film retrace l’histoire de Hester, de son mariage convenu et ennuyeux, dont elle s’extirpe pour vivre une passion folle et destructrice. Mélodrame qui se différencie du genre par la posture adoptée par Davies. Sa réalisation, son approche de l’émotion cinématographique s’apparente à la peinture. On sait d’ailleurs l’influence qu’a Vermeer sur le cinéaste (observez la lumière utilisée dans le film, la filiation est assez frappante). En effet, c’est en peintre que Davies met en scène les préparatifs au suicide de son héroïne. Entre deux images furtives ( Hester allumant le gaz, étalant une couverture au sol…), le noir envahit l’écran. Peintre encore lorsqu’il encadre son héroïne dans divers cadres : celui de la fenêtre, du miroir… Davies refuse constamment le pathos à portée de main en gardant l’émotion à distance. Je veux dire par là que, contrairement à Douglas Sirk par exemple, Davies choisit de ne pas traiter le drame de plein front. L’émotion et les larmes ne viendront pas assagir le spectateur. Le cinéaste contourne cette violence là. Minimaliste en tous points, Davies montre une douceur profonde et manie son art avec une délicatesse peu commune. L’émotion va donc s’insinuer lentement mais sûrement au plus profond du spectateur.
Si l’émotion est si puissante c’est que Davies se montre d’une générosité peu commune envers ses personnages. Hester d’abord, cette femme à la beauté classique, qui s’offre sans compter à l’homme qu’elle aime. Freddie, qui malgré l’antipathie qu’il fait naître face à son égoïsme, suscite également la compassion lorsqu’on le découvre complexé par une éducation lacunaire, et hanté par une guerre qui avait donné un sens à sa vie. Mais l’homme qui illumine ce trio amoureux – et là se trouve le génie de Davies – c’est William, le mari délaissé. Toujours soucieux de ne point contrarier sa mère à son âge, ce juge de la haute société n’a rien en apparence pour séduire. Plus âgé, bien enrobé, installé dans une existence convenable, il ne peut guère lutter contre les multiples attraits physiques de son rival. Mais au fil de l’histoire, William va se révéler un mari bien plus aimant qu’on aurait pu le soupçonner. Ses regards désespérés suffisent à faire comprendre que son amour et au moins aussi grand – si ce n’est plus – que celui que Hester porte à son amant.
The Deep Blue Sea s’ajoute à la longue liste de films qui traitent de l’amour et du désir. Comme le montrait à sa manière Terrence Malick dans Le Nouveau Monde dans une sublime scène entre Q’orianka Kilcher et Christian Bale, Davies explique également le dilemme de son héroïne en une scène. Alors que Mrs Elton soigne son mari malade, elle explique à sa locataire, Hester, que le véritable amour permet avant tout aux gens de garder leur dignité. Et surtout, que personne ne vaut que l’on se tue pour eux. Mais le feu brûle trop fort et l’amour entre Hester et Freddie n’est plus que larmes et cris. Mais pour Hester, Freddie c’est La vie.
La structure en flashback, étonnante de légèreté, offre le plus beau moment du film. Au bord du gouffre, Hester se souvient des moments de bonheur qu’elle a connus avec Freddie. Un instant plein d’innocence à chanter avec la classe ouvrière anglaise « You Belong To Me ». Hester y dévore son amant du regard, et au chant du peuple vient se superposer la voix de Jo Stafford. Ce glissement musical s’accompagne d’un glissement visuel puisque de la table du café l’on passe au deux amants, désormais seuls, dansant au rythme de la chanson : « I’ll be so alone without you. Maybe you’ll be lonesome too and blue ».
Eh bien Monsieur Davies, je me permets de vous adresser cette prière. Même si la reconnaissance du public n’est pas à la taille de votre talent, sachez que nous sommes nombreux à vous aimer d’un amour passionné et véritable et que sans vous nous nous sentirions bien seuls, perdus dans la mer bleue et profonde.
Viddy Well.
E.C
Je suis en tout point d’accord avec toi : visuellement, ce film est beau; le personnage du mari attachant, celui de Weisz fragile et bien interprété.
Malheureusement pour moi ce film était aussi absolument chiant! J’étais vraiment étonnée par la banalité affligeante et le vide intersidéral exprimé par les dialogues, qui gâchaient tout sentiment honnête qui aurait pu être exprimé par un regard expressif. Et puis le récit en lui-même me semblait comme un déjà-vu raté de films sur l’infidélité, l’amour douloureux et les relations impossibles.
Au final, le personnage de Hester finit par agacer. Combien de fois faut-il qu’on lui dise qu’il ne s’agit pas d’un amour partagé pour qu’elle comprenne ? La seule façon de considérer de façon vraisemblable le personnage serait de la croire un tantinet folle, car je ne vois qu’une gamine de 13 ans pour se comporter de la sorte. On finit vraiment par souhaiter qu’elle ne se rate pas, lors de sa deuxième tentative.
Un film n’est pas qu’une succession de beaux plans, sinon autant faire de la photo ou des tableaux. Celui-ci, en tant que film donc, n’avait absolument rien de neuf ou de différent à offrir au public.
Je fus donc horriblement déçue.