On est bientôt sur les Champs. Samedi soir, Qatar Airways ramène tout ce beau monde à Paris, nuit en boîte et avion le lundi pour de nouvelles courses, avec forcément moins de pression.
D’ici là, il y a une course à gagner. Et si les Pyrénées nous avaient donnés l’impression qu’elle n’intéressait pas grand monde, la petite montée du col de Manse mardi, sur une pente de moins de 6% peu propices aux attaques, a subitement éclairé la course d’attente de Luz Ardiden et du plateau de Beille : les frères Schleck étaient conscients de leurs limites, Evans n’avait aucun intérêt à bouger et Contador se remettait d’une blessure au genou droit.
Il n’y avait donc que l’Espagnol pour tirer le Tour de ce mauvais pas de sénateur et visiblement, ça lui chatouille les jambes, puisqu’il a attaqué sur des pentes faiblardes, dont il dit souvent, à juste titre, qu’elles ne lui permettent pas de faire parler son explosivité. On ne dira jamais assez que Contador est un vrai coursier, comme on dit, et ce indépendament de ses problèmes de carnivore. Contador est présent toute l’année, n’a pas de point faible, et a la réputation d’être un grand professionnel.
Avec Contador de retour à son niveau – reste à voir si c’est le très bon Contador du Tour 2010 ou Giro 2011 ou le Contador exceptionnel du Tour 2009 -, la course a commencé. Contador étant triple vainqueur – en sursis -, invaincu sur ses six derniers Grands Tours, elle est forcément calquée sur lui. Et si Cadel Evans a toujours été le mieux placé pour remporter le Tour, depuis la toute première étape, c’est bien Contador que les Schleck ont toujours observé durant les ascensions.
Trois questions se posent avant la traversée des Alpes :
Thomas Voeckler a développé dans les Pyrénées une puissance étalon autour de 400 watts, ce qui semble dans ses possibilités depuis l’an dernier. Mais il n’a jamais eu à répéter ce genre de performances durant plusieurs jours d’affilée. De plus, les cols des Alpes, plus pentus que dans les Pyrénées, correspondent moins en théorie à son style de grimpette.
Il porte le maillot jaune depuis dix jours, ce qui implique qu’il a forcément moins bien récupéré que les autres premiers du classement général. Après chaque étape, le maillot jaune passe au contrôle antidopage et enchaîne mondanités, interviews et conférence de presse obligatoires. Il arrive forcément plus tard au massage, et le retard de récupération s’accumule. Son erreur dans la descente vers Pinerolo, lui qui est un bon descendeur, est un premier signe de sa fatigue.
Enfin, Voeckler semble vouloir se convaincre qu’il ne peut pas gagner le Tour, là où son attitude en course semble le situer au niveau des autres dans les cols. Mardi à Gap, c’est presque soulagé qu’il expliquait avoir « affiché ses limites ». On ne gagne pas une course en étant persuadé qu’on a rien à faire là. Mais le garçon est malin et connaît parfaitement son corps. Un podium reste largement posssible, la victoire à Paris ne peut être exclue.
Contador a deux minutes de retard sur Cadel Evans. Il doit reprendre au moins une minute d’ici le contre-la-montre. Vu le profil de l’étape de l’Alpe d’Huez, il est probable qu’elle s’apparente à une course de côte sur 14 km, en bas de l’Alpe. Contador doit donc passer à l’attaque dès jeudi, sur un terrain qui lui convient bien.
Il doit faire douter Evans, lui montrer qu’il est à nouveau Contador et qu’il n’y aura rien à faire contre lui. Ca tombe bien, Evans est un coureur réputé fragile. Il sait grimper au train et revenir sur l’Espagnol après une accélération franche, mais combien de fois ?
Si Contador commence à creuser un écart, Evans va gamberger. Il est déjà tellement passé à côté ! Une défaillance en 2002 alors qu’il était leader du Tour d’Italie, deux fois deuxième du Tour (2007-2008) alors que la victoire était accessible, une blessure l’an dernier alors qu’il portait le maillot jaune : Evans n’a jamais répondu présent quand il le devait et c’est là où personne ne l’attendait, lors du championnat du monde 2009, qu’il a obtenu sa plus belle victoire.
La meilleure manière de faire douter Evans sera de le priver d’équipier dès le col d’Agnel, peut-être le plus dur de ce Tour, placé au milieu de l’étape de jeudi. Tout est plus facile quand on a un équipier avec soi. Il permet de se focaliser uniquement sur la course et sa présence rassure. Dans le col d’Izoard, Contador aura plusieurs kilomètres à 10% de pente moyenne ou presque sur lesquels son démarrage peut faire des ravages. Restera ensuite le Galibier, un col long qui convient mieux à Evans.
Le moins possible, non ? Andy et Frank Schleck, comme Ivan Basso, se distinguent de Contador, Sanchez et Evans en ce qu’on les voit trop rarement le reste de la saison. Six ans après ses débuts professionnels, le palmarès du cadet, hors championnat du Luxembourg, tient sur un timbre-poste: six victoires individuelles, dont Liège-Bastogne-Liège et deux étapes du Tour.
Le cyclisme des Schleck est tout ce qui fait le malheur du cyclisme moderne: froid, stéréotypé et monomaniaque. Avant le Tour, Andy, sûr de lui, dessine son plan sur la carte du Tour et s’y conforme vaille que vaille. L’an dernier, il n’a pas écouté l’an dernier les conseils de Bjarne Riis, un des plus grands stratèges du peloton.
Tant pis pour lui, il a perdu le Tour. Mardi à Gap, c’est Frank qui confessait ne pas s’attendre à une attaque de Contador: mal placé, il a perdu du temps. La descente a été fatale à Andy, qui a déboursé une minute. C’est pô juste, a-t-il dit, jugeant en substance que le Tour ne devrait pas se jouer dans les descentes. Le problème, c’est que les Schleck voudraient que le Tour ne se joue pas non plus dans les contre-la-montre, les chutes ou les bordures. En résumé: une course de côtes et on règle ça entre nous. Contador n’est pas de cet avis et leur a fait savoir une fois de plus à Pinerolo.
Une fois écrites ces quelques remarques qui me brûlaient les doigts, il faut admettre que les Schleck auront probablement un grand rôle dans les Alpes, où Andy attaquera sans aucun doute. Mais ils se retrouveront probablement dans la position de faiseurs de roi. A eux de voir s’ils préfèrent voir Contador ou Evans en jaune à Paris. Ils peuvent aussi décider de favoriser Contador et faire craquer Evans pour briguer la deuxième place, qui pourrait valoir une victoire une semaine plus tard.
Il est aussi très possible qu’on ne voit aucun Schleck sur le podium à Paris. Lundi, journée de repos, Andy a eu cette lapalissade: “On ne peut pas gagner tous les deux.” Et perdre ensemble, c’est possible ?
avec Frédéric Portoleau
Les deux grandes étapes des Pyrénées ont fait parler. Les fesses sur le canapé ou sur une chaise de salle de presse, on fronce les sourcils. Comment Thomas Voeckler, tout maillot jaune qu’il est, peut-il donner le change à Andy Schleck à l’issue d’une grande étape de montagne? Pourquoi Contador grimace-t-il dans un col? Pourquoi le carré Schleck(s)-Evans-Contador n’arrive-t-il pas à distancer des coureurs comme Pierre Rolland, Jean-Christophe Péraud ou Jelle Vanendert? Pour résumer: beaucoup se demandent ce qui se passe cette année dans le peloton du Tour de France.
Les travaux de Frédéric Portoleau, dont il a déjà expliqué la méthode sur ce blog, donnent de premiers éléments d’explication. Ils ne suffisent pas à tirer des conclusions sur la santé du peloton. Les ascensions finales ont été moins rapides, soit. Mais on s’est beaucoup observé entre leaders, à Luz-Ardiden comme au plateau de Beille. Parce que personne ne s’en sent capable ou parce que ce n’était pas le moment?
Les Schleck, Evans, Basso et Contador ont-ils grimpé à leur seuil, c’est-à-dire à la limite acceptable par leurs jambes, ou en ont-ils gardé sous la pédale par peur d’un contre adverse? La baisse de puissance étalon des meilleurs est en tout cas éloquente, et aucun des premiers du classement général n’a approché sur ce Tour ses records de puissance. Aucun, sauf le maillot jaune Thomas Voeckler.
Note: toutes les puissances évoquées ci-dessus sont des puissances théoriques, calculées pour un poids du coureur + équipement de 78 kilos. Il ne s’agit pas de la puissance réelle développée par les coureurs. Celle-ci dépend entre autre de la masse à élever pour vaincre la pente, or le poids des coureurs n’est pas toujours connu avec précision le jour de la mesure. Ils peuvent se déshydrater en cours d’étape et perdre quelques kilogrammes. Le nombre de bidons portés est variable. Cette valeur étalon est utilisée pour faire nos comparaisons. (1)
Le Tourmalet grimpé comme en 2008
Dans le Tourmalet , la mesure est faite à partir de Gripp, après les premiers contreforts du col et dans les premiers pourcentages supérieurs à 6%. Cette partie du col fait 12,6 km à 8,75% de pente moyenne. Le Tourmalet intervenait après l’ascension de la Hourquette d’Ancizan, col de première catégorie, et avant l’ascension de Luz Ardiden.
Laurens Ten Dam (Rabobank) a été le plus rapide sur cette partie, en 40min34s soit 400 watts en puissance étalon. Le Néerlandais a gravi le Tourmalet 44 secondes moins vite que Marco Pantani en 1994, alors lancé à la poursuite de Richard Virenque.
Le col du Tourmalet a été gravi sur un rythme soutenu par les leaders (40min45s) qui sont passés au sommet quelques secondes après Ten Dam.
Le record est toujours détenu par Jan Ullrich et Lance Armstrong en 38min43s, lors du Tour 2003. Ullrich avait alors attaqué dans cette montée, lors d’une étape également conclue à Luz-Ardiden.
Plus près de nous, en 2008, le peloton avait grimpé le Tourmalet dans le temps de Ten Dam, à une seconde près. Emmenés la plupart du temps par Jens Voigt, ils étaient encore 14 dans le peloton au sommet.
Cette année, ils étaient une petite trentaine, encore emmenés par Voigt. Philippe Gilbert, qui avait annoncé qu’il voulait lors de cette première étape voir jusqu’où sa forme pouvait l’emmener en montagne, s’est découvert bon grimpeur puisqu’il a gravi le Tourmalet en 41min06s (393 watts).
Frank Schleck, plus rapide à Luz Ardiden, moins fort qu’avant
C’est lors des dernières ascensions d’une étape que les leaders donnent, en théorie, la pleine mesure de leur force.
Frank Schleck a réalisé la meilleure montée de Luz Ardiden, puisque Samuel Sanchez et Jelle Vanendert, respectivement premier et deuxième au sommet, étaient sortis dans la descente du Tourmalet.
Schleck a gravi cette montée hors-catégorie en 37min26s, soit 417 watts en puissance étalon. C’est deux minutes de plus que le record de Lance Armstrong, qui date de 2003 (35min33s). Par comparaison, Greg Lemond avait escaladé Luz Ardiden en 1990 en 39min50s, Miguel Indurain en 37min40s en 1994, à chaque fois à l’issue de longues étapes de haute montagne comme jeudi dernier.
Les autres favoris ne sont pas loin: 413 watts pour le groupe Evans, 410 pour Contador, 408 pour Voeckler et 402 pour Arnold Jeannesson, grimpeur de la FDJ qui prend le maillot blanc de meilleur jeune ce jour-là.
La quasi-intégralité de l’ascension a été très tactique. Frank Schleck a attaqué à un peu moins de trois kilomètres de l’arrivée et produit un effort intense. Il a réalisé la meilleure performance de la traversée des Pyrénées durant cette attaque avec dix minutes à 433 watts en puissance étalon.
Comparons cette performance avec ses références dans le Tour, en puissance étalon:
Ces trois performances clés de Frank Schleck sont supérieures à celles qu’il a accomplies dans Luz-Ardiden. Nul ne sait s’il aurait pas pu poursuivre son effort plus longtemps mais il a semblé coincer au moment de rejoindre Sanchez et Vanendert dans le dernier kilomètre. Notons également que Frank Schleck a réalisé sur le Critérium international, fin mars, une montée impressionnante avec 445 watts pendant 33min30s.
Vanendert à trois minutes de Pantani
Samedi, les favoris étaient attendus pour une première grande explication au plateau de Beille, dont le vainqueur a toujours fini en jaune à Paris. Cet affrontement entre leaders n’a pas eu lieu et la montée a été la plus lente de la jeune histoire de ce col ariégeois, escaladé depuis 1998.
Le Belge Vanendert a été le plus rapide en 46min26s. Les leaders ont grimpé en 47min15s. Le record de Pantani est de 43min30s, établi en 1998 sur un parcours moins long de 50 mètres. Contador est lui grimpé trois minutes moins vite que lors de sa victoire en 2007.
La puissance a été évaluée dans la zone abritée du vent (forêt et route en lacets) entre le pied de la montée et l’altitude de 1420m, soit sur 10,6 km à 8,4% de pente moyenne.
En effet, sur le haut du col, la route devient rectiligne et plus exposée au vent en raison de l’absence de végétation. La mesure risque alors d’être plus imprécise.
Sur ces deux premiers tiers du col, les leaders ont grimpé à 405 watts durant 32min45s. Il y a à ce niveau 12 coureurs: Vanendert (qui venait d’attaquer), les frères Schleck, Sanchez, Contador, Evans, Basso, Cunego, Rolland, Voeckler, Péraud et Uran. Le rythme a baissé sur la fin du col.
Contador au niveau de son Tour d’Italie 2008
Certes Luz Ardiden et le Plateau de Beille ont été gravis à des vitesses éloignées des records des ascensions. Cependant, il faut attendre les Alpes pour se prononcer sur une baisse éventuelle des performances, tant les deux montées ont eu des allures de rounds d’observation.
Les meilleurs de ce Tour de France à Luz Ardiden et au plateau de Beille sont les frères Schleck, Basso, Evans, Vanendert et Sanchez. Il atteignent environ 410 watts de moyenne.
Contador et Cunego arrivent juste derrière. Contador, qui se remet d’une blessure à un genou et a disputé un Tour d’Italie très difficile, apparaît environ 5% moins fort qu’en 2010 et qu’au Giro de cette année. Il semble à peu près au même niveau que lors de sa première victoire au Tour d’Italie 2008.
La surprise du lot, jamais vu à ce niveau de puissance en haute montagne, est le Belge Vanendert.
Les performances de Pierre Rolland et Jean-Christophe Péraud les placent à un niveau jamais vu dans le Tour mais ne sont pas inédites pour eux.
A 22 ans, sur Paris-Nice 2008, course sur laquelle il s’est révélée, Rolland grimpait déjà le Mont Serein à 405 watts de moyenne. Sur le Tour de France, sa meilleure référence est l’ascension de Verbier en 2009. Pour terminer 29e de l’étape, il avait dû développer une puissance similaire sur une vingtaine de minutes. A chaque fois, il s’agissait cependant d’étapes moins difficiles.
Péraud, vice-champion olympique de VTT en 2008, ne pratique le cyclisme sur route professionnel que depuis un an et demi. Il figure sur les deux premières étapes de montagne à 390 watts de moyenne. Dans l’étape du Collet d’Allevard sur le Dauphiné Libéré, il avait atteint 439 watts durant une grosse demie-heure, après ses 423 watts du Critérium international (montée de l’Ospedale) et 405 watts de Paris-Nice (col de la Mure), là encore à l’issue d’étapes moins difficiles.
Voeckler, trois minutes de mieux qu’en 2004
En revanche, avant cette année, Thomas Voeckler n’avait jamais dépassé les 400 watts sur un long col. Sur les derniers Tour de France, sa seule performance notable fut sa montée du Port de Balès en 2010, qui lui a permis de remporter l’étape à Bagnères-de-Luchon avec 37 minutes à 390 watts après une longue échappée. Il s’agissait déjà d’une performance élevée.
Plus tôt dans la saison, la meilleure de sa carrière, il a déjà laissé entrevoir ses progrès en montagne au Dauphiné en ayant développé 426 watts au cours de la montée du Collet d’Allevard. Hormis dans les échappées, Voeckler n’a jamais été en position de donner sa pleine mesure dans les cols du Tour. A la seule exception de ses journées en jaune en 2004, alors qu’il n’avait que 25 ans.
Voeckler avait justement sauvé son maillot jaune au plateau de Beille, escaladé en 50min22s, soit 3minutes07s de plus que cette année. Il a progressé de 30 watts en puissance étalon (7,5%) pour accomplir son ascension 2011. Thomas Voeckler indiquait au printemps dans Vélo magazine qu’il faisait six kilos de plus que sur le Tour 2004, avec un taux de masse grasse passé de 10% à 6%.
Sa façon de courir a également été différente : il a répondu à de nombreuses accélérations de ses adversaires, alors qu’il avait escaladé le plateau de Beille à un rythme beaucoup plus régulier en 2004, bien que Voeckler aime grimper par à-coups.
Les calculs comparés au capteur de Jérémy Roy
Pour valider les calculs, j’ai comparé les courbes du capteur de puissance de Jérémy Roy avec mes calculs indirects.
Cela permet de calibrer au mieux les calculs avec la puissance étalon 78 kg avec vélo.
69 kg plus 9 kg (vélo plus équipement), scx (coefficient de pénétration dans l’air) 0.36,
Hourquette d’Ancizan: 365 watts estimés, 369 watts srm
Tourmalet: 364 watts estimés, 366 watts srm
Luz Ardiden: 304 watts estimés, 306 watts srm
Aubisque depuis les Eaux Bonnes: 381 watts estimés, 374 watts srm
Plateau de Beille: 296 watts estimés, 298 watts srm
Ces écarts inférieurs à 1% montrent que les conditions de course étaient bonnes pour évaluer les puissances dans les Pyrénées.
Jérémy Roy a escaladé les cols sur un rythme assez régulier au contraire des coureurs luttant pour le classement général. Cet aspect ne peux pas être pris en compte dans le calcul indirect.
Au passage, relevons que Roy a accompli sur le col d’Aubisque sa meilleure performance personnelle sur ce Tour de France avec sur l’ensemble du col 5,5 watts/kg pendant 47min45s. Cela ne lui a pas suffi pour remporter l’étape arrivant à Lourdes (3e).
(1) Comment faire pour développer 400 watts ?
Alignez des sacs de ciment de 40 kg au pied d’un mur de 1 m de haut.
Le but du jeu est de soulever un sac par seconde et de le poser sur le mur.
Si vous arrivez à enchaîner 10 sacs, vous aurez développé 400 watts pendant 10 secondes.
Petite explication:
Pour soulever le sac, vous devez exercer une force de 40X10 (9,81 exactement)=400 Newtons
La puissance est le produit de la force par la vitesse. La puissance sera égale à 400X1 (1m/s)= 400 watts.
Comparaison avec un cheval…
La puissance moyenne des chevaux de trait a été évaluée à 736 watts par James Watts. Ses chevaux étaient capables de soulever des charges de 75 kg à une vitesse de 1m/s. Mais je pense qu’ils étaient capables de le faire pendant plusieurs heures.
Je connais pas la puissance d’un cheval de course, mais elle doit être bien supérieure à celle des chevaux de trait mais pour une durée d’effort plus courte.
… et un scooter
Un scooter par exemple peut développer 3 ch soit environ 2200 watts.
La différence entre une machine et l’homme, c’est que l’être humain se fatigue beaucoup plus vite!
lire le billetC’est étrange à écrire, pour quelqu’un qui n’était pas né la dernière fois qu’un Français a gagné le Tour de France. Mais on peut dire, après la traversée des Pyrénées, qu’il est possible que Thomas Voeckler remporte le Tour de France. Ce n’est pas moi qui le dit, mais un spécialiste.
Lance Armstrong, dans l’un de ses rares commentaires sur ce Tour de France, a écrit sur Twitter à cinq kilomètres de l’arrivée au sommet du Plateau de Beille:
lire le billet“Si Voeckler arrive au sommet avec les leaders aujourd’hui, alors il faut bien dire qu’il peut gagner le Tour de France. Il a deux minutes d’avance et ils n’arrivent pas à s’en dépêtrer.”
9e étape du Tour 2011. Stefano Rellandini / Reuters
Le dopage avance, recule ou fait-il du surplace? Les contrôles positifs, comme celui (pas le plus inattendu) du Russe Alexandre Kolobnev, ne permettent pas de le dire. Ils sont trop isolés, les contempteurs du cyclisme y voient le signe que ce sport n’est qu’une farce et ses défenseurs le signe que les tricheurs finiront tous par tomber.
Il y a les observations que font les autorités sportives ou de la lutte antidopage sur la base des prélèvements sanguins effectués toute l’année, et qui montrent une nette tendance à la baisse des paramètres anormaux chez les coureurs.
Une autre méthode, du domaine des sciences physiques, consiste à calculer les puissances développées aux différents échelons du peloton, et à les comparer d’une année sur l’autre. C’est ce que fait l’ingénieur Frédéric Portoleau. Ses calculs, qu’il explique ci-dessous, ne permettent pas de pointer du doigt des coureurs dont les performances seraient hors-normes, d’autant plus qu’ils n’expriment pas la puissance réelle mais la puissance théorique. Ils offrent toutefois une vue d’ensemble de la force des leaders.
Ses chiffres sont critiqués parce qu’ils sont faits devant la télévision mais lorsqu’il les compare avec ceux des capteurs de puissance mis en ligne par le fabricant SRM, la marge d’erreur n’est pas supérieure à celle des instituts de sondage.
Frédéric Portoleau a écrit avec Antoine Vayer, l’ancien entraîneur de l’équipe Festina, le livre «Pouvez-vous gagner le Tour?». Sur la base de ses calculs, Antoine Vayer tient une chronique dans Le Monde durant ce Tour de France. Frédéric Portoleau publiera sur ce blog ses calculs après les Pyrénées et les Alpes, comme il le faisait ces dernières années sur le site Cyclismag. Je lui laisse la parole.
lire le billet«La notion de puissance est assez simple à comprendre. Pour un système mécanique en rotation comme un pédalier, la puissance est égale au produit du couple moteur, lié à la force appliquée sur les pédales, par la fréquence de rotation (vitesse). Un coureur en très grande forme qui dispose d’un fort potentiel physique va mettre un grand braquet et tourner vite les jambes: sa puissance sera élevée. A l’opposé, un coureur fatigué ou relativement limité physiquement va, sur le même terrain, diminuer sa fréquence de pédalage ou mettre le petit plateau, sa puissance sera plus basse.
On peut évaluer la puissance de deux façons: soit en mesurant avec des capteurs au niveau du pédalier ou de la roue arrière le couple et la fréquence de pédalage, soit en la calculant de manière indirecte par simulation. La mesure directe par capteur est disponible sous des conditions météo variées (avec ou sans vent) et pour toutes les durées d’effort, instantanée sur quelques secondes à plusieurs heures.
Limites et zones de précision
Le calcul indirect par simulation présente plus de limites que la mesure directe par capteur.
La principale difficulté provient de l’estimation des frottements aérodynamiques et de l’absence de donnée précise sur la vitesse du vent. Il faut donc des conditions de course où les frottements de l’air apparaissent relativement faible par rapport aux autres forces que doit vaincre le cycliste, en particulier la pesanteur. Par conséquent, seule la puissance sur des efforts relativement longs en montagne, sur des pentes fortes et à l’abri du vent, peut être estimée avec assez de précision. L’idéal est une pente supérieure à 6%, une vitesse inférieure à 25 km/h, une force de vent sur l’échelle de Beaufort terrestre de 1 ou 2, un cycliste qui roule seul et ne profite pas de l’aspiration, une route forestière et en lacets (nombreux changements de direction) pour diminuer l’impact du vent.
L’image ci-dessous présente un exemple du choix de la bonne zone de mesure pour la puissance sur le col d’Izoard. Cette zone se situe entre les points 3 et 4 de Brunissard à la Casse déserte, surligné en vert.
Dans le cyclisme d’aujourd’hui, les équipes des leaders contrôlent la course en cours d’étape et ce n’est que dans la dernière ascension que les meilleurs donnent leur pleine mesure. Sur ce Tour de France, c’est donc dans les montées de Luz Ardiden, du plateau de Beille et de l’Alpe d’Huez que nous aurons les calculs les plus précis de la puissance développée par les premiers du classement général.
Le principe du «coureur étalon»
En plus de l’erreur de mesure due à l’évaluation des forces de frottement, la masse des coureurs n’est pas connue avec assez de précision. Ils peuvent se déshydrater en cours d’étape et perdre quelques kilogrammes. Le nombre de bidons portés est variable.
Pour toutes ces raisons, nous préférons calculer la puissance d’un «coureur étalon» de 70 kg avec un équipement de 8 kg. Cette valeur est utilisée pour faire nos comparaisons.
Le «coureur étalon», de 78 kg avec son vélo, est le témoin de l’évolution des performances. C’est comme si on plaçait un coureur fictif dans le peloton en regardant la puissance qu’il doit développer pour suivre les meilleurs coureurs du Tour de France. Cela donne une échelle de performance en watts. Si un coureur pèse en réalité moins lourd (comme les plus grands favoris du Tour), sa puissance réelle développée pour grimper sera inférieure. S’il est plus lourd (comme l’Allemand Tony Martin), elle sera supérieure.
Un bon coureur de 70kg peut développer 1.200 watts pendant 15 secondes, 450 watts pendant 6 minutes, 400 watts pendant 30 minutes. Sur le triathlon d’Hawaii, la puissance sur la portion de vélo a déjà été évaluée pour le vainqueur à 300 watts pendant cinq heures. Plus la durée d’effort est longue, moins la puissance moyenne est élevée.
Cette grandeur permet de mettre en évidence les grands exploits ou les défaillances des coureurs du tour de France. En 1996, le quintuple vainqueur Miguel Indurain ne développa que 325 watts sur les derniers kilomètres de la montée des Arcs au moment d’une défaillance mémorable alors qu’un an plus tôt, lors de sa cinquième victoire, il se situait à plus de 500 watts au cours de la montée de La Plagne.
Contador, Frank Schleck et Rodriguez, les rapides du printemps
Le suivi des performances du vainqueur du Tour (puissance théorique avec un coureur étalon) montre que les niveaux les plus élevés ont été atteints au milieu des années 1990, lorsque l’usage de l’EPO était répandu dans le peloton. Après 1998, le niveau a subitement baissé, avant de remonter et de se stabiliser depuis l’an 2000 à un niveau légèrement inférieur aux années EPO.
Mes calculs sur la première partie de la saison 2011 montrent des chiffres de puissance élevés avant même le Tour de France, en vue duquel les coureurs sont censés progresser. Tous les chiffres suivants sont donnés pour un coureur étalon, 78 kg avec vélo, témoin des performances.
Lors du Critérium International, une course par étapes sur un week-end disputée fin mars en Corse, Frank Schleck a développé une puissance théorique de 445 watts pendant une grosse demie heure sur une seule ascension. S’il parvient à ce niveau dans les Pyrénées, il ne devrait pas être loin des meilleurs.
Sur le Tour d’Italie, au printemps, Alberto Contador s’est baladé face à une concurrence qui n’a pas développé des puissances extraordinaires. L’Espagnol, qui a devancé de plus de six minutes les Italiens Vincenzo Nibali et Michele Scarponi (absents sur le Tour), a réalisé ses meilleures performances athlétiques en montagne sur la montée vers le Grossglockner (429 watts) et lors du contre-la-montre en côte de Nevagal (433 watts). Lors de sa montée victorieuse de l’Etna, la force du vent ne nous permet pas de fournir une puissance assez précise. Lors de la montée de la Gardeccia, à l’issue d’une des étapes de montagne les plus longues et difficiles de ces dernières années, il a logiquement baissé de niveau mais développé malgré tout 404 watts en moyenne, ce qui lui a suffi à lâcher tous ses adversaires.
Sur l’ensemble du Tour d’Italie, Contador est apparu au même niveau qu’au Tour de France 2010 et à un niveau moindre que sur le Tour 2009. Avec des adversaires plus coriaces, il aurait certainement amélioré sa moyenne.
Les concurrents de Contador, souvent des poids plumes, n’ont pas dépassé les 410 watts de moyenne en puissance étalon sur les quatre cols étudiés. Rujano et Scarponi ont développé 408 watts tandis que Gadret et Nibali se sont contentés de 400 watts.
Dans le Critérium du Dauphiné, en juin, la meilleure performance en montagne a été réalisée par l’Espagnol Joaquim Rodriguez (Katusha), qui ne dispute pas le Tour et avait donc atteint son pic de forme. Dans le collet d’Allevard, avec ses 11,7 km à 8.22% de pente moyenne, ce pur grimpeur a développé 457 watts de moyenne pendant 32min05s, en puissance étalon. Pour une course en ligne, je n’ai jamais mesuré un tel niveau de performance sur un Dauphiné, même à l’époque de Lance Armstrong.
Kern et Voeckler à leur plus haut niveau
Vainqueur du Dauphiné, Wiggins avait retrouvé son niveau de 2009 qui lui avait permis de finir quatrième du Tour. Mais il a abandonné le Tour de France sur chute lors de l’étape s’achevant à Chateauroux.
Wiggins a développé 442 watts sur le collet d’Allevard. Avec respectivement 445 watts et 426 watts, les coureurs d’Europcar Christophe Kern et Thomas Voeckler, l’actuel maillot jaune, n’ont jamais été aussi forts en montagne.
Avec 439 watts, Jean-Christophe Péraud, co-leader d’AG2R sur ce Tour, continue de progresser par rapport au Critérium International (423 watts sur la montée de l’Ospédale) et à Paris-Nice (405 watts au col de la Mure). David Moncoutié et Jérome Coppel ont aussi fait de belles ascensions mais sont plus proches de leurs potentiel habituel.
Ces performances dans le collet d’Allevard ont aussi été permises par la vitesse modérée de l’ascension précédente, le col du Grand Cucheron, à 350 watts de moyenne seulement. Les coureurs ont abordé le dernier col avec une certaine fraîcheur. De plus, l’ascension a été lancée sur une allure très soutenue avec un relais d’Edvald Boasson Hagen, le puncheur norvégien vainqueur à Lisieux: l’équipier de Wiggins a lessivé le peloton avec une puissance étalon de 490 watts pendant 10 minutes.
Le lendemain, l’ultime ascension du Dauphiné, vers la Toussuire a été gravie moins vite. Sur la portion basse du col, le Néerlandais Robert Gesink, maillot blanc du Tour, a développé 420 watts avant de se faire reprendre par le groupe des favoris.
Le Tour de Suisse était la dernière course par étapes de préparation au Tour de France et a marqué le retour en forme de Damiano Cunego, le grimpeur italien vainqueur du Giro en 2004. L’Italien a développé lors de l’ascension de la Grosse Scheidegg 390 watts de moyenne pendant 48 minutes et 33 secondes sur l’ensemble du col. Ce n’est pas extraordinaire mais son accélération sur le haut du col (5,5 km à 9,2% de pente moyenne) l’est davantage: 421 watts pendant 17min33s. Il a ainsi pris du temps à tous ses adversaires mais a fini par perdre le Tour de Suisse face à Levi Leipheimer, dans le dernier contre-la-montre.
Pour ce qui est des autres favoris, nous manquons de repères. Andy Schleck n’était pas à son meilleur niveau lors du Tour de Suisse et n’a jamais semblé donner sa pleine puissance. Ivan Basso a dit sur le site Cyclingnews avoir développé 440 watts au seuil (puissance réelle) lors d’un test physique avant le départ du Tour. La puissance au seuil est celle que peut développer un coureur sur un effort prolongé car il est juste en-dessous de la zone rouge, celle qui va faire exploser ses jambes et son cœur.
Les chiffres de la première partie de l’année montrent que le niveau athlétique devrait être plus élevé cette année qu’en 2010. Il pourrait y avoir des coureurs à 450 watts en puissance étalon sur les ascensions clés du Tour de France : Luz-Ardiden, plateau de Beille et l’Alpe d’Huez. »
Frédéric Portoleau
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