Mort de Tony Scott: l’art délicat de la nécrologie

Cinq questions  soulevées par le traitement par la presse française de la disparition du cinéaste.

Le suicide de Tony Scott, le 19 août, a suscité une polémique en France après la parution sur les sites de Télérama et de L’Express de nécrologies où les rédacteurs refusaient de faire du réalisateur de Top Gun et de USS Alabama un grand cinéaste sous prétexte qu’il était mort. Aussitôt, de nombreux internautes ont manifesté leur fureur et s’en sont pris aux auteurs de ces articles, Jérémie Couston et Eric Libiot, et au passage aux critiques eux-mêmes –les attaques qu’on a pu lire sur les sites ne constituant qu’une partie de cet iceberg de protestations, les sites étant modérés et de nombreuses critiques ayant également été émises sur Facebook ou Twitter.

L’épisode soulève plusieurs questions qui, toutes emberlificotés les unes avec les autres, deviennent illisibles et accroissent l’impression d’une boite de Pandore inconsidérément ouverte.

Inscription dans un rapport au passé

Première question: qu’est-ce qu’une nécrologie dans un média? C’est un texte qui ne se contente pas d’énoncer des faits (date de naissance et de mort, principales actions notables du défunt, circonstances de son décès), mais qui entreprend un travail complexe d’inscription dans un rapport au passé –qui il a été, pourquoi il a compté, en quoi il a joué un rôle significatif— et au présent –ce qu’il convient d’en garder, en quoi, même mort, il est «toujours là», par ce qu’il laisse et ce qu’il symbolise (voir, sur cet aspect, dans la revue Questions de communication n°19, les articles d’Alain Rabatel et Marie-Laure Florea, «Re-présentations de la mort dans les médias d’information», et, de Marie-Laure Florea seule, «Dire la mort, écrire la vie. Re-présentations de la mort dans les nécrologies de presse»).

Contradiction entre nécrologie et critique

Deuxième question: dans quelle mesure le rédacteur d’une «nécro» est-il supposé faire part de son opinion personnelle, même quand elle est négative ou mitigée à propos de la personne disparue?

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