Morgan Freeman et Matt Damon dans Invictus de Clint Eastwood
De l’apartheid à l’immense espoir né de la libération de Nelson Mandela, de la délicate mise en place de la démocratie aux difficultés gigantesques qu’affronte toujours le pays, le cinéma aura accompagné et, à sa manière, documenté le parcours dramatique de l’Afrique du Sud depuis un demi-siècle.
Invictus, le film le plus connu sur la question, n’est sûrement pas le plus significatif: Clint Eastwood, dont nombre de réalisations ont montré son talent pour prendre en compte complexités et zones d’ombre, semble plutôt cette fois dans le registre simpliste de Firefox en composant cette ode à la grande figure de Mandela, qui est à la fois un hommage, certainement sincère, au leader révolutionnaire, et une offrande à son ami —et commanditaire du film— Morgan Freeman.
Indépendamment des errances d’un amateur de football américain s’avisant de filmer le rugby, la difficulté quasi-insurmontable d’évoquer un grand homme de manière non sulpicienne n’a trouvé aucune solution, sinon de manière indirecte.Et ce n’est pas le terne Goodbye Bafana de Bille August qui risquait d’améliorer la situation, ni le biopic lisse et sentimental Mandela: un long chemin vers la liberté de Justin Chadwick, dont la sortie est prévue le 18 décembre.
Ce sont plutôt des documentaires consacrés aux pratiques politiques issues de la fin de l’apartheid qui auront en fait esquissé le plus justement le portrait de l’intelligence stratégique et du courage du dirigeant sud-africain. Son portrait à partir d’un montage d’archives par Joël Calmettes, Nelson Mandela, au nom de la liberté, a du moins le mérite de dessiner une image d’une certaine complexité.
Au-delà de son cas personnel figurent parmi les documentaires les plus significatifs deux réalisations par des étrangers, Classified People de Yolande Zauberman, sur les premières élections libres, et Reconciliation, Mandela’s Miracle de l’Américain Michael Wilson, sur la commission Vérité et Réconciliation, mais aussi l’important travail mené sous l’égide des Ateliers Varan, actifs dans le pays dès 1984. L’essentiel se trouve toutefois dans la considérable production des documentaristes locaux, exemplairement My Vote is My Secret de Julie Henderson, Thulani Mokoena et Donne Rundle, ou le montage d’archives Amandla! de Lee Hirsch. (…)
Le superhéros Captain America tout comme les héros de «Cowboys et envahisseurs» incarnent une certaine idée de l’Amérique salement malmenée par la réalité contemporaine, mais qui cherche à renaître et à se réaffirmer.
A une semaine d’écart sortent sur les écrans français deux superproductions hollywoodiennes, qui sont aussi deux symptômes d’un certain état de l’Amérique – ou du moins d’un «état d’esprit» de l’Amérique. Si des critiques se sont plu à saluer la «modestie» de Captain America, c’est à vrai dire un signal plus complexe – et pas du tout modeste – qu’émet cette adaptation d’une BD vieille de 70 ans sous la bannière des Studios Marvel. Il s’agit au contraire d’un travail assez sophistiqué de composition à partir d’éléments «à l’ancienne» et d’éléments contemporains. Définition des personnages, conception des décors, costumes et accessoires, péripéties spectaculaires diverses, résultent toutes de la recherche méticuleuse de combinaisons entre ancien et actuel. Un survol des commentaires inspirés par le film montre d’ailleurs un amusant éventail d’opinions, selon que leurs auteurs sont disponibles à cette recherche (perçue alors comme «originale» ou, donc, «modeste») ou au contraire exigent le pur cocktail de testostérone et d’effets spéciaux des films d’action d’aujourd’hui. Pourquoi ne pas s’être contenté, d’ailleurs, de cette recette de base?
C’est que la résurrection d’un héros septuagénaire, caricatural d’un nationalisme américain triomphaliste, prend ici un sens plus profond que le simple écumage des catalogues de super-héros par des sociétés de production en mal de personnages spectaculaires.
Il est célébrissime, et pourtant on n’a sans doute jamais pris la mesure de ce qu’il représente vraiment – et aussi de ce qu’il symbolise. Le petit livre que lui consacre Bernard Benoliel permet de mieux comprendre la singularité du phénomène Bruce Lee.
Bien sûr tout le monde sait (plus ou moins) combien fut exceptionnel le parcours de cet enfant des bas-fond hongkongais né en 1940, immigré à 19 ans aux Etats-Unis où il développa une technique personnelle de combat à mains nues, s’imposa petit à petit dans des productions télé (Le Frelon vert, Longstreet) comme comparse folklo, pour finalement tenir la vedette de quatre films réalisés en trois ans, The Big Boss (1971), La Fureur de vaincre (1972), La Fureur du Dragon (1972) et Opération Dragon (1973) avant de mourir à 32 ans pendant le tournage du Jeu de la mort, le 20 juillet 1973.
La collection «Côté Films» des Editions Yellow Now où paraît le livre oblige à centrer le livre sur un titre de film, c’est pourquoi l’ouvrage s’intitule Opération Dragon de Robert Clouse. Mais son sujet est bien Bruce Lee, et si Opération Dragon est le film le plus apte à mettre en évidence ce qui s’est joué avec l’inventeur du Jeet Kune Do, ce n’est certainement pas comme «grande œuvre» du cinéma – pas plus que les autres films: le seul chef-d’œuvre de Bruce Lee, c’est Bruce Lee. Et c’est un chef-d’œuvre paradoxal, fragile et rageur, surpuissant et brisé.