Cannes jour 12 : «Elle» domine le débat

342104Présenté le dernier jour de la compétition, «Elle» de Paul Verhoeven pourrait bien mettre tout le monde d’accord à l’heure de la clôture d’un Festival où, à l’écart de la compétition, il fallait aller chercher dans la plus modeste des sections parallèles, l’ACID, la plupart des autres films intéressants découverts à Cannes cette année.

LIRE ICI

lire le billet

Mon Festival de Cannes 2015

palmecannes_0

Cannes/0: Il y a trop de films français à Cannes

Les enjeux de la sélection officielle.

Cannes/1 «La Tête haute», une juge et une cinéaste aux côtés de la vie

La Tête hauted’Emmanuelle Bercot, ouverture du Festival

Cannes/2 «L’Ombre des femmes»: filmer comme on respire

L’Ombre des femmes de Philippe Garrel, la Quinzaine des réalisateurs

Cannes/3: “Mad Max”+Kawase+Kore-Eda=Cannes, terre de contrastes

Mad Max de George Miller, An de Naomi Kawase, Notre petite sœur d’Hirokazu Kore-Eda

Cannes/4: “Trois souvenirs de ma jeunesse”, un être vivant

Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin

Cannes/5: «Le Fils de Saul», «Ni le ciel, ni la terre»: le bouclier d’Athéna

Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, Ni le ciel ni la terrede Clément Cogitore

Cannes/7: Puissances de la parole

En marge du festival, discours, négociations, débats, masterclasses: le présent et le futur du cinéma se joue aussi là.

Cannes/8: Mondes hybrides et voyages vers le centre des êtres humains

Plus fort que les bombes de Joachim Trier, De l’ombre il y a de Nathan Nicholovitch, Cemetery of Splendour d’Apichatpong Werasethakul

Cannes/9 Cinéma français: les enfants gâtés

La Loi du marché de Stéphane Brizé, Mon roi de Maïwenn, Marguerite et Julien de Valérie Donzelli et Les Deux Amis de Louis Garrel.

Cannes/10: «Mountains May Depart»: la montagne cannoise a bougé

Mountains May Depart de Jia Zhang-ke

Cannes/11: “The Assassin”, le chiffre secret de la mise en scène

The Assassun de Hou Hsiao-hsien

Cannes/12: Films français, rendez-vous dans un désert très habité

Love de Gaspard Noé, Dheepan de Jacques Audiard, Valley of Love de Guillaume Nicloux.

Cannes 13: Dernier survol avant atterrissage dans les palmes

Sharunas Bartas, Sicario, Rams, Lamb, The Other Side, Le Trésor, Hitchcock-Truffaut, les fantômes de Cannes.

lire le billet

Cannes 2015: «Mountains May Depart» et «The Assassin», nos Palmes d’or

2048x1536-fit_shu-qi-the-assassin-hou-hsiao-hsien mountainsmaydepart

En conclusion de ce 68e Festival de Cannes, voici, pour le plaisir du jeu et le goût de partager ses choix, un palmarès personnel, sans grande croyance qu’il ressemblera à celui qu’annonceront, ce dimanche 24 mai au soir, les frères Coen et leur jury:

Palme d’or: Mountains May Depart de Jia Zhang-ke

Grand prix spécial du jury: The Assassin de Hou Hsiao-hsien

ou

Palme d’or: The Assassin de Hou Hsiao-hsien

Grand prix spécial du jury: Mountains May Depart de Jia Zhang-ke

 

Prix de la mise en scène: Le Fils de Saul de Laszlo Nemes

Prix du scénario: Mia Madre de Nanni Moretti

Meilleur acteur: Vincent Lindon dans La Loi du marché de Stéphane Brizé

Meilleure actrice: Margherita Buy dans Mia Madre de Nanni Moretti

Prix du jury: Valley of Love de Guillaume Nicloux

Caméra d’or: Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore

lire le billet

Mon Festival de Cannes 2013

Pour mémoire, ci-dessous les liens vers les 15 articles publiés sur slate.fr pendant le Festival

Jour 1 Luhrmann

Jour 2 Ozon et Escalante

Jour 3 Jian Zhang-ke (et Farhadi)

Jour 4 Desplechin

Jour 5 Lanzmann

Jour 6 Le rapport Lescure

Jour 7/a Coen Brothers et Soderbergh

Jour 7/b Claire Denis

Jour 8 Refn et Miike, cinéma de genre

Jour 9 Kechiche

Jour 10 James Gray

Jour 11 Jarmusch et Rassoulof

Jour 12/a Pronostics

Jour 12/b Les sections parallèles

Jour 12+1 Palmarès

lire le billet

Clôture, fermeture et ouverture

63e Berlinale, J10

N’ayant pas vu tous les films en compétition, on se gardera ici d’émettre un jugement sur l’ensemble du palmarès annoncé au soir du 16 février par les jurés et leur président, Wong Kar-wai. Ayant vu celui qui a reçu l’Ours d’or, Child’s Pose du Roumain Călin Peter Netzer, on ne peut que regretter le choix d’une réalisation aussi sinistre que dépourvue d’enjeu.

Cornelia est une grande bourgeoise de Bucarest. Elle est en conflit avec tous les membres de sa famille. Lorsque son fils unique écrase un enfant dans une petite ville de province, elle se lance, et le film scotché à elle, dans un combat désespéré pour sauver son rejeton. Cela se traduit par une série de face à face avec toutes les personnes impliquées dans l’accident, jusqu’au climax dans la famille de la victime. Entièrement télécommandé par son programme, le film empile psychologie et pathétique avec une lourdeur aggravée par une caméra dont l’incessante agitation prétend traduire l’instabilité émotionnelle des personnages, procédé d’un simplisme lassant.

Le seul intérêt de cette récompense serait de susciter une comparaison avec l’autre Roumain l’ayant précédé parmi les récipiendaires de statuettes aurifiées dans un grand festival, 4 mois, 3 semaines, 2 jours de Cristian Mungiu, Palme d’or à Cannes en 2007. Superficiellement, on pourrait rapprocher l’atmosphère glauque et la mise en scène à l’arrache des deux films. En fait, tout ce qui était organique, vibrant de sincérité et de nécessité intérieure chez Mungiu semble artificiel et inconséquent chez Netzer, les yeux fixés sur une performance aussi extrême que vaine. Au petit jeu des rapprochements, on pourra aussi noter que Child’s Pose est basé sur le ressort sentimentalo-dramatique que Pieta de Kim Ki-duk, Lion d’or du dernier Festival de Venise, même si le traitement est très différent. Apparemment l’amour au-delà de tout d’une mère pour son fils est un thème qui fonctionne auprès des jurys, avis aux candidats.

A Berlin, lors de la remise de la récompense, la productrice du film lauréat a évoqué l’abandon de l’aide au cinéma par les actuelles autorités roumaines, judicieux cri d’alarme dont on aurait rêvé qu’il soit appuyé sur une œuvre plus convaincante.

Si le palmarès a très injustement oublié le Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, de loin le film le plus fort parmi ceux vus en compétition, il a en revanche bien fait de saluer l’Américain David Gordon Brown pour son très plaisant Prince Avalanche, duo masculin loufoque sur une route en pleine forêt, même s’il n’est pas certain que le prix à la mise en scène soit la récompense la plus appropriée. Et même sans l’avoir vu, on se sera réjoui de l’Ours d’argent décerné à Denis Côté pour son bien nommé Vic+Flo ont vu un ours, alors que le fait de récompenser Harmony Lessons d’Emir Baigazin seulement pour le travail de son chef opérateur au demeurant remarquable – paraît bien en dessous des qualités du film.

Parmi les autres prix annoncés, il faut relever la « mention spéciale », au titre du premier long métrage, attribuée à un film de Guinée Bissau, La Bataille de Tabata de João Viana.  Rarement une projection aura donné ainsi le sentiment de pénétrer dans un monde aux règles bien établies mais parfaitement inconnues. L’histoire plurimillénaire de la civilisation mandingue y est invoquée magiquement par musiques et palabres, échos de guerres antiques et contemporaines, gags et drames, irruption somptueuse de rituels dont on ignore sans dommage, et même avec joie, le départ entre tragique et carnaval, mythologie et documentaire. Un bonheur de spectateur.

 

lire le billet

«Les meilleurs films de tous les temps»: joies et devoirs de la liste

En 2012, comme tous les dix ans depuis 1952, Sight & Sound a demandé à quelques dizaines de critiques dans le monde d’établir leur liste des dix meilleurs films de tous les temps. Publication du British Film Institute, Sight & Sound est aussi la plus ancienne revue de cinéma toujours en activité, et une des plus sérieuses.

Décider des dix meilleurs films de tous les temps? C’est absurde et propice au conformisme, mais aussi amusant et —contrairement à ce que croient les esprits superficiels— utile.

Absurde puisque cela oblige à mettre en concurrence des œuvres tellement différentes qu’il n’y a guère de sens à les classer les unes par rapport aux autres. Propice au conformisme, tant le classement final, qui établit une moyenne entre tous les suffrages, tend inexorablement à confirmer des valeurs classiques: les cinq derniers votes (1962, 1972, 1982, 1992 et 2002) ont tous installé Citizen Kane en numéro 1.

Mais amusant pourtant, comme un retour à des jeux adolescents. Faire des listes est une habitude de cinéphile (comme d’ailleurs de tout adepte d’une philia, d’une affection particulière pour un domaine, qu’il s’agisse d’étoiles, de coureurs du marathon ou de timbres poste) et pas du tout une pratique qui relève de l’activité critique.

Image de soi

Que la grande majorité des critiques aient été cinéphiles, et à certains égards le demeurent, n’empêche pas cette distinction. Dresser des listes fondées sur l’excellence (les «meilleurs» films) est un exercice qui sollicite autant l’image qu’on entend donner de soi qu’une idée du cinéma: se composer en douce un autoportrait à travers ses films favoris, c’est ce qui est amusant.

C’est surtout utile parce que ces listes ont des effets. Elles servent de base à tout un tas de décisions de programmation, de sauvegarde, d’édition, de découvertes pédagogiques, etc. C’était déjà vrai quand Sight and Sound a créé son classement il y a soixante ans, ça l’est encore plus aujourd’hui.

Et si Internet a favorisé la prolifération et la diffusion de cette pratique des classements de tout et n’importe quoi par tout le monde et n’importe qui, la liste constituée par une revue respectée à partir des choix de connaisseurs (on peut appeler ainsi les critiques, qui ne sont certainement ni «experts» ni «spécialistes») pèse d’un poids d’autant plus significatif. Ou plus exactement d’un contrepoids, face aux votes en ligne des spectateurs —face à eux, mais pas du tout contre eux: ce sont deux approches différentes, qui ont chacune leur sens.

Honte et modestie

Voici donc ma réponse à la proposition de S&S, proposition qui admettait que la liste soit accompagnée d’un bref commentaire, ce qui m’a donné l’occasion de tricher de manière éhontée:

(par ordre chronologique)

L’Aurore de Friedrich Murnau

L’Atalante de Jean Vigo

M le maudit de Fritz Lang

Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly

La Prisonnière du désert de John Ford

Vivre sa vie de Jean-Luc Godard

Shoah de Claude Lanzmann

Close-up d’Abbas Kiarostami

Still Life de Jia Zhangke

Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, d’Apichatpong Weerasethakul

Cette liste était accompagnée de ce commentaire:

«C’est seulement avec honte et modestie qu’on peut proposer une telle liste. Honte que n’y figure aucun film de Hou Hsiao-hsien, d’Eisenstein, de Resnais, de Bergman, ni d’Ozu, pas plus que La Splendeur des Amberson, Le Dictateur, Les Rapaces, Antichrist, Apocalypse Now ou Out One. Modestie puisqu’à l’évidence, une semaine plus tôt ou une semaine plus tard, ma liste aurait comporté encore d’autres noms, y compris que ceux que je viens malhonnêtement d’ajouter.»

Et j’ai oublié Vertigo, malheur et malédiction sur moi!

Dix moments de joie extrême

Que racontent les dix titres finalement choisis? D’abord, dix moments de joie extrême de spectateur. La «joie» pouvant bien sûr prendre des tonalités très différentes, de l’évidente euphorie que suscite Chantons sous la pluie (film qui est aussi d’une étonnante complexité et lucidité) au sentiment tragique de Shoah.

Mais, oui, ma joie demeure. Elle naît de la certitude qu’ici le monde s’ouvre, ici, dans cette rencontre avec une œuvre, il y a place pour moi, pour les autres, pour ce qui m’importe et que je ne connais pas. Et cette joie aura été renouvelée à chaque nouvelle vision de chacun de ces titres, au confluent de la retrouvaille heureuse et de la découverte de nouveaux trésors enfouis dans ces films inépuisables.

Mais ces dix films sont aussi, à mes yeux, dix moments, ou même dix tournants, non seulement dans l’histoire du cinéma, mais dans la construction de notre rapport au monde, et aux histoires, et aux imaginaires. Il y en a eu d’autres, évidemment, là passe le vent de l’impondérable, ce qui m’est «passé par la tête» au moment de répondre, et qu’il faut à nouveau accepter avec légèreté. Mais ceux-là sont décisifs, et méritent d’être vus comme tels.

Aussi grand que pendant les «âges d’or»

Et encore –c’est le sens de la présence de Kiarostami, Jia et Weerasethakul–, établir cette liste exigeait de prendre en compte l’immense bouleversement qu’a été l’irruption des cinémas du reste du monde, mais surtout d’Asie, dans un moyen d’expression qui aura été durant ses quatre-vingts premières années essentiellement marqué par les modes de pensée et de représentation occidentaux (un Occident qui va de Moscou à Los Angeles).

Il s’agissait en effet de prendre en compte toute l’histoire du cinéma, au moins depuis les années 20 (accomplissement d’un premier âge du langage cinématographique) et certainement pas en omettant l’époque la plus récente: le cinéma d’aujourd’hui est aussi grand que celui des «âges d’or» successifs sous lesquels les nostalgiques et les réactionnaires ne cessent d’essayer de l’ensevelir.

David Lynch, Olivier Assayas, Manoel de Oliveira, Lars von Trier, Quentin Tarantino, Claire Denis, Pedro Almodovar, Gus Van Sant, Pedro Costa, Leos Carax, Béla Tarr, David Cronenberg, Lisandro Alonso, Arnaud Desplechin, Tsai Ming-liang, David Fincher sont des auteurs aussi inspirés et innovants que leurs illustres prédécesseurs, ceux qui dominent les pages des encyclopédies du cinéma depuis vingt, trente ou cinquante ans.

Choisir le moment de pointe

Avec sa part d’arbitraire, cette sélection est encore construite par des films qui condensent ce que d’autres immenses cinéastes représentent par l’ensemble de leur œuvre, sans qu’un titre vienne aisément la représenter: ainsi des frères Lumière comme d’Eric Rohmer, de Rossellini comme de Bresson, de Dreyer comme de Sokourov ou de Marker.

Me défiant autant de l’originalité à tout prix que du conformisme des titres «consacrés» (d’où l’absence, mûrement pesée celle-là, de Citizen Kane), j’ai essayé de choisir le moment de pointe —par exemple, il me semble que Vivre sa vie condense davantage l’immense apport moderne de Godard que A bout de souffle, Pierrot le fou ou Le Mépris, films toujours éperdument aimés. Nonobstant, d’ailleurs, des œuvres plus récentes du même auteur —sans parler du monument Histoire(s) du cinéma, mais qui à proprement parler n’est pas un film. Dans ce registre, parmi les dix choisis, la seule véritable hésitation aura concerné Fritz Lang, entre M et Mabuse le joueur.

Utile et amusant, occasion de se déclarer un peu tout en affirmant ce qui est finalement moins une idée qu’un sentiment du cinéma, le top 10 de tous les temps, par son impossibilité même, est l’opportunité de garder un rapport ouvert, non normatif mais dynamique avec ce que fait le cinéma depuis toujours, et ce qui lui arrive. En quoi cet exercice rejoint in extremis, mais seulement à l’horizon, l’exercice critique.


lire le billet

Cannes, jour 12: questions après le palmarès

Nanni Moretti a-t-il favorisé les films distribués par la société qui distribue également ses propres réalisations en France?

Le soupçon s’est répandu comme trainée de poudre: Nanni Moretti, président du jury du 65e festival de Cannes, aurait favorisé les films distribués par la société qui distribue également ses propres réalisations en France, Le Pacte.

Cinq des sept récompenses attribuées par le jury de la compétition officielle des longs métrages vont en effet à des films distribués en France, et donc présentés à Cannes, par cette société: le Grand Prix du Jury à Reality de Matteo Garrone, le Prix de la mise en scène à Post Tenebra Lux de Carlos Reygadas, le Prix de la meilleure actrice partagé entre les deux interprètes de Au-delà des collines de Cristian Mungiu, le Prix du scénario attribué au même Cristian Mungiu, le Prix du jury décerné à La Part des anges de Ken Loach.

Rien ne permet d’affirmer pour autant qu’il y a eu une magouille. Personnellement j’ai même l’intime conviction du contraire. S’il faut pourtant prêter attention à ce phénomène, c’est qu’il traduit en l’exagérant un phénomène bien réel, celui de la concentration entre les mains d’un petit nombre de sociétés.

Au reproche récurrent de sélectionner trop souvent les mêmes réalisateurs, reproche auquel s’ajoute cette année celui de primer aussi toujours les mêmes (les cinq cinéastes récompensés ont déjà été lauréats à Cannes, Haneke, Mungiu et Loach ont déjà eu une Palme d’or, Reygadas et Garrone avaient déjà reçu le même prix que celui qui leur a été décerné le 27 mai au soir), s’ajoute le sentiment de la prévalence de quelques sociétés, détentrices des films les plus volontiers choisis par les sélectionneurs.

On peut s’épargner ici les théories du complot et les accusations sans preuve de connivences illicites, pour prendre acte du phénomène dans son caractère objectif. Il s’agit en effet d’un risque pour le Festival lui-même, c’est-à-dire pour le cinéma.

Lire la suite

lire le billet

Cannes jour 11: un palmarès de vieillards

Inégal, ayant suscité des agacements parfois injustes ou exagérés, mais riche aussi de véritables découvertes, le 65e Festival de Cannes s’est terminé avec un palmarès déprimant. On a dit ici qu’Amour, le film de Michael Haneke, ne manque pas de qualités, cela ne change rien à l’impression de parti pris académique qui émane d’une liste de récompenses caractérisée également par son incohérence. De même le brave Ken Loach avec son gentil La Part des Anges n’a-t-il rien à faire là, ni peut-être même en sélection, quand bien même on aura plaisir à voir le film à sa sortie. Carlos Reygadas mérite, lui, un prix de la mise en scène (pour Post Tenebras Lux) mais celui-ci est inaudible dans un tel contexte, quand tous les autres films récompensées, à l’exception d’Au-delà des collines de Cristian Mungiu, patauge dans les conventions d’un cinéma blanchi sous le harnais.

C’est un triste signal qui est envoyé par ce palmarès, celui d’un conformisme vieillot qui tend à accréditer davantage une idée déjà répandue, et en partie injuste, selon laquelle le premier Festival du monde serait aussi le lieu de re-consécration en boucle des mêmes vieilles gloires.  Moretti (Moretti! aiuto!) et ses complices ont rendu un bien mauvais service à Cannes, et au cinéma, en ne laissant filtrer aucun rayon de nouveauté, aucun souffle de vivacité ni d’originalité à l’heure de la distribution des prix.

Un goût amer

Moi qui écris cela, je vais à Cannes depuis exactement 30 ans. Autant dire que j’en ai vu d’autres, question palmarès qui énervent et qui attristent. Si celui-ci laisse un goût particulièrement amer, c’est qu’il existait de multiples possibilités au sein de cette sélection de saluer des idées neuves de cinéma. Et que le jury n’en a saisi aucune. Etant bien entendu qu’il ne s’agit évidemment pas d’un problème d’âge, au sens de l’état civil des réalisateurs, mais de conformisme et de fatigue artistique.

Parmi les 22 films de la compétition, on a déjà clairement revendiqué la prééminence qui aurait dû être accordée à deux grands films signés de deux grands auteurs modernes, Leos Carax pour Holy Motors et David Cronenberg pour Cosmopolis. Pour Carax, les jurés avaient en outre l’opportunité de rendre sa place légitime à un grand artiste après plus de 10 ans de bannissement. Et même si la beauté du film parle pour elle-même, c’est une véritable occasion manquée, un total manque de panache. Mais outre ces deux-là…

Lire la suite

lire le billet

Ave Césars, ceux qui ne seront pas là vous saluent

Cette année comme chaque année, mais cette année plus qu’une autre, les nominations pour les Césars [PDF] racontent un état du cinéma en France. Le «portrait de groupe» composé par les nommés est significatif par sa composition, comme du fait de ceux qui en sont exclus. Et dans sa composition, il faut considérer aussi bien ceux qui dominent que ceux qui sont marginalisés.

2011 aura été une année remarquable, du fait de la fréquentation record des salles, et avec au moins quatre films phénomènes: le triomphe commercial d’Intouchables qui vogue vers les 20 millions d’entrées, le triomphe médiatique et international (c’est-à-dire surtout aux Etats-Unis) de The Artist, et le succès considérable de deux jeunes réalisatrices, Maiwenn avec Polisse et Valérie Donzelli avec La guerre est déclarée.

Grâce à des modifications récentes du règlement, ayant porté de 5 à 7 le nombre de nommés comme meilleur film et meilleur réalisateur, la liste des candidats en lice pour la distribution de statuettes du 24 février reflète à peu près ces aspects saillants. Avec ce correctif que la comédie de Nakache et Toledano n’est pas représentée proportionnellement à son succès.

Comme toujours, il ne manquera pas de faux naïfs pour s’étonner que la fréquentation ne se traduise pas mécaniquement dans la distribution des prix, comme si ceux-ci n’étaient pas précisément destinés à faire prévaloir d’autres logiques. Comme toujours, il faudra répondre que s’il s’agissait de distinguer ceux qui ont eu le plus de succès, il n’y aurait nul besoin d’organiser un vote, il suffirait de regarder le box-office. Ceux-là, les faux naïfs, sont les mêmes qui pensent toujours que le marché devrait seul décider de tout.

Parmi les choix des 4.199 professionnels du cinéma électeurs des Césars, on peut noter le nombre particulièrement élevé de nominations (13) pour un film aussi racoleur que Polisse, qui déballe les ficelles les plus éculées de la sitcom en les pimentant de la souffrance des enfants, utilisée ici comme faire-valoir de manière particulièrement obscène.

C’est certainement le versant le plus antipathique du résultat d’un vote par ailleurs assez diversifié…

Lire la suite

lire le billet