La fréquentation des salles de cinéma est excellente. Mais pour quels films?

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Les responsables de la politique culturelle auraient tort de se satisfaire des seules statistiques, qui ne prennent pas en compte quels films ont été vus, et par qui.

A grand son de trompe est donc proclamé le résultat de la fréquentation des cinémas en France en 2014: 208 millions de spectateurs, soit le 2e meilleur résultat depuis 47 ans (211,5 millions d’entrées en 1967 et 217,2 millions en 2011). Ce score, et une augmentation de 7,7% par rapport à l’an dernier, sont en effet de très bons chiffres. Tout comme mérite d’être souligné le rééquilibrage entre les entrées des films français (44%) et américains (45%), alors qu’en 2013 le ratio était de 33 contre 54%.

Des films français occupent les trois premières places du classement, et 9 des 20 premières places (cf. tableau). Il est légitime de s’en réjouir. Mais cela ne devrait pas empêcher de considérer aussi ce que lesdits chiffres recèlent de plus complexe, et ce qu’ils dissimulent.

Fin du catastrophisme

D’abord les bons résultats de l’année contrastent avec ceux de l’année précédente, anormalement bas. Dans un environnement court-termiste prompt à la surenchère, volontiers relayé et amplifié par les médias, que n’avait-on alors entendu sur la catastrophe imminente, la nécessité de mesures d’urgence, etc.? D’habiles batteurs d’estrade en ont profité pour faire avancer quelques dossiers utiles à leurs intérêts. En fait la tendance moyenne sur la décennie est à une stabilisation à un très bon niveau, autour des 200 millions d’entrées par an, ou un peu moins.

Durant cette période, aucun des chiffres –au-dessus ou au-dessous– ne vient remettre en cause cet état de fait, qu’on peut d’ailleurs à bon droit considérer comme la traduction, dans le domaine particulier du volume de fréquentation en salle (qui n’est pas, loin s’en faut, la totalité de l’économie du cinéma) d’une action concertée efficace des pouvoirs publics et des professionnels.

 Au titre des effets de perspective, on peut ajouter le fait que Le Hobbit n’a pas fini sa carrière, et qu’il pourrait prendre pied sur le podium –à une moindre échelle, il est à prévoir que La Famille Bélier va aussi poursuivre sur sa lancée et monter dans le classement.

Par ailleurs, cette année voit aussi la part du reste du monde se réduire à 11% seulement du total. Pourtant le nombre de films ni français ni américains sortis au cours de l’année passée n’a pas baissé. La France s’honore, à bon droit, d’être le pays du monde qui accueille sur ses écrans la plus grande quantité et la plus grande diversité de films venus de toute la planète. Il est très inquiétant que ces films soient, à peine sortis, éjectés des écrans, souvent après n’avoir eu droit qu’à quelques séances.

L’éternel problème de la concentration

Ce phénomène, qui met en cause la diversité culturelle, concerne aussi les films français (et les «petits films» américains). Elle est la traduction d’un processus bien connu de l’économie de marché, la tendance à la concentration.

Car si 36 films français ont attiré plus d’un million de spectateurs au cours de l’année, la grande majorité des quelque 210 productions végètent très loin, avec un effet de paupérisation de ceux qui ne rentrent pas dans le moule du grand commerce immédiat, effet dénoncé sans relâche par les producteurs indépendants. (…)

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Cinéma français: le meilleur des mondes?

Le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) vient de publier le bilan de la production de films en France en 2011. Cette publication, qui a lieu chaque année, sonne cette fois comme un communiqué de victoire, sinon de triomphe. Les chiffres sont «historiques», ils traduisent une vitalité exceptionnelle en des termes statistiques qui viennent confirmer et soutenir le sentiment d’euphorie qui a accompagné au début de l’année le succès en salles d’Intouchables et l’impressionnante moisson de récompenses de The Artist.

Il est bien normal que l’organisme public chargé du cinéma glorifie ces résultats, d’autant que ses actions y sont pour beaucoup, notamment les dispositifs réglementaires constamment ajustés et renégociés, tandis que —il faut le rappeler sans cesse— ce n’est pas l’argent de la collectivité nationale qui est utilisé pour soutenir le cinéma, mais des sommes prélevées à l’intérieur du «secteur» (salles, chaînes de télévision, éditeurs vidéo, fournisseurs d’accès à Internet) qui sont réaffectées.

En outre, ces résultats élevés résonnent comme une revanche sur l’époque pas si lointaine où on prédisait l’effondrement de la fréquentation, et rien moins que la mort du cinéma.

Bilan triomphal

Donc, le CNC est dans son rôle. Est-ce à dire pour autant que tout est idyllique au pays du cinéma? Et ne faut-il pas s’étonner en revanche que les commentateurs n’aient fait que recopier ce dont se réjouissent l’administration et ceux parmi les professionnels qui, étant les bénéficiaires les plus directs de la situation, ne lui trouvent en effet que des vertus?

A ce bilan triomphal, on se propose d’opposer ici des inquiétudes et des réserves qui ne devraient en aucun cas être balayées sous le tapis de louanges ni noyées dans le champagne des célébrations. Bien des points noirs subsistent, ou le plus souvent surgissent, effets pervers ou hors champ dangereux de ce qui est mis en lumière.

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