“Dieu, ma mère et moi “, obsédé de liberté

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Dieu, ma mère et moi de Federico Veiroj, avec Alvaro Ogalla, Marta Larralde, Barbara Lennie, Vicky Peña, Juan Calot. Durée : 1h20. Sortie le 4 mai.

Comique et inquiétant, surgi comme un diable d’une improbable boite à malices, le troisième long métrage du réalisateur hispano-uruguayen Federico Veiroj (Acné, La Vida util) ne cesse de reconfigurer son rapport au personnage principal, à la situation, à sa tonalité. Ainsi prend forme Dieu, ma mère et moi, un film à la fois léger et complexe, aux multiples échos.

Le personnage, Gonzalo, est un étudiant madrilène déjà trentenaire, adolescent prolongé sympathique et agaçant, dispersé entre ses amours inabouties, ses études inachevées sinon inutiles, ses projets incertains. Et, au centre, sa mère, point fixe envahissant et dominateur.

La situation naît d’une décision prise par Gonzalo comme on se jette à l’eau: ainsi que l’y autorise en principe le droit canon, il décide d’apostasier. C’est à dire de sortir de la communauté des fidèles en renonçant aux effets du baptême. Le garçon considère, en effet, que cette appartenance, qui lui a été imposée à sa naissance, porte atteinte à sa liberté, et est à l’origine des impasses de son existence. Il refuse d’être comptabilisé par l’Église comme chrétien, n’ayant aucun commerce avec la religion.

Le jeune homme entreprend donc la procédure complexe réclamée par l’Église pour être rayé de la communauté des fidèles. Il affronte alors l’incompréhension ou l’inertie de son entourage, et l’inertie de plus en plus hostile des autorités ecclésiastiques. Ce processus va l’aider à se construire une personnalité.

La tonalité est à la fois humoristique, et même à l’occasion franchement burlesque, quelque part entre Buñuel et Moretti (deux cinéastes qui ont toujours pris la religion très au sérieux, ce que fait aussi Vieroj), précise et fortement documentaire dans la description du parcours bureaucratique que doit suivre le candidat à l’apostasie, et traversé d’ombres troublantes, droit venues de chez Kafka.

Dans l’Espagne contemporaine, une Espagne où l’appareil catholique demeure très puissant et conservateur, le cheminement obstiné, quasi-obsessionel, de Gonzalo fait jouer sa propre névrose, la volonté de puissance de l’Église, et les blocages intimes, familiaux ou de caste.

Dieu, quant à lui, ne joue à peu près aucun rôle dans ce film qui ne se soucie que des appareils (religieux, familiaux, sociaux). On peut à cet égard regretter le titre dont le film a été affublé en France (en version originale il s’intitule sobrement L’Apostat), qui plus est en empruntant le nom d’une livre de Franz-Olivier Giesbert, avec lequel il n’a pourtant aucun rapport.

La quête de cet anti-héros attachant intrigue à proportion de la capacité du film à lier une procédure très technique, et où l’archaïsme des méthodes et des terminologies mêlées à un environnement très contemporain engendre le comique, et une aspiration très générale au droit d’interroger ce qui nous attache, nous incorpore, et prétend nous définir. S’il s’agit bien ici d’un appareil très spécifique –l’Église apostolique et romaine–, il s’agit aussi de l’appartenance à une communauté dès lors qu’elle s’impose au-delà de l’adhésion désirée de ses membres, et garde ses portes de sortie aussi fermées que sont ouvertes ses portes d’entrée. (…)

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