Cinéma: enfin un acte politique!

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Avancée importante au service de la diversité, l’accord sur les engagements de programmation et de diffusion signé à Cannes par l’ensemble des professionnels grâce à l’action des pouvoirs publics renoue avec une politique culturelle active dont on avait perdu le souvenir.

Pas très visible au milieu des fastes du tapis rouge, des débats cinéphiles et aussi de nombreuses autres annonces officielles de moindre portée, un accord important a été signé durant le Festival de Cannes. Il y a eu depuis des années tant de raisons de pointer le manque d’initiative forte des pouvoirs publics au service de l’intérêt commun dans ce secteur pour ne pas saluer l’événement.

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Paraphé  par l’ensemble des organisations de professionnels –réalisateurs, scénaristes[1], représentants des acteurs, producteurs, distributeurs et exploitants, des plus gros aux plus petits–, ce texte représente une avancée significative en matière de diversité de l’offre dans les salles, c’est-à-dire aussi de protection de la diversité des salles elles-mêmes.

Dans un contexte national où la négociation semble impossible, cet aboutissement d’une concertation n’a pas été sans heurts, notamment lors de la tentative de passer par la loi au début de l’année (il semble que l’intervention d’Audrey Azoulay ait alors permis de débloquer la situation), mais est d’autant plus remarquable. (…)

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Face à l’afflux de nouveaux films, le piège mortel de l’e-cinéma

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Petit à petit, l’e-cinema fait son nid. À mesure que les semaines passent, on voit se multiplier les annonces de films sortant directement sur les plateformes VOD ou S-VOD. L’offensive est menée par les deux grands promoteurs du système en France que sont TF1 Video et Wild Bunch. Et, avec un autre modèle de diffusion, par l’américain Netflix, qui vient d’acheter les droits de distribution d’Aloha de Cameron Crowe après s’être offert la comédie St Vincent ou la trilogie The Disappearance of Eleanor Rigby avec Jessica Chastain.

Wild Bunch avait frappé un grand coup l’an passé avec le très remarqué Bienvenue à New York d’Abel Ferrara, avec Gérard Depardieu en Dominique Strauss-Kahn, film médiocre mais opération promotionnelle réussie à laquelle le Festival de Cannes 2014 avait servi de rampe de lancement.

À la différence de la VOD classique, même s’il utilise les mêmes plateformes de diffusion, le e-cinema désigne des films qui sont distribués directement en ligne, sans être passés par la salle ni par la télévision.

Le grand nettoyage?

Depuis le coup d’éclat du Ferrara, aucun des titres n’a beaucoup attiré l’attention. Il est possible que l’offre de films de genre, dont un slasher signé d’un petit maître de l’horreur, Elie Roth (Green Inferno, annoncé pour le 16 octobre), et une comédie horrifique des Australiens Taika Waititi et Jemaine Clement (Vampires en toute intimité, le 30 octobre), améliorent les scores, malgré un tarif, 6,99€, qui reste peu attractif –sauf si on regarde à plusieurs. Ce qui mène à s’interroger sur les effets du dispositif, s’il trouve à se pérenniser.

À terme, il ne s’agira plus seulement de trouver un débouché à quelques produits atypiques laissés de côté par un marché qui, pour le reste, continuerait de fonctionner de la même manière. Bien au contraire, le risque est considérable que le e-cinéma se transforme en arme fatale d’un grand nettoyage, dont il y a tout lieu de s’inquiéter.

Le lancement de l’e-cinéma en France est présenté par ses promoteurs comme une solution à un problème grave, qui possède la caractéristique d’être nié par l’ensemble de la profession: trop de films sortent sur les écrans français (663 nouveautés en 2014). Cet embouteillage calamiteux est aggravé par l’occupation d’un nombre trop élevés d’écrans pour les films présumés «porteurs», ou dont les distributeurs sont assez puissants pour imposer des vastes combinaisons y compris pour des ratages manifestes.

Le tabou du trop de sorties

Un tel déferlement, avec presque tous les mercredis quinze nouveautés ou plus, éjecte mécaniquement les films de la semaine précédente qui avaient besoin de temps pour s’installer, ou simplement qui ne bénéficiaient pas d’une publicité massive au moment d’atteindre les écrans. Ces nouveautés elles-mêmes, à l’exception de 2 ou 3 titres valorisés par le marketing ou la critique, se font de l’ombre et se détruisent les uns les autres. Ils sortent en salles et puis sortent des salles sans que pratiquement personne s’en soit rendu compte.(…)

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Les salles de cinéma ne vont pas mourir

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Les prophètes de malheur sont en pleine forme. A vrai dire, ils n’auront jamais désarmé. Depuis que Louis Lumière a déclaré que le cinématographe était une invention sans avenir au moment même où avec son frère Auguste ils le rendaient techniquement possible, depuis que, le jour même de la première projection publique et payante du 28 décembre 1895, le père Lumière, Antoine, décourageait un spectateur enthousiaste nommé Georges Méliès qui voulait acheter cet appareil extraordinaire en lui disant qu’il ne pourrait que le ruiner, les annonces funestes n’ont cessé d’accompagner un art qui se porte pourtant très bien.

C’est ce qui fait le cœur du cinéma, la salle, qui est aujourd’hui la principale cible de nouvelles prédictions fatales. Après bien d’autres raisons, ce serait l’arrivée de serveurs de films en ligne, Netflix en tête, qui en signerait la condamnation à mort. A ces Cassandre incapables de penser les transformations autrement qu’en termes de substitution vient d’être adressé un vigoureux démenti. Leur auteur n’est pas exactement un cinéphile rétrograde les yeux fixés sur un passé aussi glorieux qu’inexorablement révolu. Et ce plaidoyer n’est pas non plus paru dans l’avant dernier numéro d’une revue des catacombes.

Signataire notamment de la trilogie The Dark Knight et de l’extraordinaire Inception, Christopher Nolan est l’exemple de ces grands créateurs de cinéma capables de vivre au cœur du système industriel hollywoodien tout en faisant vivre une idée ambitieuse des puissances du cinéma pour raconter et comprendre le monde contemporain. Dans le Wall Street Journal daté du 7 juillet, il fait paraître une tribune intitulée «Les films du futur continueront d’attirer les gens dans les cinémas». Dans le seul langage que comprennent les lecteurs de cette publication, celui de la rentabilité financière, il explique par le menu combien la salle est une installation d’avenir, avec toutes les raisons de continuer d’inventer des réponses désirables pour un public payant.

Se moquant au passage de son collègue Tarantino qui n’a rien trouvé de mieux que de déclarer que le cinéma disparaitrait avec l’utilisation de la pellicule (sic), Nolan pense, ou en tout cas s’exprime selon les critères en vigueur dans son monde, celui du grand spectacle et des blockbusters. L’essentiel de son argumentaire est parfaitement transposable à d’autres formes de cinéma. Mieux: il vaut pour le cinéma dans son ensemble, au-delà des gigantesques différences, voire des antagonismes violents qui séparent une idée du cinéma représentée par, disons, Transformers VI et le prochain film d’Alain Cavalier ou de Naomi Kawase.

C’est pourquoi le plaidoyer de l’auteur de The Dark Knight est si significatif. Il trouve écho dans un projet tellement sans commune mesure qu’il semble appartenir à un autre monde, mais qui en fait est une autre façon de travailler le même sujet. Une élève du département distribution/exploitation de La fémis, Agnès Salson, et son compagnon Mikael Arnal ont entrepris un tour de France des salles indépendantes. Après un échantillonnage un peu partout dans le pays (Saint-Ouen, Dijon, Bayonne, Paris 5e, Romainville, Orléans, Saint-Etienne…), ils ont mis en place un parcours organisé sur la route duquel ils se sont lancés le 12 juillet, et dont ils publient chaque jour la récolte.

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Le libéralisme dans un fauteuil

C’est à la fois un symptôme et un symbole. En (ré)inventant les places plus chères pour certains fauteuils – cela a existé jadis – Pathé affiche la quête éperdue de bénéfices nouveaux de la part de grands circuits qui sont déjà en position de force pour faire euros de tous bois, subventions gigantesques comme vente massive de confiserie, détournement des écrans de leur vocation cinématographique ou obligations aux distributeurs de payer la diffusion de leurs bandes annonces.

Mais surtout, la création de fauteuils plus chers mais plus confortables et mieux placés au Pathé Wepler (Paris, place Clichy) rénové revient à enfoncer un nouveau coin dans l’idée qui aura servi de socle à la relation publique au cinéma, l’égalité de l’accès : sur le même support (la pellicule 35 mm), dans des lieux en principe équivalents (des salles soumises à la même réglementation), on pouvait voir pour le même prix le nouveau film de Steven Spielberg ou le nouveau film de Jean-Marie Straub, même si le cout de fabrication de celui-ci correspondait au cout de fabrication de 3 secondes de celui-là. C’était un facteur d’égalité (entre les spectateurs) et de solidarité (entre les films et ceux qui les font et les diffusent).

Sous les effets conjugués de nouvelles technologies et d’une idéologie ultralibérale débridée, ce « fond » – qui dans les faits a toujours connu bien des accrocs et bien des distorsions, le films n’étant jamais « nés libres et égaux » contrairement au rêve d’André Bazin – ce fond qui servait de base à la fois aux politiques publiques et aux pratiques du public ne cesse d’être défait de toutes parts, sans qu’on observe beaucoup de réactions de la part des autorités en charge d’autre chose que de la défense du sacro-saint droit à la concurrence – par exemple de cette fameuse « exception culturelle », dont il est à craindre que l’on ne s’en gargarise comme jamais que pour mieux en enterrer les principes.

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Harry Potter et l’avant-première maléfique

Branle-bas de combat chez les professionnels du cinéma. Harry, trahison! Motif de cette agitation: pour la sortie du septième et dernier épisode des aventures du jeune sorcier franchisé, Harry Potter et les reliques de la mort 2e partie, le 13 juillet, son distributeur, Warner, organise la veille une avant-première publique (et payante) non pas dans un grand cinéma comme il est d’usage, mais au Palais Omnisports de Paris-Bercy. C’est-à-dire hors du périmètre du monde cinématographique.

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