Cannes/3: “Mad Max”+Kawase+Kore-Eda=Cannes, terre de contrastes

FURY ROAD

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En sélection officielle, le Festival était marqué ce jeudi 14 mai par trois films assez différents –on s’évitera de perdre du temps sur un quatrième, l’épouvantable Conte des contes, de Matteo Garone, en compétition officielle, navet hideux dont absolument rien d’avouable ne justifie la sélection. Disons qu’il porte avec lui l’espoir qu’on ait déjà vu le plus mauvais film de tout le festival, toutes sections confondues, ce qui est plutôt réconfortant pour l’avenir.

Mais revenons à nos trois films dignes d’intérêt. Soit, d’un côté, Notre petite sœur, de Hirokazu Kore-Eda (en Compétition), et An, de Naomi Kawase (en ouverture d’Un Certain Regard), et de l’autre Mad Max: Fury Road, de George Miller (Hors Compétition). Deux films japonais d’une exquise délicatesse et un film d’action américain de l’autre peuvent très bien faire une bonne journée de festivaliers. Le propos n’est pas ici de les opposer, mais au contraire de souligner que, avec leurs extrêmes différences, ils ont entièrement leur place, au Festival et sur les écrans de France et du monde.

Au nouveau Mad Max, on peut et doit adresser deux reproches, le terrible manque de charisme du remplaçant de Mel Gibson, Tom Hardy, et la laideur embarrassante de la matière numérique des images. Mais, pour le reste, avec une adresse assez virtuose, le scénario et la réalisation réussissent à associer ancrage dans le récit fondateur de la saga et prise en compte de l’état actuel du spectacle cinématographique, vigueur impressionnante des plans, récit qui fait mine de croire assez à sa propre histoire pour ne pas en faire un simple prétexte à une débauche d’explosions et de massacres, esthétique plutôt réussie de la ferraille et des corps extrêmes, et même actualité politique (les allusions au djihadisme sont à la fois claires et pas stupides).

Le ressort dramatique principal, pas vraiment hollywoodien (du moins dans l’acception bourrine du terme, volontiers associée à ce genre de production) est que chacun(e) peut sortir de la voie qui lui est tracée, ou qu’il ou elle s’est tracée. Cela vaudra pour ce vieux Max comme pour l’intéressante amazone à un bras qui lui sert de principal contrepoint (Charlize Theron), pour un zombie-warrior complètement givré comme pour une poignée de pin-ups improbables directement propulsées d’un défilé de mode dans le désert à feu et à sang. Et pour ce qui est de péter en tout sens, pas de problème, on est servi –comme c’est ce qui est prévu, on ne voit pas pourquoi on s’en plaindrait.

Vertus infinies des effets de montage des festivals, qui font se parler des films fussent-ils aussi différents que possible les uns des autres: Mad Max est bâti sur deux arguments qui sont chacun au cœur d’un des deux films japonais du jour. Il y est en effet question de ce qui fait communauté, comme construction et non comme acquis, et d’environnement. (…)

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Le documentaire sur l’environnement peine à respirer

lignepartageeauxDes films récents comme «La Ligne de partage des eaux» ou «Holy Land Holy War» témoignent de la difficulté de ce genre très présent dans les salles à transformer une inquiétude légitime en oeuvre de cinéma.

Mercredi 23 avril est sorti en salles La Ligne de partage des eaux, de Dominique Marchais, un documentaire consacré à plusieurs enjeux environnementaux. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas seul –ni le seul documentaire, ni le seul à se soucier d’écologie.

Depuis une quinzaine d’années, profitant de certains dispositifs réglementaires et de l’effet d’une poignée de succès de box-office (Être et avoir, Le Cauchemar de Darwin), le nombre de documentaires sur les grands écrans ne cesse d’augmenter. En quinze ans, il est passé d’environ 40 à plus de 90 longs métrages.

Qui porte intérêt à la diversité des films et revendique la pleine appartenance de ce genre au cinéma devrait s’en réjouir. Les choses sont pourtant moins simples.

Car si on trouve en effet quelques véritables œuvres de cinéma ayant l’usage des moyens documentaires (récemment At Berkeley de Frederick Wiseman, Les Trois Sœurs du Yunnan de Wang Bing, Comme des lions de pierre d’Olivier Zuchuat, À ciel ouvert de Mariana Otero, Le Dernier des injustes de Claude Lanzmann), la grande majorité n’utilise caméra, micro et montage que pour illustrer un discours informatif ou polémique, ou mettre en circulation une imagerie –des activités dont la place devrait être à la télévision, si celle-ci remplissait son rôle (sic).

Un grand nombre de ces produits abordent des sujets liés à l’écologie. Qu’ils traduisent une légitime inquiétude face à l’état de la planète et le désir d’alerter et d’informer est tout à fait légitime; ce n’est pas pour autant une raison d’occuper un espace qui n’est pas le leur, celui des salles de cinéma, espace par ailleurs envahi de trop nombreuses productions (de fiction) qui le rendent déjà illisible, et quasi-inaccessible à des œuvres dont il est la seule destination possible. Mercredi 2 avril, on avait droit à la sortie simultanée de deux films sur, c’est à dire contre, le gaz de schiste (Holy Land Holy War et No Gazaran).

Cette dérive est entretenue par l’essor d’une utilisation de certaines salles comme lieux de débats sur des sujets de société (dont l’écologie) sans souci aucun de la qualité du film, du moment qu’il est l’occasion d’une mobilisation portée par des associations concernées. Mais comme on vend tout de même des billets à l’entrée, ces meetings d’un genre particulier ont la faveur d’exploitants qui en ont fait une ressource relativement stable grâce à la présence régulière de militants. Et bien sûr, l’existence de ces circuits alternatifs alimente la production de films correspondants à ces critères, critères où le cinéma n’a pas sa part.

Voilà pour le constat d’ensemble –qui touche aussi nombre de productions récentes concernant d’autres thèmes de mobilisation, tels que la grande précarité, les diverses malversations des grandes puissances financières ou la prise en charge de certaines pathologies.

Dans le cas des films directement liés aux sujets environnementaux, qui constituent le plus fort contingent au sein de cet activisme documentaire, on constate un autre problème, plus singulier et plus profond: la difficulté pour des réalisateurs qui, à n’en pas douter, se posent des questions de mise en scène, de conception formelle, de trouver comment faire un film de cinéma.

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