La France s’honore d’être, de loin, le pays où on trouve le plus grand nombre, et la plus grande proportion de femmes réalisatrices de cinéma. Cette statistique ne recoupe qu’à peine la question plus complexe, discutable et intrigante, de «films de femme». Alors que va s’ouvrir la 36e édition du Festival international de Films de Femmes à Créteil, le 14 mars, cet intitulé demeure davantage un appel à interrogation que la simple prise en compte du sexe de sa signataire. Et c’est sous cet éclairage qu’apparaît d’emblée le nouveau film de Sophie Fillières, film consacré à un couple au bord de la rupture: sans effet particulier ni caricature, c’est incontestablement du côté féminin, et avec une sûreté d’observation qui balaie toute objection de partialité (pour une fois dans ce sens-là) que s’ouvre Arrête ou je continue. A l’évidence c’est une femme qui raconte, et elle raconte bien.
Emmanuelle Devos et Mathieu Amalric dans un film sur la crise d’un couple de Parisiens quadragénaires, ça ressemble à une caricature du cinéma français tel que les beaufs, les démagos et la présentatrice des Oscars (ça fait du monde) aiment à s’en moquer? Oui. Ça ressemble aussi au pitch de cinquante films ennuyeux (et de trois fois plus de téléfilms).
Mais le pitch est un crétin et un menteur. Parce que de ce canevas ultra-convenu, la réalisatrice et ses deux interprètes font un terrain d’invention permanente, un filet sensible qui capte une infinité de micro-vibrations qui concernent, certes, l’existence des monsieurs, des madames, des mêmes ensemble dans un appartement, une famille, des travails, des loisirs et tout ça. Mais encore bien davantage. Une certaine idée de ce qu’est un moment, un son, un geste, un changement de lumière ou de température.
Ils s’appellent Pomme et Pierre, ils vivent à Paris, ils ont des sous et des lettres, et des amis. Comment, pourtant, ça ne va pas, on va le voir, comme on le l’a pas déjà vu. Et ce sera fort intéressant.