Cannes/9 Cinéma français: les enfants gâtés

Premier bilan mitigé du cinéma français en lice sur la Croisette: quelques grands films et découvertes mais surtout des longs métrages qui font preuve d’une paresse rembourrée par les moyens conséquents dont ils disposent.url-2Vincent Lindon dans La Loi du marché de Stéphane Brizé

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Les affiches de Mon roi de Maïwenn, Marguerite et Julien de Valérie Donzelli et Les Deux Amis de Louis Garrel.

On avait, avant même l’ouverture du Festival, pointé le nombre anormalement élevé de films français sélectionnés cette année à Cannes, et notamment en compétition –5 titres plus le film d’ouverture et le film de clôture, soit un record absolu et un déséquilibre flagrant dans une sélection de seulement 21 titres. Ce constat purement quantitatif se devait bien sûr d’être révisé à la lumière des films eux-mêmes, considérés un par un lorsqu’il aurait été possible de les voir.

En attendant les derniers participants, notamment en compétition ceux signés Guillaume Nicloux et Jacques Audiard, on peut tirer un premier bilan, très mitigé. À ce jour, il y a bien eu de grands films français à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs (L’Ombre des femmes, de Philippe Garrel, et Trois souvenirs de ma jeunesse, d’Arnaud Desplechin), et de belles découvertes aussi, à la Semaine de la critique (Ni le ciel ni la terre, de Clément Cogitore) et à l’Acid (De l’ombre il y a, de Nathan Nicholovitch). Et la sélection officielle alors? Ben oui…

Signalons d’abord n’avoir pas tout vu de ce qui est montré à Un certain regard. Soulignons ensuite avec force la présence de deux titres tout à fait honorables, et qui d’ailleurs se ressemblent. On a déjà mentionné les qualités du film d’ouverture, La Tête haute, d’Emmanuelle Bercot, on fera volontiers de même avec La Loi du marché, de Stéphane Brizé (sorti le 20 mai).

Porté de bout en bout par Vincent Lindon, impeccable, on y retrouve la prise en charge rigoureuse d’un problème majeur de la société contemporaine, le chômage, et ses effets destructeurs sur les personnes. La Loi du marché est conçu comme une succession de pages arrachées à une sorte de journal intime d’un ouvrier dont l’usine a fermé. Sans grande phrase ni grands gestes, l’homme se bat simultanément pour retrouver du travail, pour permettre à son fils de faire des études, pour ne pas laisser la situation détruire sa famille et lui faire perdre toute estime de lui-même.

Le film est d’une rigoureuse et bienvenue sécheresse, il se révèle d’autant plus émouvant qu’il est précis et sans enjolivures romanesques ni sentimentales. Entouré d’acteurs non professionnels, l’acteur participe d’une proposition qui à la fois affirme et questionne sans cesse, avec une sorte de modestie butée du meilleur aloi.

Le contraste est frappant avec les deux autres titres déjà présentés en compétition. (…)

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Cannes/1 «La Tête haute», une juge et une cinéaste aux côtés de la vie

tete-haute-paradot«La Tête haute» d’Emmanuelle Bercot. Avec Rod Paradot, Catherine Deneuve, Benoit Magimel, Sara Forestier, Diane Rouxel. Durée: 2h02. Sortie le 13 mai.

Présenté en ouverture du Festival de Cannes, mercredi 13 mai, le jour même de sa sortie en salles, le nouveau film d’Emmanuelle Bercot est une bonne surprise à plus d’un titre. Il tranche en effet avec ce qu’on a le plus souvent en guise de séance inaugurale du Festival, attrape-paparazzi où le glamour de l’affiche aura trop souvent été préféré à l’intérêt des films (il y a eu des exceptions, mais pas beaucoup). Certes, la présence de Catherine Deneuve assure un certain rayonnement au baromètre du star-sytem, mais il s’agit assurément d’un film voulu et accompli pour d’autres motifs que les séductions people. Surtout, il s’agit, tout simplement, d’une réussite de cinéma –même avec un bémol.

Reconnaissons avoir nourri les pires inquiétudes à l’annonce de cette Tête haute, moins du fait des précédents films d’Emmanuelle Bercot que de sa participation, comme coscénariste et comme actrice, au racoleur Polisse de Maïwenn. Si, après la brigade des mineurs cette histoire de juge pour enfants était de la même eau complaisante, le pire était à craindre. Il ne faut pas longtemps pour s’apercevoir que ce n’est en aucun cas comparable, voire que La Tête haute est le contraire du précédent.

Passée la séquence introductive, située 10 ans avant le récit principal et qui atteste combien les enjeux qui l’habitent sont ancrés dans la durée, le film ne quittera plus son protagoniste principal, ce Malony incarné avec une présence, une énergie et une complexité remarquables par le jeune Rod Paradot.

Celui-ci tient sans mal la distance face à Deneuve, remarquable en juge inventant dans l’instant la moins mauvaise réponse à une succession de situations catastrophiques, sans jamais trahir les exigences de sa fonction.

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