“Le Bois”, peuplé et fendu

bois3

Le Bois dont les rêves sont faits de Claire Simon. Durée: 2h26. Sortie le 13 avril.

Tourné durant toute une année au Bois de Vincennes, tout contre Paris (1), Le Bois dont les rêves sont faits est un film fendu, disjoint. Un film qui fait, très bien, deux choses complètement distinctes. Que fait-il? D’abord, une série de portraits de personnes qui fréquentent ce lieu, la description d’un grand nombre de situations très particulières qui s’y produisent.  La collection assemblée par la réalisatrice Claire Simon est impressionnante, par sa diversité et par l’intérêt qu’à des titres divers –informatif, émotif, esthétique– ces composants suscitent.

L’ancien légionnaire qui a installé son gymnase personnel dans une clairière, les promeneurs de chiens professionnels, la prostituée lucide et volontaire, les SDF adeptes de la chlorophile, un chaman, les techniciens du service des parcs de la Ville de Paris, les amoureux de tous sexes, les groupes d’émigrés cambodgiens ou guinéens, les zoologues amateurs, le voyeur et fier de l’être, les cyclistes du dimanche mais pas pour rire… Chaque fois, la cinéaste réussit à dépasser le côté folklorique, en tout cas la réduction des personnes à leur fonction, à leur apparence, à leur définition par un seul critère.

La longue pratique du documentaire de la cinéaste de Coûte que coûte et de Gare du Nord offre au film ce qui est sans doute sa plus belle dimension: la qualité de l’«écoute» – écoute de la caméra autant que du micro, de l’œil autant que de l’oreille, disponibilité, attention, réception. Dans un autre siècle, Jean-Luc Godard opposait la caméra qui reçoit à la caméra qui s’impose –femelle ou mâle, disait-il. Celle de Claire Simon est remarquablement disponible à la diversité et aux nuances du monde et de ceux –humains et non-humains– qui le peuplent. (…)

LIRE LA SUITE

lire le billet

« Anomalisa », émouvante théorie de l’humain

David Thewlis voices Michael Stone and Jennifer Jason Leigh voices Lisa Hesselman in the animated stop-motion film, ANOMALISA, by Paramount Pictures

Anomalisa de Charlie Kaufman et Duke Johnson avec les voix de David Thewlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan. Durée 1h30. Sortie le 3 février.

On entre dans ce film comme dans… un hôtel. Un des ces hôtels modernes anonymes, qui accueillent touristes par cars entiers et conventions professionnelles en tous genres. On entre dans ce film comme dans… une histoire bien connue. Un petit roman moderne ou un scénario convenu, avec angoisse existentielle de l’homme d’âge mûr temporairement séparé de sa famille et rencontre avec une femme pour une nuit. Dans Anomalisa, la banalité n’est pas une fatalité ni défaut, elle est la condition nécessaire de ce qui se joue au contraire de tout à fait extraordinaire.

Anomalisa est un film d’animation. Et c’est aussi sans doute le film le plus théorique qu’on ait vu depuis longtemps sur grand écran. Théorique au sens où il ne cesse de poser frontalement des question abstraites, qu’il formule avec les moyens très particuliers de marionnettes, de décors à l’artifice visible, de situations, de gestes et de phrases stéréotypés. Mais qu’est-ce qui est le plus banal : les visages et les voix uniformes de tous les protagonistes hormis les deux personnages principaux, Michael et Lisa, ou la singularité sans charme particulier de chacun de ces deux derniers, manifestation d’une individualisation aussi terne que le conformisme des autres ?

Ce qui n’est pas banal, en tout cas, est la conjonction des deux, le télescopage à bas bruit, mais à effets de haute intensité, de ce qui verrouille du côté du même, du standardisé, du nivellement, et de ce qui singularise. Et ce qui n’est pas banal du tout, et même sauf erreur parfaitement unique, c’est l’utilisation de la caméra face à cela.

Une définition possible du cinéma moderne face au cinéma classique serait qu’il rend visible, sensible, la présence de la caméra, du dispositif cinématographique dans le film lui-même – il en va d’ailleurs de même dans les autres arts, entrés dans la modernité lorsque leur procédure d’élaboration est devenue un élément de l’œuvre, tableau, écrit ou composition musicale.

Hormis dans le cinéma expérimental du type Norman McLaren, mais alors au prix de la disparition de toute narration, les dessins animés n’ont en ce sens jamais été modernes : ils font toujours comme si la caméra n’existait pas, quitte à lui prêter une virtuosité improbable – pour cette raison simple : l’outil d’enregistrement n’est pas présent dans le même monde que celui des acteurs et des paysages qu’il filme.

C’est l’innovation majeure d’Anomalisa, où se joue une histoire à trois personnages principaux : le couple éphémère qui va se former durant une nuit dans ces chambres et couloirs d’hôtel, Michael et Lisa, et la caméra, la machine de filmage. Tout à fait autre chose que les jeux avec le support et le cadre cinématographique, ce que l’animation a souvent mis en scène, d’Emile Cohl (le personnage dessiné qui sort de l’encrier) à Tex Avery (le personnage qui sort de la pellicule) ou à Roger Rabbit (le face à face entre humains et toons). Différent, aussi, de la méditation au long cours sur la mécanisation de l’humain qui hante la pensée et les arts occidentaux depuis les fables sur les automates.

Michael, le commercial surdoué incapable d’avoir des relations affectueuses avec ses contemporains et Lisa la secrétaire plus très jeune qui ne croit plus à grand chose ne sont pas faits de chair et de sang, l’artifice de leur masque, bien visible, ne laisse aucun doute. Ce ne sont pas des machines. Et ce ne sont pas non plus des personnages de dessins animés. Quoi alors ? Ce sont des personnages de fiction, de fiction réaliste. Ce sont des personnages tels que la caméra en prises de vue réelles les enregistrent, mais partiellement épurés du trouble de l’incarnation – vous savez bien, le paradoxe du comédien, la personne réelle qui joue le personnage.

Partiellement seulement, puisqu’il reste la voix, qui est évidemment un des modes les plus actifs de cette incarnation. Mais assez complètement, puisqu’il s’agit ici d’interroger les visages dans tout ce qui s’y joue d’essentiel (coucou Levinas), mais aussi les corps, la peau, les sexes. De l’interroger d’autant mieux que ces visages et ces corps sont ceux de marionnettes. D’autant mieux que rien, jamais, ne viendra se mettre du côté de la séduction, de l’effet charmeur en direction du spectateur.

Visuellement et intellectuellement, Anomalisa est un film d’une rigueur extrême.

Théorique, rigoureux… oui. Et puis voilà. Voilà qu’au creux de ce que le film a de plus abstrait pointe la plus improbable, la plus puissante, et finalement la plus juste émotion. Anomalisa est un film incroyablement touchant, un film qui non pas malgré mais du fait de ses partis-pris extrêmes, retrouve quelque chose de très enfoui, de très mystérieux, de très… humain, oui. Non plus du tout banal, mais commun, partagé et partageable, et infiniment poignant. C’est un mystère, qui est probablement la raison d’être de ce beau film.

 

lire le billet

Premiers plans à Angers, salut Cavalier

le_filmeur

Le Festival Premiers Plans d’Angers, dont la 28e édition se tient du 22 au 28 janvier, c’est quoi? Une vitrine pour des premiers films européens, et des films d’école réalisés dans toute l’Europe: c’est sa raison sociale, et toujours une de ses dimensions importantes. Mais aussi un des festivals les plus fréquentés de France, notamment par des lycéens et des étudiants. Et encore, un lieu d’échange où se rencontrent artistes, professionnels, médias et responsables de pouvoirs publics, ou l’occasion de découvrir des premiers films chinois, d’écouter la lecture de scénarios de films au futur…. Et c’est l’occasion, devant des publics toujours nombreux, de rétrospectives travaillant à construire ou à entretenir la place que de grands cinéastes occupent dans l’histoire de leur art et dans l’imaginaire collectif.

Cette année, c’est surtout le cas de Milos Forman, grande figure d’un cinéma aimanté par les polarités des cultures européennes et états-uniennes, artistes ayant traversé les bouleversements politiques, artistiques et intellectuels de la deuxième moitié du 20e siècle avec une lucidité joueuse et une inventivité curieuse sans grand équivalent. Et c’est aussi le cas d’un cinéaste à la fois reconnu et toujours à découvrir, Alain Cavalier.

Comme beaucoup de jeunes gens de sa génération, celle qui aura 20 ans au début des années 1950, le jeune Alain Fraissé voulait faire du cinéma. Il s’inscrivit donc à l’école de cinéma, l’IDHEC, y fut diplômé, puis devint assistant d’un des meilleurs parmi ses prédécesseurs dans cette institution, Louis Malle.

Lorsqu’il devient réalisateur à son tour avec le court métrage L’Américain en 1958, le jeune homme devenu Cavalier entre en cinéma au moment où celui-ci, dans le monde mais singulièrement en France, connaît une révolution. Ce ne sera alors pas son affaire, et les quatre films tournés dans les années 60 n’appartiennent pas à la Nouvelle Vague. Cavalier est pourtant attentif au monde dans lequel il vit, et aux mouvements qui l’agitent. Ses deux premiers longs métrages figurent parmi les œuvres importantes (moins rares qu’on ne le dit souvent) que le cinéma français aura consacré à la guerre d’Algérie. Ce qui vaudra au Combat  dans l’ile (1962, inspiré de l’attentat de l’OAS contre le Général De Gaulle au Petit-Clamart) et à L’Insoumis (1964, inspiré d’exactions de l’OAS contre une avocate) des difficultés avec la censure, le deuxième étant d’abord interdit puis considérablement coupé.

Liés à l’actualité, ces deux films sont aussi des films de genre, des thrillers, film de complot pour le premier, de poursuite pour le second. Tout comme seront des films de genre les deux suivants, film de hold-up avec Mise à sac (1967), drame sentimental et étude psychologique adaptée d’un roman à succès avec La Chamade (1968, d’après Françoise Sagan, avec Catherine Deneuve et Michel Piccoli – et des costumes d’Yves Saint Laurent). Ces quatre films sont tous des réussites, à l’intérieur d’un certain nombre de convention – le dernier offrant ce qui reste, près de 50 ans après, un des plus beaux rôles de Deneuve.

Une carrière large et prestigieuse comme l’avenue des Champs Elysées s’ouvre alors devant Alain Cavalier en train de conquérir une reconnaissance professionnelle et publique, artisan stylé promis à un bel avenir dans le système du cinéma français version mainstream haut de gamme, avec budgets importants, vedettes, élégance de la réalisation, vernis culturel et recettes efficaces. Deux événements, l’un public, l’autre privé, vont emmener Cavalier sur des chemins autrement escarpés, ludiques, exigeants et personnels.

L’événement public, appelons-le Mai 68, et le bouleversement des représentations et des rapports humains que ce séisme fait courir à travers la société dans les années qui suivent. L’événement privé est la mort de sa femme, l’actrice Irène Tunc, dans un accident en 1972.

Le premier effet de ce double séisme est un long silence, de huit ans, avant que ne sorte un nouveau film. Le deuxième effet, directement relié à l’onde de choc de Mai, est ce film de 1976, Le Plein de super, film libre et vif, inventé en route avec quatre copains comédiens. Comme si Cavalier découvrait pour lui-même la Nouvelle Vague 15 ans après, et s’y trouvait délicieusement bien. Pas d’imitation ici, ce film ne ressemble ni à du Godard, ni à du Varda, ni à du Rohmer mais, justement, la joie d’une découverte de chaque instant, d’une invention, d’une énergie.

Contrepoint très sombre et directement lié à l’autre événement, le radical Ce répondeur ne prend pas de message en 1979 témoigne à la fois d’une époque difficile pour l’homme Cavalier et de la capacité du réalisateur à faire de sa solitude et de sa vision très sombre le matériau d’un travail de cinéma profond et rigoureux. Personne alors, à commencer par l’intéressé, ne peut savoir combien ces deux films préparent la réinvention majeure qui adviendra 15 ans plus tard.

Il faudra pour cela passer par deux films qui poursuivent, sur un mode intimiste et à l’écriture très ouverte, l’impulsion du Plein de super, avec le couple de Martin et Léa (1979) et le tandem père-fille d’Un étrange voyage (1981).

Mais Cavalier veut, doit aller plus loin dans la réinvention des manières de filmer. Et ce seront deux merveilles, une lumineuse et l’autre sombre, l’une qui le rendra soudain très célèbre, et l’autre qui passera presqu’inaperçue. Thérèse, ovationné au Festival de Cannes 1993, succès public inattendu, s’enferme dans le cocon d’un studio pour trouver d’autre échappées vers les routes au longs cours de l’esprit, de la jeunesse, du désir, à propos d’une star contemporaine appelée Thérèse de Lisieux, petite sainte paysanne de la fin du 19e siècle. Le second, le bouleversant Libera me (1993), à nouveau contrepoint douloureux du précédent, en reprend le dispositif minimaliste et fermé, pour explorer les chemins de la terreur telle que les humains l’infligent aux humains, ici et ailleurs, maintenant, jadis et naguère.

Avec les années 70, Cavalier a gouté aux vents de la liberté, dans l‘euphorie et dans la douleur, ces vents le poussent toujours plus loin, l’éloignent davantage du cinéma formaté, des règles du métier et du jeu social. C’est encore le cas avec la série de Portraits (1991), portraits de femmes au travail, mais aussi en filigrane de lui-même se confrontant de plus en plus ouvertement, intimement, personnellement, au monde et à ceux qui le peuplent.

Quand apparaissent les premières caméras numériques, légères, autonomes, bon marché, c’est comme si toute sa trajectoire antérieure les attendait. A nouveau un événement public, l’avènement du digital, croise en événement privé, l’apparition dans la vie du réalisateur de la cinéaste, productrice, monteuse, princesse des steppes orientales et des théières culottées,  grande prêtresse ornithophile Françoise Widhoff. C’est de cette double rencontre que le film justement intitulé La Rencontre (1996) porte témoignage.

Désormais le cinéaste est seul, et découvre que c’est ce dont il rêve depuis 25 ans. Seul, c’est à dire plus près du monde, plus près des autres, plus près de la lumière, de la femme qu’il aime, plus près de ses propres pensées et émotions, plus près des enfants, des chevaux, des fantômes, des chats, des comédiens, des humains de rencontre, de passage, de grande affection. A 65 ans, Alain Cavalier devient le plus jeune et le plus moderne cinéaste de son époque.

Commence, totalement inédite et unique et totalement cohérente avec sa longue histoire, la formidable aventure que scandent notamment Le Filmeur (2005) dont le titre sert désormais à qualifier la manière d’être et de faire de son auteur, Bonnard (2005), Irène (2009), Pater (2011) ou Le Paradis (2014). Jusqu’au tout récent Le Caravage (2015). Il y a du documentaire, il y a de la fiction, il y a de l’essai et du journal, il y a du cinéma partout, mais autrement. Ce sont ses images, cadrées par son œil et sa main et habitées par sa voix dans le même mouvement, inouï, de la prise de vue et de la prise de parole. Ces images-voix, rythmées par son souffle et son montage, accueillent le très proche et le très vaste, le très concret des choses et les plus nécessaires et généreuses idées. Cinéma à la première personne du singulier, ouvert sur l’infini de l’univers.

(Le texte sur Alain Cavalier figure également dans le catalogue du Festival Premiers Plans).

lire le billet

Quand la ville dort, le cinéma se fait

Reportage sur le tournage de «Trois coeurs» de Benoît Jacquot.

L’auteur des «Adieux à la reine» tourne son nouveau film à Valence avec Benoît Poelvoorde, Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni et Catherine Deneuve. Cette nuit-là, une idée de la mise en scène qui passerait comme un songe.

Sur le tournage de «Trois coeurs» de Benoît Jacquot / Jean-Michel Frodon

Ils ne se connaissent pas. Ils marchent dans la ville, la nuit. Ils sont déjà amoureux. Ils ne se le diront pas. Ils diront autre chose, ou rien, toute la nuit. Le matin, il reprendra le train pour Paris. C’est au début de Trois cœurs, le nouveau film de Benoît Jacquot. Charlotte Gainsbourg et Benoît Poelvoorde sont dans les rues de Valence qui s’endort. Comme le reste de l’équipe, ils savent qu’il y en a pour toute la nuit.

Il n’est pas si fréquent que les conditions du tournage épousent aussi bien la situation que le film raconte. On voit bien que Benoît Jacquot aime ça. Rien de plus difficile pourtant que de donner vie et intensité à des scènes à ce point privées de tout ce qui nourrit d’ordinaire le spectacle. Des scènes sans rebondissement, sans moment spectaculaire, sans affrontement psychologique ni étreinte passionnée, ni dispute ni bagarre ou poursuite. Une chorégraphie impalpable qui densifie peu à peu la passion surgie de nulle part entre un homme et une femme qui n’étaient pas destinés à se rencontrer.

C’est compliqué, cette abstraction sensuelle qu’il faut construire comme une continuité à partir d’instants nécessairement disjoints, entre lesquels il faut installer la caméra, quelques projecteurs, parfois 3 mètres de travelling, poster des assistants aux carrefours, amener l’appareillage du son, laisser les comédiens se réchauffer puis se remettre en situation.

Pas beaucoup de lumière –«j’éclaire le moins possible, dit Julien Hirsch, le chef opérateur, pour voir la ville, voir ce qu’il y a derrière et autour des acteurs.» Comme tous les autres membres de l’équipe, il a déjà plusieurs fois travaillé avec le réalisateur, ils s’entendent comme larrons en foire:

«Prêt Julien?

— Prêt Benoît!

— On tourne. Moteur.»

Le dernier mot est dit doucement, pas comme une injonction, comme une invite.

«C’est bon, on passe à la suivante.»

Lire la suite

lire le billet

Aäton, grandeur et résilience d’un petit commerce de cinéma

Cela a failli être une catastrophe. Elle a été évitée, après être passé presque inaperçue. Mais si les protagonistes sont d’accord pour considérer qu’une sorte de happy end a prévalu, c’est quand même une défaite, politique et artistique, qui vient d’avoir lieu.

De quoi s’agit-il? D’un homme, d’une entreprise, d’une idée et d’un symbole. L’homme s’appelle Jean-Pierre Beauviala, il a aujourd’hui 75 ans, il est ingénieur, architecte, électronicien, inventeur et poète, il vit et travaille à Grenoble depuis plus de quarante ans. L’entreprise qu’il a créée en 1971 s’appelle Aaton (originellement Aäton), elle fabrique des caméras, des enregistreurs son et d’autres appareils pour le cinéma.

Beauviala incarne comme personne l’idée qu’une réflexion inspirée par les enjeux —artistiques, politiques, économiques, affectifs— est capable de nourrir des inventions techniques en nombre quasi-infini. Cette idée concernerait aussi bien la conception d’ordinateurs, de tracteurs ou de chaussures, elle vaut autant pour la fabrication d’objets matériels que comme manière de considérer l’existence.

Lire la suite

lire le billet

Caméra ouverte

Entretien avec Pierre Lhomme, co-réalisateur et chef opérateur du Joli Mai

Tournage du Joli Mai, Pierre Lhomme est à la caméra, à sa droite Antoine Bonfanti et EtienneBecker, à sa gauche Pïerre Grunstein. Photo de Chris Marker.

Au moment où Chris Marker décide de consacrer un film au mois de mai 1962, personne ne pouvait savoir ce qui se passerait, ou viendrait de se passer lorsqu’on tournerait.

C’est vrai, il y a une part d’intuition, et aussi de pari. Mais on est dans une période pleine d’événements, en pleine finalisation de l’accord qui va donner l’indépendance à l’Algérie. Même si personne ne pouvait savoir que les Accords d’Evian seraient signés le 18 mars,  on savait que cela allait arriver dans un avenir proche. Cette signature et le référendum qui les valide en avril permettent à Chris de parler de premier printemps de paix. Jusque là, toute l’après Deuxième Guerre mondiale avait été sous le signe des conflits de la décolonisation.  Et puis il est vrai que le mois de Mai est souvent riche en événements, évidemment ce mois-là n’est pas choisi par hasard… Chris avait rédigé une note d’intention, qui devait servir à trouver une aide au CNC, et où on trouve ces phrases magnifiques : « Ce film voudrait s’offrir comme un vivier aux pêcheurs du passé de l’avenir. A eux de tirer ce qui marquera de ce qui n’aura été inévitablement que l’écume. »

 

Comment avez-vous été associé au projet ?

Par un coup de téléphone de Chris Marker, à la toute fin de 1961. On se connaissait un peu, mais c’est surtout je crois parce que j’ai beaucoup travaillé, comme assistant, avec Ghislain Cloquet, qui avait lui-même beaucoup travaillé avec Chris. Il a dû demander à Cloquet qui lui semblait convenir pour travailler à la main et en souplesse. Il se trouve que, tout en étant chef opérateur, j’ai aussi toujours beaucoup aimé le reportage. Et on a tout de suite parlé de la manière dont il voulait tourner ce film.

 

Quels ont été les principes qui ont guidé ce tournage ?

Le principe essentiel c’était la modestie dans le rapport aux personnes interviewées. Le seul précédent auquel on pouvait se référer, c’était Cinq Colonnes à la Une, le magasine de reportage de la télévision, où il y avait des choses extraordinaires. Pour nous il s’agissait d’éviter cette espèce de psychodrame que la caméra déclenche presque toujours. Il fallait une modestie, une non-agressivité de la caméra et du micro. Plus tard, dans un beau texte paru sous le titre « L’objectivité passionnée » (publié par Jeune Cinéma en 1964), Chris dira : « Nous nous sommes interdit de décider pour les gens, de leur tendre des pièges » Nous étions très méfiants à l’égard du pittoresque et du sensationnel.

 

En quoi la méthode de tournage était-elle nouvelle ?

C’était la première fois qu’on pouvait tourner en son direct. Le son s’était libéré depuis quelques années déjà grâce à l’arrivée de nouveaux magnétophones, les Perfectone puis les Nagra, mais l’image, elle, n’était pas libérée : les caméras étaient beaucoup trop lourdes et bruyantes, on les appelait les machines à coudre. Et images et sons n’étaient pas synchronisés. Enfin, je parle de la France, les Américains étaient en avance, Richard Leacock avec Primary, les frères Maysles, Michel Brault au Canada avaient commencé d’explorer ces nouvelles possibilités. Ils avaient réussi à synchroniser la caméra et le magnétophone avec une montre à diapason. Alors que pour Le Joli Mai, Antoine Bonfanti (l’ingénieur du son) et moi nous étions reliés par des câbles, un véritable écheveau dans les rues, sur les trottoirs… A ce moment, la grande découverte pour un jeune opérateur comme moi concerne l’importance décisive du son. Je ne pouvais plus utiliser ma caméra de la même manière, et j’ai donc très tôt demandé à Bonfanti un casque pour entendre ce qu’il enregistrait. Un câble de plus… J’ai réalisé que l’opérateur devait être toute oreille et l’homme du son tout regard.

 

Comment décidiez-vous qui interviewer ?

Le principe c’était la liberté totale. Nous étions peu nombreux, Chris, Antoine, Etienne Becker mon assistant, Pierre Grunstein (« l’homme à tout faire ») et moi. On se baladait et quand on voyait quelqu’un qui nous semblait intéressant on allait le voir. Enfin… plus exactement, il y a eu deux méthodes. Chris avaient rencontré à l’avance certaines personnes, celles-là ont été filmées de manière plus installée, cela se sent bien dans la deuxième partie « le retour de Fantômas »: le prêtre ouvrier, le jeune ouvrier algérien, l’étudiant dahoméen… Et puis des rencontres, auxquelles il fallait être très disponibles. Le tailleur qui est au début du film a été la première personne qu’on a interviewée, on ne le connaissait pas même si sa boutique était à côté du local de la production, rue Mouffetard. En filmant cette première conversation, j’ai compris que ce qu’on mettait en place pouvait nous mener très loin. Pour la première fois, nous avions des magasins de pellicule de plus de 10 minutes, en 16 mm. Et le rechargement était très rapide, j’avais toujours des magasins de rechange prêts. On n’en a pas conscience aujourd’hui, mais c’était un véritable bouleversement dans les possibilités de filmer sur le vif.

 

La caméra que vous utilisiez était nouvelle est aussi ?

Oui, c’était un prototype de chez Coutant, la KMT. Il n’en existait que deux, Rouch avait eu l’autre pour Chronique d’un été. Elles appartenaient au Service de la Recherche de l’ORTF, elles ont été perdues. Leurs principales nouveautés tenaient à la légèreté , et au faible bruit et à la possibilité de synchronisation avec un magnétophone.

 

Comment perceviez-vous ce que vous voyiez et entendiez au cours de ces conversations ?

Nous allions d’étonnement en étonnement, Chris et les autres tout autant que moi. Nous étions partis à la découverte des Parisiens, et ce que nous découvrions nous sidérait. A l’époque, les gens avaient encore moins qu’aujourd’hui la parole. Nous ne nous attendions ni à ce qu’ils disaient, ni à la manière dont ils le disaient – une manière étonnamment directe et sincère, où ils ne cherchent pas à séduire la caméra. Et où se révélait bien d’autres perceptions de la situation que celles auxquelles nous nous attendions.

 

La répression meurtrière à Charonne le 8 février 1962 et la grande manifestation en réponse le 13 février ont fait irruption dans le projet.

Ce sont les seules séquences qui n’ont pas été tournées au mois de mai. Elles ne sont pas tournées par moi, les images de la manifestation ce sont les actualités, et un autre opérateur était à la manifestation du 13.

 

Comment êtes-vous devenu non pas le chef opérateur du film mais son co-réalisateur ?

C’est le résultat de l’intégrité absolue de Chris. Après des centaines d’heures passées sur les rushes pendant le montage, il en est arrivé à la conclusion que le film était aussi le résultat du travail de son opérateur. Il a décidé tout seul de m’ajouter comme co-réalisateur, ce n’était pas du tout prévu, ça ne figure pas dans le contrat. Lorsque je suis venu vérifier la première copie d’exploitation, au cinéma Le Panthéon, j’ai découvert à l’écran que j’étais devenu co-réalisateur. Je vous laisse imaginer l’émotion… elle est encore présente aujourd’hui. Cela a joué sur tout mon itinéraire, après avoir travaillé avec un homme de cette qualité, on devient exigeant avec les autres.

 

Dans quelle mesure les questions posées dans le film étaient-elles préparées à l’avance ?

Il y avait quelques questions de départ, comme celle sur la nature du bonheur, qui visait à comprendre la relation entre les gens et les événements, leur perception du cours du monde. Toujours en y allant doucement. Nous étions accompagnés de deux intervieweurs, 2 amis, Henri Belly et Henri Crespi. Quand la caméra tournait, Chris était un peu à l’écart mais il écoutait tout, il lui arrivait souvent d’intervenir. Il fallait surtout être réactif, ne pas rester collés aux questions prévues, il fallait surtout répondre à l’honnêteté des gens en face de nous. Et jamais les entretiens ne sont saucissonnés au montage, qui respecte toujours la parole dans la continuité.

 

Ce qu’on voit dans Le Joli Mai représente quelle proportion de ce qui a été filmé ?

Très peu, il y avait plus de 50 heures de rushes. En travaillant au montage, Chris était parvenu à une version qui correspondait à ce qu’il voulait faire, et qui durait 7 heures. Cette version n’a été projetée qu’une fois, chez le producteur Claude Joudiou. Chris aurait aimé pouvoir continuer de la montrer, mais c’était en contradiction avec toutes les habitudes de la distribution. Il a donc fallu diminuer encore beaucoup, pour que le film puisse être exploité en salles. Mais le pire est que tous les rushes non montés ont été détruits. Ça a été une grande douleur. Chris appelait ça « l’euthanasie du Joli Mai ». Par exemple, on avait tourné toute une journée dans un taxi, avec Bonfanti dans le coffre et moi à côté du chauffeur, qui nous avait été signalé comme loquace, curieux et bon interlocuteur. On avait tourné avec tous les clients qui montaient. Chris, qui bien sûr n’était pas présent dans la voiture, avait été emballé quand il avait découvert les rushes. Il y avait de quoi faire un film entier, on avait eu la chance de rencontrer une dizaine de personnages formidables… Mais tout a disparu.

 

Comment sont apparus les plans de chats ?

Il est arrivé que ce mois de mai-là avait lieu une exposition, un concours de beauté féline. On a demandé à un collègue d’aller faire des plans de chats. Chris avait déjà à l’époque cette relation unique aux chats, ils étaient pour lui le regard de la sagesse et de la liberté. Je le savais, et pendant les entretiens, chaque fois qu’un chat passait par là bien sûr je le filmais. Même s’il a fallu d’énormes efforts pour raccourcir le film à sa durée actuelle, jamais il n’aurait enlevé les plans de chats.

 

Pourquoi avoir choisi Yves Montand pour la voix off ?

C’était un ami de longue date de Chris, d’abord à cause de son amitié de jeunesse avec Simone Signoret. Ils étaient très liés, plus tard, en 1974, nous avons fait ensemble un film que j’aime énormément, La Solitude du chanteur de fond, où Chris a filmé Montand chez lui, en répétition et en concert, c’est un petit bijou ! Notamment le montage. Dans Le Joli Mai, la voix de Montand donne une proximité au texte, comme une chanson populaire, le contraste est très évident avec la voix de Chris lorsqu’il dit La Prière sur la Tour Eiffel de Giraudoux.

 

Comment Michel Legrand a-t-il conçu la musique ?

Lors d’une séance à la Cinémathèque en 2009, nous avons présenté le film ensemble, Michel Legrand et moi. A cette occasion, il a affirmé qu’à l’époque, Chris lui avait donné des indications sur les séquences, et des durées, mais qu’il n’avait jamais vu le film. Ni alors, ni depuis. J’ignore la part de légende de cette histoire, en tout cas la musique correspond exactement. Même au moment de la scène de danse en boite de nuit, le soir même du procès de Salan, la musique est de Legrand, elle a été ajoutée. Il était impossible d’enregistrer la musique originale dans les conditions de tournage où nous étions.

 

Comment s’est passé le travail de restauration ?

Grâce à un financement du CNC, il a été possible d’effectuer cette restauration en même temps que le transfert sur support numérique de bonne qualité – en 2K dont on fera les DCP pour les sorties en salles et les HD pour l’exploitation vidéo. Mais je n’ai pas voulu effacer toutes les traces du temps, ce que j’appelle « les rides ». L’image n’a pas été nettoyée à fond, aseptisée comme on le fait trop souvent maintenant. On peut garder des imperfections du tournage, du développement, des accidents, tant que ça ne nuit pas à la vision. Les gens de chez Mikros sont repartis de la pellicule 16mm inversible d’époque, en bien meilleur état que les tirages 35mm qui ont été faits ensuite. Mais il a fallu aussi établir un « montage définitif », qui à vrai dire n’existe pas. Le film était sorti de manière précipitée, pour respecter les dates prévues avec les exploitants. Dès la sortie Chris a commencé à faire des coupes. Le souci est que les copies du Joli Mai ne sont pas toutes identiques. Nous avons convenu avec le Service des Archives du Film qu’il y aurait une restauration conforme au film qui est sorti en 1963, la version longue, et que celle-ci figurerait en « supplément » dans l’édition DVD. C’est une archive très utile pour des chercheurs. Mais ce n’était pas la version restaurée que Chris avait voulu voir distribuée.

En 2009, à l’occasion de la projection de la copie restaurée à la Cinémathèque, Chris a exigé que ses coupes soient respectées, ce qui a été fait. Dans la version aujourd’hui distribuée, nous avons respecté son souhait. Il n’aura pas eu le temps ni l’énergie de le faire lui-même.

 

(NB : Une version différente de cet entretien a été publiée dans le dossier de presse réalisé pour la réédition du film)

 

 

 

lire le billet

Leos Carax: «Jamais aucune idée au départ de mes projets, aucune intention»

Fragments d’entretien avec le cinéaste. [1].

Vous apparaissez au début du film, dans une sorte de prologue, qui est plus précisément et littéralement une ouverture. D’où vient l’idée d’être physiquement présent à l’image?

D’abord cette image: une salle de cinéma, grande et pleine, dans le noir de la projection. Mais les spectateurs sont tout à fait figés, et leurs yeux semblent fermés. Sont-ils endormis? Morts?

Le public de cinéma vu de face —ce que personne ne voit jamais (sauf dans l’extraordinaire plan final de The Crowd de Vidor) [2].

Puis mon amie Katia m’a fait lire un conte d’Hoffmann où le héros découvre que sa chambre d’hôtel donne, via une porte dérobée, sur une salle d’opéra. Comme dans la phrase de Kafka, qui pourrait servir de prologue à toute création:

«Il y a dans mon appartement une porte que je n’avais jamais remarquée jusqu’ici.»

J’ai donc imaginé débuter le film avec ce dormeur réveillé en pleine nuit, qui se retrouve en pyjama dans une grande salle de cinéma pleine de fantômes. Instinctivement, j’ai appelé l’homme, le rêveur du film, Leos Carax. Alors je l’ai joué.

Dans quelle mesure «Merde», votre contribution au film Tokyo!, a joué un rôle dans la conception de Holy Motors, où le personnage de Merde est un des avatars (est-ce le bon terme?) de Denis Lavant?

«Merde» était un film de commande. Holy Motors est né de mon impuissance à monter plusieurs projets, tous en langue étrangère et à l’étranger. Avec toujours les deux mêmes obstacles: casting & fric. N’en pouvant plus de ne pas tourner, je me suis inspiré de l’expérience de Merde. Je me suis passé à moi-même la commande d’un projet fait dans les mêmes conditions, mais en France: écrire vite, pour un acteur précis, un film pas trop cher.

Tout ça rendu possible aussi par l’usage des caméras numériques, que je méprise (je déteste qu’on m’impose quelque chose —et elles s’imposent ou on nous les impose), mais qui rassurent tout le monde.

L’idée des moteurs, de la motorisation, de l’importance des machines est à la fois clairement revendiquée par le titre et présente de manière sous-jacente, presque subliminale dans le film, du moins avant la séquence finale. Cette idée est-elle à l’origine du projet ou a-t-elle pris forme petit à petit?

Jamais aucune idée au départ de mes projets, aucune intention. Mais deux trois images, plus deux trois sentiments. Si je découvre des correspondances entre ces images et ces sentiments, je les monte ensemble.

Pour Holy Motors, il y avait l’image de ces extra-longues limousines qu’on voit depuis quelques années. Je les ai croisées pour la première fois en Amérique, et maintenant à Paris dans mon quartier chaque dimanche, lors des mariages chinois. Elles sont bien de leur époque. A la fois bling bling et tocs. Belles vues de l’extérieur, mais à l’intérieur on ressent une sorte de tristesse, comme, j’imagine, dans le salon d’une boîte échangiste au matin. Quand même elles me touchent. Elles sont désuètes, un peu comme de vieux jouets futuristes du passé. Elles marquent je crois la fin d’une époque, celle des grandes machines visibles.

Très vite, ces voitures sont devenues le cœur du film, son moteur si je peux dire. Je les ai imaginées comme de longs vaisseaux qui transbahuteraient les hommes dans leurs derniers voyages, leurs derniers travaux.

Le film serait alors une sorte de science-fiction, où hommes, bêtes et machines se trouveraient en voie d’extinction. Liés par un sort commun, solidaires face à un monde de plus en plus virtuel. Un monde d’où disparaîtraient peu à peu les machines visibles, les expériences vécues, l’action. Dans la séquence où Denis Lavant a le corps recouvert de capteurs blancs, il est comme un O.S. de la motion capture. Frère du Chaplin des Temps modernes —sauf que l’ouvrier n’est plus coincé dans les rouages d’une machine, mais dans les fils d’une toile invisible.

Il y a deux types de machines dans le film. Les unes visibles, ces extra-longues limousines, donc. Les autres invisibles, les caméras qui enregistrent nos vies. Elles sont notre avenir.

J’aime beaucoup les mots «moteur» et «action». Mais on ne devrait plus dire «moteur!» sur les tournages numériques d’aujourd’hui. Il faudrait plutôt dire «power!»; ce n’est plus une machine qu’on met en branle lorsqu’on on fait un plan, c’est un ordinateur qu’on allume. Et ce power est un faux pouvoir. On ne «tourne» plus des films, on ne les «shoot» plus, on les programme. Les films sont des calculs (et on peut les recalculer presqu’entièrement après tournage, en post-production). La notion de risque, d’expérience, disparaît.

J.-M. F.

(1) Extraits d’un entretien par e-mails avec Jean-Michel Frodon, publiés dans le dossier de presse du film. Retourner à l’interview

(2) Autre manifestation de la connexion secrète de Holy Motors avec les autres films de Cannes, cette vision frontale du public, et donc miroir du véritable public du film, effectivement rare au cinéma, se trouve aussi dans Vous n’avez encore rien vu d’Alain Resnais et Amour de Michael Haneke. Retourner à l’entretien

lire le billet

Pater, ou la table de l’égalité

La lumière, c’est-à-dire l’écran, n’est pas encore allumée. On entend deux voix qui discutent, question sérieuse: deux amis qui préparent leur repas. Ces voix, on les connaît. Il y a celle de l’acteur Vincent Lindon. Il y a celle du réalisateur Alain Cavalier, devenu peu à peu aussi l’acteur de ses films, jusqu’ici le plus souvent invisible derrière sa caméra (parfois pourtant, un miroir), mais dont le commentaire chuchoté est devenu avec La Rencontre, Le Filmeur, Irène, un élément de ce cinéma à la première personne qu’il invente depuis quinze ans, avec ses caméras légères pour mieux aller à la rencontre du monde, des souvenirs, de quelque chose qui aurait à voir avec la vérité. Quelque chose de plutôt amusant, et très souvent bouleversant.

Ça y est la lumière est allumée, les deux compères sont dans la cuisine, on ne les voit pas encore…

Lire la suite

 

A regarder ici, deux scènes inédites de Pater, pour Slate.fr

 

lire le billet