Il s’agit, nul ne peut l’ignorer, du premier film réalisé par une Saoudienne – et d’ailleurs le premier long métrage de cette origine jamais distribué. Mais le film mérite mieux que ces labellisation pour Livre des records : racontant les tribulations d’une collégienne de Riyad décidée à tout faire pour pouvoir s’acheter un vélo, Wadjda, entièrement filmé sur place avec des acteurs locaux, donne à voir nombre d’aspects intrigant du monde dont il est issu, du rapport compliqué au Coran dans les établissements publics à la difficulté pour les femmes d’aller travailler en étant interdites de conduire, de la description d’un intérieur de classe moyenne à l’omniprésence du contrôle des mœurs et à la violence de l’abandon des épouses par les maris selon les exigences de la famille.
Que le film soit construit sur un schéma narratif convenu permet à la fois de mesurer la délicatesse avec laquelle la réalisatrice emploie ces procédés connus, et de prêter davantage attention au contexte, pas du tout connu quand à lui, dans laquelle l’histoire prend place. Les maisons, ce qui décore les murs, les voitures, les habits, les chaussures, le maquillage, les coiffures, tout devient intéressant dans le film. Pas seulement parce qu’on y découvre une société pratiquement jamais montrée à l’écran, et pour cause, mais parce que pour les habitants eux mêmes, tout fait puissamment signe quand tout peut faire l’objet d’un contrôle et d’un interdit. Clairement voulu comme un jalon dans une évolution vers une société moins archaïque, Wadjda est aussi un dispositif volontairement simple, mais attentif et respectueux de ce qu’il montre, l’enregistrement d’un présent d’autant plus intéressant qu’il ne fait aucune place à l’exotisme.
(Cet article reprend la critique publiée lors de la présentation du film au Festival de Venise 2012).
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