Alain Resnais, homme-cinéma

alain_resnaisAlain Resnais est mort le 1er mars à 91 ans, dont quelque 80 ans de cinéma. Lui qui venait d’offrir au Festival de Berlin son nouveau long métrage, Aimer, boire et chanter (en salles le 26 mars) a effet souvent raconté avoir dès l’enfance réalisé des petits films avec des moyens de fortune.

«Homme-cinéma» à un degré rarement atteint, Resnais s’en défendait, insistant toujours sur le rôle selon lui décisif de ses scénaristes, de ses acteurs, de ses producteurs, de ses techniciens. C’était la marque d’un autre trait essentiel de sa personnalité, une courtoisie modeste et souriante, une manière d’adoucir en permanence le tranchant de son exceptionnelle intelligence par une douceur et une élégance qui auront marqué à jamais quiconque aura eu le privilège de le fréquenter, ne serait-ce qu’un peu.

Venu à Paris de sa Bretagne natale (il est né à Vannes) pour tenter d’être acteur –il joue un tout petit rôle dans Les Visiteurs du soir de Carné–, il s’inscrit à l’Idhec, l’école de cinéma qui vient de naître, dont il sort diplômé en 1943 dans la section montage. Le montage, pour celui que le jeune critique Jean-Luc Godard qualifiera bientôt de «deuxième monteur au monde après Eisenstein», ne sera jamais une technique, mais un langage aux ramifications infinies et aux puissances suggestives sans fin, qu’il pratiquera comme une dimension essentielle de son art –et mettra au service d’innombrables réalisateurs, le plus souvent de manière bénévole et discrète.

Après la Libération, on le retrouve à deux places qui, ensemble, le dessinent assez fidèlement. L’une est l’appartenance à l’organisation Peuple et culture, où il fréquente André Bazin et se lie d’amitié avec Chris Marker: Resnais, ennemi de toute déclamation, est et restera un homme engagé dans son temps, impliqué dans les débats et les combats de son époque, cherchant par sa pratique à contribuer à transformer un monde dont il sait les injustices et les violences.

Au même moment, la fin des années 1940, il débute comme réalisateur en tournant une série de courts métrages consacrés à des tableaux de Van Gogh, Picasso, Gauguin: le noir et blanc pour approcher autrement la couleur, les mouvements de caméra à l’intérieur du cadre pour atteindre à une logique organique de la composition peinte, le commentaire comme mise en jeu constante de ce qui est visible préfigure, dans ces exercices en apparence modestes, nombre des pistes qu’empruntera la quête du cinéaste.

Cette dimension politique et cette dimension esthétique trouvent leur première convergence explicite avec Les statues meurent aussi, coréalisé en 1953 avec Marker, admirable mobilisation des ressources du cinéma (les mouvements d’appareil, les éclairages, le montage, la voix off) pour embraser la reconnaissance de la beauté des objets fabriqués en Afrique par la mise en évidence de l’oppression coloniale. Le film est immédiatement interdit, il le restera longtemps.

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