L’usage veut qu’on donne dix titres. Cela ne correspond pas du tout à mon expérience de spectateur. Aussi ai-je choisi de lister tous les films sortis en salle en 2009 et qui m’ont rendu heureux. Le hasard veut que cela fasse exactement la moyenne d’un par semaine. La longueur de cette liste est délibérée, de même que l’absence de classement entre la plupart des titres qui le composent.
Hafsia Herzi et Ludovic Berthillot dans Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie
Longueur et absence de classement visent à mettre en évidence la profusion et la diversité de ce qu’offre le cinéma aujourd’hui, contrairement aux sempiternels lamentos de ceux qui ressassent qu’il n’y a plus rien de bien à voir. Ces gens-là ne vont plus au cinéma, ou très peu. Il est probable au contraire qu’il ne s’est jamais réalisé autant de films passionnants qu’en ce moment. Mais de moins en moins ont la possibilité d’être vus dans des conditions correctes. Pour des raisons économiques, mais aussi du fait de la domination d’un discours de haine de l’art qui trouva, hélas, une triste illustration sur Slate.fr avec l’article de Jean-Laurent Cassely contre le The Limits of Control de Jim Jarmusch. Il importe donc de classer ce si beau film premier (témoignage du critique hystérique que je suis : j’ai vu ce film en salle, avec un public nombreux parmi lequel huit personnes ont quitté la salle – et alors ? toute œuvre exigeante est une œuvre qui divise et qui dérange – mais où la grande majorité est restée jusqu’à la fin du générique, malgré la détestable habitude de rallumer la lumière, dans un état d’émotion et de gratitude inhabituel, état confirmé par les commentaires échangés en sortant, y compris entre personnes ne se connaissant pas). Mais comme dit Jarmusch, si Antonioni ou Tarkovski tournaient aujourd’hui, leurs films ne seraient sans doute pas distribués.
Isaach de Bankolé dans The Limits of Control de Jim Jarmusch
Deux autres titres pour composer une sorte de tiercé de tête : peut-être le plus grand film de l’année, voire de la décennie, Antichrist de Lars von Trier, violemment rejeté au Festival de Cannes, et qui a la beauté noire et troublante des grandes œuvres de Lautréamont ou de Georges Bataille. Pas d’inquiétude, le temps lui donnera sa juste place. Enfin selon moi le meilleur, le plus drôle, vivant, surprenant, érotique, politique et bucolique des films français de cette année, Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie.
Antichrist de Lars von Trier
Mais, comme chaque année, le cinéma français aura montré une réjouissante créativité : quel autre pays (Etats-Unis compris) pourrait revendiquer une liste aussi riche et diverse que Les Herbes folles, 35 Rhums, Hadevijch, Les Derniers Jours du monde, Violent Days, Lettre à la prison, Ricky, La Fille du RER, Bellamy, Le Père de mes enfants, Rapt, Irène, La Danse… et les autres (cf. ci-dessous) ? Je mets à part Un prophète (c’est lui le « +1 »), indéniable réussite dans un registre malgré tout limité, et qui suscite à présent un engouement disproportionné, au détriment d’œuvres plus libres, plus ouvertes. Ce n’est pas la faute d’Audiard ni du film, mais celui-ci est en passe de jouer un regrettable rôle de repoussoir.
Pour le reste, comme je le répète, passés les 3 premiers titres il n’y a plus de classement. Je souligne juste en passant la belle variété des origines géographiques de ces réalisations.
De toute évidence, je suis un spectateur privilégié. Bien peu ont eu la possibilité de voir autant de films que moi (environ 400 cette année). Mais je vous souhaite de tout cœur de « rattraper » beaucoup de ceux qui figurent ci-dessous (en salle si possible, sinon en DVD, sur le câble ou sur Internet…), et surtout d’essayer d’aller à la rencontre d’aventures de cinéma aussi multiples que possible. Et qu’aucune autre liste ne ressemble à la mienne, mais qu’elles soient aussi fournies.
(PS: les illustrations sont des petits cailloux pour se souvenir, à chacun d’essayer de les relier au film dont elles sont issues)
TOP 52
The Limits of Control de Jim Jarmusch
Antichrist de Lars von Trier
Le Roi de l’évasion d’Alain Guiraudie
35 Rhums de Claire Denis
Inland de Tariq Teguia
Etreintes brisées de Pedro Almodovar
Liverpool de Lisandro Alonso
La Fille du RER d’André Téchiné
Gran Torino de Clint Eastwood
Les Herbes folles d’Alain Resnais
Rapt de Lucas Belvaux
Visage de Tsai Ming-liang
Irène d’Alain Cavalier
La Danse de Frederick Wiseman
Le Temps qu’il reste d’Elia Suleiman
Girlfriend Experience de Steven Soderbergh
United Red Army de Koji Wakamatsu
The Pleasure of Being Robbed de Joshua Safdie
Les Derniers Jours du monde de Jean-Marie et Arnaud Larrieu
Vincere de Marco Bellocchio
Hadewijch de Bruno Dumont
Singularités d’une jeune fille blonde de Manoel de Oliveira
Le Père de mes enfants de Mia Hansen-Love
Z32 d’Avi Mograbi
Vengeance de Johnnie To
Whatever Works de Woody Allen
Lettre à la prison de Marc Scialom
Avatar de James Cameron
Violent Days de Lucile Chaufour
Itinéraire de Jean Bricard de Jean-Marie Straub
Rien de personnel de Mathias Gokalp
Portraits de femmes chinoises de Yin Lichuan
Ce cher mois d’août de Miguel Gomes
A l’origine de Xavier Giannoli
L’Enfant-cheval de Samira Makhmalbaf
Neuilly sa mère de Gabriel La Ferrière
Ponyo sur la falaise de Hayao Miyazaki
Au loin des villages d’Olivier Zuchuat
Bellamy de Claude Chabrol
24 City de Jia Zhang-ke
Tulpan de Serguei Dvortsevoï
Ricky de François Ozon
La Petite fille de la terre noire de Jeon Soo-il
Le Chant des oiseaux d’Albert Serra
Nuit de chien de Werner Schroeter
Le Miroir magique de Manoel de Oliveira
Tetro de Francis Coppola
Inglourious Basterds de Quentin Tarrantino
Villa Amalia de Benoît Jacquot
Yuki et Nina de Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa
Démineurs de Katherine Bigelow
Un prophète de Jacques Audiard