Michael Cimino est mort le 2 juillet. Il semble qu’il était âgé de 77 ans, même si des informations contradictoires circulent sur sa date de naissance, ainsi que sur bien d’autres aspects de sa personnalité. Son très visible changement d’apparence avait même nourri des rumeurs sur un possible changement de sexe.
Michael Cimino restera comme le personnage incarnant à l’extrême le rise and fall, l’ascension et la chute de ce qu’on appelle le Nouvel Hollywood, avec deux films successifs, le triomphe de Voyage au bout de l’enfer (1978) et l’échec de La Porte du paradis (1980).
Robert De Niro dans Voyage au bout de l’enfer
Le premier fait figure d’accomplissement, par sa puissance lyrique, la consécration qu’il offre –ou confirme– à une génération d’acteurs (Robert De Niro, Christopher Walken, Meryl Streep, John Savage), et la confrontation ouverte avec la défaite américaine au Vietnam par un film destiné au grand public.
Un an avant l’autre grande œuvre inspirée par le même conflit, Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Cimino insufflait une énergie épique, une émotion humaine et une électricité très contemporaine à ce récit pourtant extrêmement sombre. Et alors que les Majors compagnies avaient refusé de le produire, Universal se trouva fort bien d’avoir finalement choisi de le distribuer, le film étant un immense succès international rehaussé de quatre oscars, dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.
Un autre Studio, United Artist, s’empresse alors d’accompagner Cimino sur un projet encore plus ambitieux, western aux dimensions de fresque, avec un casting haut de gamme (dont Isabelle Huppert, aux côtés de Kris Kristofferson, Christopher Walken, Jeff Bridges, John Hurt, Brad Dourif, Joseph Cotten, Mickey Rourke…). Le film explose les budgets, et est proposé par le réalisateur dans une durée de plus de 5 heures, ramenée d’abord par le Studio à un peu moins de 4 heures, puis après un accueil calamiteux, à 2h30 en 1981.
Kris Kristofferson dans La Porte du paradis
C’est un échec critique (aux Etats-Unis) et commercial cinglant, qui mènera à l’absorption par la MGM aux mains du requin de la finance Kirk Kerkorian de United Artists – le Studio fondé jadis par Charles Chaplin, Douglas Fairbanks, David Griffith et Mary Pickford pour offrir davantage de liberté de créer aux artistes !
Que s’est-il passé? C’est tout un système qui a atteint ses limites, celui qui s’est mis en place durant les années 70 en cherchant –et souvent en trouvant– la cohabitation conflictuelle mais dynamique entre affirmation de regards d’auteur et exigence du grand spectacle.
Comme l’écrit le chroniqueur Peter Biskind, qui adopte le point de vue des producteurs, dans Le Nouvel Hollywood (Le Cherche-midi):
«La Porte du paradis fut victime d’un système qui aurait aussi bien pu être fatal au Convoi de la peur, à Apocalypse Now, à 1941 ou à Reds. Les “délires“ de Cimino ne furent pas pires que ceux de Friedkin, Coppola, Spielberg ou Beatty.»
Ce qui se joue à cette époque est en tout cas une violente reprise en main par les Studios, dont les dirigeants changent pratiquement tous à ce moment, et qui étouffent les velléités d’autonomie des créateurs, avec une violence telle qu’on peut se demander dans quelle mesure ils n’ont pas téléguidé cet échec. (…)