«Star Wars: le réveil de la force», un tout petit film pour un gigantesque phénomène

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Star Wars, épisode VII: le réveil de la force de J.J. Abrams, avec Daisy Ridley, John Boyega, Oscar Isaac, Adam Driver, Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill. Durée: 2h15. Sortie: le mercredi 16 décembre 2015.

Star Wars, épisode VII: le réveil de la force n’est pas conçu pour des spectateurs, mais pour des fans. Si le phénomène appuyé sur cette forme particulière d’addiction que désigne le mot «fan» n’est bien sûr pas nouveau au cinéma, il n’a assurément jamais atteint ce degré –y compris avec les autres épisodes de la franchise créée par George Lucas. Plus encore que les précédents ou des entreprises comparables, ce septième épisode est entièrement conçu pour répondre aux attentes de gens qui se réjouissent et s’entre-congratulent de relever de cette dénomination, «fan».

Un mot dont on peut s’étonner qu’il soit massivement revendiqué à tout bout de champ, dans le langage courant et sur les réseaux sociaux en particulier. Que cela se produise à une époque où le mot dont il est issu, «fanatique», soit de son côté –obscur, OK– devenu la qualification par excellence du Mal a pour le moins de quoi intriguer. Être fan est par définition un acquiescement, sinon une soumission volontaire. On est en droit de ne pas trouver cette posture particulièrement estimable.

Si on considère que, d’une manière générale, les films sont faits pour les spectateurs, Star Wars, épisode VII: le réveil de la force n’est donc pas un film. C’est un concept destiné à la fois à satisfaire les fans, à démultiplier leur fanatisme, et à l’étendre à de nouveaux adeptes. La sortie mondiale de ce sommet de l’addiction régressive s’apparente à une sorte de Nutella-party planétaire, mais aux enjeux financiers conséquents, puisqu’il s’agit de justifier les 4 milliards de dollars investis par Disney dans le rachat de Lucasfilm.

C’est plutôt bien parti pour eux, et pas seulement parce que depuis des semaines les médias en rajoutent à l’infini autour d’un film qu’ils n’ont pas vu et que la quasi-totalité des salles de cinéma a joué des coudes pour pouvoir le présenter. Le long métrage réalisé par J.J. Abrams répond au-delà du prévisible au cahier des charges, grâce à un intéressant tour de passe-passe: il ne comporte absolument aucune idée nouvelle, aucune invention narrative ou visuelle.

De fait, dès lors qu’on ne cherche plus à attirer des spectateurs mais à satisfaire et multiplier des fans, il est tout aussi nécessaire d’entourer le film de mystère avant sa sortie que de ne surtout rien faire qui risque de s’écarter du déjà-connu-et-aimé durant la projection. Il s’agit uniquement (mais ce n’est pas si simple) d’alimenter une forme de satisfaction entièrement basée sur la conformité au modèle qu’on a appris à adorer.

Bien sûr, il y a dès lors une forme d’humour à enjoindre solennellement les uns et les autres, à commencer par les journalistes, de ne pas révéler ce qui se passe d’inédit et de surprenant dans cet épisode. Pour la bonne raison qu’il ne s’y passe que de l’archi-prévisible, un réagencement bien rythmé d’éléments tous déjà vus (et revus) dans les épisodes précédents.

Ni sur le plan du récit, ni sur celui des effets visuels, ni sur celui des idées Le Réveil de la force ne comporte la moindre innovation –à l’exception, soyons juste, d’une péripétie inattendue, et qu’on ne révélera évidemment pas. Triomphe absolu du marketing ayant fait disparaître jusqu’à l’idée même du scénario, qui plus est retenant ses coups pour laisser l’espace des deux autres épisodes annoncés, ce nouveau carreau de la tablette de chocolat au lait Star Wars se déguste donc en confiance, avec le confort du politiquement correct (une femme et un noir se portent en première ligne du combat pour le Bien) et la désinvolture médiatico-postmoderne cool conforme à l’esprit du temps –un génocide perpétré a droit dans le film à autant de temps et de considération qu’un massacre de masse au Burundi sur les chaînes de télévision populaires.

Pourtant, si c’était un film, Star Wars, épisode VII: le réveil de la force serait plutôt plaisant –du genre vieux copain aux histoires un peu usées, mais qu’on retrouve avec affection. (…)

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