Le documentaire sur l’environnement peine à respirer

lignepartageeauxDes films récents comme «La Ligne de partage des eaux» ou «Holy Land Holy War» témoignent de la difficulté de ce genre très présent dans les salles à transformer une inquiétude légitime en oeuvre de cinéma.

Mercredi 23 avril est sorti en salles La Ligne de partage des eaux, de Dominique Marchais, un documentaire consacré à plusieurs enjeux environnementaux. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas seul –ni le seul documentaire, ni le seul à se soucier d’écologie.

Depuis une quinzaine d’années, profitant de certains dispositifs réglementaires et de l’effet d’une poignée de succès de box-office (Être et avoir, Le Cauchemar de Darwin), le nombre de documentaires sur les grands écrans ne cesse d’augmenter. En quinze ans, il est passé d’environ 40 à plus de 90 longs métrages.

Qui porte intérêt à la diversité des films et revendique la pleine appartenance de ce genre au cinéma devrait s’en réjouir. Les choses sont pourtant moins simples.

Car si on trouve en effet quelques véritables œuvres de cinéma ayant l’usage des moyens documentaires (récemment At Berkeley de Frederick Wiseman, Les Trois Sœurs du Yunnan de Wang Bing, Comme des lions de pierre d’Olivier Zuchuat, À ciel ouvert de Mariana Otero, Le Dernier des injustes de Claude Lanzmann), la grande majorité n’utilise caméra, micro et montage que pour illustrer un discours informatif ou polémique, ou mettre en circulation une imagerie –des activités dont la place devrait être à la télévision, si celle-ci remplissait son rôle (sic).

Un grand nombre de ces produits abordent des sujets liés à l’écologie. Qu’ils traduisent une légitime inquiétude face à l’état de la planète et le désir d’alerter et d’informer est tout à fait légitime; ce n’est pas pour autant une raison d’occuper un espace qui n’est pas le leur, celui des salles de cinéma, espace par ailleurs envahi de trop nombreuses productions (de fiction) qui le rendent déjà illisible, et quasi-inaccessible à des œuvres dont il est la seule destination possible. Mercredi 2 avril, on avait droit à la sortie simultanée de deux films sur, c’est à dire contre, le gaz de schiste (Holy Land Holy War et No Gazaran).

Cette dérive est entretenue par l’essor d’une utilisation de certaines salles comme lieux de débats sur des sujets de société (dont l’écologie) sans souci aucun de la qualité du film, du moment qu’il est l’occasion d’une mobilisation portée par des associations concernées. Mais comme on vend tout de même des billets à l’entrée, ces meetings d’un genre particulier ont la faveur d’exploitants qui en ont fait une ressource relativement stable grâce à la présence régulière de militants. Et bien sûr, l’existence de ces circuits alternatifs alimente la production de films correspondants à ces critères, critères où le cinéma n’a pas sa part.

Voilà pour le constat d’ensemble –qui touche aussi nombre de productions récentes concernant d’autres thèmes de mobilisation, tels que la grande précarité, les diverses malversations des grandes puissances financières ou la prise en charge de certaines pathologies.

Dans le cas des films directement liés aux sujets environnementaux, qui constituent le plus fort contingent au sein de cet activisme documentaire, on constate un autre problème, plus singulier et plus profond: la difficulté pour des réalisateurs qui, à n’en pas douter, se posent des questions de mise en scène, de conception formelle, de trouver comment faire un film de cinéma.

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