Vous entrez dans une salle de cinéma. Vous ne savez strictement rien de ce que vous allez voir. La salle s’éteint, l’écran s’allume, c’est là. Quoi ? Une histoire, la plus banale et le plus improbable. Ça se passe hors du temps, ça se passe au Moyen-Age, ça se passe aujourd’hui. Il y a un homme, il y a une femme, ils se rencontrent, se désirent, s’aiment. Il est moine dans un couvent tout en haut d’un piton rocheux, elle est nonne dans un couvent en haut d’un autre piton, juste en face. C’est comique. C’est tragique.
Il y a la campagne, un paysan, dans la montagne un vieil ascète. Il y a de drôles de machines pour faire monter les sœurs dans des paniers, qu’elles rejoignent leur couvent tout là-haut. Il y a des dessins qui, en s’animant doucement, parfois racontent un passage de l’histoire, et parfois la commentent. Les dessins ressemblent un peu, un peu, à des icônes. Les rituels orthodoxes tels qu’ils ont cours dans ces monastères suspendus entre terre et ciel sont scrupuleusement observés, le ciel aussi, la terre aussi. L’histoire continue, on tue une chèvre, on prépare un repas. Les choses sont là. Les lumières. Les émotions. La prière. Le silence. La règle. Les regards.
Et c’est étrange comme ce qui concerne le spirituel, la religion, les rituels, les chants, devient le plus humain, le plus construit, et comme ce qui tient du plus matériel, les champs, les travaux, la flute, la terre, les nuages, devient le plus abstrait. De même les animations s’approchent du réel, les images enregistrées semblent des tableaux. En douceur, Meteora déplace les oppositions, la nature et la culture, le réel et l’imaginaire, la pulsion et la loi, et les fait gracieusement glisser, telles des caresses.
A un moment, un déjeuner à deux dans la campagne, sous un arbre, devient un événement incroyable. C’est comme un tableau de Manet ou de Bonnard, ce qui est montré est banal, la manière de le montrer est si intense, si vibrante que, dans l’instant, il n’est rien de plus important. Chaque plan est une expérience à vivre, un moment à éprouver. Il faut une confiance folle dans le cinéma pour faire un film comme ça, pour seulement en former le projet, et ensuite pour accomplir un à un tous les gestes qui en produisent l’existence réelle, et le possible partage.
Et vous savez quoi ? Le mieux est que cet effet d’étonnement, de découverte, sera exactement le même après avoir lu ces quelques lignes. Parce qu’il n’y a rien à révéler, aucun pot aux roses à découvrir. Dans ce paysage étrange, dans ce monde archaïque et contemporain, un homme et une femme vont s’aimer. La belle affaire ? Mais oui, exactement.
une histoire bannale certes, mais ce qui est intéressant c’est qu’elle se passe entre un moine et une nonne.
et dans une toute autre époque
oui. Ou le contraire….