Genpin appartient, au sein de l’œuvre de la réalisatrice japonaise, à la veine documentaire. Plus exactement, elle se situe à la frontière d’une partie de son travail documentaire, celui qui accompagne sa propre vie de famille, essentiellement sa relation avec sa mère adoptive, son véritable père et son propre fils. Ces films constituent un véritable cycle, présenté l’été dernier à Locarno, d’une puissance et d’une sensibilité exceptionnelles. Ils font évidemment partie de l’intégrale que consacre en ce moment la Cinémathèque française à la réalisatrice de Suzaku et de La forêt de Mogari.
Pourtant, Genpin concerne en apparence un sujet plus « extérieur ». La réalisatrice filme le travail d’un médecin accoucheur qui a bâti en pleine montagne une clinique où il accompagne les femmes enceintes selon un protocole qui privilégie écoute de son propre corps, exercices physiques et de respiration, contrôle et compréhension du processus biologique en cours. Le docteur Yoshimura, déjà fort âgé lorsque commence le film, est entouré de disciples, des femmes dont beaucoup ont été ses patientes et qui accompagnent désormais celles qui viennent pour accoucher.
La manière, attentive, parfois dérangeante ou provocante, dont Naomi Kawase montre cette collectivité construite autour d’une activité précise, l’accouchement, et d’un rapport au monde, au corps et à l’esprit beaucoup plus complexe, répond aux propres engagements de la cinéaste, à sa conception de la place des humains dans le cosmos telle qu’elle transparait dans toute son œuvre. Mais elle trouve ici une précision et force expressive directement branchée sur la capacité à accompagner avec la plus extrême liberté de regard alliée à une empathie infinie, telle que cette immense artiste de l’intime les a développées dans le cycle des documentaires familiaux.
[…] mais aussi Genpin de Naomi Kawase, […]
“Genpin” est un film dont les figures féminines sont en quelque sorte diffractées : elles sont autant de déclinaisons “objectivées” des préoccupations personnelles de Naomi Kawase, qui l’ont amenée à se mettre en scène autour des questions relatives à la naissance de son propre enfant. Objectivation qui conduit à plus de sérénité en filmant d’autres femmes. Au fond, le docteur Yoshimura n’est pas vraiment son sujet. Agé, il ne constitue pas vraiment une histoire ; il est déjà sur le départ, et c’est autour des femmes que se concentre la cinéaste, qui propose ainsi une myriade de cellules fictionnelles.
Merci pour ce commentaire très éclairant.