La rentrée est déclarée

Le succès mérité de «La guerre est déclarée» ne doit pas faire oublier d’autres films intéressants qui sortent dans les salles:  «La Ligne blanche»,  «Blackthorn»,  «La Grotte des rêves perdus».

Ce mercredi 31 août, les sorties cinéma sont dominées par ce film événement qu’est devenu en quelques semaines La guerre est déclarée de Valérie Donzelli. Depuis sa découverte en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes, le film n’a cessé d’accumuler prix dans les festivals et marques de reconnaissances enthousiastes. C’est parfaitement justifié, comme on a ici même essayé de l’expliquer.

C’est, aussi, un peu inquiétant, tant cette avalanche d’honneurs peut à tout moment devenir une menace, ou un poids, pour Valérie Donzelli et pour son film. D’autant que la cinéaste-actrice, passant brutalement de l’ombre à la lumière, s’est trouvée à l’affiche de pas moins de quatre autres longs métrages sortis cet été (Belleville Tokyo, En ville, Pourquoi tu pleures, et L’Art de séduire).

Hommage aussi soudain que massif à son remarquable talent d’interprète y compris chez les autres, mais aussi inquiétude qu’à cet emballement succède un retour de balancier, comme il arrive aux effets de mode, quand bien même l’engouement serait, cette fois, entièrement justifié. Il ne reste qu’à faire confiance à la cinéaste pour traverser cette tempête avec autant d’assurance qu’elle avait auparavant traversé le calme plat qui avait accueilli son premier film, le pourtant déjà si beau La Reine des pommes, sorti dans une quasi-indifférence.

L’autre effet aussi inévitable que dommageable de l’attention mobilisée par La guerre est déclarée est le risque de faire passer inaperçus d’autres films qui sortent le même jour, et méritent la curiosité des spectateurs. Pas moins de trois autres titres dignes d’intérêt atteignent en effet les salles le même jour.

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Un grand film d’aventure

NB: ce texte reprend la critique publiée lors de la présentation du film à Cannes. Depuis, La guerre est déclarée a reçu un accueil triomphal, d’ailleurs mérité. Il faut juste espérer que ce raz de marée de reconnaissance n’entrave pas la relation simple et intime que chaque spectateur peut entretenir avec ce film.

 

Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm dans La guerre est déclarée de Valérie Donzelli

C’est le deuxième film de , et c’est un pur régal en même temps qu’un drôle de bestiau dans la ménagerie cinématographique, et particulièrement du cinéma français. Son auteure s’était faite remarquer (pas assez!) avec son déjà très réussi premier film, La Reine des pommes, comédie musicale, sentimentale, intimiste, loufdingue et drôle, carrément drôle. Où on avait du même coup découvert une actrice à laquelle s’appliquent tous ces qualificatifs, agrémentés du fait qu’elle est extrêmement agréable à regarder : nulle autre que Valérie Donzelli.

Avec ce deuxième film, la réalisatrice ne se contente pas de confirmer les qualités du premier, elle s’aventure sur un terrain autrement difficile – disons, pour simplifier, le mélodrame – et prend le risque d’une construction narrative autrement complexe et nuancée. La guerre est déclarée est une histoire d’amour et le récit d’un combat. C’est une course poursuite sur le fil du rasoir: sur cette crête étroite qui sépare le drame de la tragédie. C’est un film qui regarde la mort en face, et qui ainsi devient incroyablement vivant.

Son interprète y fait à nouveau merveille, dans un rôle à peu près impossible de jeune fille/jeune femme/jeune mère/mère d’un enfant atteint d’une maladie mortelle. Le rôle est «impossible» à cause de trois cents manières connues de jouer ça, et ça, et ça. Elle, elle n’en fait rien. Elle, elle trouve plan par plan, réplique par réplique, geste par geste, une forme de justesse précise, émouvante et sans un milligramme de complaisance. Des tonnes de sentiments, comme chantait Léo Ferré, et pas une once de sentimentalisme. Durant un quart d’heure, cela relèverait du pur miracle, durant les 100 minutes du film, cela devient autre chose: la manifestation d’une intelligence cinématographique, la capacité à répondre, par la mise en scène et par le jeu, de tout ce qui est mobilisé par le film, et qui est à la fois compliqué, paradoxal et a priori pas folichon.

Ce qui précède est d’une injustice éhontée, paraissant oublier en chemin Jérémie Elkaïm, le partenaire de Valérie Donzelli, lui aussi pourtant digne de tous les éloges. Mais ce n’est pas la même chose. Et de même que, injustement, irrémédiablement, son rôle à elle, la femme, dans le film, ne sera pas symétrique de celui de l’homme, de même ce qui leur incombe pour que le film soit ce qu’il est n’est pas du tout comparable. Parce que s’ils ont tous les deux écrit le film (comme elle et lui ont fait l’enfant du film), c’est bien elle qui fait la mise en scène, dans le cadre en même temps qu’à sa place de réalisatrice.

A travers les mois et les années, à travers les lumières et les lieux, à travers les larmes, les coups, les rires et les silences, cette «odyssée» réussit un improbable tour de force : un film aussi ambitieux que bouleversant, et capable d’apparier avec bonheur (le bonheur du spectateur) les tonalités les plus opposées. Il y parvient grâce à une manière de faire qu’on ne saurait expliquer, mais qui peut se résumer à ceci: croire éperdument à chaque plan, filmer chaque scène comme si tout le film se jouait là – et pas du tout comme si c’était la seule. Deux maîtres mots: présence et mouvement. Valérie Donzelli appartient à cette famille de cinéastes qui savent puiser dans le simple déplacement une force de spectacle, une vibration essentielle – il y en a depuis les origines du muet, Vigo, Varda, Rozier, le jeune Milos Forman, Oliveira, les meilleurs réalisateurs africains savent faire ça.

Ça bouge beaucoup dans La guerre est déclarée, ça marche, ça cavale, ça fonce, et ce mouvement se charge d’une énergie qui semble celle même du plaisir du cinéma. Et en même temps (c’est là que c’est compliqué et mystérieux), ça se pose. Ça tient, ça occupe sa place. Les personnages sont terrifiés par ce qui leur arrive, ce malheur immense et incompréhensible, mais ils ne reculent pas. Ils se bagarrent, ils font face, ils tiennent bon. Ce sont… des héros. Oui, des vrais héros, comme dans les contes ou les grands films d’aventure. La guerre est déclarée est ça, un film d’aventure. La preuve que ce sont des héros : il s’appellent Juliette et Roméo.

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Lumières sur les images

 

Il ne figure ni en tête des box-office, ni dans les panthéons cinéphiles. Images du monde et inscription de la guerre est pourtant un film très célèbre, une sorte de star, du moins parmi ceux qui cherchent à réfléchir avec le cinéma. C’est pourquoi il faut remercier les éditions Survivance de rendre enfin disponible en DVD le film de Haroun Farocki, devenu une des pierres de touche de la pensée des images, et de leur rôle dans l’histoire. Terminé en 1988, au terme de trois années de travail, le film s’ouvre sur des vagues, construisant aussitôt un rapprochement, plus poétique que logique, entre mouvement des flots et mouvement de la pensée. Ainsi procèdera Farocki, qui cherche à rendre sensible des effets de ressemblances, de rimes formelles, par où passent d’autres éléments de sens que les ordinaires constructions du discours. Le résultat est nécessairement complexe même si le film se regarde sans aucune difficulté, il est même pratiquement infini comme le ressac, en tout cas d’une extraordinaire richesse.

Images du monde et inscription de la guerre s’élabore autour des enjeux de construction du ce qui est vu du fait de la combinaison d’une pratique humaine et de l’emploi d’appareils. Des dispositifs d’optique et de mesure qui, à partir du 18e siècle, participent à la naissance de la modernité aux outils contemporains, dans des contextes variés où dominent les deux approches, plus symétriques qu’opposées, de la recherche scientifique et de la visée guerrière, les stratégies de vision et de monstration sont interrogées sur un mode critique.

Rien de systématique dans la manière de faire de Farocki, il ne s’agit ni d’écrire un catalogue ni d’établir une chronologie, il s’agit de partager des sensations qui ouvrent de nouveaux champs de pensée, qui suggèrent des nouvelles connexions, des rapprochements inédits et possiblement féconds. C’est le processus même de la pensée exploratoire (interconnexion de synapses auparavant jamais reliées), et c’est le processus même du cinéma, plus précisément du montage au sens large tel que l’a défini Jean-Luc Godard il y a plus d’un demi-siècle (Montage mon beau souci, Cahiers du cinéma, décembre 1956).

Si Farocki emprunte des chemins buissonniers qui parcourent deux siècles d’histoire européenne, l’épicentre de sa méditation vagabonde est clairement situé là où en effet à été radicalisée à mort la question de l’image : à Auschwitz. C’est en particulier l’occasion de l’aspect le mieux connu du film, l’explication de la manière dont les caméras embarquées sur les avions de reconnaissances alliés photographièrent le camp d’extermination, mais qui ne donnèrent lieu à aucun effet : ce que montraient ces photos n’a pas été vu par les spécialistes chargés de les analyser, tout simplement parce qu’ils cherchaient autre chose. Ils ont vu Birkenau, mais ne l’ont pas regardé. Ce n’est qu’à la fin des années 70, après la diffusion de la série Holocaust à la télévision américaine, que deux agents de la CIA exhumèrent les clichés, et découvrirent avec quelle précision étaient figurés les bâtiments, y compris les chambres à gaz et les crématoires.

Par touches suggestives, Farocki donne à comprendre ainsi l’importance de la construction des regards, des cadres historiques, politiques, psychologiques, médiatiques dans lesquelles les images toujours sont vues, mais vues d’une certaine manière. Il établit les conditions d’une politique du point de vue, et d’une critique politique des systèmes de représentation – ceux des géographes, des architectes, des retransmissions de matches de foot, etc. aussi bien que des dirigeants politiques et militaires.

Il interroge également la complexité de ce qui se joue entre deux regards, celui qui « prend » l’image, et celui est pris par elle. Il le fait en convoquant deux situations où des rapports de force violents interfèrent entre les deux : homme/femme, prisonnier/geôlier, colonisateur/colonisé, bourreau/victime. Il met en branle cette réflexion à partir du portrait d’une femme juive photographiée par un nazi et figurant sur un des clichés de l’Album d’Auschwitz, et la série de portraits d’identité de femmes algériennes forcées de se dévoiler, réalisés sur ordre par le soldat (et déjà grand photographe) Marc Garanger durant la Guerre d’Algérie (1). A partir de ces deux exemples extrêmes, c’est toute l’incertitude de ce qui circule entre deux regards, y compris beaucoup moins clairement assignés à des positions d’inégalité, qui est mobilisé par le travail d’une mise en scène conçue comme une mise en échos par Farocki.

S’il date d’un quart de siècle, le film frappe par son actualité, malgré les immenses bouleversements qu’a connu l’univers de l’image depuis sa réalisation. Il est même impressionnant d’acuité contemporaine, notamment dans l’ample réflexion sur le virtuel, le simulacre, le maquillage qu’il propose, à partir de prémisses qui empruntent notamment à Michel Foucault et à Jean Baudrillard.

Mie en partage d’une méditation par le choix et l’organisation d’images extraordinairement hétérogène, Images du monde et inscription de la guerre est d’une puissance d’évocation qui dépend directement de la beauté de son organisation. Aucune affèterie décorative ici, mais la certitude que c’est dans le juste assemblage des idées, des mots, des éléments visuels et sonores, des rythmes et des scansions, dans un art de la composition qui vient de la musique même s’il emploie d’autres instruments, que se trouve la possibilité d’ouvrir à chaque spectateur les ressources de sa propre réflexion, dans un processus qui fait toute sa place au plaisir.

Un deuxième film de Harun Farocki, En sursis, figure dans la même édition DVD. Il s’agit d’un travail à partir des plans tournés au camp de transit nazi de Westerbork aux Pays-Bas, en mai 1944. Commandité par l’officier SS dirigeant le camp, réalisé par des prisonniers juifs, le film, muet, n’a jamais été terminé. Certains de ces plans ont été souvent utilisés par des films de montage, depuis Nuit et brouillard, ils contiennent quelques unes des très rares images de déportation vers les camps de la mort, dont un portrait d’une petite fille dans un wagon à bestiaux qui fut longtemps une « icône » de l’extermination des Juifs, jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle était en fait une rom de l’ethnie Sinti.

A nouveau Farocki déploie sa capacité à réfléchir à partir de ce qui est montré, et des conditions dans lesquelles cela est montré.  Contrairement aux autres réalisateurs ayant recouru à ces plans, il en montre la totalité,  sans aucun ajout d’image, et sans non plus ajouter de sons :  dans un souci de respect du matériau existant, il choisi d’en faire un film muet. Muet mais pas sans paroles, celles-ci étant formulées sur des cartons qui scandent le déroulement du film.  Mais En sursis surprend par le ton volontiers comminatoire de ces cartons, où le réalisateur indique ce qu’il convient de voir, et comment il convient d’interpréter ce qu’on voit, ou même ce qu’on est supposé éprouver. Ainsi est-on surpris de lire, à propos de la célèbre image de la jeune fille sinti, que « sur le visage de la jeune fille on lit la peur de la mort ou le pressentiment de la mort », et que cela expliquerait que le caméraman aurait dès lors évité les gros plans, alors que rien ne permet d’attribuer un sens spécifique à ce visage ou à cette expression, et c’est ce qui en fait justement la puissance bouleversante.

Ainsi Farocki s’éloigne ici de la relation ouverte aux images dont la nécessité à été affirmée et les ressources démontrées dans Images du monde – et dans un grand nombre d’autres de ses œuvres importantes, comme I Thought I Was Seeing Convicts, à partir d’enregistrements de vidéosurveillance en prison, ou les installations Eye Machine I, II et III, qui font échos aux travaux de Paul Virilio sur l’imagerie militaire. Cette attitude de magistère affaiblit la force du film, sans pourtant détruire l’importance des éléments rassemblés et mis en lumière.

L’édition DVD est accompagnée d’un important travail d’explicitations confié à deux universitaires spécialistes de l’œuvre de Farocki et de la réflexion sur les images, les historiennes Christa Blüminger et Sylvie Lindeperg. Dans un entretien filmé, en bonus, et dans deux textes figurant dans le livret d’accompagnement, elles mettent en évidence la multiplicité des enjeux mobilisés par les deux films, en particulier l’originalité, la pertinence et les effets féconds pour d’autres (historiens mais aussi et même surtout simplement citoyens) d’Images du monde et inscription de la guerre.

1) L’Album d’Auschwitz, préface de Simone Veil, coédition Al Dante et Fondation pour la mémoire de la Shoah.

Femmes algériennes 1960, Marc Garanger, éditions Contrejour.

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Déclaration d’indépendance

Avec Les Bien-aimés, qui sort en salle ce mercredi 24 août, Christophe Honoré trouve la juste harmonie entre la liberté des sentiments de ses personnages et sa propre liberté de cinéaste.
Milos Forman, Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni dans Les Bien-aimés de Christophe Honoré


Le film n’emporte pas d’emblée l’adhésion, malgré son début enjoué aux côtés d’une vendeuse voleuse de chaussures de luxe, pute réaliste amoureuse d’un toubib tchèque de passage au rythme des twists du milieu des années 60. La géométrie sentimentale de cette histoire d’amour sans scrupule déstabilise d’abord. De l’invasion de Prague par les chars russes à un coup de foudre londonien pour un batteur vétérinaire américain et homo, il faudra du temps, et un sacré tonneau de rebondissements, pour entrer dans l’univers construit par Christophe Honoré.
Deux personnages féminins mais trois actrices sont au cœur de cette tortueuse, rieuse et finalement bouleversante affaire. Madeleine, jeune femme jouée par Ludivine Sagnier puis femme mûre jouée par Catherine Deneuve, est la mère de Véra, jouée comme de juste par sa fille, Chiara Mastroianni.
Il faudra du temps, jusqu’au 11 septembre 2001 et au-delà pour que, de chansons en trahisons amoureuses, de moments de tendresse à haute intensité en joyeux chassés-croisés entre Paris, Prague, Londres, Reims et Montréal, s’établissent contre conventions ou simplement habitudes, la liberté des sentiments, l’affirmation vive qu’il est possible de vivre autrement les relations de désir, d’affection, de connivence.
Et qu’il est possible de les raconter autrement. Puisque le film d’Honoré, qui est peut-être l’accomplissement de ce à quoi ce réalisateur vise depuis son premier film (17 fois Cécile Cassard, à redécouvrir), est déclaration d’indépendance de sa mise en scène tout autant que de la vie sentimentale de ses protagonistes. Il serait d’ailleurs possible de pousser le parallèle entre la liberté conquise du filmage à l’intérieur des codes d’une tragicomédie musicale, et la liberté conquise de Madeleine à l’intérieur des rituels associés à ses deux maris (Michel Delpech et Milos Forman, aussi épatants qu’antinomiques. Cette liberté envers contre tous est également celle de Véra, qui revendique un choix que rien ni personne n’arrêtera. Ni celui qui l’aime (Louis Garrel, au mieux de lui-même), ni celui qu’elle aime (Paul Schneider).

Ludivine Sagnier

Les – excellentes – chansons d’Alex Beaupain, la circulation très inspirée entre les époques et les âges des personnages, les assemblages renouvelés de décors très fabriqués et d’inscription dans des lieux réels participent de cette construction vivante. Ils témoignent combien l’artifice peut être une puissance du vrai, lorsque c’est un artiste que le met en œuvre. Et combien ces pures figures de fiction que sont Madeleine et Véra donnent de présence, de richesse, de séduction à trois femmes on ne peut plus réelles, mesdames Sagnier, Deneuve et Mastroianni, qui en retour font rayonner d’une si complexe et émouvante justesse leurs personnages. Heureux mystère de l’incarnation cinématographique.

(NB : cette critique reprend le texte publié sur slate.fr lors de la présentation du film en clôture du Festival de Cannes)

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Deux cercueils étrangers

Katia Golubeva dans L’Intrus de Claire Denis

En quatre jours, cela fait deux fois que je me trouve devant un cercueil. Samedi 20 à l’inhumation de Katerina Golubeva, au Père-Lachaise. Ce mardi à la cérémonie en mémoire de Raoul Ruiz, avant que son corps ne parte au Chili pour être inhumé. Ni elle ni lui n’était des amis proches, elle comme lui incarnait pourtant quelque chose d’infiniment cher. Une liberté de créer, une liberté d’être qui se matérialisait en une présence. L’attestation d’une force qui travaille de l’intérieur, qui ne laisse pas en paix, qui fait avancer celui qui la porte, et ceux qui croisent son chemin.
Leur « carrière », comme on dit, ne sont pas comparables, Ruiz est une sorte de recordman de la réalisation, avec quelque 110 films, quand Katia fut si rare sur les écrans. Il était cinéaste et écrivain, elle était actrice. A 70 ans, il était gravement malade depuis longtemps, elle n’avait pas 45 ans. Il était immensément cultivé, savant polyglotte, homme des Lumières autant que des Lumière, lointain neveu de Pic de la Mirandole, elle n’aura en public existé que par sa présence physique et son aura, quelque chose de magnétique qui avait partie liée avec les astres et les légendes. N’empêche. C’est autre chose. Ils vivaient et travaillaient en France tous les deux, ils y étaient venus. Ruiz obligé de quitter le Chili après le coup d’Etat de Pinochet, Katia partie d’une Russie déchirée par la violence du changement d’époque, durant les années 1990 : la voyageuse comme tombée du ciel de Few of Us de Sharunas Bartas, l’errante dans les bois sombres de Pola X de Leos Carax, et plus encore l’immigrée sauvage de J’ai pas sommeil de Claire Denis, sans doute son plus juste portrait.
Je mesure l’absurdité de l’expression « cercueils étrangers », c’est exprès. Les cercueils n’ont pas de patrie, n’ont pas de papier. Les morts ? Marchant au grand soleil derrière le corbillard de Katia, écoutant le prêtre de l’église Saint Paul demander la prière pour Raoul à une assistance majoritairement athée, il vibrait l’écho de ce qui se joue dans l’exil des artistes. Chez lui, dans son pays, sa région, sa maison, un artiste est de toute façon déjà en exil. Alors ce redoublement, dans l’espace et l’histoire, fait résonner cet ailleurs intérieur, comme vibre la corde d’un instrument frottée par cette circonstance. Et en même temps, il est si troublant que la plus belle réponse de cinéma au défi de l’écriture de Proust, ce soit ce Chilien qui l’ait inventée. Sans doute cette sorte d’étrangeté était-elle utile sinon nécessaire, sans doute est-ce logique, finalement, mais cette logique-là n’a rien d’évident.
Comme il n’est pas évident, mais tout de même vrai, que ce qu’ils auront pu, un peu (elle), beaucoup (lui) donner de leur art a trouvé, jamais facilement, jamais sans se battre, des espaces de possible dans ce pays-là. Dans certains aspects de ce que permet le cinéma en France, son organisation – la générosité qui, à certains moments, a participé à son organisation. Nulle part ailleurs Ruiz n’aurait été Ruiz 40 ans durant, de L’Hypothèse du tableau volé aux Mystères de Lisbonne, des œuvres qu’on montrera encore dans cinquante ans, comme Les Trois couronnes du matelot, L’Eveillé du Pont de l’Alma ou Généalogies d’un crime. C’est encore plus vrai de ce que cela soit pour beaucoup dû à la complicité avec un artiste portugais, le producteur Paulo Branco. Et au loin de son pays où il
n’y avait nulle place pour elle, Katia Golubeva aura été naturellement celle que regardent des poètes cinéastes actuels, ici : Leos Carax, Claire Denis, Bruno Dumont.
Après leur départ, à elle Katia, à lui Raoul, départs que rien ne rapproche sinon la proximité des dates, nous voilà si tristes. Et puis plus pauvres.

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Captain America et les cow-boys

 

 

 

 

 

Le superhéros Captain America tout comme les héros de «Cowboys et envahisseurs» incarnent une certaine idée de l’Amérique salement malmenée par la réalité contemporaine, mais qui cherche à renaître et à se réaffirmer.

A une semaine d’écart sortent sur les écrans français deux superproductions hollywoodiennes, qui sont aussi deux symptômes d’un certain état de l’Amérique – ou du moins d’un «état d’esprit» de l’Amérique. Si des critiques se sont plu à saluer la «modestie» de Captain America, c’est à vrai dire un signal plus complexe – et pas du tout modeste – qu’émet cette adaptation d’une BD vieille de 70 ans sous la bannière des Studios Marvel. Il s’agit au contraire d’un travail assez sophistiqué de composition à partir d’éléments «à l’ancienne» et d’éléments contemporains. Définition des personnages, conception des décors, costumes et accessoires, péripéties spectaculaires diverses, résultent toutes de la recherche méticuleuse de combinaisons entre ancien et actuel. Un survol des commentaires inspirés par le film montre d’ailleurs un amusant éventail d’opinions, selon que leurs auteurs sont disponibles à cette recherche (perçue alors comme «originale» ou, donc, «modeste») ou au contraire exigent le pur cocktail de testostérone et d’effets spéciaux des films d’action d’aujourd’hui. Pourquoi ne pas s’être contenté, d’ailleurs, de cette recette de base?

C’est que la résurrection d’un héros septuagénaire, caricatural d’un nationalisme américain triomphaliste, prend ici un sens plus profond que le simple écumage des catalogues de super-héros par des sociétés de production en mal de personnages spectaculaires.

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Bruce Lee forever ou l’ombre infinie du dragon

Il est célébrissime, et pourtant on n’a sans doute jamais pris la mesure de ce qu’il représente vraiment – et aussi de ce qu’il symbolise. Le petit livre que lui consacre Bernard Benoliel permet de mieux comprendre la singularité du phénomène Bruce Lee.

Bien sûr tout le monde sait (plus ou moins) combien fut exceptionnel le parcours de cet enfant des bas-fond hongkongais né en 1940, immigré à 19 ans aux Etats-Unis où il développa une technique personnelle de combat à mains nues, s’imposa petit à petit dans des productions télé (Le Frelon vert, Longstreet) comme comparse folklo, pour finalement tenir la vedette de quatre films réalisés en trois ans, The Big Boss (1971), La Fureur de vaincre (1972), La Fureur du Dragon (1972) et Opération Dragon (1973) avant de mourir à 32 ans pendant le tournage du Jeu de la mort, le 20 juillet 1973.

La collection «Côté Films» des Editions Yellow Now où paraît le livre oblige à centrer le livre sur un titre de film, c’est pourquoi l’ouvrage s’intitule Opération Dragon de Robert Clouse. Mais son sujet est bien Bruce Lee, et si Opération Dragon est le film le plus apte à mettre en évidence ce qui s’est joué avec l’inventeur du Jeet Kune Do, ce n’est certainement pas comme «grande œuvre» du cinéma – pas plus que les autres films: le seul chef-d’œuvre de Bruce Lee, c’est Bruce Lee. Et c’est un chef-d’œuvre paradoxal, fragile et rageur, surpuissant et brisé.

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Un archipel dans la lagune

Impardonnables d’André Téchiné.

Carole Bouquet, André Dussolier et Venise, les trois personnages principaux d’Impardonnables d’André Téchiné.

Pourquoi le nouveau film d’André Téchiné s’appelle-t-il Impardonnables ? Que ce soit aussi le titre du roman de Philippe Djian dont il est librement adapté, avec ce changement majeur de la transposition de la côte basque à Venise, n’est pas une explication suffisante. Ce que suggère ce titre, c’est surtout la manière dont ses personnages, les deux principaux et les trois autres importants, existent et évoluent sans pouvoir être assignés à une place, à une logique, à un système. Francis (André Dussolier) est un écrivain qui vient s’installer à Venise pour travailler. Il rencontre la responsable d’une agence immobilière, Judith (Carole Bouquet) avec laquelle il s’installe dans une maison isolée sur la lagune. Ils ne se connaissaient pas, ils s’aiment. Francis et Judith sont des personnages romanesques, des êtres de fiction. Comme l’est aussi Anna Maria (Adriana Asti), amie âgée, espionne alerte, déesse ex-machina, comme le sont encore les plus jeunes, l’aventureuse Alice, fille fugueuse de Francis, et le sombre et troublant Jérémie, le fils d’Anna Maria (Mélanie Thierry et Mauro Conte). Personnage de roman aussi, à l’évidence, la sixième protagoniste de cette histoire, Venise. Venise filmée comme jamais, Venise fantasque et improbable, ni touristique ni réaliste, reconfigurée par les élans et changements d’intensité du récit.

Voilà 35 ans – depuis Souvenirs d’en France (1975) – qu’André Téchiné relance les dés de la fiction de cinéma, explorant de multiples voies de traverses : celles qui échappent aussi bien à la narration linéaire verrouillée par le pseudo-réalisme et la psychologie qu’au refus du récit, parti-pris d’une modernité qui, passée l’expérience de Paulina s’en va, ne fut plus jamais le sien. Impardonnables est une nouvelle expédition de cette exploration au long cours, d’une réjouissante inventivité, d’une admirable liberté.

Des histoires, il y en a dans le 19e film d’André Téchiné, et même plutôt 8 ou 10 qu’une. Mais elles se mettent en  place, se combinent, s’opposent ou se font écho selon un assemblage si inventif que sans cesse le spectateur éprouve les frissons de la surprise, renforcés par les constants changements de tons, du burlesque au tragique, de l’intime au lyrique. Impardonnables procède par apparents coups de force narratifs et grandes embardées temporelles, surgissement de gags, éclats de violence, recul documentaire et déviations de polar. Le film est comme une composition cubiste, assemblage d’éléments disjoints qui renverraient à une réalité plus profonde, plus juste émotionnellement.

Tout le monde a l’air un peu fou dans le film, mais chacun de sa folie personnelle, qui est seulement la prise en compte de sa véritable nature, de sa singularité de personnage qui n’a de compte à rendre qu’à sa fiction. Puisque si la fiction est bien un miroir du monde, c’est un miroir brisé – la fragmentation étant ce qui rend impossible le « pardon », la réconciliation, l’apaisement unificateur.

Francis (André Dussolier) qui ne sait pas être père, et Jérémie (Mauro Conte), qui ne sait pas être fils.

Dans le miroitement des matières d’image admirablement inventées par le chef opérateur Julien Hirsch tirant le meilleur partie de la lumière blanche de la lagune comme des reflets, filets et moustiquaires, dans l’improbable trafic d’influence entre générations, entre sexes, entre fantasmes et machines de vision (appareils photo, jumelles, loupe, skype…), André Téchiné organise/désorganise un monde de sentiments émouvants, mais disjoints, et aux bords coupants. Outre un sens burlesque qu’on ne lui connaissait pas – mémorable séquence à la rame – , il bénéficie d’une remarquable complicité de ses interprètes, toujours en appui dans un registre mais prêt à rebondir dans un autre. Parmi eux, il faut mentionner Carole Bouquet : Impardonnables est sans doute le meilleur rôle de toute sa carrière.

Carole Bouquet

Impardonnables a été mal accueilli à Cannes, où il était présenté dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Sans doute cette réaction s’explique en partie par l’absurde hostilité qui a systématiquement frappé cette sélection cette année, débouchant sur le renvoi brutal de son responsable, Frédéric Boyer. Mais le peu de disponibilité au film peut aussi s’expliquer par la singularité d’une œuvre qui possède toutes les apparences de la convention romanesque – Venise, une histoire d’amour romantique, des soupçons de trahison, une figure de bandit séducteur, des rebondissements sentimentaux et policiers – mais ne cesse de déjouer les habitudes de récits, les conventions auxquelles même inconsciemment adhèrent les spectateurs. Il semble que cela aussi ait paru « impardonnable ». Il y a pourtant de multiples plaisirs à se laisser chavirer un peu par les accélérations, bifurcations et gerbes d’écume de ce fantasque motoscafo de cinéma.

 

 

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Vol d’été au-dessus du cinéma indien

Le festival de Locarno, qui se terminait samedi 13 août, a offert une belle rétrospective du cinéma indien, de ses figures classiques comme Satyajit Ray aux cinématographies émergentes.

Waheeda Rehman dans L’Assoiffé (Pyaasa) de Guru Dutt (1957)

Le 64e Festival de Locarno, qui se tenait du 3 au 13 août, a proposé (entre autres) une belle rétrospective du cinéma indien. Ce parcours en 15 cinéastes et 21 films, dont six de Satyajit Ray, dessinait une carte inévitablement incomplète mais tout de même très suggestive de cette grande aventure, à la taille d’un continent.

Continent géographique défini par l’immensité et de la diversité du pays, avec ses 35 états et territoires et ses 23 langues officielles, et où, contrairement à une idée courante, Mumbai (Bombay) est loin d’occuper une position hégémonique: la capitale de Bollywood produit moins de 30% des quelque 1.100 films tournés annuellement, et les cinémas télugu (région de l’Andra Pradesh, dont la capitale est Hyderabad) et tamoul (région du Tamil Nadu, dont la capitale est Chennai /Madras) lui font une solide concurrence.

Continent historique, dessiné par les premiers films de Dadasaheb Phalke (Raja Harishchandra, 1913), l’épopée de la lutte pour l’indépendance, l’épouvantable famine du début des années 40, de l’indépendance en 1947, de la construction d’un modèle de développement original dans un environnement saturé d’intenses conflits internes et externes.

Continent économique, avec l’industrie la plus prolifique du monde et une gigantesque influence dans le monde asiatique et africain comme dans les diasporas en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Continent esthétique enfin…

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Tahrir-Locarno : ce que voit le cinéma

A mi-parcours, et malgré une météo peu clémente, le Festival de Locarno soixante-quatrième du nom peut d’ores et déjà être considéré comme un succès. Le complexe assemblage d’inédits, de grands classiques, de films extrêmement audacieux, de témoignages significatifs de diverses tendances contemporaines et de réalisations plus consensuelles – en particulier pour la Piazza grande – produit un sentiment d’ensemble de grand plaisir cinématographique. Cette impression où se combinent convivialité et aventures de spectateur excède les opinions, bien sûr diverses, que peuvent inspirer tel et tel film en particulier. Parmi ceux-ci, on reviendra sur les belles découvertes que sont, parmi les films français, Les Chants de Mandrin de Rabah Ameur Zaïmeche, Low Life de Nicolas Klotz, La Dernière Séance de Laurent Achard rejoignant Un amour de jeunesse de Mia Hansen-Løve, mais aussi les américains Terri d’Azazel Jacobs et Red State de Kevin Smith, le japonais Tokyo Park de Shinji Aoyama, les courts métrages de Spike Jonze, Claire Denis, Jean-Marie Straub… Sans parler des excellentes rétrospectives dédiées à Vincente Minnelli et aux classiques du cinéma indien.

Mais la plus belle rencontre peut-être à Locarno, la plus impressionnante, la plus cinématographique aura sans doute été avec un film intitulé Tahrir, place de la libération. Ce documentaire à été entièrement tourné au Caire durant les événements de janvier et février 2011, jusqu’au départ du président Hosni Moubarak. Il a été tourné  par un homme seul, Stefano Savona, armé de ce fameux appareil photo Canon 5D Mark II devenu entre des mains aussi diverses qu’expertes (récemment le très beau Road to Nowhere de Monte Hellman, après Ruber de Quentin Dupieux) un très fécond outil de cinéma. Savona connait bien le Moyen-Orient, où il a réalisé deux films mémorables, Carnet d’un combattant kurde et Plomb durci. Il connaît bien l’Egypte, où il se rend pratiquement chaque année. Ce savoir lui permet de comprendre dès le début du mouvement de contestation égyptien qu’il se passe quelque chose d’exceptionnel. Il fonce sur place. Mais, visiblement, il connaît encore quelque chose d’autre, de plus difficile à définir.

C’est ce « quelque chose » qui impose très rapidement la singularité de son film. Pour qui a suivi avec un peu d’attention la déferlante d’images engendrée par les événements de Tunisie et d’Egypte, un peu aussi de Bahrein et de Sanaa (les cas libyens et syriens étant assez différents), et même en remontant aux manifestations iraniennes de 2009-2010, pour qui a vu ce tsunami d’enregistrements sur les réseaux de partages vidéo et les chaines de télévision à commencer par Al Jezeera, la singularité du travail de Savona s’impose comme une évidence. Sens du placement et de l’organisation des points de vue, capacité à articuler l’individuel et le collectif, à inscrire l’individuel dans le collectif, à prendre en compte et à situer les contradictions internes du mouvement. Sens de la profondeur de champ et sens de la durée, à la fois pour ce qu’ils concernent la composition des plans et le montage, mais aussi la « profondeur de champ » et «  le sens de la durée » qui marquent l’intelligence politique et humaine d’une situation infiniment complexe, infiniment mouvante.

Au centre du film de Savona : des personnes, des humains, et ce qui les définit comme humains : la parole. Y compris quand le réalisateur retrouve le souffle des grandes chorégraphies de masse, de Eisenstein à Kurosawa (et à Le Masson), lors d’impressionnantes scènes d’affrontements.

Voir-entendre-comprendre, il faudrait forger un seul verbe, tant il semble que ce soit un seul acte que met en œuvre le réalisateur italien, durant ces 18 jours où il partage les jours et les nuits de manifestants qui inventent leur propre pouvoir, avec passion, parfois avec inquiétude ou remise en doute. Pas plus qu’eux ou que quiconque, Stefano Savona ne comprend tout ce qui se passe, mais avec eux  il découvre dans l’enchainement des instants, des cris, des débats, des peurs, des découragements, des élans, des joies et des réflexions, la singularité d’une dynamique commune et complexe.

Ce qui s’est passé Place Tahrir s’inscrit dans l’histoire longue des grands mouvements populaires, cela s’inscrit aussi dans le contexte très particulier des « printemps arabes », et cela possède des singularités irréductibles à aucune autre situation. La manière de filmer, image et son, de Stefano Savona prend acte de ces multiples dimensions. Il construit des plans qui, eux aussi, « viennent de quelque part » – d’une histoire des images. Mais ce faisant il ne réduit pas le neuf à l’ancien, au contraire. Il donne à percevoir ce qui s’invente, ou se réinvente dans l’improbable mélange assemblé sur la place de la capitale égyptienne, l’incroyable scénario qui s’y est joué.

Ni journalistique ni historien, son geste proprement artistique est exemplaire des possibilités de penser le présent grâce aux ressources spécifiques du cinéma. Ces possibilités-là sont si rarement mises en œuvres : nous avons des archives filmées des grands événements du siècle, mais bien peu d’œuvres de cinéma élaborées dans le temps même de leur survenue. Après, plus tard, il y aura des films, bien sûr, parfois des grands films. Ce pourra être passionnant, ce sera autre chose. Il y a les films de Santiago Alvarez et ceux de Chris Marker, certains de Robert Kramer, Mai 68 filmé par William Klein dans Grands soirs et petits matins, la révolution iranienne de 1979 filmée si différemment par Abbas Kiarostami (Cas n°1, cas n°2) et Amir Naderi (La Recherche)… La liste peut sans doute accueillir encore quelques exemples, il sont extraordinairement rares, alors qu’il y a des caméras partout depuis 120 ans, et des cinéastes, souvent.  C’est aussi à cette aune qu’il faut mesurer l’importance du geste de Stefano Savona.

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