A quoi ça ressemble, les pauvres ?

Parmi les nombreuses âneries qu’on ressasse sur le cinéma français figure l’affirmation selon laquelle celui-ci serait aveugle et sourd à la réalité sociale contemporaine, ou seulement intéressé par les bobos parisiens. Ce qui rend d’autant plus significatif la sortie simultanée, ce mercredi 26 janvier, de trois films construisant chacun une représentation de ceux que la société française contemporaine maltraite et tend à reléguer à la fois dans les marges et dans l’ombre[1].

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Avec 93, La Belle Rebelle, Jean-Pierre Thorn brosse à grands traits une histoire de la Seine Saint-Denis et de ses habitants, depuis les quartiers ouvriers et les bidonvilles du début des années 60 jusqu’aux cités à bout de nerfs et la précarisation extrême des sans-papiers et des exclus d’aujourd’hui. Cette histoire, Thorn la raconte à travers les paroles et musiques issues de ces rues et de ces bâtiments sans cesse démolis et reconstruits, depuis le rock 60’s jusqu’au rap en passant par l’insurrection punk et les multiples facettes du hip-hop. Au fil d’entretiens menés sur place et d’images d’archives, c’est l’obstination de ces pratiques musicales à réinventer sans cesse à la fois une utopie, une combattivité et des manières de s’inscrire dans la vie quotidienne qui ne cesse de s’imprimer à l’écran. Comme si de mystérieuses ondes s’étaient transmises, en mutant sans cesse, d’une génération à l’autre, au-delà de la diversité des rythmes, des situations sociologiques, des références politiques. C’est bien sûr la continuité de la construction qui fait l’intérêt du film, même si c’est autour de l’évocation, alors et aujourd’hui, de la pratique, de la musique et de l’engagement des Béruriers noirs que le film atteint son intensité maximum.

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Symétrique, sur le plan du cinéma, de ce documentaire dont la véritable place serait à la télévision (non, je plaisante…), on trouve un film de fiction très classique, Angèle et Tony. Nul hasard si les deux protagonistes principaux portent des prénoms empruntés à Pagnol et Renoir, c’est bien avec une sorte de réalisme sentimental à la française que renoue la réalisatrice Alix Delaporte pour son premier film. Celui-ci conte une romance entre une jeune femme à peine sortie de taule qui veut récupérer la garde de son fils et un marin pêcheur de Port en Bessin en proie aux effets destructeurs des quotas européens. Se défiant de tout lyrisme, le film mise entièrement sur la retenue, que ce soit dans l’expression des sentiments ou dans le commentaire sur les situations sociales. Dans ce paysage de collines douces, de prolétaires de la mer taiseux et de tragédie quotidienne à basse intensité, seul le physique de Clotilde Hesme détonne – jusqu’à devenir l’un des enjeux les plus intéressants du film : quelle est l’image admise d’une jeune femme pauvre, à l’abandon ? Pourquoi, dans un cadre qui est clairement celui de la fiction, certaines apparences choquent ? Que raconte un physique, en terme d’appartenance sociale, de biographie individuelle mais aussi collective ?

Ces questions étaient naturellement prises en charge par la présence à l’écran des rockers vieillissants, des ex-punks et des jeunes rappeurs de 93. Et ce n’était pas le moindre des intérêts du film que cette palette de présences marquées par les âges, les difficultés vécues, les couleurs de peaux, les coiffures, les vocabulaires, les modes vestimentaires et capillaires, les accessoires – toute une histoire, en effet.

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Ces questions, elles saturent le premier long métrage de Jean-Charles Hue, La BM du Seigneur. Explosant sans ménagement les séparations vermoulues entre documentaire et fiction, le film tourné dans un campement de gens du voyage près de Beauvais fait des corps et des visages, des gestuelles, des mimiques et du vocabulaire le matériau vivant, troublant, marrant, effrayant, énervant d’une sorte de chronique aussi imprévisible d’habitée. Bagarres et illumination mystique, sens de la famille et pulsion de l’excès, virées l’arme au poing et méditation sur la rédemption soulèvent les séquences successives comme autant de vagues d’une même tempête. Et ces séquences prennent une énergie inattendue grâce à ces personnages de fiction joués par ceux qui, de fait, vivent cette vie-là, à cet endroit-là.

A nouveau, mais par de tout autres chemins, se pose la question de la représentation de ceux qui ne ressemblent pas à des personnages de cinéma ou de médias, à des figures publiques façonnées  par la réglementation des apparences. Le colossal Frédéric Dorkel, la puissante berline volée, le grand chien blanc qui peut-être est envoyé des cieux sont des figures de cette surprésence qui fraie en force d’autres proximités au monde, ce monde d’autant plus réel que saturé d’imaginaire – imaginaire musical, sentimental, communautaire ou même surnaturel.


[1] Et encore, on ne parle pas ici de deux autres films eux aussi sortis ce même mercredi, une comédie et un polar, eux non plus ni parisiens ni bobos même si leur inscription dans une réalité sociale est plus codée : Je suis un No Man’s Land de Thierry Jousse et L’Avocat de Cédric Anger.

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La grande expédition à travers les images, de soi, de toi

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Dessine-toi de Gilles Porte sort en salle ce mercredi 26 janvier

On se souvient de l’immense entreprise initiée par Gilles Porte, dans le monde entier, à partir d’autoportraits dessinés par des enfants. De très petits enfants, entre 3 et 6 ans, que le cinéaste et chef opérateur est à nouveau parti visiter, doté cette fois d’une caméra, au Kenya, en Allemagne, en Birmanie, en Palestine, au Japon, en Mongolie, en Italie, aux Iles Fidji, chez les Inuits… Il s’agissait cette fois de les filmer, selon un dispositif très particulier : à travers une plaque de verre, sur fond neutre, tandis qu’ils tracent des traits avec un gros feutre noir, et que la caméra surélevée les regarde selon ce dénivelé qui sépare les adultes des petits.

Bon, des petits enfants, de l’exotisme, des dessins, un dispositif, on voit venir le mélange de chantage au mignon, au multiculturel et au geste artistique. Et alors on se trompe lourdement. Gilles Porte avait dix façons de rentabiliser de manière racoleuse l’immense matériel visuel accumulé durant ses voyages et ses rencontres avec quelque 4000 enfants. Au lieu de quoi il a choisi une proposition déroutante, audacieuse, et où il se joue bien autre chose que la rencontre avec de mignonnes frimousses united colors et des attendrissants dessins de gosse.

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Sous son apparente simplicité, Dessine-toi est en fait d’une complexité impossible à décrire sans l’affaiblir. Sans un mot de commentaire, dans un face à face troublant avec des enfants qui, seuls ou à deux, se coltinent la tâche de se représenter eux-mêmes, l’enchainement des plans suscite de multiples interrogations, qui concernent aussi bien notre propre regard et la manière dont il est construit par la réalisation, l’enjeu de la représentation de soi, ce qu’il y a de comparable et d’incomparable entre ce que dessinent des enfants que séparent des milliers de kilomètres et des océans de différences matérielles et culturelles. C’est qu’il s’en passe des choses, grâce à la façon dont filme Gilles Porte ! Cette frontalité obstinée du filmage ne nous laisse nul répit, nul échappatoire vers un confort de témoin amusé et condescendant. Tout cela est bien trop sérieux, trop profond.

Il se passe, donc, une myriade de choses sur les visages des enfants, dans les moments d’attente avant de dessiner ou pendant, chez ceux qui cherchent longtemps et ceux qui se lancent tout d’un coup, ceux qui ont déjà des idées en tête, ceux qui se laissent guider par leur main, ceux qui se circonscrivent à un trait et ceux qui n’en finissent plus de se figurer et transfigurer dans une jungle de lignes, une exubérance de graphes. Et encore, il s’en passe aussi des choses dans les dessins eux-mêmes, et dans notre manière de les regarder, d’y instaurer nos propres repères, nos références.

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Chaque plan d’un enfant en action (c’en est une, ô combien !) est riche d’un infini de réactions, qui ne peut se déployer que grâce à la durée, à la répétition/variation qui est au principe du film, la systématique du dispositif et la singularité de chaque cas conspirant pour stimuler nos émotions et nos pensées. Mais bien sûr le montage (avec Catherine Schwartz) ne se contente pas de coller des plans les uns derrière les autres, il organise des ensemble, suggère des proximités, des distances, des échos. Toujours sans rien expliciter. Moins nous en savons côté informations factuelles (on en aura au générique de fin, et plus si désiré), plus nous y réfléchissons, nous imaginons, nous nous rappelons aussi, même si c’est loin, notre enfance, celle d’autres enfants, les nôtres ou pas…

Sans un mot, donc, il est question de liberté et de modèles, il est question de joie et de peur, de rapport à soi-même et aux autres. Seulement 1h10 pour traverser tout cela, méditer tout cela, jouer avec tout cela ?

Mais ça n’est pas tout. Gilles Porte s’est livré à deux autres opérations, qui déploient et multiplient encore les dimensions que mobilisent le film. Les deux gestes sont passionnants, même si leurs résultats paraissent inégaux. Le premier est d’avoir confié certains dessins à une équipe de graphistes qui y ont ajouté de l’animation. C’est parfois rigolo, parfois très beau, souvent un peu vain, même si la manière de faire soudain bouger « bonshommes » et traits revendique une autre forme de liberté, une invitation à d’autres ouvertures, d’autres surprise.

Liberté, ouverture, surprise, c’est ce qu’offre sans réserve l’autre ajout, celui d’une musique carrément au-delà que tout ce qu’on aurait pu espérer. Louis Sclavis offre une des plus belles compositions de sa longue et féconde carrière, sa musique est comme une autre source de lumière pour mieux voir ce qu’on voit, explorer ce vers quoi le film nous incite à aller, et qui est si vaste et touffu.

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La comète de Marc’O

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C’est une troublante sensation qui nait en regardant ce DVD. Plaisir du film pour lui-même, impression de vivre une résurrection, celle d’une œuvre créée il y a près de 60 ans et presqu’aussitôt disparue, perception d’une place à la fois inconnue et nécessaire dans l’histoire du cinéma français, ou même des formes cinématographiques. Réalisé en 1954 par un jeune homme de 27 ans, Closed Vision, sous-titré 60 minutes dans la vie intérieure d’un homme, ressurgit aujourd’hui grâce à son édition vidéo tel une comète brûlante d’un feu allumé il y a si longtemps, ayant traversé de lointaines ténèbres, jamais éteinte.

A la fin des années 40, le tout jeune Marc-Gilbert Guillaumin, pas encore Marc’O, est au cœur des mouvements artistiques les plus radicaux. Il crée le journal Le Soulèvement de la jeunesse, et la revue Ion – dont le contenu a été très opportunément édité en volume fac-similé en 1999 (Jean-Paul Rocher Editeur). On peut y lire le premier texte publié par Guy Ernest Debord, Prolégomènes à tout cinéma futur, et les pamphlets du groupe lettriste emmené par Isidore Isou. Si la littérature est alors le « front principal » pour ces insurgés de l’art, le cinéma les mobilise grandement, et c’est encore Marc’O qui se retrouve producteur du Traité de bave et d’éternité, film de combat esthétique d’une fulgurante beauté réalisé par Isou (récemment édité en DVD chez RE :VOIR).

Image 7Le jeune homme décide de passer à son tour à la réalisation, avec ce projet singulier dont le résultat sera présenté à Cannes 1954 par deux prestigieux parrains, Luis Buñuel et Jean Cocteau. Le projet de Marc’O est de construire une transcription cinématographique de ce qui pourrait se former comme images mentales chez un personnage imaginaire, dont nous ne saurons rien d’autre que ces représentations. Nous saurons en revanche selon quel principe est conçu le film, un préambule en explicitant les idées, et les procédures de réalisation. Avant le surgissement par association libre de scènes oniriques, érotiques, grotesques ou angoissantes, cette mise à distance critique, ou même pédagogique, est l’un des aspects qui distingue Closed Vision du cinéma d’art des années 20 et 30, sous l’influence des surréalistes. Le film de Marc’0 apparaît ainsi comme une sorte de chainon manquant entre d’une part Le Chien andalou et Le Sang d’un poète, œuvres de ses parrains cannois, mais aussi  A propos de Nice de Jean Vigo ou La Coquille et le clergyman de Germaine Dulac, et d’autre part ce que feront, selon des approches différentes, Jean-Luc Godard, Alain Resnais et Chris Marker : l’interrogation des processus mentaux de représentation par le cinéma selon des approches à la fois poétiques et critiques. Déjà à l’époque, l’essai cosigné par Resnais et Marker, Les Statues meurent aussi, exact contemporain de Closed Vision, lui fait en partie écho.

Les conditions de naissance de ce film sont elles-mêmes une histoire incroyable, difficilement imaginable aujourd’hui : le milliardaire Howard Hughes, alors patron du studio RKO, avait dépêché en Europe des émissaires chargés de trouver de jeunes artistes de cinéma prometteurs. L’un d’entre eux croisa le chemin de Marc’0, et décida de financer cette réalisation du coup étrangement soignée, aux plans d’un noir et blanc très composé, et qui d’emblée exista en versions française et anglaise – ce bilinguisme étant incorporé avec élégance dans la construction « psychique » supposée organiser le film. Se voulant à la fois manifeste et œuvre inspirée par les idées que proclame ce manifeste (double statut qui pèse un peu sur l’œuvre), Closed Vision explore des voies qui seront, bien plus tard, celles que parcourra notamment le David Lynch d’Ereserhead, de Lost Highway ou de Inland Empire.

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Marc’O, lui, partira poursuivre ses expérimentations au théâtre, où il participera à la révolution des années 60 et permettra l’éclosion d’une génération de comédiens (Bulle Ogier, Jean-Pierre Kalfon, Michelle Moretti…), auxquels il offrira aussi un tremplin vers le cinéma, en réalisant en 1967 Les Idoles, une des plus précises et des plus toniques préfiguration d’un mois de Mai qui venait.

Le DVD Closed Vision est édité par Les périphériques vous parlent

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I wish I Knew, la mémoire et la douceur de Jia Zhang-ke

Le film accomplit contre l’Histoire officielle qui sépare les Chinois de leur mémoire un travail comparable à celui du «Chagrin et la pitié» contre les légendes sur l’Occupation en France.IWIK 1

Mon beau navire, ô ma mémoire. Pas sûr que Jia Zhang-ke connaisse Apollinaire, mais c’est opportunément à bord d’un bateau que commence l’immense voyage que propose son nouveau film, I Wish I Knew. Trajet au long cours, et au cœur d’un territoire non pas inconnu mais occulté, recouvert de multiples manteaux de mensonges, et de sang. Ce territoire, c’est l’histoire de la Chine moderne, cette histoire qui commence avec l’humiliation et le pillage de l’Empire du Milieu par les Occidentaux et se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Plus exactement, c’est l’histoire qu’en connaissent les Chinois eux-mêmes: histoire manipulée, tronquée, caviardée de mille manières par plusieurs pouvoirs successifs ou simultanés, tous abusifs – et bien entendu principalement par le régime au pouvoir depuis 1949.
ZT main
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Un point d’interrogation dans la neige

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Poupoupidou de Gerald Hustache-Mathieu sort le 12 janvier. Bonne nouvelle, d’autant plus qu’inattendue.

C’est un de ces clichés débiles dont il on ne peut pas plus se défaire que le capitaine Haddock de son sparadrap. Tous les films français se ressembleraient, ils seraient bavards, nombrilistes et germanopratins. Il suffit pourtant de prendre la liste des meilleurs films de l’an dernier (mais toutes, oui toutes les années précédentes donnerait le même résultat), pour exploser ce préjugé pénible. En quoi concerne-t-il Carlos, White Material, Des hommes et des dieux, Vénus noire, Tournée, Bas fonds, Film: socialisme, Nénette ou La Reine des pommes ? Pourtant, s’il est un domaine où les films français ont plus de mal à se trouver un ton et un style, c’est du côté du film de genre, et notamment de ce genre particulier qu’est le film noir. Très rares sont les réalisations récentes qui échappent et à l’enlisement dans les restes d’un héritage depuis longtemps capté par la télé (le polar-à-la-française, misère) et à l’imitation médiocre du film d’action hollywoodien. C’est pourquoi Poupoupipidou est une si heureuse nouvelle.

Sous ce titre qui affiche à la fois une désinvolture joueuse et son clin d’œil à Marilyn, s’avance en effet une réinvention du genre, à la fois contemporaine et bien inscrite dans son territoire, son double territoire, réel (une petite ville de province) et imaginaire (le fantasme américain).  Aux côtés du dépressif écrivain à succès (de polars, justement) David Rousseau, l’enquête est menée de la plus inventive manière en compagnie de la morte elle-même, réincarnation de miss Monroe dans le bourg le plus froid de France (Mouthe, Jura).

C’est bizarre et précis, imprévisible et drôle, hanté d’une étonnante petite musique. Quelque chose comme du Bashung, je veux dire des tempos anglo-saxons décalés par un sens poétique transgressif venu d’une longue histoire très française. Une histoire d’identité mutante, ce que raconte aussi le film, à propos de ses deux protagonistes, la beauté locale qui voulut être une star et le romancier qui veut échapper à ce qui a fait sa réussite. Et aussi bien sûr le réalisateur français qui s’attaque à un domaine saturé de mythologie US.

Poupoupidou 00213David Rousseau (Jean-Paul Rouve) face au portrait de Candice Lecoeur (Sophie Quinton).

Gerald Hustache-Mathieu multiplie les allusions et les citations empruntées à une vaste palette cinéphile, c’est pour mieux raconter une histoire triste et violente par touches joyeuses et rêveuses, rythmées de brusques embardées du récit, où la vraisemblance cède volontiers le pas à d’autres formes de justesse – logique ludique du système scénaristique revendiqué crânement, glissements ou surgissements des émotions, des phobies et des pulsions.

Le réalisateur reçoit pour cela plusieurs renforts bienvenus. D’abord ce paysage de neige et de silence, filmé comme un décor naturellement fantastique. Puis ses deux interprètes principaux, Sophie Quinton qui campe la Norma Jeane de sous-préfecture retrouvée morte dans le no man’s land inter-frontalier,  et qui a été l’actrice de tous les précédents films du réalisateurs, courts et long. Et le très inattendu Jean-Paul Rouve, ex-Robins des bois auquel on confesse n’avoir jusqu’à présent guère prêté attention au cinéma, ce n’était pourtant pas faute de l’avoir vu (une trentaine de rôles depuis dix ans). L’élégance fêlée qu’il offre à son personnage joue avec l’énergie désordonnée de sa partenaire qu’il ne rencontre jamais, pour donner au film un tonus étrange et cocasse, un stimulant déséquilibre.

Il faudrait ajouter, parmi les forces du film, la réussite des rôles secondaires, défi sine qua non du film de genre, et à bien des égards épreuve de vérité : c’est là, dans la capacité à danser avec les archétypes (impossible de s’en passer, danger maximum de s’y figer) que se joue beaucoup de la réussite d’un tel projet. Après un premier long métrage (Avril, en 2006) qui laissait un peu incertain, on se dit en se laissant glisser sur la luge de Poupoupidou que le film de genre offre à Hustache-Mathieu exactement ce qui manquait : un système de codes, à la fois pour s’en servir et pour les déjouer.

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Au fait, qui est François-Marie Banier?

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Il a occupé les unes des journaux et les couvertures des magazines en 2010. Parce qu’une vieille dame très riche lui avait donné de l’argent, beaucoup. Mais qu’a-t-il fait, lui, en 2010? Il a fait son métier, son métier d’artiste. Il a publié. Pas un livre mais dix. Ce garçon est un peu excessif. Il est surtout talentueux. Et quand retombe un peu le bruit et la fureur des émois de «l’affaire», reste l’amertume que nul n’ait semblé prêter attention au fait que cet homme-là, François-Marie Banier, est un grand artiste. Je ne dis pas qu’il est aussi un grand artiste, mais que c’est ça qui est, qui devrait rester le plus important.

Si les artistes commettent des délits, il n’y a aucune raison qu’ils n’aillent pas en prison comme tout le monde, ce n’est pas la question. La question est que, parce qu’artiste et alors qu’il n’était l’objet d’aucune condamnation, ni d’ailleurs à vrai dire d’aucune accusation criminelle, on se soit payé de si bon cœur ce saltimbanque, ce parasite. Riche sans être banquier, sans même passer à la télé, ça n’allait pas du tout. La gauche démago et la droite gestionnaire étaient bien d’accord.

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La toute petite musique de «la culture pour chacun»

L’objectif proclamé par Frédéric Mitterrand dans tous ses discours cache une absence d’ambition politique et une logique favorable au seul marché.

– Détail de l’installation de l’artiste Christian Boltanski, «Personnes», au Grand Palais, en janvier 2010. (REUTERS/Benoit Tessier)

Annoncé pour début février, le Forum national de la culture pour chacun organisé par le ministère de la Culture et de la Communication s’annonce comme le temps fort d’un projet politique mûri au cours de l’année qui s’achève. Utilisée avec éclat par Frédéric Mitterrand lors de ses vœux à la presse début 2010, la formule «la culture pour chacun» est devenue le slogan d’une vaste campagne qui ne cesse d’être annoncée.

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